La légende du BVB a été forgée par les Dortmunder Jungs, des enfants du Ruhrpott qui ont inscrit le club sur la carte de l’Europe du football à force de courage et de volonté. Puis nous avons vibré aux exploits des Bubis puis des Pöhler de Jürgen Klopp, les garnements puis les footballeurs de rue dont l’impertinence et l’enthousiasme ont tout balayé sur leur passage ou presque. Aujourd’hui, on découvre les süβe Jungs : des gentils garçons bien sous tous rapports qui partagent les points avec chaque adversaire ou presque, ne tuent jamais les matchs lorsqu’ils en ont l’occasion et se montrent d’une naïveté désarmante dès qu’ils tombent sur un rival un peu retors et roublard.

S’il faut reconnaître un seul mérite (mais c’est bien le seul…) au projet commercial nauséabond de Red Bull, c’est d’avoir replacé cette magnifique ville de Leipzig sur la carte de la Bundesliga. Bien sûr, on aurait préféré que cet honneur revienne à un vrai club, le Chemie ou le Lokomotive, mais, à défaut, on en profite pour goûter aux charmes de la grande cité de Saxe. Histoire que la détestable aventure RB ne serve pas complètement à rien. Nous allons également faire quelques emplettes au Fanshop du Lokomotive, en guise de soutien, dès lors que le projet Red Bull ne laisse quasiment plus aucune perspective à court ou moyen terme au finaliste de la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe 1987 de renouer avec sa gloire passée.

On tombe également sur le somptueux hôtel de nos joueurs mais le froid glacial qui balaie la Saxe nous dissuade de les attendre pour les voir embarquer dans le car en direction du stade, on préfère aller se réfugier dans un bar de la bucolique Barfuβgaβchen.

Les pyromanes

Normalement, l’ambiance dans les stades allemands est plutôt du genre bon enfant. Il n’y a guère qu’à Gelsenkirchen où nous sommes accueillis par des insultes et des jets d’objets, cela fait partie du folklore et on serait presque déçus du contraire, mais sinon, à condition de ne pas donner dans la provocation débile, l’accueil est plutôt cordial. Mais pas à Leipzig manifestement. Dès mon arrivée aux abords du Zentralstadion, tout tranquille avec ma bière et mon maillot, je me fais véhémentement insulter par trois clients du RB aux allures bovines. Et, en faisant le tour du stade pour rejoindre le bloc visiteurs, j’aurai également droit à quelques réactions peu amènes. Puis à des vannes débiles dans le tram du retour, lorsque je me suis retrouvé un peu esseulé au milieu des Rattenbullen. Vannes qui se sont  instantanément calmée lorsque j’ai sorti ma boîte de schnuff, a priori ça suffit à se faire identifier comme « dur » qu’il vaut mieux ne pas trop chatouiller.

Mais on ne peut s’empêcher de penser que cet accueil hostile n’est pas sans rapport avec les manchettes incendiaires du Bild après le match BVB – Leipzig de la saison dernière « les supporters du BVB jettent de pierres sur des femmes et des enfants », par lequel le tabloïd berlinois avait largement amplifié et exagéré les incidents mineurs survenus avant le match. Des incidents que le quotidien avaient imputé à tous les fans du BVB alors même qu’il ne s’agissait que d’actes isolés d’imbéciles dont on ne sait même pas s’ils avaient des billets pour le match et s’ils étaient vraiment fans d’une équipe. A ce jour, malgré les nombreuses caméras de surveillance installée au Rote Erde où se sont produits les incidents, seules deux amendes légères ont été prononcé :, cela démontre bien à quel point les faits avaient été travestis par le Bild et tous ceux qui avaient relayé sa propagande de caniveau.

Le Bild est tout à fait en droit de défendre son projet d’une Bundesliga élitiste réservée aux bobos et aux touristes et se disputant entre clubs jouets d’entreprises ou de milliardaires. Mais qu’il le fasse avec des arguments – si tant est qu’il en ait – et non pas en tentant de discréditer, en inventant ou en exagérant des pseudos-violences, ceux qui défendent – avec des arguments forts, eux – une autre vision du football. C’est une attitude irresponsable de la part d’un grand quotidien national et cela ne fait qu’attiser les haines entre supporters et provoquer des risques de vengeance pour des faits qui ne se sont même pas produits – ou alors dans des proportions bien moindres que relatés.

Boycott, un échec de plus…

Après avoir échappé aux glaces de l’Elsterbecken, qui jouxte le stade, deux bonnes surprises m’attendent en arrivant au Zentralstadion : d’abord la sécurité à la réputation exécrable du RB a fait des progrès, le mec se contente d’un gag avant de me laisser entrer sans la moindre fouille. Puis j’entends des chants puissants venus du Gästeblock. Malheureusement, cette embellie ne dure pas : manifestement certains qui boycottaient le boycott des ultras en se rendant au stade avaient décidé de boycotter les chants pendant le match – c’est compliqué la Fanszene dortmundoise en ce moment !

Au passage, on soulignera le nouvel échec du boycott prôné par les groupes de la Südtribüne : le Gästeblock était comble et, contrairement à l’an passé, les ultras n’avaient pas organisé d’événement alternatif, leur boycott est donc passé complètement inaperçu ; il aura juste privé notre équipe d’un soutien plus bruyant. Et l’histoire retiendra que ceux qui donnent des leçons de supportérisme à tout le monde seront restés sagement planqués au chaud lors des deux matchs les plus glaciaux de la saison… Et il ne fallait pas compter sur les clients de Red Bull pour mettre le feu : même leur Choreo est tellement raté que nous n’arrivons pas à discerner ce qu’il était censé représenter. Bref, ce n’était pas l’ambiance la plus folle que nous ayons vécue.

Le festival du hors-jeu

Et pourtant, le match était bon. La première période est sans aucun doute la meilleure mi-temps à laquelle il nous a été donné d’assister depuis l’arrivée de Peter Stöger : du rythme, de l’intensité, des occasions, de la qualité technique… Les gardiens Bürki et Gulasci se mettent d’emblée en évidence avec chacun une magnifique parade devant Werner et Batshuayi. Puis commence le festival du hors-jeu : le BVB se voit annuler deux buts de Reus et Batshuayi pour une position illicite, presque trois si l’on ajoute une action stoppée pour off-side alors que trois Borussen partaient au but. Si les décisions paraissent correctes, on peut regretter que nos Jungs n’aient pas pris un peu de marge dans leur démarquage, ils allaient bien plus vite que les défenseurs adverses. Notre équipe n’est clairement pas assez létale et tueuse devant le but ; c’est dommage, il aurait été intéressant d’ouvrir le score face un Leipzig en plein doute après les trois défaites consécutives contre Francfort, Naples et Köln. Fidèle à la doctrine d’éternelles pleureuses mise en place par le manager Ralf Rangnick, les Bullen auraient pris froid lors du match à Francfort pendant les interruptions causées par les fans de l’Eintracht pour protester contre les matchs du lundi… Pathétique.

Le festival Dahoud

Et quand on ne marque pas, on finit par encaisser, le refrain est connu. Une touche mal jouée, un duel perdu et Augustin s’en va marquer le 1-0. A Leipzig, c’est un peu comme à Munich : on n’entend guère les clients locaux sauf quand leur équipe marque ; alors les mecs sont en transe et les trois quarts du stade commencent sautiller. Heureusement, Marco Reus va rapidement calmer tout cela en étalant toute sa classe pour égaliser après une passe géniale de Mahmoud Dahoud. Notre nouveau renfort venu de Gladbach a enfin pu démontrer son talent sous le maillot schwarzgelb. Il a éclairé notre jeu par plusieurs passes splendides, clairement la bonne surprise de la soirée. Cela ne nous empêche pas de nous interroger sur sa complémentarité avec Julian Weigl dans le Doppelsechs. Dahoud a réussi ses meilleures performances avec les Fohlen avec à, ses côtés, un 6 costaud et physique, Xhaka ou Nortdveit, il a été plus en difficulté lors de sa dernière saison lorsque Kramer, engagé pour être son alter-ego défensif, s’est retrouvé blessé ou en quête de sa meilleure forme. Peter Stöger est arrivé à la même conclusion que nous, soit que Götze  ne peut pas jouer en Doppelsechs dans son système actuel, mais il n’a pas encore trouvé la formule idéale, dès lors que le talent de Dahoud ou Weigl ne peut pas complètement s’exprimer en l’absence d’un vrai demi défensif, qui fait cruellement défaut dans notre effectif.

Soyons plus malins !

D’ailleurs, Julian et Mahmoud finissent la première mi-temps avec un carton jaune chacun. Nos Jungs ont commis deux fautes en première mi-temps, on reçoit deux avertissements et on est proche d’encaisser un deuxième but en fin de période sur un coup franc inexistant. En face, les mercenaires Keita, Kampl et compagnie ont multiplié les accrochages et les fautes d’antijeu, impunément. Ce n’est pas nouveau : la simulation et l’antijeu constituent, avec le Gegenpressing et la verticalité, les clés du jeu de l’entraîneur Ralph Hasenhüttl mais nous devons être plus malins, plus méchants contre ce type d’équipe. Deux semaines auparavant, Francfort était nettement dominé en début de match par ce même Leipzig, il avait réagi par un engagement physique total, voire excessif, mais cela avait payé : le RB avait été déstabilisé et les Francfortois avaient retourné la situation. On ne demande pas à nos Jungs d’en arriver là mais on souhaiterait quand même qu’il puisse faire preuve d’un peu plus de répondant face à ce genre d’adversaires, pas uniquement de se plaindre et crier à l’injustice contre l’arbitre mais aussi montrer aux mecs d’en face que nous sommes capables de relever le défi physique. Un match de Bundesliga, cela restera toujours un combat.

Le recul

Le match va baisser d’intensité en deuxième mi-temps, surtout dans les 25 dernières minutes. Après la pause, le BVB ne s’est créé qu’une seule occasion d’empocher les trois points, mais quelle occasion : après un débordement somptueux de Dahoud sur la droite, Batshuayi rate sa reprise seul à trois mètre du but. Le Belge nous plaît toujours par sa combativité mais il n’a plus sa réussite devant le but de ses débuts en schwarzgelb et il semble parfois avoir un peu de peine à se trouver avec le trio Reus-Götze-Schürrle. Il s’est aussi retrouvé de plus en plus isolé à mesure que le match avançait. Car Stöger a choisi d’appliquer la même tactique que nos adversaires lors des dernières années de Jürgen Klopp à Dortmund : reculer pour empêcher à Leipzig de trouver les espaces et la vitesse qui font la force du jeu d’Hasenhüttl. Ce n’est pas idiot mais on ne comprend pas pourquoi notre entraîneur autrichien a tant tardé à faire des changements : avec un Doppelsechs sous la menace d’un deuxième avertissement, des joueurs offensifs entamés physiquement et une tactique plus défensive, cela devenait compliqué de marquer un deuxième but. C’est au contraire Leipzig qui pousse sur le fin, nous connaissons quelques frayeurs sur un tir finalement raté de Keita et un centre-tir de Bruma flirtant dangereusement avec le poteau de Bürki.

La divine surprise

Si bien qu’au final, même si nous avons quelques regrets sur les occasions de la première mi-temps, nous ne sommes pas malheureux avec ce point. En fait, on finit même le match un sourire aux lèvres mais pas grâce au football. La bière était interdite en bloc visiteurs : malgré les publicités pour la bière locale, la Ur-Krostitzer, sur les bars, ils n’y servaient que du Red Bull et de la Clausthaller alkoholfrei. Mais à treize minutes de la fin, miracle : un vendeur ambulant passe dans les gradins et propose de la vraie bière ! On croit d’abord à une arnaque mais, en voyant la mine réjouie de ceux qui ont tenté l’expérience, on se précipite pour en acquérir une. Qui plus est dans une choppe à l’effigie du fameux Fabio Coltorti, actuel troisième gardien du RB Leipzig mais ancien et éphémère gardien très contesté du club de ma ville, le Lausanne-Sport. L’ironie de la situation et surtout le plaisir de savourer une vraie Ur-Krostitzer auront suffi à nous faire oublier le froid et la fin de match un peu pénible de nos Jungs. Anecdote mise à part, on quitte le stade un peu plus rassurés qu’après le match contre Augsburg : comme on le pressentait, le jeu de Peter Stöger est sans doute plus adapté à jouer des grosses cylindrées que des adversaires de bas de classement contre lesquels nous devons faire le jeu. Et c’est plutôt une bonne nouvelle, car notre calendrier de fin de saison s’annonce plutôt gratiné.

Aux armes !

Avant de quitter Leipzig, au lendemain du match, nous terminons notre week-end par une visite au Völkerschlachtdenkmal, le mémorial dressé sur le site de la bataille des Nations à Leipzig-Probstheida où plus de 500’000 soldats s’affrontèrent en 1813, mettant un terme aux invasions napoléoniennes. Il s’agit d’un édifice colossal de 91 mètres de haut, empreint d’une certaine gravité, limite sinistre avec ces statues d’hommes graves et recueillis. Peut-être que Peter Stöger aurait dû y emmener nos Jungs y faire un tour, histoire de bien les préparer aux batailles prochaines qui s’annoncent : deux nouveaux combats contre un rejeton bâtard de Red Bull, celui de Salzburg, entrecoupé d’une lutte acharnée contre l’Eintracht Francfort, l’équipe la plus physique et la plus sanctionnée de Bundesliga. Si nous voulons nous en sortir indemnes, il faudra poursuivre sur la lancée du match de Leipzig mais en nous montrant un peu plus méchants, plus tueurs devant le but et plus agressifs.

Catégories : Au Stade

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