Battu l’automne dernier au Neckarstadion, le Borussia Dortmund a pris une éclatante revanche samedi en explosant le VfB Stuttgart 4-0. Logique : qui peut être mieux placé qu’un entraîneur suisse pour remettre les pendules à l’heure ? La belle aventure continue.
Après notre saison dernière compliquée, il y a pas mal d’affiches que nous abordons avec une revanche à prendre. L’opération rachat avait parfaitement fonctionné au Westfalenstadion contre Leipzig, un peu moins à Hanovre et à Hoffenheim. A Stuttgart aussi, nous entreprenons le voyage avec la ferme intention de faire oublier la défaite 2-1 concédée là-bas l’automne passé en pleine descente aux enfers de Peter Bosz.
Biergarten
Pour nous autres Suisses, Stuttgart c’est presque un match à domicile : le plus court déplacement de la saison après Freiburg. Le car affiche donc presque complet lorsque nous partons aux aurores. L’ambiance est joyeuse, la bière tient lieu de petit déjeuner et les chants du BVB tournent en boucle. Nous arrivons trois bonnes heures avant le coup d’envoi pour la traditionnelle halte au Biergarten de la Polizeisportverein. Les supporters des deux camps se mélangent joyeusement, nous accueillons à notre table deux fans du VfB. Ils aiment bien notre équipe et sont très contents de ce qui nous arrive. Ils nous souhaitent une bonne saison… mais uniquement après le coup de sifflet final. Quand on voit la tristesse du championnat français avec la multiplication des arrêtés préfectoraux interdisant aux supporters adverses de se déplacer, on se dit que l’Allemagne c’est quand même le paradis du football et qu’on a une chance incroyable de pouvoir vivre tous ces week-ends dans ces ambiances festives et conviviales.
L’instabilité permanente
Le VfB Stuttgart, c’est quand même l’impression d’un immense gâchis. En 2007, quatre ans avant nous, les Souabes avaient remporté le titre avec une équipe jeune et talentueuse. Mais, contrairement à nous, ils n’ont pas profité de ce Meisterschale et de la Ligue des Champions pour grandir, sportivement et financièrement, et s’établir durablement aux avant-postes de la Bundesliga. La faute à une instabilité chronique : depuis le départ de l’entraîneur du titre, Armin Veh, en 2009, le VfB a usé pas moins de 15 entraîneurs : Babbel, Gross, Keller, Labbadia, Schneider, Stevens, Veh le retour, Stevens le retour, Zorniger, Kramny… La relégation en Zweite Liga en mai 2016 aurait dû être l’occasion d’un nouveau départ.
Mais la leçon n’a pas servi : l’entraîneur hollandais Luhukay, qui devait ramener le club dans l’élite, s’est fait virer après deux mois. Après l’intérim Janssen, son successeur, notre ancien entraîneur juniors Hannes Wolf a réussi la promotion mais il était licencié six mois après le retour triomphal en Bundesliga. Son remplaçant, Tayfun Korkut, a fait un bon boulot puisque seule la victoire surprise de Francfort en Pokal a privé le VfB d’une place européenne. Mais lui aussi a été victime de la gestion incohérente de la direction suttgartoise et il a été congédié il y a deux semaines après un début de saison compliqué mais pas catastrophique. Tant qu’il sera gouverné avec autant d’instabilité, il est difficile d’imaginer retrouver un Stuttgart à des positions au classement un peu plus dignes de son histoire. C’est désormais Markus Weinzierl, l’ancien entraîneur d’Augsburg et Schalke, qui a la lourde tâche de piloter ce navire en eaux troubles. On lui souhaite une durée de vie sur le banc souabe un peu plus longue que ses prédécesseurs…
Le choc psychologique
Si cette instabilité chronique au Neckarstadion est un vaccin absolu contre toute idée d’ambitions et de succès, on craignait un peu ce changement d’entraîneur juste avant le match contre le BVB. Avec un nouveau coach, il y a toujours une possibilité d’un choc psychologique et d’une nouvelle dynamique. Et, connaissant nos difficultés à entamer les matchs, nous nous attendions à être bousculés en début de partie, surtout avec une défense remaniés avec la première association Diallo-Zagadou dans l’axe, le retour de Piszczek à droite et les débuts d’Hakimi sur le côté gauche. Il n’en fut rien. Il faut moins de trois minutes au duo Marc Reus – Jakob Bruun Larsen pour offrir le 1-0 à Jadon Sancho. La réussite était avec nous puisqu’il y a eu deux déviations souabes au passage mais c’est une vérité en football : la réussite sourit plus souvent au leader qu’au dernier du classement. Pour le choc psychologique et si le but était de mettre le feu à un Neckarstadion archicomble, c’était raté et bien raté au VfB.
Le réalisme
Malgré cette ouverture du score précoce, l’ambiance a été un peu timide en Gästeblock durant les vingt premières minutes. La raison ? Nos ultras étaient absents en début de match. On a pensé qu’ils étaient privés de déplacement à Stuttgart en raison du défilé interdit effectué en avril 2016. Mais ce n’était pas le cas : ils sont simplement arrivés en retard. Ils ont eu juste le temps d’installer les bâches pour voir la timide réaction souabe avec un tir de Gentner détourné par Bürki, une réaction vite étouffée dans l’œuf par le 0-2 sur un centre de Lukasz Piszczek repris par Marco Reus. Et puis, déjà mal en point, Stuttgart va offrir le numéro trois avec un coup-franc catastrophique de Pavard (un champion du monde, vraiment ?) sur Reus, lequel permet à Paco Alcacer de fêter sa première titularisation avec un but malicieux sur un lob soyeux. Vingt-cinq minutes de jeu, trois occasions, trois buts, c’est un BVB d’une efficacité clinique qui s’est déplacé sur les bords du Neckar. Bien entendu, pour les fans, ce ne sont pas tout à fait les mêmes émotions qu’à Leverkusen ou contre Augsburg mais cela doit sans doute rassurer Lucien Favre de voir son équipe gagner un match en le maîtrisant de bout en bout.
Défense de fer
Car le VfB n’a jamais donné l’impression de pouvoir revenir. Les Souabes ont bien eu quelques occasions, Bürki a réussi une double parade magnifique devant Ascacibar et Gentner a raté une montagne en ne cadrant pas seul à huit mètres du goal mais, sinon, notre Borussia a plutôt bien géré son affaire et n’a jamais été vraiment mis sous pression. Plusieurs constats s’imposent : c’est un peu malheureux pour Julian Weigl mais force est de constater que le BVB est beaucoup plus solide lorsqu’il aligne le duo Witsel – Delaney en Doppelsechs. Autre remarque : autant on l’avait trouvé en difficultés sur le flanc gauche, surtout contre Augsburg, autant Abdou Diallo est excellent quand il joue à sa vraie place, dans l’axe. Et puis Dan-Axel Zagadou constitue l’une des bonnes surprises de ce début de saison. La saison dernière, après des débuts convaincants en dépannant comme latéral droite, il avait été plus en difficultés à son poste de prédilection dans l’axe. Mais, depuis que Lucien Favre fait appel à lui, avec la suspension de Diallo puis son positionnement à gauche et les blessures de Toprak et Akanji, le jeune Français est impressionnant de calme, de sérénité et de confiance. Surtout pour un jeune de 19 ans. Nous avons pas mal galéré et tâtonné pour assurer la succession du duo Hummels-Subotic mais avec Akanji, Diallo et Zagadou nous tenons désormais trois centraux prometteurs qui devraient assurer notre stabilité défensive pour les prochaines années.
Encore un coaching gagnant
Pour une fois, nous nous sommes donc offerts une deuxième mi-temps un peu tranquille, sans émotions fortes ni retournement spectaculaire. Lucien Favre a tout de même pu confirmer qu’il avait toujours la main heureuse avec son coaching, même si c’était moins indispensable qu’à Leverkusen ou contre Augsburg : ses deux jokers Christian Pulisic et Maximilian Philipp ont scellé la marque à 0-4, le premier but de la saison pour notre numéro 20. C’est bien pour sa confiance : c’était quand même une incongruité que notre habituel centre-avant ne soit que le quatorzième borusse à trouver le chemin des filets cette saison ! Et c’est l’une de nos forces : pour l’adversaire, le danger peut survenir de n’importe où sur le terrain et même du banc. Et ça paie : le BVB devient le premier club de toute l’histoire de la Bundesliga à inscrire au moins quatre buts dans quatre matchs consécutifs. On atteint la barre des 20 points à Stuttgart, comme le BVB de Klopp qui avait fini avec le total record de 81 points en fin de saison en 2011-2012 mais on l’a fait en seulement 8 journées alors qu’il en avait fallu 11 à l’époque. En fait, seul le Borussia 2010-2011, dans notre histoire, avait connu un départ plus fulgurant : 21 points en huit matchs (une défaite liminaire contre Leverkusen puis sept victoires).
De là-haut la vue est si belle
C’est donc par un succès convaincant que l’on peut aborder une semaine avec deux belles affiches au Westfalenstadion. Il y aura d’abord un premier test contre un cador européen, l’Atletico Madrid, que l’on peut aborder avec une certaine décontraction : grâce aux victoires engrangées contre Brugge et Monaco, on s’est octroyé un ou deux jokers dans cette Ligue des Champions. En revanche, on attend une victoire en Bundesliga contre le Hertha Berlin : on a vu, lors d’une conférence de presse surréaliste faite de pleurnicheries et de règlements de compte, que le classement actuel suscitait beaucoup de nervosité et de fébrilité du côté du Bayern Munich. Ce serait pas mal, que, contrairement à la saison dernière où l’on avait dilapidé trop vite une avance de cinq points, on puisse continuer à maintenir l’écart et à mettre la pression sur la concurrence. Sans trop se poser de question, juste profiter des victoires qui s’enchaînent. Après les nombreuses désillusions de la dernière saison, cela fait tellement du bien de finir tous les matchs ou presque en sautillant avec notre équipe dans un esprit de joyeuse communion, on ne demande qu’à prolonger cette belle aventure.
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