Devant son mur jaune, le Borussia Dortmund a t’il connu le tournant attendu pour se remettre sur la voie du succès ? Il est un peu tôt pour l’affirmer mais le dispositif en 3-4-3 mis en place depuis deux matchs par Lucien Favre est riche en promesses et peut constituer le déclic qui redonne confiance à nos Jungs. Le 5-0 réussi contre un Fortuna il est vrai bien faible n’est pas sans rappeler le 7-0 contre Nürnberg qui avait lancé notre folle série victorieuse l’automne dernier.
Je te parle souvent du Wand, du gelbe Wand, notre cher mur jaune dans mes articles. Mais aujourd’hui, c’est de Wende qu’il est question. Le Wende, c’est le tournant, ce moment charnière dans l’histoire d’un club ou la carrière d’un entraîneur qui lance une nouvelle dynamique, positive ou négative, et change le cours de l’histoire. On parle du Wende im Westen, le tournant à l’ouest, pour la victoire du BVB en finale du Westfalenmeisterschaft 1947 contre Schalke 04 qui mettait un terme à la domination des Blauen sur le football dans le Ruhrpott et installait la rivalité entre les deux clubs. Jürgen Klopp a lui aussi connu son Wende : c’était en octobre 2009 et Kloppo était très contesté. Les résultats étaient décevants, le BVB avait été sorti en Pokal par une troisième division à Osnabrück, naviguait en eaux troubles en championnat, et beaucoup réclamaient la tête de cet entraîneur peu connu venu de Mainz dont ils estimaient qu’il n’avait pas l’envergure pour diriger un club de la taille du BVB.
Sans doute les mêmes qui critiquent aujourd’hui Lucien Favre… S’il avait les idées très claires sur la manière dont il entendait faire jouer son BVB, avec beaucoup d’intensité, un jeu très vertical et un pressing agressif, Jürgen Klopp a essayé d’appliquer son jeu dans un système en 4-4-2. Mais cela ne fonctionnait pas très bien, ce n’était pas adapté aux joueurs à disposition. Cette obstination pour le 4-4-2 avait d’ailleurs conduit Klopp à sacrifier Mladen Petric à l’été 2008 puis le Derbyheld Alexander Frei une année plus tard, au grand dam des supporters. Il faudra finalement une avalanche de blessés à l’automne 2009 pour que Kloppo se résolve à changer son système et à passer au 4-2-3-1. Et immédiatement les résultats se sont nettement améliorés…
Le passage au 3-4-3 peut-il constituer le même déclic pour Lucien Favre ? Il est trop tôt pour l’affirmer. Le Suisse a déjà connu, à mon sens, deux tournants au BVB : le premier, c’est l’égalisation tardive à Hoffenheim en début de saison dernière après un match médiocre et un début de saison laborieux qui avait permis ensuite d’enchaîner avec un succès 7-0 contre Nürnberg et une série de victoires qui nous avait porté largement en tête de la Bundesliga. Le deuxième tournant, dans le mauvais sens celui-là, c’était toujours contre Hoffenheim mais au Westfalenstadion avec ce 3-3 concédé dans les dernières minutes, alors que notre entraîneur était cloué au lit par une grippe. Depuis cette fin de match funeste, notre équipe a perdu la légèreté, la spontanéité et l’insouciance qui nous avaient permis de survoler la Buli. A la place, nous avions découvert une équipe fébrile, comme écrasée par la pression et la perspective de perdre ce titre auquel nous avions tous cru en prenant neuf points d’avance sur le Bayern en décembre. On espère que ce passage au 3-4-3, d’abord tenté en deuxième mi-temps à Barcelone puis en première à Berlin et à nouveau contre Düsseldorf va constituer un nouveau tournant dans le parcours de Lucien Favre au BVB et remettre définitivement l’équipe sur le chemin du succès.
Eloge du 3-4-3
Ce 3-4-3 présente un certain nombre d’avantages. J’avais fondé beaucoup d’espoir sur une charnière centrale Hummels – Akanji plus stable et expérimentée que les changements incessants de la saison passée mais le résultat est très décevant jusque-là. Après avoir assumé plutôt bien le rôle de patron de la défense la saison dernière avec un partenaire qui changeait constamment – Diallo, Zagadou, Weigl, Toprak…-, le Suisse ne paraît pas vraiment avoir digéré le retour d’Hummels qui vient lui contester ce rôle de patron. Cette défense à trois peut amener une meilleure répartition des rôles, de même qu’elle a permis de relancer Dan-Axel Zagadou, excellent au premier tour la saison dernière mais écarté après son match catastrophique au printemps à Munich, et dont la présence au duel est si précieuse. Ce n’est pas forcément un hasard si Akanji a réussi ses deux meilleures performances de la saison depuis le passage au 3-4-3 (et aussi en l’absence d’Hummels….). Cette défense à trois donne aussi davantage de libertés offensives à Guerreiro et Hakimi sur les côtés, alors que, dans une défense à quatre, ils n’offrent pas forcément toutes les garanties sur le plan défensif.
Ce nouveau système a également l’avantage de pouvoir enfin associer Julian Brandt et Marco Reus, la combinaison que Lucien Favre cherchait en vain depuis le début de la saison. Dans un rôle plus reculé, le transfuge de Leverkusen dispose de plus de liberté et de place pour organiser le jeu et venir créer le surnombre que positionné directement au cœur d’une défense adverse renforcée. Enfin, l’attaque à trois permet de pallier à l’absence d’un 9 capable de constituer un point d’ancrage en pointe avec trois attaquants qui permutent plutôt qu’un centre-avant fixé au centre et deux ailiers cantonnés sur les côtés.
Collectivement, ce 3-4-3 nous permet d’exercer un pressing plus haut sur la défense adverse et de récupérer la balle plus près du but pour repartit plus rapidement vers l’avant. Bref, c’est prometteur même s’il reste un souci : la relative absence de filtrage à mi-terrain et cela risque d’être encore plus problématique cette fin d’année avec les absences de Delaney et Witsel, les deux joueurs les plus à même d’assurer le rôle de sentinelle dans l’axe du milieu aux côtés de Brandt. Mais si Lucien Favre parvient à solutionner le problème et à éviter que notre équipe ne soit trop vulnérable sur les récupérations adverses, alors ce système en 3-4-3 peut constituer une véritable solution pour l’avenir.
La tasse du scandale
Après la belle victoire de Berlin, l’ambiance était au beau fixe à Dortmund. Nous débutons par une petite visite au Weihnachtsmarkt pour un premier Glühwein au pied du sapin, avec ses curieuses tasses 2019 qui font scandale : notre stade est coloré en bleu, ce n’est pas du meilleur effet.
On enchaîne par une bière dans une célèbre brasserie de la ville, dans la même salle où il y a plus d’un siècle le Borussia Dortmund a été admis comme club reconnu par la fédération et autorisé à disputer des matchs officiels.
Puis c’est le départ pour le stade et l’apéro traditionnel sur notre parking préféré. La victoire à Berlin n’a pas complètement calmé les critiques sur notre entraîneur dans mon Fanclub, alors j’invite les sceptiques à venir célébrer le Meisterschale l’été prochain dans le village natal de Lucien Favre. Si Meisterschale il y a bien sûr… Et cela commence par une victoire contre le Fortuna Düsseldorf.
Bien sûr, après la catastrophe contre Paderborn, nous sommes un peu méfiants. Surtout que nous n’avons pas oublié que, la saison dernière, les Flingeraner nous avaient infligé, après quinze journées, notre première défaite en championnat et qu’ils nous avaient causé maints soucis au match retour. Mais ce Fortuna 2019-2020 paraît moins bien armé que celui qui avait créé la surprise l’année passée en assurant facilement son maintien, la preuve : en 2018-2019, Rouwen Hennings n’avait eu droit qu’à deux minutes de jeu contre le BVB , c’est désormais le leader de l’attaque düsseldorfoise, c’est dire si l’équipe s’est affaiblie dans l’intervalle.
L’ouverture
Il faudra toutefois quarante minutes pour percer la défense regroupée du Fortuna. Quarante minutes de domination totale du BVB mais avec un jeu qui ronronne un peu et finalement pas tellement d’occasions nettes que cela : un tir de Reus détourné par le gardien Steffen, une frappe à côté de Guerreiro et un centre d’Hakimi que ni notre capitaine ni notre Portugais ne parviennent à pousser au fond. C’est un peu lancinant mais, au moins, par rapport à Paderborn, nos Jungs ne laissent pas la moindre ouverture à l’adversaire. Leur seule « occasion », c’est un centre raté capté facilement par Bürki, c’est dire si Düsseldorf a été inoffensif. Restait à ouvrir le score et ce fut fait peu avant la pause. Cela part d’une belle inspiration de Julian Brandt, une remise subtile de Lukasz Piszczek, promu défenseur central avec la suspension de Mats Hummels, et Marco Reus peut s’en aller ouvrir le score. Et quelque part, c’est rassurant de voir que, même face à une défense renforcée, nous pouvons perforer plein axe. Le Westfalenstadion respire et peut aller siroter la Brinkhoff’s Nr. 1 de la mi-temps un peu plus rassuré.
La démonstration
Après la pause, le BVB attaque face au mur jaune et le match va tourner à la démonstration. En face, le Fortuna n’arrivera jamais à sortir la tête de l’eau et se contentera d’essayer de limiter les dégâts face à la vague jaune. Steffen retarde l’échéance sur une frappe surpuissante de Zagadou. Puis c’est au tour de la VAR de sauver les Flingeraner en annulant pour un hors-jeu au millimètre un but après une nouvelle combinaison entre Brandt, Reus et Sancho. C’était peut-être justifié mais c’est quand même terriblement frustrant de célébrer un but avec tous les potes, de crier le nom du buteur avec Nobby et de voir le nouveau score au tableau d’affichage avant d’apprendre qu’un mec enfermé dans une salle à Köln a décidé que finalement, non, cela ne compte pas.
Cela ne cadre guère avec les émotions que l’on aime vivre dans un stade. Mais cela ne suffira pas à freiner l’élan de nos Jungs : c’est une nouvelle fois l’omniprésent Brandt qui est à l’origine du 2-0, puis Sancho lance Thorgan Hazard qui enroule parfaitement sa frappe au deuxième poteau. Une combinaison entre Marco Reus et Jadon Sancho amènera le 3-0 et on préfère nettement voir notre prodige anglais dans ce rôle-là que dans celui du gamin capricieux des semaines précédentes. Pour l’occasion, j’étais accompagné du premier capitaine de Lucien Favre, au FC Echallens en 1993-1994, Dominique Mivelaz, mais c’est bien l’actuel capitaine de notre entraîneur suisse qui s’offre un doublé en terminant une action amorcée par Hakimi et Hazard.
La fête de tirs sera bouclée par Sancho à la conclusion d’une combinaison Brandt, Sancho, Hakimi et retour à l’Anglais pour le 5-0. C’est net et sans bavure, 25 tirs à 2 pour le Borussia, 72% de possession de balle, aucune occasion réelle pour Düsseldorf, il n’y avait qu’une seule équipe sur la pelouse du Westfalenstadion samedi. Et cela fait plaisir de voir un Westfalenstadion communier réconcilié avec son équipe après le clash et les sifflets contre Paderborn.
L’épreuve du feu
Nous l’avons souvent répété : le problème du BVB n’est pas vraiment tactique mais plutôt dans l’état d’esprit et la volonté. Toutefois, si un changement du système de jeu peut amener plus de plaisir, plus d’envie et plus de joie chez nos Jungs, cela vaut la peine d’être tenté. Avec la qualification pour le huitième de finale de Ligue des Champions après une victoire épique contre le Slavia Prague, la confiance semble être revenue. Nous avons connu bien des tracas dans ce premier tour mais on peut encore finir sur une note très positive à Noël.
Nous sommes revenus à la troisième place du classement, devant le Bayern Munich, et il reste trois matchs avant la pause pour terminer cette première moitié de saison dans la ligne des objectifs annoncés : toujours en course en Königsklasse et à la lutte pour le titre. Il s’agira maintenant de ne pas se rater lors de deux déplacements toujours piégeux à Mainz, qui cartonne depuis le changement d’entraîneur, et à Sinsheim, où nous avons rarement réussi, entrecoupé d’un match au sommet contre Leipzig, sans doute la meilleure équipe d’Allemagne depuis deux mois.
Une véritable épreuve du feu pour notre nouveau 3-4-3 qui nous permettra de vraiment savoir s’il ne s’agissait que d’une tentative sans lendemain ou d’un véritable tournant dans notre saison. Après cette victoire 5-0, lors de la longue fête qui a suivi, nous avions tous envie de croire à la deuxième hypothèse ! Premier élément de réponse samedi à Mayence.
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