Les matchs se suivent et se ressemblent en ce moment pour le BVB, nous avons l’impression de revivre chaque semaine le même cauchemar : erreurs défensives de débutants, domination stérile, plan de jeu inadapté, absence de révolte… La descente aux enfers se poursuit et, davantage que les défaites, le plus inquiétant c’est l’impression que notre club perdu ses valeurs, son identité, ses repères, tout ce qui faisait son charme, sa force et sa singularité.
Un trou gigantesque et un vaste chantier : c’est la première impression que nous avons eue pour notre retour à Stuttgart en débarquant du TGV dans une gare éventrée par le gigantesque et controversé projet Stuttgart 21. Quelques heures plus tard, nous quitterons le Neckarstadion avec la même impression : notre équipe est au fond du trou et notre système de jeu est un chantier bordélique dont les fondations n’ont pas été solidement posées.
Le mauvais pressentiment
C’est déjà avec un mauvais pressentiment que je m’étais embarqué pour la Souabe car, au-delà des derniers résultats décevants, les dernières nouvelles de notre BVB n’étaient pas bonnes. Il y a eu la énième affaire Aubameyang. L’équipe est en difficulté, notre buteur ne trouve plus le chemin des filets et il ne trouve rien de plus malin que de se pointer très en retard à l’entraînement et de faire des vidéos humoristiques avec un mec de … Red Bull. Ce n’est sûrement pas comme cela que l’on sort d’une crise. Aubame est coutumier du fait, il a généralement toujours su rebondir après ses incartades mais cela commence à devenir lassant. Avec au final toujours la même question : s’agit-il juste du comportement immature d’un grand enfant un peu fantasque ou au contraire d’une stratégie calculée pour obliger nos dirigeants à le laisser partir à vil prix avant l’expiration de son contrat ? Dans un cas comme dans l’autre, c’est catastrophique pour la cohésion déjà ébranlée de notre équipe.
Plus grave encore, nous avons appris le départ imminent de notre chef scout Sven Mislintat vers Arsenal. En soi, perdre celui qui depuis 10 ans a construit l’une des meilleures équipes d’Europe avec des moyens dérisoires et qui a permis au BVB d’effacer sa dette et quadrupler son budget grâce à une politique de transferts extrêmement rentable serait déjà une perte. Mais c’est surtout le timing qui inquiète : Sven Mislintat a refusé le poste de directeur sportif à Hambourg et Düsseldorf alors même qu’il était en conflit ouvert avec Thomas Tuchel, cet été il a refusé le même job au Bayern pour prolonger son contrat avec nous jusqu’en 2021. Alors, pourquoi partir trois mois seulement après cette prolongation ? J’espérais et je pensais que nos dissensions internes avaient été réglées avec le départ de Tuchel, ce n’est manifestement pas le cas. Et les affaires Aubameyang et Mislintat laissent à penser qu’il n’y a pas que sur le terrain que notre club est dans la tourmente mais aussi en coulisses et cela n’augure rien de bon pour la suite… Bref, ce n’est pas franchement rassurés que nous gagnons le Gästeblock après la halte traditionnelle dans le Biergarten de la Polizeisportverein.
L’art de se compliquer la vie
Dans ce climat un peu tourmenté, il était important de bien commencer le match, surtout que le VfB Stuttgart était imprenable depuis près d’une année à domicile dès lors qu’il ouvrait le score. Mais, évidemment : groβe Katastrophe ! D’entrée de jeu, Marc Bartra, d’une passe aussi inutile qu’hasardeuse, et Roman Bürki, d’un contrôle tout aussi hasardeux, offrent le premier but à Chadrac Akolo, lequel avait pourtant arrêté son action pour éviter le hors-jeu… Ce but-gag illustre bien le brouillard qui envahit la tête de nos joueurs en ce moment : tu vas jouer un match à l’extérieur contre un néo-promu euphorique, tu sais que tu vas te faire rentrer dedans d’entrée, dans ces cas-là, quand tu n’es pas trop en confiance, le b.a-ba, c’est d’en rester à des choses simples et d’éviter toutes prises de risques inconsidérées… Las.
L’inutile première de Zieler
C’est dommage car, nonobstant cette entame cauchemardesque et ce handicap que nous nous sommes auto-infligés tout seul, notre première mi-temps n’a pas été si mauvaise. Avec un très bon Götze à la manœuvre, un Yarmolenko très actif quoiqu’un peu brouillon sur son côté et un Toljan en net progrès, le BVB a réussi quelques bons mouvements. Nos Jungs ont bénéficié d’au moins cinq occasions nettes d’égaliser mais en ce moment, il nous manque la confiance, la spontanéité, la conviction dans le dernier geste. Avec notre dynamique et notre confiance de septembre, en jouant la même mi-temps, nous serions arrivés à la pause avec deux ou trois buts d’avance. Là, il a fallu se contenter un score de parité. Oui car le BVB a quand même fini par égaliser : les buvettes du Neckarstadion étant plus du genre bondées et inefficaces, je m’éclipse cinq minutes avant la pause pour aller au ravitaillement et, à mon retour, les bras chargés de bière, j’ai le plaisir de constater que nos Jungs s’apprêtent à tirer un pénalty. C’est André Schürrle qui s’y colle, un choix un peu surprenant de laisser tirer un joueur en manque de rythme et de compétition mais c’est, une fois encore, révélateur de l’attitude d’une équipe pas en confiance et dans laquelle personne n’ose vraiment assumer ses responsabilités. Pourtant, dans le but souabe, il y avait Ron-Robert Zieler, le gardien qui n’avait retenu aucun des 22 pénaltys tirés contre lui en Bundesliga. Mais cette fois, il va retenir le tir de Schürrle… heureusement que Maximilian Philipp avait bien suivi pour égaliser en force, j’avais juste eu le temps de mettre mes bières fraîches à l’abri pour exulter.
Le désastre
Ce match à Stuttgart nous a furieusement rappelé celui disputé tout récemment sur la pelouse d’un autre néo-promu, Hanovre. Le BVB démarre mal, parvient à revenir et, au moment de passer l’épaule, s’effondre lamentablement. Car, la deuxième mi-temps va débuter comme la première, avec un but encaissé rapidement par le BVB. Un but lui-aussi très révélateur de nos carences actuelles : un duel perdu à mi-terrain, une longue balle adverse qui met en lumière l’absence totale de filtrage de notre milieu de terrain, une absence de couverture sur le flanc gauche de Schmelzer, Zagadou qui se fait abuser comme un junior qu’il est encore dans son un contre un avec Brekalo et Bürki qui confirme sa scoumoune actuelle en voyait le tir de l’attaquant suttgartois lui heurter le pied et filer entre ses jambes. Soit au moins quatre défaillances individuelles et collectives sur la même action ! Et cette fois-ci, notre équipe s’est montrée incapable de réagir. Il n’y a vraiment rien de positif à retenir d’une deuxième période où nous n’avons jamais vraiment donné l’impression de revenir : pas d’idée, pas de révolte, pas de fierté, rien, le néant. Nous étions assis au troisième rang du Neckarstadion, donc parfaitement placés pour apprécier le langage corporel et les attitudes de nos Jungs. Et nous n’avons pourtant pas eu l’impression d’une équipe qui trichait et a balancé le match, comme cela a pu être le cas en certaines occasions la saison passée, notamment à Leverkusen, Darmstadt et Munich. Non, j’ai plutôt vu une équipe qui portait toute la misère du monde sur des épaules trop frêles pour supporter la pression et la spirale de l’échec, un navire à la dérive sans capitaine ni patron pour prendre le gouvernail et retrouver le bon cap. Le constat se répète semaine après semaine : cette équipe manque de patrons, de leaders, de guerriers et demeure beaucoup trop vulnérable au moindre événement contraire.
L’exemple de Stuttgart
Nous quittons donc une nouvelle fois le stade dépité, en observant avec une certaine envie la joie simple et un peu moqueuse des Stuttgarter, même si le VfB reste derrière nous au classement. Le destin croisé de nos deux clubs mérite que l’on s’y arrête quelques instants. En 2007, le VfB était loin devant le BVB – sportivement et financièrement. Cette année-là, les Souabes remportent même un titre dans des conditions qui rappellent furieusement notre Meisterschale de 2011 : un entraîneur sorti de nulle part (Armin Veh), des joueurs peu connus, un effectif jeune, un jeu dynamique et spectaculaire et une spirale positive qui a fini par tout balayer sur son passage pour rafler un titre qui semblait promis aux affreux Blauen d’Herne-West. Le VfB a alors eu la prétention de penser que, sur sa lancée, il allait pouvoir s’imposer durablement comme deuxième puissance du foot allemand. Comme avec nous quelques années plus tard et avec tant d’autres, le Bayern a pris la menace au sérieux et a utilisé son arme favorite : dégainer son chéquier pour dépouiller le prétendant ambitieux de son élément vedette, Mario Gomez. Stuttgart a alors voulu réinvestir l’argent gagné avec son titre dans des transferts coûteux, les résultats n’ont pas suivi, 1er en 2007, 6e en 2008, 3e en 2009, 6e en 2010 la frustration et l’impatience ont commencé à dicter la gestion du club, avec valse des entraîneurs et transferts en pagaille. Avec pour seul résultat une longue descente aux enfers sportives et financières qui, après plusieurs saisons à lutter pour le maintien, a abouti à une relégation logique en 2016.
Eloge de la simplicité
Mais cette relégation, plus qu’une catastrophe, a été une chance pour le VfB. Déjà, elle a permis de purger les tribunes des tous les Modefans et les opportunistes qui avaient accouru après la Meisterschale en 2007. Le club s’est recentré sur ses vrais fans et l’engouement au Neckarstadion n’a jamais été aussi fort que lors de la saison du Wiederaufstieg. Alors que traditionnellement, Stuttgart n’a jamais été réputé pour son ambiance, vendredi nous avons vu une vraie ferveur avec une Canstatter Kurve beaucoup plus unie dans ses chants que ne l’est actuellement notre Südtribüne. Aujourd’hui, au VfB, on a oublié les rêves de grandeur, de titres et de gloire. On se contente du plaisir simple de jouer en Bundesliga, de vibrer derrière son équipe et de vivre les émotions du football avec une équipe sans grandes stars mais avec un plan de jeu simple qui rappelle le BVB version Jürgen Klopp, normal puisque l’entraîneur souabe Hannes Wolf est un ancien des juniors du Borussia et un disciple de Kloppo. Un entraîneur à qui on laisse le temps de construire quelque chose, le succès viendra en son temps. C’est cette modestie que nous devons retrouver : arrêter avec ces impératifs de titre, ces âneries de croire qu’il n’y a pas de football en dehors de la Königsklasse, juste retrouver le plaisir du jeu et des émotions du football. Alors aura t’on l’intelligence de revenir à une notion plus humble et plus simple du jeu sans devoir passer par cinq ans de galère et une relégation comme le VfB, destin qui nous est promis si nous écoutons les rageux qui veulent aujourd’hui tout casser parce que nous avons perdu quelques matchs ?
Derbyzeit
Ce qui me navre le plus actuellement au BVB, ce ne sont pas les choix de notre entraîneur ou les performances de nos Jungs mais l’attitude des supporters. Et là je ne parle pas des théoriciens qui bêlent sur les réseaux sociaux mais n’ont jamais mis les pieds au Westfalenstadion ou, pire, uniquement avec un billet viagogo, ceux-là n’ont jamais vraiment fait partie de la famille, mais bien des supporters de base. Nous nous sommes souvent moqués des Blauen qui huaient leur équipe après une défaite et réclamaient la tête de leur entraîneur, nous avons donné des leçons la terre entière que nous, nous ne sommes pas Hoffenheim ou Wolfsburg, nous serons toujours derrière notre équipe, dans les bons comme dans les mauvais moments. Les mauvais moments, la vallée des larmes, les ruelles sombres si souvent évoqués dans nos chansons, nous y sommes, c’est là que nous devrions être forts et prouver notre titre autoproclamé de « beste Fans der Welt ». Et nous ne sommes pas à la hauteur.
A Hanovre, en l’absence des ultras, notre équipe n’a reçu aucun soutien. Contre Bayern l’ambiance était faible. A Stuttgart, la majorité du Gästeblock a fait la grève des encouragements en solidarité avec 300 Ultras interdits de déplacement. Il y a bien eu quelques tentatives de chants parties du haut du Gästeblock que nous avons tenté de reprendre à l’avant mais c’était compliqué avec cette masse silencieuse au milieu. Et il y a même eu des sifflets contre notre équipe… C’est vraiment comme cela que nous allons aider nos Jungs ? Je ne reconnais plus mon BVB, comme si quelques années de succès nous avaient fait oublier nos valeurs, notre histoire, nos traditions où travail, patience et fidélité ont toujours été les maîtres mots. Après une nouvelle défaite contre Tottenham qui ne va pas améliorer la confiance, il est important que tout le monde se reprenne : pas seulement les joueurs ou l’entraîneur mais aussi les Fans pour retrouver, à l’occasion du Derby de samedi, le vrai Westfalenstadion avec 72’000 guerriers prêts à pousser leur équipe en toutes circonstances et à l’aider à sortir de cette mauvaise passe !
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