C’était le 30 avril 2011, il y a neuf ans jour pour jour… Ils l’ont fait : en battant Nuremberg 2-0, le Borussia Dortmund a remporté le septième titre de champion d’Allemagne de son histoire, avec la plus jeune équipe jamais sacrée depuis la création de la Bundesliga. Le BVB, tel le Phénix, renaît définitivement de ses cendres 2238 jours après avoir échappé de justesse à la faillite et à la rétrogradation en Regionalliga.

Samedi 30 avril 2011, 17h18, l’arbitre Markus Schmidt donne le coup de sifflet final du match entre le Borussia Dortmund et le 1. FC Nürnberg, entérinant le septième titre national du grand club de la Ruhr. Mené 2-0 à Köln, le Bayer Leverkusen ne reviendra pas. Le peuple jaune et noir peut donner libre cours à sa joie, avec près d’une heure de célébrations et de communion entre joueurs et supporters devant le mythique mur jaune de la Südtribüne, l’âme du club. Un titre en forme de renaissance pour une Traditionsverein qui aurait pu purement et simplement être rayée de la carte si, un beau jour de mars 2005, dans un local glauque de l’aéroport de Düsseldorf, les actionnaires du principal créancier du BVB n’avaient pas accepté le plan d’assainissement d’un club alors endetté à hauteur de 135 millions d’euros.

J’ai déjà vécu pas mal de trucs sympas dans ma « carrière » d’amateur de foot, des grands derby, des finales de diverses Coupes ou Ligue des Champions, des matchs décisifs pour le titre à Milan, Manchester ou Barcelone, mais un titre au Westfalenstadion, ça surpasse largement tout ce que j’avais pu voir auparavant. Pour plagier un célèbre commentateur français, quand on a vu ça, on peut mourir. Ce n’est pas que l’on soit particulièrement pressés, loin s’en faut, mais je ne suis vraiment pas sûr de revivre un jour pareil délire collectif, dussé-je devenir centenaire.

Meister der Herzen

Ce titre consacre une saison exceptionnelle pour une équipe qui nous aura fait rêver du début à la fin du championnat. J’admets que je ne suis pas toujours très objectif en parlant du Borussia Dortmund mais je crois que le champion d’Allemagne 2010-2011 fait l’unanimité. Du Kaiser Franz Beckenbauer au président de la République Christian Wulff, en passant par la totalité des dirigeants, joueurs ou entraîneurs de Bundesliga, tous ont loué la formidable qualité de jeu, la joie de jouer ensemble et l’état d’esprit remarquable de cette équipe de gamins (n’en déplaise à Arsène Wenger, aligner des jeunes n’empêche pas de gagner des titres). Une équipe que la plupart des observateurs voyaient terminer entre les places 5 et 8 en début de saison… Et tout cela dans une ferveur populaire probablement sans équivalent et dans le respect du jeu et de l’adversaire, puisque le BVB est également largement en tête du classement du fair-play. N’en déplaise aux deux équipes de millionnaires pathétiques (Barcelone et Real Madrid) qui nous ont récemment montré le visage le plus hideux qui soit du football, il est possible de bien jouer et de gagner sans bafouer les règles élémentaires du fair-play. C’est pourquoi cette équipe de Dortmund a largement mérité son surnom de Meister der Herzen. Mais un Meister der Herzen avec le Schale, contrairement à un autre Meister der Herzen, situé quelques dizaines de kilomètres plus au nord dans la Ruhr, qui est lui toujours resté un Meister sans Schale.

Götze et Barrios les détonateurs

Avant la délivrance, il fallait encore battre Nuremberg et que, dans le même temps, Leverkusen ne gagne pas à Cologne. Le début de match n’est guère rassurant : d’une part parce que Nuremberg, excellent 6e du classement, n’a rien d’un faire-valoir et doit ramener quelque chose du Westfalenstadion pour continuer à rêver d’Europe, d’autre part parce que l’absence de Nuri Sahin à mi-terrain se fait cruellement ressentir et que les jeunes joueurs dortmundois paraissent extrêmement nerveux, malgré une ambiance déjà survoltée dans les gradins. Il n’y a donc pas grand-chose à signaler dans la première demi-heure, à part un tir de  Grosskreutz détourné par le gardien Schäfer. On passe même tout près de l’accident sur un cafouillage dans la défense locale mais Wolf frappe au-dessus.

Comme souvent dans ce 2e tour, la délivrance est venue de Mario Götze, du haut de ses 18 ans. Le jeune prodige du foot allemand envoie une frappe que le gardien Schäfer ne peut que repousser dans les pieds de Lucas Barrios, l’Aluminium-König. Ce n’est pas que l’Argentin soit devenu PDG d’Alusuisse-Lonza (qui d’ailleurs n’existe plus). Mais juste qu’en Allemagne, quand on tire sur un montant, on ne touche pas du bois mais de l’aluminium, et que Lucas Barrios a déjà frappé dix fois cette saison sur une latte ou un poteau. Mais cette fois, sa reprise fait mouche et libère une première fois le Westfalenstadion.

L’interminable attente

L’affaire sera définitivement pliée juste avant la mi-temps sur une longue ouverture de Mats Hummels mal appréciée par Javier Pinola qui permet à Robert Lewandowski de doubler la mise d’un lob subtil. Le Polonais avait été critiqué après la défaite à Mönchengladbach, on s’attendait à le voir remplaçant mais quand l’entraîneur Jürgen Klopp accorde sa confiance à un joueur, il ne la lui retire pas facilement. Cette obstination a parfois été critiquée, y compris par le soussigné d’ailleurs, elle porte aujourd’hui ses fruits. 2-0, le match était plié, la longue attente pouvait commencer car, si le BVB était virtuellement champion, un but de Leverkusen à Köln pouvait encore remettre la fête à plus tard. Ce que l’on ne voulait absolument pas imaginer, tant on avait envie de fêter dans ce stade si beau tout en jaune.

Alors que se déroulait sous nos yeux un match où il ne se passait plus rien, on était suspendus aux événements d’une rencontre se déroulant cent kilomètres plus loin. Condamnés à guetter la moindre réaction dans le public d’éventuels supporters mieux informés. Jusqu’à la délivrance, simultanément par un coup de fil d’un ami, une annonce au micro et une incrustation sur l’écran géant, Neverkusen avait été fidèle à sa réputation et avait encaissé le premier but à Köln, la voie était définitivement libre pour le BVB.

Meisterfeier

Comme à Dortmund, on ne fait rien comme ailleurs, après l’immense clameur qui a salué le but colonais, un (relatif) silence s’installe dans le stade, une partie des supporters boudant après l’annonce que le terrain ne pourrait être envahi au coup de sifflet final. On ne badine pas avec les traditions dans la Südtribüne ! Mais le très populaire speaker Nobby Dickel parviendra très rapidement à faire entendre raison aux fans et les chœurs repartiront de plus belle, encore amplifiés par l’annonce du 2-0 de Köln contre Vizekusen. Le septième titre de l’histoire du BVB était validé, une gigantesque fête pouvait commencer. Au stade tout d’abord, dans les Biergarten ensuite, puis au centre-ville.

La fête officielle étant programmée lors de la dernière journée contre Francfort, rien n’avait été organisé. C’est donc une joyeuse anarchie qui a spontanément mis l’Innenstadt sens dessus dessous, avec partout du jaune, des chants, et de la bière. Des centaines de torches sont craquées dans la nuit, alors que, deux jours plus tard, j’ai encore des courbatures pour avoir sautillé pendant des heures sur «Wer wird Deutscher Meister ? Borussia BVB». Il y avait plus de 100’000 fêtards selon la police et pas de chiffre selon les organisateurs puisque tout était improvisé, sans le moindre incident, sinon la combustion spontanée de quelques écharpes de Schalke 04. Et, dans deux semaines, on remet ça pour rendre un dernier hommage à cette équipe qui nous aura tellement fait vibrer, avec la remise du Meisterschale le samedi à l’issue du match contre Francfort et la Meisterfeier, officielle cette fois, le dimanche.

Borussia Dortmund – 1. FC Nürnberg 2-0 (2-0).

Signal Iduna Park, 80’720 spectateurs (guichets fermés).

Arbitre : M. Schmidt.

Buts : 32e Barrios (1-0), 43e Lewandowski (2-0).

Dortmund : Weidenfeller; Piszczek, Subotic, Hummels, Schmelzer; Bender, da Silva (83e Santana); Götze, Lewandowski (78e Blaszczykowski), Grosskreutz (90e Dede); Barrios. Entraîneur: Jürgen Klopp.

Nürnberg : Schäfer; Judt, Wollscheid, Wolf, Pinola (71e Plattenhardt); Cohen, Simons; Mak (46e Gündogan), Ekici, Eigler; Schieber (71e Hegeler). Entraîneur: Dieter Hecking.

Cartons jaunes: 28e Barrios, 28e Simons, 42e Judt.

Notes: Dortmund sans Kehl, Kagawa, Owomoyela, Kringe ni Sahin (blessés), Nürnberg privé de Bunjaku (convalescent), Frantz et Chandler (blessés).

Classement (32 matchs) : 1. BVB 72 2. Leverkusen 64 3. Bayern 59 4. Hanovre 57 5. Mainz 52 6. Nürnberg 47 7. Freiburg 44 8. Hambourg 43 9. Hoffenheim 40 10. Schalke 40 11. Kaiserslautern 40 12. Stuttgart 39 13. Brême 38 14. Köln 38 15. Wolfsburg 35 16. Francfort 34 17. Mönchengladbach 32 18. St. Pauli 29.

Catégories : Au StadeRetro

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