Wir sind aus Kohle und Stahl. Nous sommes du charbon et de l’acier : c’est l’une des devises du Borussia Dortmund. Et entre le charbon et l’acier, il y a le passage par la Kokerei. Qu’est-ce que c’est que ça ? L’endroit où l’on fabrique le coke. Dortmund abrite justement l’une des deux dernières cokerie d’Allemagne. Visite.
On la désigne rarement sous cette appellation mais Dortmund est une ville hanséatique, une Hansestadt. C’est vrai que, lorsqu’on parle de villes hanséatiques, on pense d’abord aux grandes cités portuaires du Nord de l’Allemagne : Lübeck, Brême, Hambourg, dont les plaques minéralogiques portent toujours la lettre H pour indiquer leur statut hanséatique (HL, HB et HH), ou Rostock, dont le club de football, Hansa, fait directement référence à ce passé. Mais la Hanse, ce n’est pas une appellation géographique mais un statut juridique, politique et commercial. Au Moyen-Âge, la Hanse était une ligue marchande réunissant jusqu’à 200 villes d’Allemagne. Ces villes pouvaient directement commercer entre elles, sans dépendre d’un seigneur local et donc sans avoir à acquitter de diverses taxes, dîmes ou gabelles lors de leurs échanges commerciaux. Dortmund est devenue une Freie Reichstadt, une ville libre de l’Empire, en 1220, capitale du cercle du Bas-Rhin-Westphalie, et a intégré la Ligue hanséatique comme chef-lieu du Cercle néerlandais de la Ligue. Ce statut lui a notamment permis de brasser sa propre bière et de devenir, dès le Moyen-Âge, le deuxième plus grand producteur de bière d’Europe.
Hansa Dortmund
Ce passé hanséatique est encore présent dans le Dortmund d’aujourd’hui. Il y a d’abord la Hansastraße, la rue qui traverse le centre-ville du nord au sud, entre l’ancienne poste à côté de la gare et le Rathaus et l’opéra sur la Friedensplatz. La rue traverse également la place du même nom, la Hansaplatz, au cœur de la ville, dans le prolongement de l’Alter Markt. C’est là que se tient le marché le samedi matin ou que prend place le gigantesque sapin de Noël du Weihnachtsmarkt. Ensuite, la bière Hansa est l’une des plus célèbres bières de Dortmund, soit sous la forme de la Hansa Pils ou de la Hansa Export. On ne connaît plus beaucoup de bars à Dortmund qui servent de la Hansa, en revanche elle est très présente dans les kiosques, épiceries et supermarchés. Une vraie bière de Dortmunder. Et enfin, il y a la Kokerei Hansa.
Situation
La Kokerei Hansa se trouve au nord de la ville, au-delà des limites de l’Innenstadt-Nord, au nord du port, Hafen, et au sud de quartier de Mengede, à Dortmund-Huckarde. Elle a fermé ses portes en 1992 mais a été entièrement réhabilitée en 1998 dans le cadre du mouvement de réhabilitation des sites industriels qui ont fait la fortune et la renommée du Ruhrpott. Elle est l’un des nombreux sites qui accueille chaque dernier week-end de juin l’ExtraSchicht, la nuit de la culture industrielle. La Kokerei Hansa est également l’une des étapes de la Route der Industriekultur. Si elle ne produit plus de coke depuis plus de 20 ans, la Kokerei Hans peut donc être visitée comme témoignage vivant d’un passé révolu : c’est l’une des deux dernières Kokerei encore debout en Allemagne, l’autre de trouvant dans la Sarre.
Le coke
Maintenant, qu’est-ce que c’est une Kokerei ? Une cokerie, soit l’endroit où était transformé le coke. Tu n’es pas beaucoup plus avancé avec cela. La Kokerei est en fait l’endroit où le charbon, le Kohle, issu des mines voisines était transformé en blocs compacts et purifié des gaz qu’il contenait une fois extrait de la Schicht, la veine de charbon. En effet, le charbon à l’état brut était extrait sous une forme minérale contenant de nombreuses impuretés et composés chimiques qui se consumait beaucoup trop rapidement et ne permettait pas d’atteindre les températures nécessaires pour le travail de l’acier. La cokerie était donc une usine de transformation du charbon, par un procédé appelé pyrolyse pour en extraire les gaz et former des blocs de charbon compacté et purifié, le fameux coke, qui pouvaient ensuite être consumés dans les hauts-fourneaux des aciéries voisines.
Gigantesque
Le site de la Kokerei Hans couvre plus de 10 hectares, soit la superficie de plus de 15 terrains de football, et faisait travailler, à l’époque de sa splendeur, plus de 1000 ouvriers, habitant généralement directement à côté de l’usine, selon le système des trois huit. Car la particularité de la Kokerei, c’est que son exploitation devait impérativement se poursuivre 24 heures sur 24 heures. En effet, la température des fours nécessaires à la transformation du Kohle était telle que les fours ne devaient jamais se refroidir. Un refroidissement aurait provoqué des dommages irréversibles et nécessité un changement complet des fours. Une fois ceux-ci installés, ils devaient donc fonctionner en continu depuis leur installation jusqu’au démantèlement de l’usine ou au remplacement des fours.
L’Enfer sur terre
Le charbon à l’état brut était acheminé depuis les mines voisines, la Zeche Hansa, dont le chevalement se dresse juste à côté de la Kokerei mais aussi les Zechen Germania, Westhausen, Minister Stein, Gneisenau, Friedrich der Grosse, Pluto, Nordstern….
Il était ensuite hissé à l’aide d’un tapis roulant dans une tour, le Kohlebunker, à partir de laquelle des wagonnets permettaient de l’acheminer dans ses fours. Ces derniers constituent le centre névralgique de l’usine : ils étaient chauffés avec du gaz issu des aciéries voisines. Ce sont ces gigantesques conduites à ciel ouvert qui traversent aujourd’hui encore la ville de Dortmund dès que tu t’éloignes un peu du centre. Les fours étaient chauffés à plus de 1000° car le charbon n’était pas brûlé directement mais chauffé à blanc pour obtenir le coke, après une quinzaine d’heures dans les fours. Au-dessus des fours, la température dépassait les 60° et on ne parle même pas des émanations toxiques que devait produire le charbon en pleine transformation. On imagine la difficulté des conditions de travail des ouvriers chargés du remplissage et du contrôle des fours. Au maximum de ses capacités, la Kokerei Hans comptait 314 fours géants et pouvait produire jusqu’à 7000 tonnes de coke par jour, qui permettait de faire tourner à plein régime les usines Hoesch, là où travaillaient la plupart des membres fondateurs du Borussia Dortmund.
L’usine chimique
Aujourd’hui, l’usine se visite comme un musée. Le gigantisme de l’endroit est impressionnant. La fondation pour la préservation du patrimoine industrielle s’efforce de maintenir le site en l’état, tout en laissant peu à peu la nature reprendre possession du site. Ainsi, au pied des fours, poissons, grenouilles et libellules sont désormais les hôtes des bassins de refroidissement.
A côté de la fabrication du coke, la Kokerei Hans accueillait également une usine chimique, histoire de récupérer et traiter les différents composés chimiques extraits du charbon et pas utile pour le coke. La transformation du charbon produisait également du gaz, lequel était ensuite compressé à l’aide de gigantesques compresseurs et renvoyé par conduites en direction des aciéries. Aujourd’hui, la salle de compresseur accueille des Partys et même un festival Schubert chaque début du mois de juillet, où les pianos sont installés devant les compresseurs à l’arrêt.
Rahmer Wald
Dortmund est définitivement une ville de contraste. A côté de ce monstre industriel, témoin d’une époque révolue, se trouve la Rahmer Wald. Il s’agit d’une forêt, même pas un parc, mais une forêt, tout ce qu’il y a de plus naturelle et sauvage. Nous sommes encore en plein dans les limites de la ville, Eving, Brambauer, Mengede ou Westerfilde se trouvent au-delà. En entendant le chant des oiseaux, en déambulant dans les sous-bois ou en observant les canards se prélasser sur un petit lac, il est difficile d’imaginer que nous nous trouvons au cœur d’une ville de plus de 500’000 habitants qui est l’une des plus industrialisées d’Europe, à côté d’une usine gigantesque où se déroulait jadis un processus industriel hautement toxique.
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