Une semaine après un match nul à Hoffenheim qui le reléguait à quatre longueurs de la tête du classement, le BVB est de retour au sommet de la Bundesliga ! C’est la magie du football : la vérité d’un jour n’est pas forcément celle du lendemain. Et on en a encore eu la preuve samedi à Leverkusen où le BVB a remporté un match qui a longtemps paru lui échapper.

Deux trains. Remplis de fans sur le chemin du retour. A une semaine d’intervalle. L’un traversant, au coucher au soleil, les plaines du Kraichgau et longeant les berges romantiques du Neckar. L’autre sillonnant dans la nuit le Niederrhein et le Ruhrpott. Comme toujours, il y a de la fatigue dans l’air : la décompression après la folie et les émotions du match. Et puis ces déplacements constituent souvent des longues journées et généralement assez arrosées, le retour est parfois un peu glauque. Mais en une semaine, l’ambiance a radicalement changé. Dans le train de retour de Sinsheim, on apprenait la victoire du Bayern Munich à Herne-West, qui nous reléguait à quatre longueurs de la tête du classement. Le spectre d’une nouvelle saison sans suspense pour la conquête d’un Meisterschale joué d’avance planait sur les wagons. D’ailleurs, vu l’indigence de notre prestation à Sinsheim, malgré la belle réaction d’orgueil terminale, il aurait été limite indécent de parler titre ce jour-là. Une semaine, deux succès et onze buts plus tard, c’est une toute autre atmosphère. Quand l’ardeur des chants de victoire semble se tarir, c’est Tyrion Lannister en personne, ou du moins son sosie, qui se charge de les raviver. Oui, le BVB est de retour à la première place qu’il avait déjà brièvement occupé au soir de la première journée. Comme le dit si bien notre capitaine Marco Reus, s’occuper du Bayern ou du classement si tôt dans la saison ne nous amènera strictement rien. Mais on peut quand même savourer l’instant, surtout quand cette première place a été conquise au terme d’un match de folie.

Première mi-temps ratée

Après un trajet exaspérant marqué par un gros retard de la Deutsche Bahn (cela ne surprendra personne), deux heures pour un voyage qui ne devait en durer qu’une, je dois quelque peu abréger mon passage au Biergarten avec les potes des Borussenstern. En arrivant au stade, nous découvrons que Lucien Favre a choisi de maintenir Zagadou et Hakimi, plutôt convaincants lors du carton contre Nürnberg, dans l’alignement. Et de faire ainsi souffler un peu Schmelzer. Du haut de ses 23 ans, Manuel Akanji était ainsi l’élément le plus âgé de notre défense biberon !

Une défense qui a beaucoup souffert en début de match. Leverkusen, ragaillardi par trois victoires consécutives après un début de saison raté, est entrée très fort dans le match. Et ne s’est pas fait priver pour punir nos trop nombreuses pertes de balle. Sur l’une d’entre elle, le centre d’Alario trouve Mitchell Weiser qui ouvre le score d’une frappe sèche imparable. On jouait depuis moins de dix minutes et l’opération reconquête du pouvoir entrevue depuis la défaite munichoise la veille à Berlin semblait bien mal engagée. Le Borussia n’arrive guère à se montrer dangereux et est régulièrement mis en difficultés par des Rheinländer beaucoup plus tranchants. Pire, la Werkself va doubler la mise peu avant la pause après un corner et un cafouillage de notre défense qui a eu à au moins deux reprises l’opportunité de dégager le ballon mais celui-ci revient sur Jonathan Tah qui trompe Roman Bürki. 2-0 à la pause, clairement une mi-temps ratée.

La tactique de l’araignée

Il y une statistique intéressante sur cette première mi-temps : le BVB a eu 56% de possession de balle mais a couru quatre kilomètres de moins que Neverkusen. C’est quelque chose de relativement nouveau : avec Klopp, c’était l’un de ses credos, le BVB courait toujours davantage que l’adversaire. Le changement de paradigme est total avec Lucien Favre. C’est peut-être moins spectaculaire que le style Kloppo mais, mine de rien, une mi-temps même ratée comme la première de Kreuz Leverkusen, elle use l’adversaire. C’est très flagrant vu des tribunes : quand le Borussia a la balle, généralement la majorité du temps, seuls deux ou trois de nos joueurs sont en mouvement alors que presque tous les joueurs adverses courent.

 

Le plan de notre entraîneur suisse, qui a notamment fait un stage auprès de Johan Cruyff pendant qu’il apprenait le métier, c’est de ne jamais faire n’importe quoi avec le ballon et, lorsqu’il n’y a pas de solution sur un côté, il vaut mieux repartir par l’arrière et tenter de trouver la faille ailleurs plutôt que de tenter une passe ou un dribble sans grande chance de succès. C’est parfois lancinant et ennuyeux mais ça oblige l’adversaire à toujours coulisser, se multiplier pour fermer les espaces et couper les lignes de passe, sur la durée ça fatigue et, plus le match avance, plus cela devient difficile.

A part peut-être à Hanovre, le BVB a toujours fini ses matchs beaucoup plus forts qu’il ne les avait commencés. Le plus flagrant, c’est à Brugges : les Belges nous ont beaucoup bousculés en première mi-temps mais ils avaient fini le match complètement carbonisés, ce qui nous a permis de l’emporter sur la fin. A Fürth et Hoffenheim, on égalise en fin de match. Contre Francfort, on a été capable de faire basculer le match en notre faveur après l’égalisation. Face à Leipzig, nous les avons fait craquer quand ils ont relâché leur pressing intensif du début de rencontre. Et quand Nürnberg a levé un peu le pied pour se ménager avant le duel des néo-promus contre Düsseldorf où il avait bien davantage de chances de ramener des points, cela a tourné au massacre. Bien sûr, les ajustements apportés au contingent, avec bien plus de caractère dans l’équipe, y sont aussi pour quelque chose mais cette capacité à finir très fort nos matchs est aussi une question tactique. Sous Jürgen Klopp, le BVB était un félin qui agressait d’emblée ses proies et multipliait les assauts jusqu’à les faire craquer. Avec Lucien Favre, on fait davantage penser à une araignée qui tisse patiemment sa toile et attend que sa proie soit bien empêtrée et se fatigue pour essayer de s’en dépêtrer pour la dévorer.

La chance avant le réveil

Mais avant de croquer les aspirines, nous ne sommes passés pas loin de la catastrophe en début de deuxième mi-temps. Bürki nous évite le 3-0 du bout des doigts sur une frappe de Brandt et est sauvé par son poteau sur un essai de Volland. Il est clair qu’avec un handicap de trois buts, l’histoire se serait écrite bien différemment. Car, au lieu de 3-0, cela allait être 2-1 lorsque Jakob Bruun Larsen, la révélation de ce début de saison, surgit pour reprendre un renvoi du gardien Hradecky après un centre d’Hakimi et une reprise de Reus. C’est un tout autre match qui commençait. Les 6000 Borussen redoublent d’encouragements car on a compris que cette victoire, qui semblait si inaccessible quelques minutes plus tôt, redevenait possible. Les espaces qu’on n’avait pas trouvé jusque-là ont commencé à apparaître et, sur une relance de Roman Bürki, Jadon Sancho et Marco Reus ont complètement pris de vitesse la défense du Bayer pour une magnifique égalisation. Il reste 20 minutes, c’est le délire en Gästeblock et le meilleur restait à venir.

L’émeute

Le meilleur, c’est ce troisième but somptueux avec une combinaison avec une touche de balle entre Sancho, Reus, Alcacer et Hakimi qui met complètement la défense adverse hors de position. Le centre du Marocain retrouve l’Espagnol à la réception pour une déviation du bout du pied qui rentrer avec l’aide du poteau. On jouait la 85e et c’est bien sûr l’extase en Gästeblock. C’est pour vivre ce genre de moment qu’on sillonne l’Allemagne toutes les semaines ! Poteau sortant pour Volland, poteau rentrant pour Alcacer, bien sûr la réussite était de notre côté à la BayArena mais c’est aussi parce que notre équipe sait la provoquer, cette réussite. Là aussi, c’est un changement radical par rapport à la saison dernière où nous avions trop souvent l’impression que nos joueurs ne faisaient que subir avec fatalisme les événements. Dans sa conception, ce but porte clairement la patte de Lucien Favre, on l’avait déjà vu contre Nürnberg, notamment sur le deuxième but : ce redoublement de passes en une touche est l’une des marques de fabrique de notre entraîneur. Je me crois presque revenu 25 ans en arrière : on voyait déjà ce genre d’actions au FC Echallens, le premier club que Favre a entraîné, c’était de la troisième division suisse, des joueurs amateurs mais l’idée de jeu était déjà là.

Spitzenreiter, Spitzenreiter, hey, hey !

Il restait, arrêts de jeu compris, une petite dizaine de minutes à tenir ; ça aurait été ballot d’avoir pareillement renversé le score pour concéder une égalisation sur la fin. On n’a pas été exempts de toutes frayeurs dans les ultimes minutes avec une tête mal cadrée de Tah et un dernier corner qui a semblé durer des heures. Mais, finalement, Paco Alcacer a profité d’une montée du gardien Hradecky sur le dernier corner pour aller inscrire le 2-4 dans le but vide, comme un joueur de hockey. En deux miettes de match, sans avoir effectué la préparation, dans un championnat qu’il découvre, l’Espagnol est en déjà à trois buts, c’est assez prometteur. Tout comme la première place que nous avons pu célébrer avec nos joueurs. Une semaine auparavant, en quittant Hoffenheim, aucun d’entre nous n’aurait pensé que, sept jours plus tard, nous pourrions sautiller au rythme du Spitzenreiter, Spitzenreiter, hey, hey, pour célébrer le retour au classement. On ne parlera pas de match référence car notre première heure de jeu a quand même été assez médiocre mais passer quatre buts en une demi-heure à un adversaire comme Vizekusen, qui, ne nous laissons pas tromper par son classement actuel, est un candidat sérieux au podium (qu’il est donc plutôt opportun d’avoir relégué huit longueurs derrière nous), c’est très encourageant pour la suite…

La suite

La suite, parlons-en : c’est une nouvelle semaine anglaise qui débute. Avec deux matchs. Les deux au Westfalenstadion. Contre des adversaires a priori largement à notre portée. Mais deux matchs pièges : Monaco est à la rue en championnat mais, on l’avait vécu à l’automne 2014, il arrive parfois qu’une équipe en difficultés sur le plan national, joue complètement libérée en Coupe d’Europe, loin de ses petits tracas domestiques. Et samedi, c’est Augsburg : pas le club le plus sexy d’Allemagne mais actuellement, avec l’excellent travail du duo Stefan Reuter – Manuel Baum, l’un des projets de jeu les plus intéressants de Bundesliga. Il ne faut donc pas s’enflammer et aborder ces deux matchs avec sérieux : si on pouvait arriver à la prochaine trêve internationale avec un carton plein en Ligue des Champions qui nous laisserait déjà entrevoir les huitièmes de finale et la première place en championnat, nous pourrons dire que ce premier quart de saison, avec une équipe toujours en reconstruction, aura été réussi au-delà de toutes espérances.

Catégories : Au Stade

0 commentaire

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *