La victoire contre Francfort a démontré que le BVB n’avait pas résolu tous ses problèmes, loin s’en faut. Mais nos Jungs ont au moins fait preuve de caractère, d’orgueil, d’agressivité, de fierté et de rage de vaincre, qualités qui nous si souvent fait défaut cette saison et particulièrement trois jours auparavant contre le FC Salzburg.

Je me répète mais, à Dortmund, nos joueurs ont le droit de perdre un match, cela fait partie du football. En revanche, ce que nos Jungs n’ont pas le droit de faire, c’est de perdre sans combattre. Porter le maillot schwartzgelb, c’est un honneur mais aussi une exigence : celle de tout donner pour tenter de remporter la victoire. Et, malheureusement, depuis trois saisons, on n’a pas toujours l’impression que c’est le cas. Et en particulier lors du match d’Europa League contre Salzburg. Nous nous plaisons à entretenir un discours binaire sur la différence entre Traditionsvereine et Werksclubs, avec la certitude que les premières nommés doivent avoir un supplément d’âme par rapport aux seconds. Or, lors du match d’Europa League de jeudi dernier, la réalité du terrain a révélé l’exact inverse : la combativité, la rage de vaincre, la motivation, la grinta étaient du côté du jouet artificiel de Red Bull alors que ce sont nos Jungs qui ont joué comme une bande de mercenaires blasés. Ou des fonctionnaires, pour reprendre la dialectique de Michael Zorc.

La honte !

Il y a un malentendu depuis le jour où Thomas Tuchel s’est mis dans la tête de rompre avec le Teamgeist si particulier d’un club du Ruhrpott pour essayer de mettre en place un jeu plus élaboré, plus léché, plus esthétique, ce qui ne correspondait aux attentes ni des fans ni des joueurs. Ce qui plaît à Barcelone ou Amsterdam n’est pas forcément transposable à Dortmund. Au final, une majorité de l’équipe a fait comprendre aux dirigeants qu’elle ne souhaitait pas continuer avec Tuchel et on a eu tendance à la soutenir, tant les retours que l’on avait aussi bien sur les méthodes que sur la personnalité un peu autiste de notre entraîneur étaient mauvais. Ensuite, est arrivé Peter Bosz. Un type super, une bonne ambiance de travail, de l’avis unanime. Sauf que, lorsque les défaites ont commencé à s’enchaîner, nos joueurs n’ont pas montré le moindre signe de révolte pour sauver leur entraîneur. Pire, même, ils n’ont pas laissé d’autres choix à la direction que de changer après le non-match honteux contre Brême. Le projet de jeu de notre entraîneur hollandais était soi-disant trop ambitieux, trop audacieux, trop exigeant… Alors, nous avons engagé Peter Stöger dont le système est beaucoup plus prudent mais nous nous retrouvons à nouveau avec une même parodie du football contre Salzburg. Il faudra quand même peut-être une fois que nos joueurs prennent leurs responsabilités…

Même (non) combat

Il y a eu d’autres mauvaises prestations mais Darmstadt en février 2017 avec Tuchel, Werder en décembre 2017 avec Bosz, Salzburg en mars 2018 avec Stöger sont les plus révélateurs : trois entraîneurs, trois personnalités, trois systèmes de jeu, trois compositions, trois contextes complètement différents mais à l’arrivée quasiment le même type de match, avec une équipe sans envie, sans ambition, sans enthousiasme… Aujourd’hui, les théories sur un éventuel changement d’entraîneur en fin de saison ou sur d’éventuels changements dans l’effectif sont sans intérêt ni pertinence : nous avons une saison à terminer avec cet entraîneur et cet effectif, seule la réalité du terrain et des tribunes doit nous préoccuper. Et il est complètement inutile de spéculer sur un éventuel futur entraîneur tant que l’on n’arrivera pas à comprendre pourquoi nos Jungs peuvent à ce point passer à côté de certains matchs. Et à y remédier.

L’alchimiste

Cela dit, il n’est pas interdit de jeter un œil sur ce que se fait ailleurs. Par exemple, sur le banc de notre adversaire du jour, l’Eintracht Francfort. Il y a deux ans, c’était une équipe moribonde qui paraissait promise à la relégation en Zweite Liga. Puis est arrivé Niko Kovac. Depuis son arrivée, l’Eintracht est parvenu à éviter la relégation puis, la saison suivante, à lutter pour une place européenne et à disputer une finale de Pokal que SGE aurait très bien pu gagner, on en sait quelque chose, nous n’avons pas oublié à quel point nous avions été malmené par la furia francfortoise en fin de 1ère mi-temps. Cette saison, Francfort est à nouveau en course pour une place en Coupe d’Europe et peut rêver d’une nouvelle finale de Pokal avec une 1/2 à jouer sur la pelouse de Schalke 04. Et pourtant, le club ne dispose pas de beaucoup de plus de moyens que lorsqu’il luttait contre la relégation au printemps 2016. C’est juste que Niko Kovac est parvenu à insuffler un nouvel esprit et à révéler des jeunes inconnus, à tel point que désormais l’absence du Fußballgott local, Alex Meier, passe presque inaperçue.
Certains ont parfois réduit le jeu de l’Eintracht à une opération commando mais cela dure depuis deux ans, toujours avec la même envie, le même enthousiasme, la même intensité, la même agressivité… L’engagement flirte parfois avec les limites mais je suis souvent un peu envieux en voyant l’état d’esprit qui anime cette équipe de Francfort. Et il ne me déplairait pas de voir un jour plus ou moins lointain l’homme qui est à la base de tout cela s’asseoir sur notre banc. En plus, Niko Kovac est un entraîneur qui n’hésite pas à s’engager pour la défense de la Fankultur, il est toujours extrêmement correct dans ses déclarations et son frère et adjoint Robert est un ancien Borusse… Je dis ça, je ne dis rien mais s’il y a un entraîneur en Allemagne actuellement qui paraît capable de redonner plus de vie et d’envie à notre équipe, c’est sans doute du côté de Francfort qu’il faut regarder.

La résilience

En débarquant au stade trois heures avant le coup d’envoi pour la Biergartenrunde et avant d’aller faire un don en faveur de l’Austria Salzburg, on constate avec plaisir que, malgré un temps un peu grisâtre, le printemps commence à poindre sur le Ruhrpott. Mine de rien, on a gagné 25° par rapport au match de Bundesliga précédent contre Ausgburg et les Biergarten, c’est quand même plus sympathique par 15° que par -10°… Néanmoins, nous sommes un peu inquiets car il est clair que, face au jeu agressif de l’Eintracht, si nos Jungs abordent le match avec aussi peu d’envie que face à Salzburg, nous courons à la catastrophe. Toutefois, l’annonce de la prolongation du contrat de Marco Reus a redonné espoir au peuple jaune et noir. Nous soupçonnons que le timing de l’annonce n’est pas innocent et que nos dirigeants ont peut-être un peu précipité la nouvelle pour calmer la colère qui grondait après le désastre en Europa League. Et puis la résilience du peuple du Westfalenstadion est telle que, même après un match raté, nous sommes à nouveau à 120% derrière nos Jungs le week-end suivant : 81’360 spectateurs, une grosse ambiance, tout est prêt pour un vrai match au sommet.

Die beide Marcos

Nous craignions l’agressivité de SGE : le décor va rapidement être planté avec une vilaine charge, heureusement sans gravité, de Marco Russ sur Marco Reus après moins de deux minutes de jeu. Mais la bonne surprise, c’est que notre équipe va être capable de répondre au défi physique imposé par les Francfortois. Aucun point de comparaison avec l’équipe de fonctionnaires sans âme vue trois jours plus tôt contre Salzburg. Ce BVB 2017-2018 est vraiment sur courant alternatif. Deux essais non-cadrés de Reus et Schürrle font passer les premiers frissons sur le Westfalenstadion. Et la récompense va tomber rapidement sur un centre de Christian Pulisic à la réception duquel se retrouvent les deux Marco, Reus et Russ. C’est finalement, le miraculé francfortois qui va pousser le ballon dans ses propres filets : nous connaissions die drei Alfredos, il y a désormais die beide Marcos et cela fait 1-0 pour le BVB.

Maudites balles arrêtées

Mais comme écrit ci-dessus, notre équipe fonctionne sur courant alternatif. Et on a l’impression que, depuis l’arrivée de Peter Stöger, dès que nous marquons un but, on appuie sur un interrupteur pour couper court à toute velléité offensive. Comme trop souvent, nos Jungs vont gérer cet avantage plutôt que continuer à pousser pour se mettre à l’abri. Francfort n’est pas très dangereux mais il y’a un premier avertissement sans frais lorsque Bürki doit sauver sur une talonnade de Boateng. Et, même lorsqu’ils ne parviennent à trouver des solutions dans le jeu, nos adversaires peuvent toujours compter sur notre antédiluvienne faiblesse sur balles arrêtées pour revenir. Un coup franc de de Guzman, un marquage laxiste de notre défense et le petit Jovic égalise de la tête, c’est à se demander si nos Jungs travaillent ce genre de phase à l’entraînement.

Comme d’habitude…

Fort heureusement, nos Jungs vont cette fois faire preuve de fierté et d’orgueil plutôt que de se laisser abattre après un but encaissé, comme trop souvent. Et plutôt deux fois qu’une : Michy Batshuayi, relégué cette fois sans un rôle de joker, nous redonne l’avantage instantanément après un double relais avec Pulisic, lequel a réussi dimanche son meilleur match depuis l’arrivée de Peter Stöger. On pensait que cela suffirait et nous commencions à célébrer la victoire. Mais c’était compter sans notre proverbiale faiblesse défensive. Les arrêts de jeu vivaient leur première minute lorsque Blum égalise une nouvelle fois au milieu d’une défense figée. C’est une constante avec Stöger : on ne peut jamais s’offrir une fin de match tranquille à savourer une victoire assurée, il faut toujours trembler jusqu’au bout et il y a forcément des jours où l’accident se produit.

Wahnsinn

Mais cette fois, nos Jungs vont faire preuve de cœur, de rage, d’envie pour aller arracher la victoire au bout du bout des arrêts de jeu. Pour une fois, nous gagnons un deuxième ballon à 20 mètres du but adverse après un renvoi de la défense et Lukasz Piszczek remise pour Michy Batshuayi. Le Belge enchaîne avec un vrai geste de centre avant pour se mettre en position et faire exploser le Westfalenstadion en concluant d’une frappe surpuissante. C’est bien sûr l’hystérie dans le stade. C’est d’abord pour vivre ce genre de moments, partages ces émotions avec 80’000 fans que nous sommes supporters de football. Néanmoins, malgré la joie de la victoire, on reste lucide et nous sommes conscients que nous n’avons toujours pas trouvé de match de référence sous Peter Stöger. Les émotions ne seraient peut-être pas aussi fortes mais nous serions très heureux de pouvoir de temps à autres vivre une victoire tranquille après un match maîtrisé de bout en bout. Mais la bonne nouvelle, c’est que notre équipe vit encore et qu’elle encore capable de jouer avec de la rage, de la fierté, de l’envie, des émotions. L’étape suivante, ce sera d’être capable de montrer un tel état d’esprit sur des matchs entiers, semaine après semaine, et pas seulement sur des bouts des matchs ici ou là. La réussite de notre fin de saison en dépend.

Catégories : Au Stade

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