Pouvait-on imaginer pire manière de terminer une saison déjà pas trop folichonne ? Si Roman Weidenfeller n’était pas venu nous faire un petit bonjour en Gästeblock, la dernière image que nous aurions gardé de cette saison 2017-2018, cela aurait été celle d’une équipe d’épiciers sans âme, sans fierté, sans orgueil, sans volonté en train de jouer à la baballe pour préserver une défaite 3-1 qui offrait victoire, podium et Ligue des Champions au détesté Hoffenheim, tout en spéculant sur le résultat de Leverkusen. Honteux jusqu’au bout.

A l’occasion de ce déplacement à Sinsheim, je célébrais mon deuxième Grand Chelem en Bundesliga avec le BVB : 34 matchs joués, 34 matchs vécus au stade. Et au total, 134 matchs du BVB au stade sur 136 lors des quatre dernières saisons de Bundesliga. Et tout cela pour quoi ? Tous ces kilomètres, cette passion, ce temps, cette énergie, cet argent pour finir par quoi ? Une équipe toute heureuse de ne perdre que 3-1 dans l’ambiance artificielle de l’Arena aseptisée de Sinsheim et qui faisait mollement tourner le ballon en défense, en espérant que Leverkusen n’allait pas inscrire les deux buts qui lui auraient permis de nous passer devant et de nous ravir, de façon mille fois méritée, une place en Ligue des Champions. Tu sais quoi ? J’adore mon BVB mais en voyant ce triste spectacle, cette mentalité tellement indigne de nos couleurs et de notre histoire, j’ai un moment souhaité que Vizekusen, pour lequel je n’ai pourtant guère de sympathie, marque ces deux buts et prive nos épiciers de Königsklasse. Le pire, c’est qu’avec un minimum de réalisme, la Werkself aurait pu y arriver à cette victoire 5-0 et ainsi punir nos joueurs pour leur suffisance et leur minimalisme. Finalement, les deux buts sont bien tombés à Leverkusen, mais pour Hanovre, qui a profité des risques maximums pris par les Rheinländer pour réduire le score en fin de match. Mais les fans de Neverkusen ont au moins pu quitter le stade avec la satisfaction d’avoir vu leur équipe tout donner et tout tenter pour réussir l’impossible exploit. On n’en dira pas autant de la nôtre… Pour une fois, j’ai presque (attention, j’ai bien écrit presque) envié mon amie, guère attirée par la cohue d’un Gästeblock surbondé et surchauffé, qui avait préféré prendre un peu de hauteur et d’air frais sur les hauteurs du Burg Steinsberg, qui surplombe le stade, plutôt que venir au match. Cela m’aurait au moins évité de subir cette mascarade.

 

Le flou habituel

Pourtant, en tribunes, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour encourager nos Jungs. Nous avions pris soin de nous hydrater avant le match, dans l’interminable trajet en S-Bahn depuis Karlsruhe puis dans les rares Biergarten mais un match à la bière infâme 0,0‰ c’est toujours une épreuve. Surtout qu’il faisait chaud. Très chaud. Très, très chaud. Et comme les contrôles étaient inexistants à l’entrée des places debout, nous étions beaucoup trop nombreux dans le secteur, serrés les uns contre les autres en plein soleil, par près de 30°, à chanter, à sautiller, à frapper dans les mains… Parfois, un match en Gästeblock, c’est une vraie épreuve sportive et tu en ressors complètement lessivé et trempé. Plus que certains de nos Jungs serai-je tenté d’ajouter si j’étais mauvaise langue.

Nos Jungs, parlons-en : on était curieux de voir comment Stöger allait pallier aux défections de Toprak et Sokratis. Il a finalement choisi d’aligner Schmelzer en défense centrale aux côtés d’Akanji, en tous les cas personnellement j’ai vu un 4-2-3-1 en début de match mais certains médias ont interprété notre alignement différemment. C’est dire le flou pas vraiment artistique qui règne autour de notre système de jeu. Thomas Tuchel nous avait habitué à jouer les apprentis sorciers et à modifier régulièrement son alignement, jusqu’à perdre ses propres joueurs. Ensuite, Peter Bosz a ramené une certaine continuité devenue rigidité puisqu’il n’est pas parvenu à adapter son système de jeu lorsque celui-ci a moins bien fonctionné qu’en début de saison. Avec Peter Stöger, nous sommes revenus au règne de l’instabilité permanente. Bref, la saison prochaine, notre nouvel entraîneur va devoir repartir d’une page blanche au niveau système de jeu et schéma tactique.

Exaspérant Bürki

Après le désastre contre Mainz, on était évidemment un peu inquiet de voir à quel Borussia nous aurions droit. Nous sommes vites rassurés : face à un Hoppenheim en pleine bourre, il y a du répondant côté schwarzgelb. Nos Jungs sont présents aux duels, c’est très intense des deux côtés mais clairement on a retrouvé le bon visage du BVB et la première mi-temps est très plaisante, un combat comme on les aime en Bundesliga. Les deux gardiens, Bürki d’un côté, Baumann de l’autre, se mettent en évidence avec chacun une superbe parade devant Kramaric et Guerreiro. Notre portier suisse sera beaucoup moins inspiré quelques minutes plus tard lorsque, pressé par Uth, il dégage directement sur Kramaric qui ne se fait pas prier pour ouvrir le score. Pourtant, Roman Bürki avait été conforté quelques jours plus tôt dans sa place de numéro 1 pour 2018-2019 par ses dirigeants, on espérait qu’il leur donne raison et, à la place, il nous gratifie de cette énorme bévue. C’est dommage, outre le fait que ce soit un type super, c’est un gardien bourré de qualités, il le prouvera quelques minutes après son erreur avec une superbe parade devant Szalai, mais il a des sautes de concentration qui nous coûtent beaucoup trop de buts cette saison. Ceci dit, et même si ce but est entièrement imputable à notre gardien qui n’aurait jamais dû prendre un tel risque et dégager long, on a constaté que lorsque Hoffenheim vient au pressing, c’est tout le bloc équipe qui monte au pressing et Bürki n’a aucune solution de relance courte. A l’inverse, quand le ballon est dans les pieds du gardien des Kraichgauer Baumann, seuls deux de nos Jungs viennent au pressing et leur portier a toujours au moins deux solutions de relance courte tranquilles. C’est quand même dramatique : ce pressing hyper agressif prôné aujourd’hui par Nagelsmann à Hoffenheim, c’est nous qui l’avons introduit et popularisé avec Jürgen Klopp. Mais désormais nous sommes complètement démunis dès lors qu’un adversaire pratique le jeu qui nous a valu tant de succès et de joies.

L’égalisation avant le néant

Le revers de ce pressing, c’est lorsque nous parvenons à la déjouer, cela ouvre des espaces derrière. Ce dont profite Andre Schürrle pour filer absolument seul au goal, il avait au moins trois solutions pour marquer, il choisit le tir dans le petit filet extérieur. Désespérant. C’est vraiment le même joueur qui brillait par sa spontanéité, sa puissance, la qualité de se frappe de balle à Mainz, Leverkusen ou avec la Mannschaft ? On sait que nos dirigeants n’aiment pas revendre un joueur à perte et ont longtemps espéré retrouver le Schürrle d’antan mais on commence sérieusement à douter qu’il puisse rebondir. Du moins chez nous. Néanmoins, malgré ce gros raté, le BVB va égaliser peu avant l’heure de jeu après une belle combinaison entre Raphaël Guerreiro et Marco Reus. Notre Borussia était alors en position de force : Hoffenheim devait marquer deux fois pour nous ravir la troisième place et assurer sa qualification en Ligue des Champions sans compter sur le résultat de Leverkusen, qui menait alors 3-0 contre Hanovre. Il aurait suffi de serrer le jeu, être présents au duel et attendre les espaces qui n’auraient pas manqué de se présenter. Nos Jungs ont fait tout l’inverse : ils se sont arrêtés de jouer, comme s’ils avaient atteint leur objectif avec ce but, comme si on avait tiré la prise et débranché le courant.

La honte

Notre dernière demi-heure fut carrément honteuse. Le néant. Logiquement, Szalai a rapidement redonné l’avantage aux Kraichgauer en profitant des espaces béants au milieu d’une défense figée. Il manquait encore un but à Hoppenheim pour nous ravir la troisième place mais tout dans l’attitude de nos joueurs, leur expression corporelle, leur absence au duel, indiquait que ce n’était qu’une question de temps. Et ce fut le cas, après un corner, Akanji de la main puis Bürki sauvent mais, à trois reprises, on a vu un bleu se jeter sur la balle comme un mort de faim alors que nos Jungs étaient complètement passifs, la troisième reprise fut la bonne et Kadebarek inscrit le 3-1 Il restait vingt minutes à jouer, Hoffenheim tenait sa troisième place et sa qualification pour la Königsklasse. Alors que nous en étions réduits à espérer que Leverkusen ne marque pas deux buts de plus. C’est en vain qu’on a attendu une réaction d’orgueil, de fierté, de panache des Jungs. Rien, nada, néant. Une honte. Face à un Hoffenheim tout content de sa qualification, ils se sont contentés de jouer à la baballe en espérant que le score n’évolue plus à Leverkusen. Ce fut le cas mais on a vraiment joué avec le feu avec cette attitude de poltrons minimalistes car la Werkself a vraiment été toute proche d’inscrire ces deux réussites qui nous auraient privés de Ligue des Champions. Et c’eût été mérité. Tu imagines notre énervement en Gästeblock en devant subir cette mascarade, les manifestations de joie des clients de la Rhein-Neckar Arena qui tapaient sur leurs bouts de cartons, les paillettes ridicules à la fin du match et l’envahissement du terrain. J’ai vu des centaines de matchs du BVB mais rarement, voire jamais, mon équipe m’a fait autant honte qu’en ce samedi estival en Kraichgau.

Le monde à l’envers

A Dortmund, dirigeants comme supporters se sont beaucoup engagés dans la défense de la clause 50+1 et le combat entre Werksclubs et Traditionsvereine. Ce n’est pas seulement un combat idéologique ; pendant longtemps cela se traduisait aussi sur le terrain : par le passé, dans les années de misère financière ou avec Jürgen Klopp, quand nous jouions contre Hoffenheim, Leverkusen ou Wolfsburg, il est souvent arrivé que notre adversaire soit meilleur que nous en termes de qualité de jeu, d’individualités, de moyens financiers. Mais, au final, nous les battions ou les devancions au classement. Parce que nous avions ce supplément d’âme, d’agressivité, de grinta d’une Traditionsverein, par rapport à un club artificiel fabriqué de toutes pièces. Aujourd’hui, cet avantage est mort. Et ce n’est pas une question d’investissements : notre banc à Sinsheim a coûté plus cher que la totalité de notre effectif champion d’Allemagne 2011 et 2012 et vice-champion d’Europe 2013. Notre grand problème, c’est la mentalité. Thomas Tuchel estimait que, pour grandir, le BVB ne devait plus gagner ses matchs sur la rage, l’agressivité, les émotions  mais grâce à sa qualité de jeu, sa circulation du ballon et sa tactique. Le problème, c’est qu’il s’est arrêté au milieu du gué : nos qualités de cœur et de combat ont disparu, mais il n’a pas réussi (ou eu le temps) de les remplacer par une qualité technique ou collective supérieure. Et ni Peter Bosz et encore moins Peter Stöger n’ont réussi à ranimer la flamme.

Hoffenheim reste un club artificiel, l’ambiance au stade est toute moisie et le Kraichgau avec ses ondulations verdoyantes, ses champs multicolores, ses forêts touffues et ses bourgades prospères ne sera jamais une terre de football. Mais, eux, avec Julian Nagelsmann ils ont trouvé un entraîneur qui a réussi à créer une vraie dynamique d’équipe, à donner à ses joueurs une ambition collective, en faisant abstraction du contexte un peu artificiel. Comme Marco Rose à Salzburg ou Ralph Hasenhüttl à Leipzig. Ils jouent même sur la répulsion et la détestation unanimes que suscitent ces clubs pour motiver leurs joueurs : « regardez, tout le monde nous critique, montrez-leur sur le terrain. » Tout le contraire de nos Jungs. Eux donnent l’impression de rester dans leur cocon doré de Phoenix-West ou de Dortmund-Süd, de ne pas savoir ce qu’est une Zeche, de n’avoir jamais entendu parler des Helden von 1966 et ne pas comprendre que jouer pour le BVB, cela a une signification particulière. Notamment que l’on n’a pas le droit d’être surclassé dans l’agressivité par un Werksclub. Jamais !!! Ce sera LE premier point à corriger pour la saison prochaine.

Danke und tschüss

On a bu (à défaut de vrai bière) le calice jusqu’à la lie lorsque Peter Stöger a fait entrer Roman Weidenfeller dans les arrêts de jeu. Notre Legende méritait une toute autre sortie que d’entrer deux minutes sans toucher la balle dans une parodie de match entre deux équipes qui ne jouaient plus, l’une à raison parce qu’elle tenait sa troisième place, l’autre parce qu’elle n’a ni honneur ni fierté. Franchement, Weidi avait encore suffisamment de qualités pour jouer d’entrée contre Mainz et connaître de tous autres adieux. Au Westfalenstadion. Stöger aurait pu s’abstenir de cette pantalonnade et utiliser son dernier changement pour tenter de réveiller un peu son équipe. Si l’on avait encore le moindre doute sur la poursuite de l’aventure de l’Autrichien à la tête du BVB, la manière pitoyable dont il a géré les adieux de Roman l’aura dissipé. Nous le remercions, il sortait d’un divorce douloureux à Köln et il a accepté la mission difficile de reprise une équipe en pleine crise. Il a atteint, sans panache certes, mais atteint tout de même, l’objectif minimal qui lui était fixé : la Ligue des Champions. Mais vraiment rien de plus. En Europa League ou en Pokal, il n’aura pas su donner l’impulsion nécessaire pour transcender ses joueurs et nous offrir un peu d’exaltation en fin de saison et en terme de jeu et de mentalité, son BVB sera resté pauvre. Bref, des adieux sans regrets.

Seulement Weidi

Après que nos joueurs eurent pris congé de nous sans applaudissements ni vivats, nous aurions été prêts à quitter le stade, déçus et fâchés. Heureusement, Roman Weidenfeller est venu nous dire un petit bonjour en Gästeblock, juste devant nous en train de lancer les chants. On est donc resté quelques minutes pour célébrer Weidi. Cela fait tellement plaisir de voir qu’il y a encore un joueur dans cette équipe pour qui porter le maillot du BVB signifie quelque chose. En seize ans sous le maillot schwarzgelb, il en aura connu des désillusions et des journées amères. Mais à chaque fois en en ressortant plus fort. C’est l’Histoire et le légende du Borussia : nous n’avons jamais été au club à l’histoire lisse et au succès linéaire, il y a toujours eu des hauts et des bas, à Sinsheim c’était du très bas, mais ce qui fait notre grandeurs c’est que nous avons TOUJOURS su nous relever. Et nous reviendrons, avec une équipe dont nous pourrons être fiers, si possible dès la saison prochaine.

Catégories : Au Stade

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