En Allemagne, les deux dernières semaines de septembre et la première d’octobre sont traditionnellement consacrées aux Fêtes de la Bière. Mais cette année, ce n’est ni à Munich ni Stuttgart qu’il fallait être : la vraie fête c’était bien au Westfalenstadion avec cette victoire de folie contre un courageux Augsburg et une romance qui se poursuit en tête du classement. Spitzenreiter, Spitzenreiter, hey, hey !

L’Allemagne est un pays de tradition et, parmi ses traditions plutôt sympathiques, il y a la fête de la bière. Les deux plus grandes du pays se déroulent à Munich, la Wies’n, et à Stuttgart, la Wasen. A Bierstadt Dortmund, la capitale allemande de la bière, il n’y a pourtant jamais eu de grosse fête de la bière. Il y a quelques années, une Oktobersfest était organisée à la Westfalenhalle mais elle n’a jamais pris et a été abandonnée. Il demeure bien une Dortmunder-Oktoberfest du côté de Wischlingen mais elle reste très marginale et s’apparente plutôt à un festival de Schlagerparade. Car, en fait, à Dortmund, il n’y a pas besoin d’une fête annuelle pour s’encanailler : la Fête, on la vit tous les week-ends au stade et particulièrement toutes les deux semaines au Westfalenstadion. Et c’est encore plus beau quand notre équipe est en tête du classement et que l’été indien s’invite sur le Pott. 24° au thermomètre : ni une ni deux, quelques échanges de messages en matinée et on organise une Würst-Party sur un parking du stade à 12h, trois heures et demi avant le coup d’envoi, septante saucisses englouties, sans doute encore davantage de bières, sous le soleil, un Westfalenstadion en ébullition, elle n’est pas belle la vie ?

Samstag 15:30 für immer

Il faut dire que c’était notre premier match de Bundesliga au Westfalenstadion un samedi à 15h30 depuis le mois de mai et le match contre Mainz, en pleine déprime de fin de saison dernière. Et cela ne fait aucun doute : un match de Bundesliga, il doit se jouer le samedi à 15h30 ! C’est comme ça, c’est la tradition et c’est là que c’est le meilleur. Malheureusement, cela devient presque une rareté en raison des impératifs télévisuels : jusque-là on avait eu droit à un dimanche 18h00 contre Leipzig, un vendredi 20h30 contre Francfort et un mercredi 20h30 contre Nürnberg. On n’a donc pas boudé notre plaisir de retrouver un vrai horaire de Bundesliga et on est déjà tous frétillants en constatant que, d’ici décembre, le calendrier nous réserve une kyrielle de Samstag 15:30 au Westfalenstadion. Geil !!!

Comme d’habitude

Bien sûr, il n’aurait pas fallu que le match et le résultat ne viennent quelque peu assombrir cette belle ambiance festive. Mais, et cela devient une habitude, le BVB entre assez poussivement dans son match. Certes, Reus aurait pu ouvrir le score s’il n’avait pas expédié au-dessus un caviar de Sancho mais sinon, on a surtout vu Augsburg. C’est finalement assez logiquement que les Bavarois ont ouvert le score. Il y avait déjà eu une première intervention limite de Bürki devant Finnbogason mais notre portier suisse a été moins heureux lorsque l’Islandais lui a glissé entre les jambes un ballon qui traînait après un coup franc pour l’ouverture de score. Même si Hakimi aurait pu égaliser sur une frappe détournée du bout des doigts par Luthe, ce n’était pas complètement immérité de voir le FCA mener à la pause. Depuis qu’elle a été reprise par Manuel Baum à l’été 2017, je suis à chaque fois bluffé par cette équipe d’Augsburg. L’effectif ne paie pas de mine mais le projet de jeu est cohérent, c’est parfaitement organisé, ça joue au foot, c’est courageux : il ne faut pas se tromper, c’est clairement un prétendant aux places européennes que l’on a vu samedi au Westfalenstadion.

La mauvaise surprise

Mais nous n’étions pas plus inquiets que cela au moment d’aller taquiner la bière au bar à la pause. Finalement, le BVB nous a habitués à des premières mi-temps très moyennes et on pensait qu’Augsburg ne tiendrait pas le rythme tout le match, surtout que nous allions désormais attaquer face à notre chère Südtribüne. Sauf qu’au retour des vestiaires, les Bavarois sont toujours là et bien là. Il faut un double miracle de Bürki pour éviter le 0-2. Mais il suffira d’un espace pour trouver une première faille dans le mur augsbourgeois : Jadon Sancho centre pour Paco Alcacer, entré trois minutes plus tôt, qui égalise au deuxième poteau. On pensait le rouleau compresseur jaune et noir lancé, on voyait Augsburg fatiguer et multiplier les fautes et les avertissements (7 au total !). Mais le FCA était toujours-là : Finnbogason trouve la latte, un tir de Caiuby est dévié juste à côté et c’est donc assez logiquement que Max redonne l’avantage aux Bavarois. Il restait 19 minutes à jouer et on a commencé à douter de notre capacité à refaire le coup de Leverkusen.

La folie

Toutefois, le Westfalenstadion n’était pas prêts à lâcher le match et la tête du classement. Alors on a poussé, poussé, porté les efforts parfois un peu désordonnés de nos Jungs. Et cela a fini par payer, avec notre nouvelle arme favorite : les balles arrêtées. En l’occurrence, c’est un coup franc habilement joué par Guerreiro qui permet à Alcacer de fusiller Luthe pour l’égalisation. Mais on en voulait plus ! L’ambiance monte encore d’un ton, chaque duel gagné soulève une clameur dans le Westfalenstadion, les chants résonnent tant et plus. Augsburg s’accroche, s’accroche mais finit par craquer : entré en jeu à la 77e, dix minutes après son frère Felix pour le FCA, Mario Götze marque le but que l’on croyait être celui de la délivrance sept minutes plus tard en glissant le ballon sous le gardien après un service raffiné d’Achraf Hakimi. Le Westfalenstadion explose. Et l’on soulignera encore le coaching gagnant de Lucien Favre. Notre entraîneur a souvent été titillé sur le faible temps de jeu de Götzinho, parfois même sur son absence de le feuille de match, la réponse a toujours été la même : la saison est longue, nous aurons besoin de tout le monde. La preuve. Et c’est quand même un luxe : alors que Pulisic, Wolf et Kagawa sont absents, que Delaney ou Dahoud restent sur le banc, de pouvoir faire entrer Alcacer, Götze et Guerreiro pour retourner par un match mal engagé. Cette richesse de banc est quand même un atout maître cette saison.

 La stupeur

Après ce 3-2, je pense que pas un seul des quelques 81’365 fans en délire (moins quelques Bavarois) d’un Westfalenstadion enfin comble n’aurait misé un Deutsche Mark sur un retour d’Augsburg. Surtout pas dans cette ambiance de folie, avec une équipe fatiguée, au bord de la rupture depuis une vingtaine de minutes, et avec de nombreux joueurs sous la menace d’un deuxième avertissement… Et pourtant : le FCA a trouvé les ressources pour repartir l’abordage et venir égaliser sur corner avec la complicité d’un Roman Bürki auquel on pardonnera sa petite faute de main sur la tête de Gregoritsch après son excellent début de saison. On saluera plutôt l’immense courage de cette équipe d’Augsburg : on comprend mieux pourquoi elle est parvenue à égaliser sur la fin contre le Bayern à Munich pour faire perdre au Rekordmeister ses premiers points  (d’une (longue ?) série) de la saison. Reste qu’un immense silence s’abat sur le Westfalenstadion : c’est la stupeur, tout est à refaire, ce match qu’on pensait avoir retourné à l’énergie après le but de Götze n’était toujours pas gagné. Alors, après quelques instants pour se remettre de sa surprise, le Tempel der Glückseligkeit s’est remis à pousser. Il restait trois minutes à jouer plus les arrêts de jeu.

L’hystérie

Finalement, elles seront six, ces minutes d’arrêts de jeu. Juste le temps d’obtenir un ultime coup franc de la dernière seconde. Le Westfalenstadion retient son souffle, Paco Alcacer s’élance, le temps semble suspendre son cours, la balle franchit le mur, puis retombe au fond de filets. Une immense clameur envahit le stade, les bières volent dans tous les sens, on congratule tout le bloc, c’est l’hystérie : 4-3 à l’ultime seconde. Si notre goleador a parfaitement joué le coup, on soulignera quand même le très mauvais positionnement du mur et l’anticipation foireuse du gardien Luthe car la frappe n’était pas si forte et même pas si bien placée. Marwin Hitz n’a pas encore joué une seule seconde en match officiel avec le BVB mais il nous a peut-être offert nos deux premiers points : en quittant Augsburg libre l’été dernier, le portier suisse a joué un bien mauvais tour à ses dirigeants. La manque de fiabilité de ses deux gardiens ainsi que la minceur de l’effectif sont sans doute les deux points faibles de cette par ailleurs remarquable équipe d’Augsburg.

Les sujets qui fâchent

Bien sûr qu’on a vibré comme des fous, qu’on a fini la partie en apoplexie et que c’est le genre de matchs à rester gravé à jamais dans notre mémoire. Mais on va quand même relever que la performance de nos Jungs a été tout sauf grandiose. Déjà, il faudra trouver une solution pour ne pas toujours passer à côté de nos premières mi-temps. Dans les semaines à venir, nous allons affronter des adversaires trop solides défensivement, par exemple Atletico Madrid, pour nous permettre d’entamer la soirée avec quarante-cinq minutes et un but de retard. Ensuite, il y a notre défense : trois buts, beaucoup d’occasions, concédés à domicile, c’est trop. Je ne suis pas convaincu par notre défense biberon, notamment par Diallo à gauche qui a beaucoup souffert, ce n’est clairement pas sa place. Et le filtrage à mi-terrain est quand même moins performant lorsque Weigl remplace Delaney. Bref, il reste encore beaucoup de choses à corriger pour Lucien Favre. Il faut se garder de toute enflammade. Après tout, même s’il a bien mieux démarré en Königsklasse, notre entraîneur suisse est en retard sur le tableau de marche de Peter Bosz l’an passé à la même époque : 7 matchs/19 points, 19 buts marqués, 2 encaissés pour le Hollandais, 7 matchs/17 points, 23 buts marqués, 8 encaissés pour le Vaudois…

La fête

Ceci exposé, notre Borussia nous paraît bien mieux armés qu’il y a douze mois pour affronter les frimas de l’automne et de l’hiver. On a retrouvé les deux qualités essentielles qu’on attend de notre équipe à Dortmund et qui avaient un peu disparu avec Tuchel, Bosz et Stöger : la combativité et l’émotion. D’ailleurs, l’ambiance est en train de revenir au Westfalenstadion : samedi la communion avec l’équipe en fin de match était énorme. Une fois sortis du stade, après de longues minutes de chants et de félicité, cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu autant de fans traîner et fêter dans les Biergarten. Et bien sûr, le fait de pouvoir regarder, avec le sentiment du devoir accompli, le Bayern, sous pression, se faire démonter par Mönchengladbach n’a pas gâché notre plaisir. Le Rekordmeister avait entamé sa Wies’n avec quatre points d’avance sur nous, il la termine avec quatre points de retard. Et Stuttgart va clore sa Wasen à la dernière place du classement… Définitivement, cette année, la fête d’octobre, c’était bien à Dortmund. Pourvu que cela dure…

Catégories : Au Stade

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