Le premier tour de la saison 2014-2015 va virer au cauchemar pour le BVB. Les défaites s’enchaînent et rien ni personne, pas même Jürgen Klopp, ne semble pouvoir inverser la spirale négative. Au soir d’une défaite pitoyable au Westfalenstadion contre Augsburg et une dernière place du classement, nous avons même tous craint la relégation en Zweite Liga…

A l’été 2014, la priorité des dirigeants du BVB, c’est de trouver un remplaçant à Robert Lewandowski, parti au Bayern Munich. « Il était clair qu’il allait partir, se souvient Nobby Dickel. Jürgen connaissait la décision sur les possibilités financières du club. Et que nous n’étions pas prêts à offrir un salaire de 15 millions d’euros à un joueur. J’ai espéré que Robert ne parte pas au Bayern. Mais tu ne pouvais pas le retenir plus longtemps ici ou alors il aurait fallu vendre l’hôtel de ville. »

Pour le remplacer, le BVB fait venir l’attaquant colombien Adrian Ramos, qui restait sur une très bonne saison au Hertha Berlin, et surtout l’Italien Ciro Immobile, meilleur buteur de la série A avec le Torino. Une erreur : l’Italien ne s’adaptera jamais au système de Jürgen Klopp ni à la vie dans le Ruhrpott. « Il n’a jamais pu se convertir à la complexité du système, se souvient le fidèle adjoint de Jürgen Klopp Peter Krawietz. Les automatismes rodés étaient rompus. » A l’époque, le BVB n’avait pas cru que Pierre-Emerick Aubameyang, utilisé jusque-là comme ailier, la place de centre-avant étant prise par Lewandowski, pouvait devenir le buteur recherché : « Ce fut notre première erreur capitale, reconnaît Hans-Joachim Watzke. Nous avions la certitude à l’été 2014 qu’Aubameyang n’était pas un numéro 9. Si nous n’avions pas eu cette conviction, nous ne nous serions pas offert le problème Immobile. Et, et. Tout aurait été plus simple. Et c’est pourquoi la saison 2014-2015 a été simplement pourrie. »

Pourtant, la saison avait bien commencé avec une victoire en Supercup contre le Bayern Munich (2-0), au terme d’un match maîtrisé de bout en bout, pas complètement dans le style Klopp mais qui laissait augurer d’un jeu plus mature, moins sauvage. Et, même sans marquer, Ciro Immobile avait séduit le peuple jaune et noir par sa combativité. Une illusion d’optique très rapidement dissipée : le BVB encaisse un but neuf secondes après le début du championnat et entame sa saison par une défaite 0-2 à domicile contre Leverkusen. Comme lors du titre en 2010-2011. Sauf que là, ce sera le début d’une lente descente aux enfers, encore amplifiée par les attentes accrues autour du club. « Nous avons connu un développement sportif plus rapide que ce qui était financièrement possible, analyse Peter Krawietz. Nous avons été chercher des jeunes joueurs pour presque pas d’argent. Ils ont tellement bien joué en Bundesliga et en Europe qu’ils sont vite entrés dans une autre galaxie financière. A tel point que c’était impossible pour le club de les retenir et il a fallu les vendre. Mais en même temps, il était clair qu’engager un remplaçant adéquat et de même qualité n’était pas dans les possibilités du club. Nous avons toujours tenté de maintenir le même niveau. Mais il n’était pas possible de s’améliorer. Dans le même temps, le Bayern s’est développé et a investi intelligemment. Et à Dortmund, les attentes étaient tellement montées qu’elles ne pouvaient plus être atteintes. »

Hans-Joachim Watzke a fait exactement la même analyse : « L’équipe que nous avions en 2012 et 2013 aurait encore pu franchir encore un palier si nous n’avions pas été dans le collimateur du Bayern. Nous avons vécu le mythe de Sisyphe. Nous devions chaque année remonter un rocher sur la montagne. On ne s’en plaint pas, nous devons vivre en tant que Borussia Dortmund. Mais j’aurai bien voulu avoir une situation aussi confortable que le Bayern. Malheureusement, nous ne pouvions pas nous développer financièrement dans un délai aussi court de manière à pouvoir conserver l’équipe. »

Autre problème, l’équipe souffre physiquement, la faute notamment à la présence de cinq champions du monde – Hummels, Durm, Weidenfeller, Großkreutz et Ginter, fraîchement débarqué de Freiburg –  sacrés quelques semaines plus tôt au Brésil : « Ils sont revenus après seulement trois semaines de vacances, ce qui était trop court, estime Krawietz. En même temps, ils avaient la volonté de revenir au jeu le plus vite possible, sans avoir la base physique pour cela. Cela a au final conduit à ce que nous n’ayons plus la même sécurité dans notre système, Nous commettions systématiquement les mêmes erreurs défensives. Nous étions incroyablement vulnérables sur les contres. Nous avons perdu beaucoup de matchs 0-1 ou 0-2 après avoir eu beaucoup de possession de balle. Nous étions contraints de réaliser en pleine saison le travail physique que nous aurions dû réaliser durant la préparation. Et nous avons constaté qu’il fallait changer certaines choses. Par exemple, passer davantage par les ailes. Nous devions alors entraîner les centres pendant deux ou trois semaines. Mais le temps nous manquait, nous devions nous contenter de séances vidéos. Mais nous ne pouvions plus nous appuyer sur le Gegenpressing que voulait l’entraîneur. »

Mats Hummels confirme son spleen post-Coupe du Monde : « Je suis rentré vidé de la Coupe du Monde et je n’ai pas pu jouer normalement durant tout le premier tour. C’était une situation très difficile d’être capitaine mais de ne pouvoir livrer mes performances et de devoir me battre avec moi-même. » Seule éclaircie : la Ligue des Champions, où le BVB termine en tête de son groupe devant Arsenal, Galatasaray et Anderlecht :

« Nous avons perdu les matchs de Bundesliga l’un après l’autre de la même manière. Ensuite, arrivaient de bons matchs en Ligue des Champions. Aha, ça va en Königsklasse, pas en Bundesliga, c’est donc un problème de motivation. Et nous nous enfoncions dans une spirale d’où ne sommes pas sortis de tout le premier tour », déplore encore Peter Krawietz. « Nous sommes tous devenus fous, se rappelle Nobby Dickel. Cela ne pouvait pas être vrai ! 74% de possession de balle, 15 tirs à 2, perdu 0-1. Semaine après semaine. Horrible. »

Et puis, la malédiction des blessures est venue se rappeler à une équipe déjà en crise. Ainsi, Marco Reus est écarté pour une longue durée après une blessure subie sur le terrain champêtre du modeste promu Paderborn où le BVB perd encore deux points après avoir mené 0-2. L’exaltation de Wembley, Bernabeu ou San Paolo paraissait tellement loin. Mats Hummels : « Nous avons longtemps eu le sentiment de bien jouer. Mais nous ne gagnions jamais. Et vers la fin du premier tour, il est devenu clair que nous ne pourrions plus atteindre la troisième place. Nous étions dans l’eau jusqu’au cou. » Après un match pathétique perdu à Brême lors de la dernière journée du premier tour, nous avons eu la même impression : un club en train de se noyer, au propre comme au figuré, vu la crue de la Weser qui sévissait ce jour-là à côté du stade. Le BVB boucle les matchs aller à la 17ème place du classement, ne devançant la lanterne rouge Freiburg qu’à la différence de but.

Forcément, Jürgen Klopp a très mal vécu cette descente aux enfers : « C’était particulièrement difficile pour quelqu’un d’aussi émotif que lui », témoigne Mats Hummels. Son compère Neven Subotic garde le même souvenir : « Cela lui a coûté beaucoup de forces. Quand on est le conducteur, on contrôle les choses. Mais lorsque l’on est soi-même convaincu, c’est difficile si le succès ne vient pas. Parfois, je demandais à quelqu’un ? Tu as vu Klopp ? Il paraît vraiment fatigué. Stressé. » Peter Krawietz a également souffert avec son entraîneur : « On a alors les pensées suivantes comme entraîneur : pourquoi est-ce ainsi maintenant ?  Est-ce notre faute ? Est-ce celle de l’équipe ? Comment nous en sortir ? Cette merde que nous avons vécue était bien plus que nous ne pouvions en supporter. C’est une phase que je ne souhaiterai pas à mon pire ennemi. C’était incroyablement épuisant. Incroyablement déprimant. Mais en même temps, l’entraîneur doit être le premier le matin suivant dans le vestiaire et dire « A partir de maintenant, ça va aller, les gars. Cela va repartir vers l’avant. Il suffit de deux, trois petites choses pour revenir dans le coup. » »

Sauf que les joueurs n’adhéraient plus forcément aussi bien au discours que par le passé. C’est le constat d’Aki Watzke : « Ce n’était plus l’euphorie, la passion et le dévouement complets. Les joueurs étaient devenus adultes. Et riches et célèbres. Ils ont peut-être un peu paradé, se sont engagés un peu moins. Et cela n’allait absolument pas avec Jürgen. » Peter Krawietz n’est pas totalement d’accord : « On ne devrait pas juger les joueurs et leur caractère et dire que nous avons prêché le Gegenpressing mais que nous ne pouvions ni ne voulions le mettre en place.  C’est plus complexe. Qu’on ne s’y méprenne pas : certainement, nous n’avons pas fait tout juste avec Jürgen et toute les décisions que nous avons prises ou que Jürgen a prises n’ont pas fonctionné. Mais ce n’est pas si facile. »

Mats Hummels confirme que la relation entre Jürgen Klopp et ses joueurs n’a pas été affectée par les résultats : « Quand il était fâché et dépassait les limites, il avait la capacité de s’en rendre compte et d’aller s’excuser auprès des joueurs concernés ou de l’équipe. On remarquait qu’il le pensait du fond du cœur. Il a ainsi gagné un immense respect de l’équipe. Il ne le disait pas seulement mais le pensait. Il savait si bien se mettre à la place des joueurs. » Jürgen Klopp découvre aussi l’ingratitude de la presse et de certains Modefans qui vont l’enfoncer quelques mois après l’avoir encensé. Et cela l’énervait beaucoup : « Cela veut dire quoi, notre système de jeu est dépassé ? Que toutes les équipes que nous avons battues les dernières années ne sont plus du même acabit ? Qu’ils ont dit : nous ne regardons plus Dortmund, comme cela nous nous laisserons surprendre ? Nous avons été analysés depuis des années, tous ont étudié chacun de nos matchs. Le problème n’est pas le problème mais la solution. »

Malgré la défaite à Brême, la fin du premier tour arrive comme un soulagement, se rappelle Peter Krawietz : « Nous savions tout que nous ne pouvions pas être plus mauvais. Nous avions alors six semaines de pause hivernale, la possibilité de nous régénérer et d’étudier certaines choses sans la pression de la compétition. Nous avons très attentivement analysé ce qui manquait dans nos matchs. Quelques phases que nous n’avions pas pu entraîner auparavant. Et c’était clair : avec un peu de récupération, la tête reposée, l’équipe peut à nouveau fonctionner. Et cela s’est concrétisé. »

Mais cela ne va pas se concrétiser tout de suite. Le deuxième tour débute par un match nul 0-0 à Leverkusen avec un BVB jouant la peur au ventre et paraissant sans autre ambition que de ne pas encaisser le but. Et le fond, nous l’avons touché le mercredi 4 février 2015. C’était une froide soirée de février contre Augsburg. Malgré les difficultés, le Westfalenstadion affiche complet, le dernier carré des fidèles, et aucun d’entre nous n’oubliera cette soirée avec une défaite 0-1, une performance pitoyable des Jungs, une équipe paraissant complètement résignée. Le match se termine sous les sifflets du Westfalenstadion. Mérités pour Mats Hummels : « Ce serait insolent pour un joueur d’être aigri si les fans sifflent quand on est tout en bas du classement après 19 journées. » Dortmund est dernier du classement et ce soir-là, en quittant le Westfalenstadion dépités, nous avons tous pensé que la relégation n’était plus complétement une vue de l’esprit. Hans-Joachim Watzke aussi : « Le moment le plus dur, ce fut la 19ème journée. C’est la première fois où j’ai eu un peu peur et j’ai craint. Nous avions l’impression d’être dans un mauvais film. » La presse évoque déjà l’hypothèse d’un remplacement de Jürgen Klopp par Ottmar Hitzfeld, qui avait fini son mandat avec l’équipe de Suisse quelques mois plus tôt, ou de Lucien Favre, lequel avait, quelques années plus tôt, sauvé l’autre Borussia, celui de Mönchengladbach, de la relégation. Mais Aki Watzke assure que l’éventualité de se séparer de Jürgen Klopp n’a jamais été envisagée par la direction : « Nous n’y avons jamais pensé une seule seconde. » L’avenir leur donnera raison…

Si tu as manqué le début:

Adventskalender: Jürgen Klopp

1er décembre : Revolution 09

2 décembre : Une défaite salutaire

3 décembre: Un rendez-vous presque manqué

4 décembre: A la conquête des cœurs

5 décembre: Goldene Zukunft braucht Vergangenheit

6 décembre: Un employé comme les autres

7 décembre: L’apprentissage

8 décembre: Le premier Derby

9 décembre: La désillusion

10 décembre: Les ruelles sombres

11 décembre: L’irrésistible ascension

12 décembre: En route pour la gloire

13 décembre: La consécration

14 décembre: Des lendemains qui déchantent

15 décembre: Doublefeier

16 décembre: A la reconquête de l’Europe

17 décembre: La trahison

18 décembre: Wembley Calling

19 décembre: Le retour sur terre

20 décembre: Hold-up à l’Olympiastadion

Adaptation libre de « Ich mag, wenn’s kracht » Jürgen Klopp. Die Biographie. De Raphael Honigstein, éd. Ullstein extra, 2017.

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