Alors que certains investissent des centaines de millions d’euros pour gagner la Ligue des Champions, en vain, le BVB a failli y parvenir sans investissement, presque uniquement avec des joueurs formés ou révélés au club. Il n’aura finalement manqué d’une minute, un peu de réussite et un arbitrage un peu plus correct pour faire triompher notre vision romantique du football dans la compétition la plus gangrenés par l’argent de l’histoire de notre sport.
L’histoire de Mario Götze s’est terminée, définitivement pensait-on alors car un retour paraissait inimaginable à l’époque après une telle trahison, par une sortie sur blessure dans les premières minutes de la 1/2 finale retour à Madrid. Cette défection n’a pas empêché le BVB de se qualifier somme toute assez facilement même si nos Jungs, faute d’avoir concrétisé leurs occasions et leur supériorité, se sont fait quelques frayeurs en encaissant deux buts dans les dernières minutes. Mais l’avance prise au match aller était suffisante et le BVB a donc validé sa qualification pour la finale de la Ligue des Champions, dans le stade le plus mythique du football : Wembley.
Ironie du sort, nous y retrouvons notre victime préférée des deux saisons précédentes, le Bayern Munich, que nous avons démonté cinq fois de suite entre 2010 et 2012. Mais le rapport de force s’est inversé en 2012-2013 puisque le Bayern a réalisé le doublé Meisterschale et Pokal et est resté invaincu contre le BVB lors des quatre duels entre les deux équipes, avec deux nuls en Bundesliga et deux victoires en Pokal et en Supercup à l’Allianz Arena. La machine bavaroise est impressionnante et fait figure de favorite. Si le match met aux prises deux clubs allemands et si le style de jeu des deux équipes est assez similaire puisque Jupp Heynckes s’est fortement inspiré du style Jürgen Klopp après la finale de Pokal 2012, ce sont en revanche deux visions diamétralement opposée du football qui s’affrontent : le romantisme ouvrier dortmundois contre l’aristocratie de l’argent munichoise.
Cette vision manichéenne et ce rôle d’outsider ne sont pas pour déplaire à Jürgen Klopp : « J’ai grandi avec des films comme Die Indianer von Cleveland (en français : Les Indians). Nous ne sommes pas la meilleure équipe du monde mais nous pouvons battre les meilleures. » Et notre entraîneur avait su trouver les mots pour motiver ses joueurs car le début de match est totalement à l’avantage du BVB ; seul un manque de réalisme et un exceptionnel Manuel Neuer dans les buts bavarois nous empêchent de mener au score. « Je me souviens encore que nous aurions pu mener 2-0 ou 3-0 après une demi-heure », regrette Ilkay Gündogan. « Le tempo que nous avons imposé en première mi-temps était si incroyablement élevé, estime Sven Bender, qu’il était presque impossible de le maintenir sur 90 minutes. » Si le jeu est dortmundois, le réalisme est bavarois et Mario Mandzukic ouvre le score. Ilkay Güngogan égalise sur pénalty et le Borussia paraît reprendre l’ascendant, surtout que le défenseur bavarois Dante aurait pu et dû être expulsé pour une faute sur Marco Reus qui avait le poids d’un deuxième avertissement. « L’arbitre Rizzoli a dit à nos joueurs après le match, qu’est-ce que vous vouliez, vous aviez déjà obtenu un pénalty ? » s’insurge Ilkay Gündogan. « Le Bayern était un peu supérieur, reconnaît Hans-Joachim Watzke. Mais la décision de l’arbitre était une erreur catastrophique. Vraisemblablement, 99 arbitres sur 100 auraient expulsé Dante. Comment le match aurait alors tourné, j’aurai bien voulu le voir. »
Si Klopp est resté très classe en conférence de presse « Nous devons reconnaître la victoire du Bayern. On ne doit jamais oublier que beaucoup d’équipes voulaient aller en finale et que le Bayern a démonté la moitié de l’Europe pour y parvenir. », il a tenu un tout autre discours au chef des arbitres de l’UEFA Pierluigi Colina : « On aurait sûrement pu décider différemment une ou deux choses » et à ses joueurs « vous avez qu’un autre jour et avec un autre arbitre, vous pouvez les battre ». Car au final, après une finale passionnante et de grande qualité, les individualités bavaroises ont fait la différence avec le but victorieux d’Arjen Robben à la dernière minute. Rageant car la deuxième victoire du BVB en Ligue des Champions après celle de 1997 paraissait plus que jamais notre portée.
Et pourtant, Jürgen Klopp a voulu relativiser cet échec : « Est-ce qu’un seul d’entre nous aurait pensé que nous allions si loin ? Aucun. Alles gut, Jungs. Passez une bonne soirée. » Et le chef de presse Josef Schneck confirme que, malgré la défaite, une grande fête a bien eu lieu au Musée d’Histoire Naturelle à Londres : « Personne n’aurait pu penser que nous avions perdu. En fait, nous pouvons toujours bien fêter. » Bien sûr, cette défaite nous laissera un goût d’inachevé, une aventure extraordinaire d’une équipe sortie de nulle part et qui a été tout proche, très proche, d’atteindre le sommet de l’Europe et qui a finalement raté la dernière marche de justesse. Mais le capitaine Sebastian Kehl, qui a sans doute caressé l’espoir de soulever la Coupe aux grandes oreilles, estime que cette dernière marche aurait peut-être été la marche de trop pour notre club.
Jürgen Klopp ne dit pas autre chose : « Personne n’aurait voulu voir un tel film, beaucoup trop invraisemblable. Cela aurait été trop incroyable de gagner la Ligue des Champions. Nous aurons vraisemblablement pété un plomb, cela aurait été tellement énorme – un tel film m’aurait beaucoup plu. Une histoire comme celle des Indians de Cleveland mais les Indians de Dortmund. Mais cela aurait été complétement fou. C’est pourquoi c’est aussi totalement ok ainsi et cela reste encore quelque chose de très spécial. Et nous avons encore une quantité de temps pour gagner encore plus de titres. » Malheureusement, sur ce point-là, Kloppo se trompait.
Si tu as manqué le début:
1er décembre : Revolution 09
2 décembre : Une défaite salutaire
3 décembre: Un rendez-vous presque manqué
4 décembre: A la conquête des cœurs
5 décembre: Goldene Zukunft braucht Vergangenheit
6 décembre: Un employé comme les autres
7 décembre: L’apprentissage
8 décembre: Le premier Derby
9 décembre: La désillusion
10 décembre: Les ruelles sombres
11 décembre: L’irrésistible ascension
12 décembre: En route pour la gloire
13 décembre: La consécration
14 décembre: Des lendemains qui déchantent
15 décembre: Doublefeier
16 décembre: A la reconquête de l’Europe
17 décembre: La trahison
Adaptation libre de « Ich mag, wenn’s kracht » Jürgen Klopp. Die Biographie. De Raphael Honigstein, éd. Ullstein extra, 2017.
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