Au printemps 2015, le BVB va s’offrir une remontée fantastique et deux finales pour terminer la saison : contre Brême pour une place en Europa League et contre Wolfsburg en finale de Pokal à Berlin. Deux finales en forme de matchs d’adieu pour Jürgen Klopp puisque celui-ci avait entretemps annoncé son départ pour la fin de la saison.
Après avoir touché le fond par une morne soirée de février contre Augsburg, le BVB va amorcer son redressement quatre jours plus tard par une victoire 3-0 à Freiburg. Le mot d’ordre décidé par Jürgen Klopp « Aufholdjadg » (course de rattrapage) était en marche. Une profession de foi, selon Neven Subotic : « Jürgen Klopp a toujours utilisé de tels leitmotivs. Ce n’étaient pas des notions creuses. Ils devaient servir d’ancre. Nous nous sommes orientés dessus. Nous en avons remplis nos vies. Il l’a fait admirablement. »
Le BVB enchaîne quatre victoires et remporte même le Derby 3-0 au Westfalenstadion dans une ambiance grandiose, Reus et Aubameyang s’amusent en superhéros et Jürgen Klopp a retrouvé le sourire : « C’est ça Dortmund : jeu, plaisir, suspense ». Sven Bender fut l’un des artisans de ce redressement : « De revenir d’un tel abîme et réussir un tel deuxième tour, ce n’est pas évident. Cela ne se peut qu’ensemble. L’entraîneur est sorti du gouffre, l’équipe est sortie du gouffre. Le club a magnifiquement agi et renforcé l’entraîneur et c’est devenu très rare dans le monde actuel du football. Lorsque survient un tel gouffre, dans la plupart des cas l’entraîneur est viré. »
Toutefois, l’équipe reste fragile. Malgré un match aller encourageant perdu 1-2 à Turin, « un résultat presque parfait » pour Klopp, le BVB est éliminé en huitième de finale de la Ligue des Champions par la Juventus après un but précoce de Tevez et un match retour complétement foiré (0-3).
La presse continue de s’interroger sur l’efficacité du système Klopp et sur le besoin de renouvellement du style de jeu. Deux défaites à domicile contre le Bayern Munich pour le 41ème anniversaire du Westfalenstadion et à Mönchengladbach enterrent l’espoir insensé d’une qualification pour la prochaine Ligue des Champions. Et Jürgen Klopp lui-même se pose des questions.
Peu après Pâques, il rencontre ses deux compères Susi Zorc et Aki Watzke dans les bureaux du club. « Nous éprouvions une certaine angoisse, se souvient Aki, et nous avions tous ressenti la même impression qu’il serait mieux si nous mettions un terme à notre relation. Mais Michael et moi ne pouvions pas l’exprimer. Et alors Jürgen a dit : « Allons au but, nous pensons tous la même chose. Je le dis maintenant haut et fort : j’arrête. » Nous en avions déjà parlé ensemble que cela arrivait à la fin. Il n’y avait pas d’usure au sens classique du terme mais sept ans c’est tout simplement très long. Nous avions déjà eu ce sentiment auparavant. Mais aucun ne voulait vraiment le laisser paraître. Lorsque nous l’avons décidé ensemble, nous avions vraiment un incroyable sentiment de gâchis. »
Peter Krawietz, le fidèle assistant comprend la décision : « Klopp aurait-il pu continuer à Dortmund ? Oui. Mais à la fin, la décision est tombée. Non, C’est bien quand les chemins se séparent au bon moment. Si Klopp avait voulu continuer au BVB, nous aurions dû prendre des décisions radicales concernant l’équipe. Il y a toujours deux possibilités de progresser ou de trouver une nouvelle motivation. Soit l’entraîneur s’en va, soit on change l’équipe. Ou du moins son ossature. C’était des deux côtés la bonne décision. Pour nous et pour le club. »
Forcément, la nouvelle provoque une onde de choc dans le peuple jaune et noir, beaucoup de surprise, de larmes et de tristesse. Les joueurs aussi sont choqués : « Sur mon portable est apparue l’annonce « Klopp quitte le BVB », raconte Subotic. On ne pouvait absolument pas s’imaginer que quelqu’un d’autre vienne et occupe son poste comme il l’occupait. Au début, nous n’arrivions pas à réaliser qu’il partait. Il avait dans les dernières années ramené le club vers les sommets avec sa philosophie, sa stratégie. Et maintenant, il partait. C’était vraiment terrible. Ce fut un choc pour tout Dortmund. Même pour les gens qui n’étaient pas fans. »
Le 15 avril 2015, la conférence de presse annonçant le retrait de Jürgen Klopp pour la fin de la saison est terrible, les larmes coulent. Hans-Joachim Watzke annonce. « Ces discussions furent pour nous très difficiles parce que nous avions établis ensemble une relation qui était empreinte d’amitié et de confiance. Jürgen, tu peux être sûr que tu jouiras de la reconnaissance éternelle de tous les Borussen. » Kloppo explique son départ au motif « qu’il n’était plus certain d’être l’entraîneur parfait pour ce club exceptionnel et qu’il avait été dans l’obligation d’informer la direction du club sur ses doutes. C’est pourquoi une tête devait s’en aller et dans ce cas la mienne. »
Mais avant le départ, il restait une saison à terminer ensemble avec encore une place en Europa League à aller chercher et une réelle opportunité d’aller en finale de DFB-Pokal. « Nous n’avons d’abord pas voulu croire à son départ, explique Subotic. Nous voulions ensuite lui préparer un beau départ, parce que chacun le respectait. C’était pour nous logique d’encore une fois tout donner. Tous étaient reconnaissants du fond du cœur pour les années qu’il nous avait fait passer avec lui. Il a clairement rendu meilleurs peut-être pas tous mais presque tous les joueurs. Redresser le club. Et cela nous voulions le lui rendre. »
Et pour ce faire, le BVB va s’offrir deux finales pour les deux derniers matchs officiels de Jürgen Klopp à la tête des Schwarzgelben. La première en championnat contre le Werder Brême, devant toute la famille borusse, dans ce mythique Tempel der Glückseligkeit qui a tant vibré aux exploits des Bubis puis des Pöhler de Jürgen Klopp. Le BVB a besoin d’une victoire pour s’assurer une place en Europa League, c’est bien sûr décevant en regard des objectifs d’avant-saison mais ce serait déjà une grande victoire pour un club encore dernier du classement après 19 journées.
Et puis il y a la Pokal. Le BVB s’impose en quart de finale au Westfalenstadion 3-2 après prolongations contre Hoffenheim sur un but d’anthologie de Sebastian Kehl, l’un des fidèles des sept années Kloppo, celui qui fut longtemps son capitaine et son premier relais sur le terrain. La demi-finale a lieu sur la pelouse du Bayern Munich de Josep Guardiola. Longtemps dominé et mené au score, le BVB trouve les ressources d’égaliser dans les dernières minutes et d’emmener le Rekordmeiser dans une séance de tirs au but mémorable, Lahm et Alonso glissent, Kehl et Gündogan marquent, le traître Götze voit sa frappe détournée par Langerak le sempiternel bourreau du Bayern. Neuer retarde l’échéance en arrêtant l’essai d’Hummels mais valide la qualification dortmundoise en expédiant son pénalty sur la barre.
Une vidéo prise dans les vestiaires de l’Allianz Arena montre un Jürgen Klopp hilare, une bière à la main, en train de se déhancher sur du hip-hop. « Cette demi-finale à Munich lui a fait et nous a fait beaucoup de bien », se réjouit Ilkay Gündogan. Jürgen Klopp jouera donc son dernier match en schwarzgelb à l’Olympiastadion, là-même où il a obtenu ce qui reste probablement son plus grand triomphe, cette victoire 5-2 en finale de la Pokal 2012.
Si tu as manqué le début:
1er décembre : Revolution 09
2 décembre : Une défaite salutaire
3 décembre: Un rendez-vous presque manqué
4 décembre: A la conquête des cœurs
5 décembre: Goldene Zukunft braucht Vergangenheit
6 décembre: Un employé comme les autres
7 décembre: L’apprentissage
8 décembre: Le premier Derby
9 décembre: La désillusion
10 décembre: Les ruelles sombres
11 décembre: L’irrésistible ascension
12 décembre: En route pour la gloire
13 décembre: La consécration
14 décembre: Des lendemains qui déchantent
15 décembre: Doublefeier
16 décembre: A la reconquête de l’Europe
17 décembre: La trahison
18 décembre: Wembley Calling
19 décembre: Le retour sur terre
20 décembre: Hold-up à l’Olympiastadion
21 décembre: La descente aux enfers
Adaptation libre de « Ich mag, wenn’s kracht » Jürgen Klopp. Die Biographie. De Raphael Honigstein, éd. Ullstein extra, 2017.
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