On ne s’attendait pas à monts et merveilles un lundi soir glacial de février contre Augsburg mais le résultat final est encore pire que ce que nous avions pu imaginer. Le boycott n’a pas franchement atteint l’objectif escompté, le BVB perd deux nouveaux points après un match très faible et nous avons failli mourir de froid. Certains soirs, être supporter, cela tient du sacerdoce.
C’était une triste première historique : un match de Bundesliga un lundi soir au Westfalenstadion. Je suis bien entendu totalement opposé à ces matchs du lundi soir. Il n’existe aucune justification sportive à cette aberration : deux jours pleins de récupération jusqu’au dimanche après un match d’Europa League le jeudi suffisent largement ; aucun club n’a jamais revendiqué de pouvoir disposer d’un jour de pause supplémentaire jusqu’au lundi. Le match du lundi répond donc uniquement à de vils impératifs commerciaux des diffuseurs TV, afin de pouvoir offrir des créneaux horaires supplémentaires à leurs clients avachis sur leur canapé, et de la ligue, afin d’augmenter le montant des droits TV. Et tant pis pour les fans qui doivent jongler avec leur agenda et autres occupations pour caser un match le lundi soir. Je me suis exprimé là-dessus sur la radio suisse mais ce n’est au final pas l’objet du débat : tout le monde est contre le match du lundi, c’est une absurdité ! La controverse porte sur les moyens de contestation contre cette ineptie et c’est là que les avis divergent.
De l’inutilité du boycott
J’ai toujours été opposé aux boycotts, je n’ai pas changé d’avis. Premièrement, on punit notre propre équipe en boudant le stade. Mais surtout, plus pragmatiquement, les boycotts ne marchent pas ! Cela fait des années que la Fanszene dortmundoise entame des actions de boycott pour défendre divers causes, avec toujours le même constat d’échec. Il y a eu par le passé des boycotts pour protester contre des prix de billets trop élevés, à Gelsenkirchen, à Hambourg, à Hoffenheim… A chaque fois, le bloc visiteurs était plein ou aux trois quarts pleins et le message est passé inaperçu. Même constat l’an passé avec le fiasco du boycott à Leipzig. C’est un fait : la majorité des fans partagent les causes défendues mais ne se reconnaît pas dans le boycott, il serait peut-être temps d’imaginer autre chose. C’est la même chose qu’en politique : l’abstention n’a jamais fait avancer les choses, le seul résultat qu’obtient l’abstentionniste, c’est de laisser les autres décider à sa place.
Un succès, vraiment ?
Le collectif Südtribüne, qui avait lancé le mouvement, présente le boycott de lundi comme un succès. Soit. Mais le fait est que nous étions quand même plus de 54’000 fans dans le stade. C’est vrai, il s’agit d’un record négatif. La capacité au Westfalenstadion est de 81’360 places mais il n’aurait pas fait le plein, même sans boycott, un lundi soir glacial de février contre Augsburg. C’est facile de se donner bonne conscience en boycottant un match que l’on n’avait pas envie de voir : trop froid, mauvais résultats, adversaire peu sexy, trop de travail… Et pourtant, malgré ces handicaps, malgré l’opposition unanime aux matchs du lundi, plus de deux tiers des fans ont quand même choisi de se rendre au stade. Dès lors, bien loin du succès revendiqué, j’y vois un profond désaveu contre l’action de boycott.
La bataille perdue des images
Mais surtout, la Südtribüne a perdu la bataille des images. Les diffuseurs TV méprisent les fans mais ils ont besoin d’eux pour améliorer la qualité du produit qu’ils vendent à leurs clients sur leur canapé. En France ou en Espagne, les contrats de droits TV prévoient des pénalités pour les clubs qui ne remplissent pas leur stade et il est demandé à ces clubs de concentrer les supporters en tribunes dans l’axe des caméras pour éviter la mauvaise impression d’un stade trop désert. Un vide béant au bas de la Südtribüne aurait donc indiqué un signal fort contre les matchs du lundi et diminué la valeur du produit télévisuelle, c’est raté. Les rangs étaient clairsemés dans le mur jaune, il y avait des sièges vides dans le reste du stade mais pas d’énorme trou, sauf dans l’angle Nordost, invisible à la télévision. Même les blocs 12 et 13, fief des groupes ultras, étaient convenablement garnis. Rayon ambiance, il a bien sûr manqué les chants ininterrompus des ultras mais ceux-ci sont relativement peu audibles en ce moment et les quelques chants lancés n’ont pas beaucoup moins claqué que lors des derniers matchs. L’impression que j’ai donc eue, vu des tribunes, c’est que, fondamentalement, le boycott n’a eu qu’un impact réduit voire négligeable sur le « spectacle » télévisuel. La Fanszene francfortoise, avec ses sifflets, ses vuvuzelas, ses balles de tennis, avait délivré un message beaucoup plus audible et visible le lundi précédent contre les Monntagsspiele que la nôtre. Un échec donc.
L’autogoal
C’est regrettable car, en choisissant systématiquement la mesure la plus radicale et la plus inefficace du boycott, le Fanszene se coupe du reste du public et affaiblit son combat. Les tenants d’une mercantilisation extrême de la Bundesliga, notamment les journaux Bild et Welt, dont le propriétaire, le groupe Axel Springer, convoite une partie des droits TV et souhaite donc une multiplication des créneaux horaires, présente souvent le combat des fans comme le fait d’une petite minorité passéiste et violente. En choisissant systématiquement le moyen de lutte le plus radical, le boycott, et en se coupant du reste des fans, qui partagent pourtant les mêmes objectifs, la Fanszene leur donne malheureusement partiellement raison. Lundi, le message aurait été autrement plus efficace en organisant une opération stade vide uniquement pendant les dix ou les vingt première minutes, à laquelle l’immense majorité des fans se seraient ralliés, surtout si les 20’000 boycotteurs, plutôt que de rester planqué au chaud dans leur salon, étaient venus défendre leur cause dans le froid en incitant tout le monde à rester dehors au coup d’envoi puis à gagner leur place après dix ou vingt minutes. De la sorte, nous aurions eu l’image forte d’un stade vide au coup d’envoi puis le contraste avec un stade plein et le message aurait été autrement plus fort. Malheureusement, les ultras ont choisi une autre voie et persistent dans leur logique jusqu’au boutiste. L’échec des prochains boycotts, à Leipzig et Salzburg, est déjà programmé avec un Gästeblock qui sera néanmoins rempli. Supercup, Augsburg, Leipzig, Salzburg, cela fait déjà quatre boycotts cette saison, plus deux interdictions de déplacement, Hanovre et Stuttgart, pour les groupes ultras, cela commence à faire beaucoup de matchs manqués pour des fans qui pourtant ne se privent pas de chanter « wir folgen dir, egal wohin es geht »… On se réjouit déjà des boycotts pour protester contre l’assaisonnement trop fade de la Currywurst ou le design pas assez esthétique des nouveaux maillots.
Les gestionnaires
Malheureusement, l’échec de la mobilisation en tribune n’a pas été compensé par la performance de nos Jungs. Une triste soirée du début à la fin et la vague de froid qui s’abattait sur l’Europe en ce début de semaine n’a rien arrangé, même si l’on est resté assez loin du record négatif de température du Jahrhundertspiel. Il va falloir s’y habituer mais, même à domicile contre le modeste Augsburg, notre équipe marque sur contre-attaque. En l’occurrence, un contre rondement mené par Reus, Götze et Schürrle qui permet à Marco d’ouvrir le score après un contre favorable sur un défenseur. 1-0, un peu plus de 15 minutes, j’ai eu le furtif espoir que le match nous fasse oublier la cadre un peu glauque. Mais c’était compter sans la nouvelle mentalité « gestionnaire » de notre équipe qui préfère se reposer sur son but d’avance plutôt que chercher à inscrire un deuxième but. Le match tombe dans la somnolence, le BVB ne tente plus rien et c’est même Ausgburg qui est proche d’égaliser sur un coup franc détourné par Bürki juste avant la mi-temps. Les rangs s’éclaircissent encore autour de moi puisque mes voisins Joanna et Alex, frigorifiés, décident de quitter le stade à la pause et force est de constater qu’ils n’ont pas manqué grand-chose.
Génération désabusée
La deuxième mi-temps se déroule sur le même rythme somnolent. A part un tir à côté de Schürrle, le BVB ne tente rien et Augsburg commence à s’enhardir. Le Westfalenstadion s’ennuie tellement qu’il tente même de lancer une ola, le truc de beaufs par excellence, qui fait le bonheur du Stade de France ou du Camp Nou mais qui est considéré comme une hérésie à Dortmund. C’était ironique bien sûr, dans le contexte désabusé de cette soirée… Contre Hambourg et Mönchengladbach, cette stratégie de gestionnaires, de fonctionnaires pour Michael Zorc, avait fonctionné, avec pas mal de réussite. Mais contre Augsburg, notre Borussia a été rattrapé par sa vieille faiblesse sur balles arrêtées. Sokratis oublie le marquage sur un coup-franc et Danso égalise en deux temps à quinze minutes du terme. A force de jouer avec le feu, soit de compter sur notre secteur le plus faible, la défense, pour tenir le match, plutôt que de miser sur notre force de frappe offensif, on finit par se brûler, même par une température de -10° ! Les dernières tentatives de reprendre l’avantage avec des frappe non-cadrées de Batshuayi (qui marque le pas après des débuts tonitruants) et Dahoud n’y changeront rien, le match se termine sur une pathétique simulation de Toprak pour bien couronner une soirée misérable.
C’est l’heure !
Ce nouveau match nul à domicile ne nous permet pas de profiter des faux-pas de Leverkusen, Leipzig et Francfort pour nous donner un peu d’air au classement. Nous restons deuxièmes mais, dans les prochaines semaines, nous allons affronter nos quatre poursuivants directs, Leipzig, Francfort, Schalke, Leverkusen, plus le Bayern, sans beaucoup de droit à l’erreur. Et c’est peut-être là que nous allons amèrement regretter les points perdus à domicile contre Wolfsburg, Freiburg, Augsburg… Au premier tour, sur les sept premiers matchs avec Peter Bosz, nous avions réussi 19 points, 21 buts marqués, 2 encaissés. Face aux sept mêmes adversaires, Peter Stöger, c’est 13 points, 10 buts marqués, 6 encaissés, c’est relativement inquiétant. A l’automne, la victoire à Augsburg avait constitué le chant du cygne pour Peter Bosz, sa dernière victoire en Bundesliga avant la longue descente aux enfers qui avait conduit à son départ. On espère que, maintenant que l’hiver touche à sa fin, le cygne borusse va redéployer ses ailes jaunes et noirs et retrouver un peu de panache et de joie de jouer. Mais il faudra élever singulièrement notre niveau de jeu et le temps nous est compté : le money time de la saison, cela commence dès samedi à Leipzig.
0 commentaire