C’est par les deux Plastikclubs de la Bundesliga en quatre jours que nous terminions notre premier tour. Avec deux victoires, il y avait encore moyen de boucler cette première moitié de saison plutôt contrastée sur un bilan très positif. Malheureusement, en laissant échapper deux victoires qui lui tendaient les bras et en ne récoltant qu’un seul point sur deux rencontres qu’il avait pourtant bien en mains, le BVB atteint la trêve dans un contexte de crise et de déprime qui ne va faire que renforcer le climat délétère qui règne autour de l’équipe et qui constitue un véritable frein au succès.

Vendredi 20 décembre. Cela fait longtemps que l’obscurité est tombée sur le Kraichgau. Un S-Bahn file sous le crachin, quittant les charmes de notre camp de base du week-end, Heidelberg, et le Neckar, pour s’enfoncer dans les plaines désolées du Kraichgau.

Heidelberg Weststadt/Südstadt, Heidelberg-Altstadt, Heidelberg Schlierbach/Ziegenhausen, Heidelberg-Orthopädie, Neckargemünd, Bannental, Reilsheim, Mauer bei Heidelberg, Meckesheim, Zuzenhausen, Hoffenheim, Sinsheim (Elsenz) Hbf, le convoi visite toutes les sous-préfectures oubliées des dieux de la région. Il faut croire que nous n’avons rien de mieux à faire en ce dernier week-end de l’Avent que de sillonner ces endroits reculés.

Notre destination ? Sinsheim Museum/Arena et le stade le plus sinistre de la Bundesliga. Le S-Bahn finit enfin par arriver à destination et nous débarquons entre des murs de bétons grillagés au milieu d’entrepôts déserts dans la banlieue glauque de Sinsheim. Ce soir, le BVB n’a rien à gagner et tout à perdre dans cette ambiance de fin du monde, quatre jours après la grosse désillusion contre Leipzig. Nous trouvons un peu de réconfort dans l’unique Biergarten du lieu, au pied d’un Tupolev et d’un Concorde, vestiges d’époques révolues. Et pourtant, nous sommes encore 4’000 Borussen à avoir effectué le déplacement. C’est dans ces moments là que la notion d’Echte Liebe prend tout son sens.

A dans trois ans ?

Ceci dit, si ça se trouve, la DFB va nous épargner ce déplacement sinistre d’Hoffenheim pour les trois prochaines saisons. Nous étions sous le coup d’un sursis pour les contestations envers Dietmar Hopp, le mécène mégalomane local, lors de nos deux derniers déplacements à Sinsheim, avec le risque d’être exclu de déplacement dans ce trou perdu en cas de récidive. Et c’était bien mal connaître nos ultras pour penser qu’ils allaient se tenir à carreau pour éviter la sanction. Certes, on n’a pas trop entendu le « Dietmar Hopp ist Hurrensohn » en Gästeblock mais une bonne partie du match  a été consacrée à des « Scheiß Hoffenheim » et quelques banderoles peu amènes envers l’imbuvable milliardaire ont été affichées. La DFB avait promis de ne plus dicter de sanctions collectives mais ce ne serait pas la première fois que ces guignols se déjugent : on peut donc craindre une fermeture du Gästeblock lors des trois prochains Hoffenheim – BVB. Après, il faudra m’expliquer pourquoi, si vraiment quelques insultes dérangent, aucune sanction ne sera prise contre les clients locaux qui n’ont pas manqué de nous envoyer des « BVB Hurrensöhne », comme tant d’autres fans de clubs rivaux. A priori, les insultes contre des supporters sont tolérées, pas quand elles touchent un milliardaire imbu de sa personne. Enfin, même une suspension ne m’empêchera d’aller soutenir mon équipe à Hoffenheim, au besoin en prenant des tickets directement sur le site du Plastikclub, comme je l’ai fait vendredi. Et, au moins, en prenant les billets directement à côté du Gästeblock, j’étais en grande partie entouré de maillots jaunes mais j’avais le droit à de la vraie bière (enfin, de la Bitburger..), contrairement à mes potes présents en Gästeblock, contraints au régime sec.

Les temps forts…

Comme quatre jours auparavant face à l’autre jouet artificiel de la Buli, la première mi-temps va tourner à la démonstration du Borussia. C’était un peu moins éblouissant que contre Leipzig mais la BVB n’a pas laissé le moindre espace à Hoppenheim. Et les combinaisons s’enchaînaient bien en attaque. Rapidement, cette supériorité va se concrétiser au tableau d’affichage avec une récupération et une relance inspirées de Manuel Akanji puis une triangulation entre Thorgan Hazard, Achraf Hakimi et Mario Götze qui conclut toute en finesse malgré le retour désespéré d’un défenseur adverse. Hoffenheim est complètement submergé et n’a guère que des frappes lointaines pour inquiéter Bürki, comme ce coup franc lointain du Danois Skov qui s’écrase sur la barre. Mais ce fut bien la seule alerte pour nos Borussen en première mi-temps, sinon le jeu s’est déroulé pour l’essentiel devant le but des Kraichgauer. Avec, comme trop souvent, un bémol majeur : on ne profite pas assez de nos temps forts pour définitivement tuer le match. La faute à un nombre trop conséquent de mauvais choix dans le dernier geste ou à une efficacité insuffisante sur balles arrêtées. Et puis nous nous sommes heurtés à un gardien en grande forme, Oliver Baumann, lequel réussit un petit miracle en détournant un tir de Thorgan Hazard sur la latte ou en gagnant son duel avec Julian Brandt. A la pause, ce score de 0-1 en faveur du BVB constituait vraiment un salaire minimum.

… et les temps faibles

Les ennuis ont débuté à la mi-temps avec la sortie sur blessure de Mats Hummels et Thorgan Hazard. C’est toujours embêtant de perdre deux des joueurs qui avaient été les plus brillants sur le terrain mais en plus ça limite fortement les possibilités de coaching pour l’entraîneur. Surtout en fin de saison, avec des joueurs fatigués et le risque d’une nouvelle blessure, notamment avec un Sancho sur les rotules, sans même parler des absences de Reus, Delaney et Witsel. On peut disserter sur le choix de remplacer Hazard par Bruun Larsen plutôt que par Alcacer mais ça se défendait par l’apport censément supérieur du Danois dans le repli défensif. Et franchement critiquer les changements d’un entraîneur limité par deux substitutions forcées à la mi-temps, c’est vraiment vouloir critiquer juste pour le plaisir de critiquer. Reste que le BVB a reculé après la pause, les occasions sont devenues moins nombreuses et Hoppenheim a commencé à s’enhardir et à s’approcher du but de Bürki.

On ne peut pas dire que les Kraichgauer aient été poussés par l’ambiance tristounette de la (Pre)Zero Arena mais on a senti que la fébrilité et la peur ont commencé à envahir nos Jungs. Les enchaînements ne passaient plus, les mauvaises passes se multipliaient et, finalement, la pression très brouillonne d’Hoppenheim a fini par porter ses fruits. Autant notre équipe a été capable de retournements de situation improbables ce premier tour, Köln, Gladbach en Pokal, Inter, Paderborn, autant elle a tendance à se liquéfier lorsqu’elle mène au score dans un match qu’elle paraissait maîtriser mais qu’elle n’a pas réussi à tuer. Et le scénario tant redouté mais malheureusement que trop bien connu va se répéter. Sur un cafouillage devant notre but, Bürki ne peut que repousser devant Locadia et le joker Adamyan est le plus prompt à réagir. Un but qui ne ressemble à rien mais qui suffit à anéantir tous les efforts consentis lors d’une brillante première mi-temps. Pire : alors que nos Jungs tentaient maladroitement et sans beaucoup de discernement d’aller reprendre l’avantage, ils vont se faire surprendre sur un centre d’Adamyan, à l’extrême-limite du hors-jeu, pour Kramaric dont le coup de tête ne laisse aucune chance à notre gardien. 2-1, rideau sur ce premier tour avec un très sale goût dans la bouche.

Du blanc au noir

Notre premier tour a été compliqué avec des hauts mais aussi des bas assez spectaculaires. Pourtant, nous avions tout en main pour le boucler sur une note très positive : avec une qualification en Pokal contre une équipe alors leader en Bundesliga, une qualification en Königsklasse dans le groupe le plus relevé de la compétition, si nous avions pu boucler notre Hinrunde avec un seul point de passif sur la tête du classement, nous aurions atteint la trêve hivernale sereinement et parfaitement dans la ligne des objectifs fixés. Et, malgré les difficultés et les polémiques de l’automne, c’était plus que jouable : il aurait suffi de prendre ses six points qui nous tendaient les bras contre Leipzig et Hoffenheim, tant notre supériorité était patente en première période. Las, notre incapacité à tuer l’adversaire dans nos temps forts et à verrouiller en défense dans nos inévitables temps faibles nous coûte cinq points en quatre jours et nous relègue à sept longueurs du champion d’automne, l’infâme RB Leipzig. Et nous atteignons la pause avec des doutes et des interrogations pleins la tête. C’est d’autant plus regrettable que, par moment, nous avons joué ces dernières semaines avec un volume de jeu digne d’un candidat au Meisterschale, la première demi-heure à Berlin, les matchs contre Düsseldorf ou Mainz, les premières périodes de Leipzig ou Hoffenheim…  Mais notre mental est encore loin de celui d’un futur champion. Pendant que nous balancions stupidement cinq points en quatre jours après avoir survolé la première mi-temps, le Bayern Munich était accroché et bousculé de partout par Freiburg et Wolfsburg. Mais finissait par prendre six points avec à chaque fois des buts dans les dernières secondes grâce à un junior de 18 ans sorti de nulle part. On comment, juste sur le mental et la gestion des fins de matchs, nous passons d’un potentiel avantage de six points sur le Rekordmeister à un retard de trois unités.

Le syndrome des viennent-ensuite

Que nous ayons une équipe de beau temps, cela fait cinq saisons que nous faisons le même constat et malheureusement le problème n’est pas résolu. Ceci dit, cette fragilité mentale peut s’expliquer aussi par le climat un peu délétère et malsain qui règne autour du club. Si l’on étend un peu le regard au-delà des frontières, nous constatons que de nombreux clubs de dimension un peu comparable au nôtre connaissent des difficultés analogues : c’est-à-dire, dans un football à la hiérarchie de plus en plus figée, des clubs qui se retrouvent juste derrière un colosse avec un budget nettement supérieur et, parfois, une meilleure gestion sportive des dernières saisons, qui cannibalise les trophées. Des clubs trop importants pour se contenter de juste une qualification européenne mais pas assez pour jouer le titre chaque année. Et qui finissent par sombrer dans la frustration, l’instabilité permanente et la gestion au jour le jour. Là où ils devraient justement faire l’inverse, c’est-à-dire prendre le temps de reconstruire quelque chose pour une fois pouvoir à nouveau lutter tout en haut. En Angleterre, Manchester United et Arsenal, après d’être longtemps disputé le titre, ne parviennent plus à se qualifier en Ligue des Champions, entre changements d’entraîneur et instabilité chronique.

Même si l’Inter va un peu mieux, grâce à des investissements colossaux (et ça n’a pas suffi à passer en Königsklasse, on est bien placé pour le savoir), les deux clubs milanais galèrent depuis de nombreuses saisons. Mais le club italien le plus comparable à nous, c’est sans doute Naples : après avoir flirté plusieurs saisons avec le titre sans parvenir à détrôner la Juventus, l’impatience et la frustration ont fini par exploser et même un entraîneur aussi chevronné et avec un palmarès aussi fourni que Carlo Ancelotti n’y a pas résisté. On peut aussi parler de Marseille, malgré une légère embellie cet automne, mais surtout de Lyon : Bruno Genesio, autre entraîneur sempiternellement décrié malgré des résultats pas si mauvais, déclarait récemment : « Je pense que les supporters s’attendaient à autre chose pour leur club, à des titres et certainement un entraîneur de renom. Je pense que c’est le point de départ de leur insatisfaction. Ils n’ont pas conscience de la différence entre Paris et Lyon aujourd’hui. Il y a peut-être aussi un climat autour du club que l’on mésestime ou sous-estime. Ce climat négatif a forcément un impact sur les joueurs et sur le club en général. »

Back to the Roots

A mon avis, on peut appliquer exactement le même constat au BVB. Et un changement d’entraîneur, que d’aucuns présentent comme la solution miracle à tous les maux, aurait des effets aussi désastreux à Dortmund qu’à Lyon. Nous rêvons tous de titres mais nous avons tendance à oublier que les titres ne se gagnent pas avec des paroles, sur un claquement de doigts et ou en claquant des millions que nous n’avons pas. A Dortmund, les titres ne sont jamais arrivés sur commande, ils ont toujours été le fruit de travail, de patience et d’une longue construction. Il a fallu trois ans à Klopp pour gagner son premier trophée, quatre à Hitzfeld, et si l’on veut remonter plus loin, die Helden von 1966 ou les Drei Alfredos jouaient ensemble depuis des années avant de connaître le succès. Il serait peut-être temps que Michael Zorc et Hans-Joachim Watzke se rappellent du diagnostic – juste – qu’ils avaient posé à l’été 2018 : « Back to the Roots », retour aux sources, c’est-à-dire revenir aux fondamentaux qui ont fait le succès du Borussia : patience, labeur, combativité, unité, solidarité… et ne pas parler titres avant d’avoir construit quo ique ce soit. Lucien Favre a réussi en un temps record à reconstruire quelque chose l’automne dernier avec une équipe qui nous a tous enchanté et qui marchait sur la Bundesliga.

Mais, depuis Noël passé, avec la perspective d’un Meisterschale, nous ne raisonnons plus que dans une logique de court-terme, d’opération commando pour gagner le match du week-end prochain. Et chaque mauvaise passe, chaque but encaissé, chaque défaite, prend des allures de fin de monde, avec des avalanches de critiques, de remises en question, de boucs émissaires… Cette pression permanente pèse sur notre équipe dont le mental n’est déjà pas la qualité première. L’atmosphère du Westfalenstadion, qui devrait et a longtemps constitué un atout pour nos joueurs, devient un poids et un handicap. Il y a des belles promesses dans notre jeu (si, si…) mais pour qu’elles se concrétisent de manière plus évidente au tableau d’affichage et au classement, il faudrait que nos Jungs puissent retrouver l’insouciance, la spontanéité et la légèreté qui leur avaient permis d’atteindre la dernière trêve hivernale avec 42 points. Pour ce faire, commençons par nous rappeler chacun quelle est notre place : laissons l’entraîneur entraîner, les joueurs jouer et n’oublions jamais que notre unique rôle comme fans, c’est de soutenir inconditionnellement et jusqu’au bout notre équipe, comme l’ont fait les 4000 irréductibles présents à Sinsheim. Si nous y parvenons, je pense que nous aurons déjà fait une partie du chemin pour que cette saison, dont la première moitié s’est achevée dans la déprime et la déception par une soirée pluvieuse de décembre dans l’Arena en plastique d’Hoppenheim, se termine sur une note beaucoup plus gaie dans le plus beau stade du monde par une chaude après-midi de mai.

Catégories : Au Stade

1 commentaire

Romeo · 28/12/2019 à 14:20

On peut distinguer de l’extérieur 2 problèmes du BVB:

1-Ils ne veulent pas sacrifier ce jeu de possession alors que ça ne fait plus recette.
Quand tu as zappé Samassekou pour miser sur Weigl,ça explique tout.Tu préfères l’esthétique au futur Yaya Touré(malgré le coup d’arrêt à cause de sa blessure).
Je me demande aussi pourquoi on n’a pas misé sur des attaquants comme Kramaric et Haller?On a besoin de bagarreurs.

2-Depuis Tuchel en passant par les Dembelé,Aubameyang et maintenant Sancho,on voit une certaine défiance envers l’institution BVB.Même l’attitude nonchalante des joueurs interpelle.
La raison est que Watzke et/ou Zorc ne sont plus crédibles car les mecs voient leurs failles et leurs limites de l’intérieur et leurs discours ne passent plus.

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