Joueurs, entraîneur, fans : nous avions tous quelques vieux comptes à régler samedi avant le déplacement dans la triste Arena de Sinsheim. Sauf que, pendant près de 80 minutes de jeu d’une médiocrité affligeante, nous avons dû remiser nos rêves de revanches au placard. Avant que la réaction d’orgueil provoquée par la profonde injustice de l’expulsion d’Abdou Diallo ne sonne le réveil des troupes et nous permette de sauver un point.

C’est forcément avec un sentiment de revanche que nous avions entrepris ce déplacement de Sinsheim. Ce match maudit de mai dernier, lors de la dernière journée de Bundesliga, où notre équipe avait laissé sans combattre Hoppenheim filer vers la qualification en Königsklasse pour, sans gloire ni fierté, préserver notre propre qualification à la différence de buts devant Leverkusen, nous reste toujours en travers de la gorge. On attendait donc que notre équipe prouve que le BVB, c’est autre chose. Notre entraîneur aussi a quelques vieux comptes à régler avec l’arène aseptisée du Plastikklub : en 2009, Lucien Favre avait permis à son Hertha Berlin, à la surprise générale, de lutter pour le Meisterschale presque jusqu’au bout. Las, l’Alte Dame avait craqué sur les deux derniers matchs contre Schalke et Karlsruhe et manqué la qualification pour la Ligue des Champions. Dans la foulée, le manager Michael Preetz avait bradé les meilleurs éléments de l’effectif, notamment les attaquant vedettes Pantelic et Voronin, et le Suisse s’était retrouvé avec une équipe affaiblie et une dynamique inversée. Le Hertha avait réalisé un début de saison catastrophique et Lucien Favre avait été limogé après une défaite 5-1 sur la pelouse de Sinsheim, ce qui n’avait pas empêché les Berlinois d’être relégués en fin de saison. Pour lui aussi, ce stade ne laisse pas que des bons souvenirs.

Le satrape du Kraichgau

Ce n’est pas un scoop mais nos fans n’ont jamais accepté la construction purement artificielle et ce caprice de millionnaire que constitue le TSG Hoffenheim. Mais l’animosité est remontée d’un cran trois jours avant le match avec l’annonce d’interdictions de stade et de procédures pénales ouvertes contre 33 Borusse pour des chants hostiles au mécène des Kraichgauer, Dietmar Hopp, lors du sinistre match du 12 mai dernier évoqué ci-dessus. Déjà, la sanction est absurde et inique : c’est tout un bloc, compact, de plusieurs de milliers de fans qui avaient repris les chants, pourquoi cibler 33 malheureux ? On peut le déplorer ou trouver que cela fait partie du folklore mais les insultes font partie du football. Joueurs, entraîneurs, dirigeants, supporters, on a tous dû une fois ou l’autre subir des chants peu amènes de supporters adverses. Fort heureusement, les stades sont encore un espace de liberté et notamment de liberté d’expression, même si ce n’est pas toujours pour le meilleur. Personne n’en est jamais mort, personne n’est jamais allé pleurnicher vers la justice ou la fédération. Sauf Dietmar Hopp. Ce type débarque dans un monde où il n’est pas forcément le bienvenu et il n’a même pas l’humilité de se plier aux règles, il veut imposer les siennes. Typiquement l’égo surdimensionné d’un milliardaire qui croit que son pognon peut tout acheter. Même le silence des fans. S’il avait voulu un monde bien policé où tout le monde se pâme devant et acclame le généreux mécène, il n’avait qu’à ouvrir une galerie d’art ou sponsoriser un opéra.

Le calme avec la tempête

Mais commençons par le commencement : j’avais opté pour aller-retour express sur une journée. C’est toujours un peu incongru de partir aux aurores à 400 kilomètres du stade déjà attifé avec l’attirail complet du supporter. Le jour se lève sur les bords du lac de Bienne, mon domicile d’adoption du week-end, et je ne passe pas inaperçu avec maillot, écharpe et casquette du BVB dans un obscur train régional. Un voyageur un peu plus réveillé que les autres me demande incrédule : « Vous allez vraiment à Hoffenheim ? ». Je suis tout aussi isolé dans l’ICE entre Bâle et Mannheim : forcément je monte du sud au nord alors que la plupart des fans venus de Dortmund voyagent dans le sens inverse. Il faut attendre le train régional qui conduit de Mannheim en Kraichgau pour enfin débarquer dans une ambiance de football, avec wagons bondés, maillots, chants et bières. Nous arrivons dans le seul Biergarten de Sinsheim, l’Elfmeter, à l’ombre du Tupolev et du Concorde, pour y déguster la délicieuse Paprikawurst, l’un des rares trucs positifs dans ce bled perdu, avec quelques Rothaus. Malgré les tensions de la semaine autour des délires paranoïaques de Herr Hopp, l’ambiance est bon enfant, il faut dire que le Schwarzgelb est largement majoritaire. Il en va de même à l’entrée au stade où la fouille est beaucoup plus légère et cordiale qu’attendue. Le calme avant la tempête.

La provocation XXL

On s’y attendait après le communiqué plutôt musclé des groupes de la Südtribüne suite aux délires de Dietmar Hopp : la réaction a été vive en Gästeblock. A l’entrée des joueurs, un portait géant du mécène d’Hoppenheim souligné d’un « hasta la vista, Hopp », entre deux banderoles « Procèdures pénales et interdictions de stade pour des chants irrévérencieux, c’est quoi cette m…, fils de p… » est brandi puis, au retour de la mi-temps une banderole « Hopp fils de p… », à peine dissimulée par un bandeau rouge « censuré ». Le tout accompagné de slogans hostiles au satrape du Kraichgau. Le speaker, la voix tremblante d’indignation, nous demande d’arrêter tout de suite « il y a des enfants dans le stade ». Ce que ce type n’a pas compris, c’est que nous, on se bat pour que nos enfants puissent un jour connaître la Bundesliga telle qu’on l’a aimée, accessible à tous, avec des chants, de la ferveur, des émotions, de l’authenticité et non pas le machin commercial élitiste en mode Coupe de l’America pour milliardaires désœuvrés ou en mal de gloriole personnelle dont rêvent les Hoeness, Mateschitz, Hopp, Kind et autres fossoyeurs du foot allemand et de la Fankultur.

Bien sûr, le message des ultras manquaient de subtilité, j’aurai préféré quelque chose avec plus d’humour ou alors une revendication plus axée sur la défense de la liberté d’expression. Ils ont choisi la provocation, avec une référence à une banderole identique mais bien plus petite, affichée dans ce même stade de Sinsheim il y a une dizaine d’année qui avait valu une interdiction de stade aux deux fans qui la brandissaient. En choisissant une banderole bien provocante et donc théoriquement passible de sanction, les ultras ont sans doute voulu éprouver, en cette semaine de protestation de masse anti-DFB dans tous les stades d’Allemagne, le président de dite DFB, Reinhard Grindel, qui a assuré qu’il n’y aurait plus de sanctions collectives. Affaire à suivre mais gageons qu’on n’a pas fini d’entendre parler de ces banderoles déployées à Hoffenheim…

Toujours pas

Sur le terrain, Lucien Favre, sans doute guère convaincu par notre prestation à Brugge, malgré la victoire, a voulu innover. Son 4-3-3 s’est transformé en 4-2-3-1, avec un Dahoud plus reculé et presque à la même hauteur que Witsel, permettant à Kagawa de retrouver sa place en dix. Le schéma n’a pas fonctionné. Shinji n’a jamais vraiment trouvé sa place, Mo n’a pas amené la fluidité espérée, Witsel, plus tourné vers l’avant, n’apporte pas la même sécurité défensive que Delaney, Reus et Wolf ont joué arrêté presque tout le match, bref le BVB n’a presque rien montré à Sinsheim. Il n’y a guère que Pulisic qui a tenté d’amener un peu le danger ; il aurait même pu et dû bénéficier d’un pénalty en début de match lorsqu’il s’est fait accrocher à l’entrée de la surface. Mais à part ça, on a surtout vu Hoffenheim. On avait l’impression qu’à chaque récupération de balle, les Kraichgauer pouvaient se montrer dangereux alors que nous n’avons jamais trouvé de solution ni de faille. Bürki, le meilleur Borusse de ce début de saison, a réussi un miracle sur une reprise à bout portant et on a bien pensé que cela nous permettrait d’arriver à la pause sur un 0-0 très chanceux. Mais, peu avant la pause, un mauvais dégagement de Diallo permet à Joelinton de marquer en glissant. Dans ses hurlements hystériques, le speaker local croit bon d’ajouter que c’est  « völlig verdient », totalement mérité. Il n’avait pas forcément tort mais depuis quand un speaker est censé commenter le match ? Il va bientôt nous expliquer si un pénalty était justifié ou un but n’aurait pas dû être accordé ? Décidemment, l’intrus Hoffenheim cherche à imposer ses règles à ceux qui étaient là bien avant lui.

La VAR est tragique

Ce n’était déjà pas brillant en première mi-temps, ce fut encore pire à la reprise. Notre équipe est ballotée dans tous les sens et les actions s’enchaînent en direction de Roman Bürki. C’est finalement logiquement que Bicakcic inscrit le numéro deux en reprenant de la tête en centre de Kramaric. Mais, à la surprise générale, et à la nôtre en premier, l’arbitre annule le but. Je l’ai déjà écrit à maintes reprises, je suis totalement opposé à la VAR et le fiasco de son utilisation en Coupe du Monde n’a fait que conforter mon opinion. Mais, sur ce coup, je dois lui reconnaître une utilité : elle a coupé net les beuglements du speaker (celui-là, c’est pas un pote) en train d’annoncer sur un ton revanchard le but. En plus, Kramaric revenait vraiment d’une position de hors-jeu au moment d’adresser son centre. Si, en l’occurrence, la VAR a été utile, on se demande en revanche pourquoi elle a été impuissante à voir le pénalty sur Pulisic et, plus tard, à corriger l’expulsion inique de Diallo ? Il faudra m’expliquer.

Une injustice salvatrice

Mais, malgré ce sursis inespéré et les trois changements opérés par Lucien Favre avec les entrées de Sancho, Delaney et Philipp, le BVB est toujours aussi inoffensif. Il faut attendre plus d’une heure de jeu pour voir un tir borusse, non cadré, de Kagawa. Et on pensait nos maigres chances de salut anéanties lorsque l’arbitre a expulsé Abdou Diallo à douze minutes de la fin. Même depuis notre place en Gästeblock, à moitié masqués par les drapeaux et à l’autre extrémité du terrain, on a vu que cette expulsion n’avait pas lieu d’être : un duel entre le défenseur et l’attaquant, les deux s’aident un peu des bras, notre Français est le premier sur la balle et la prolonge de la tête. Mais l’arbitre trouve le moyen d’inventer une faute de dernier recours. No comment. Mais finalement, on doit le remercier : cette injustice va enfin provoquer la réaction d’orgueil de nos Jungs. Marcel Schmelzer parvient à enfin trouver Marco Reus dans la course, son centre est repris à bout portant par Christian Pulisic pour une égalisation à laquelle on ne croyait plus. A 10 contre 11, un vrai miracle ! Nous avons même caressé l’espoir d’un braquage en règle lorsque nos Jungs ont obtenu un coup franc le long de la ligne de touche à la dernière minute mais même les balles arrêtées n’ont pas fonctionné samedi à Sinsheim. Et nous avons frôlé le pire dans les arrêts de jeu lorsque Belfodil a expédié au-dessus une balle qu’il aurait été plus facile de pousser dans le but vide. On espérait bien sûr une toutes autre prestation à Hoffenheim pour régler nos comptes dans ce stade pourri et son ambiance détestable avec ces clients qui tapent comme des demeurés sur leurs Klatschpappen (ces trucs devraient être interdits : ça mérite mille fois plus une interdiction de stade que quelques malheureuses insultes). Mais, vu le scénario du match, on peut s’estimer plus qu’heureux de récolter ce point en infériorité numérique après une prestation aussi pauvre. Et ainsi priver notre copain Dietmar Hopp de sa victoire.

Le paradoxe

Quand Lucien Favre a été engagé par le BVB en juin, son arrivée a été globalement bien accueillie. Avec ses compétences tactiques et son expérience, ses exigences, son goût pour le jeu, il paraissait l’homme de la situation pour redonner un style de jeu au Borussia. En revanche, il y avait doute sur sa capacité un redonner un mental de guerriers à nos Jungs. Or, paradoxalement, c’est l’inverse qui se produit : notre équipe est bien plus forte mentalement que l’an passé, elle fait preuve de bien davantage de caractère, de fierté et de rage de vaincre que la saison dernière, elle a déjà montré plusieurs fois qu’elle pouvait surmonter des éléments contraires. En revanche, au niveau du jeu, nous sommes encore très loin du compte et nous n’avons pas vraiment observé de progression notoire depuis le premier match contre Leipzig. Reste que, jusque-là, nous sommes largement en avance sur notre tableau de marche de la saison dernière puisque nous avons fait mieux contre tous les adversaires rencontrés : Leipzig à domicile (victoire 4-1, contre une défaite 2-3 en 2017-2018), Hanovre à l’extérieur (0-0 plutôt que 2-4), Francfort (3-1 contre 3-2) et donc Hoffenheim (1-1 au lieu de 1-3). Et nous avons débuté par une victoire 1-0 en Ligue des Champions à Brugge au lieu d’une défaite 1-3 à Wembley contre Tottenham il y a 12 mois. Mais on ne tiendra pas toute la saison en allant chercher nos points à l’arraché comme cela : il est désormais temps de commencer à trouver des solutions dans le jeu et si possible dès le match de ce soir contre Nürnberg !

Catégories : Au Stade

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