Samedi à Mayence, le Borussia Dortmund s’est offert une véritable démonstration de football. Le score de 4-0 paraît presque flatteur pour le Karnevalsverein, si l’on songe notamment aux nombreuses occasions galvaudées par nos Borussen ou aux deux pénaltys flagrants oubliés en notre faveur. De bon augure avant le match au sommet contre le RB Leipzig.
Aucune d’entre nous n’a oublié le dernier match joué par le BVB dans l’ancien stade de Mayence, le Bruchweg. C’était en septembre 2011, le Borussia avait raté son début de saison et était mené 1-0 à la mi-temps par le Mainz de Thomas Tuchel. A ce moment-là, Dortmund accusait virtuellement 11 points de retard sur le Bayern Munich et paraissait avoir déjà perdu toutes chances de conserver son Meisterschale. Mais le BVB avait inversé le score et l’avait emporté 2-1 sur un but de Lukasz Piszczek à la dernière minute, le début d’une série fantastique qui avait permis de remporter un deuxième Schale d’affilé. Depuis cette victoire homérique, Mainz a migré dans sa nouvelle Arena plantée au milieu de nulle part.
J’ai vu tous les matchs joués par le BVB dans cette nouvelle enceinte et c’est un stade qui nous a souvent réussis. Il y a bien eu une défaite lors de la descende aux enfers de Jürgen Klopp en automne 2014 et un nul début 2017 quand Thomas Tuchel a commencé à perdre son vestiaire mais sinon que des victoires ! Mais toujours des victoires accrochées après des durs combats. Jamais nous ne l’avions emporté avec autant de facilité que samedi dernier : même si Mainz a paru bien faible, il faut saluer la performance réussie par nos Jungs car c’est aussi la qualité du jeu produit par les nôtres qui a réduit les joueurs mayencennois au rang de simples spectateurs. Pour aller chercher tout simplement la victoire la plus convaincante jamais obtenue par le BVB à Mayence.
Mainz est magique
La ville marquant la confluence du Rhin et du Main constitue toujours un déplacement privilégié pour le peuple jaune et noir. C’est vraiment une ville sympa où il règne une bonne atmosphère et c’est encore plus le cas cette année dans l’ambiance des Weihnachtsmarkt, même si une grosse averse sur le coup de midi nous a contraint abandonner temporairement les Glühwein pour nous réfugier dans le Dom.
Puis dans un bar. En arrivant au stade, un petit marché de Noël est installé devant l’entrée, l’occasion de participer à une collecte en faveur des enfants défavorisés, vraiment une atmosphère très sympathique et conviviales. Nous sommes 4’000 Borussen à débarquer à Mainz avec la ferme intention d’y faire la fête. Et ça tombe bien, l’alcool est de la partie en Gästeblock à l’OPEL Arena. Résultat : une minute d’attente aux bars sans alcool à Berlin, quinze minutes de file pour de la vraie bière à Mainz, c’est sûrement juste une coïncidence. Je suis néanmoins un peu déçu que mon compagnon de route du week-end n’ait pas trop apprécié la Feuerwurst de Mainz dont je lui avais tant vanté les mérites. Un YNWA repris en cœur par les fans des deux camps, l’hymne de Mainz, le très entraînant et plain d’autodérision « Wir sind nur ein Karnevalsverein » et la partie pouvait commencer.
Le drôle de destin d’Achim Beierlorzer
On se méfiait de cette équipe de Mainz, déjà parce qu’on avait l’habitude d’y disputer toujours des matchs très disputés, comme écrit ci-dessus, mais aussi parce que le Karnevalsverein est en nette reprise depuis qu’il a changé d’entraîneur. Exit Sandro Schwarz, un disciple de Jürgen Klopp, dont le projet de jeu était peut-être un peu trop ambitieux pour une équipe vouée à lutter contre la relégation. Et c’est donc Achim Beierlorzer qui préside désormais aux destinées du FSV. C’est un drôle de destin qui mérite je crois d’être conté : Achim Beierlorzer a débuté la saison à la tête du 1. FC Köln mais les résultats n’ont pas suivi et il s’est retrouvé à jouer sa tête lors d’un match à domicile contre Hoffenheim. Pas de bol : après avoir largement dominé la première mi-temps, les Geissböcke s’effondrent après la pause et perdent sur pénalty à la dernière minute. Et Achim Beierlorzer est viré. Mais il ne reste pas au chômage très longtemps puisqu’il est engagé quelques jours plus tard par Mainz, qui vient lui aussi de congédier son entraîneur, Sandro Schwarz. Et, ironie du calendrier, Herr Beierlorzer débute son mandat sur le banc mayencennois à Hoffenheim, soit le même club qui l’a fait virer à Köln quelques jours auparavant. Il y prendra une revanche éclatante avec une victoire 5-1 ! Sous Beierlorzer, Mainz adopte une approche plus pragmatique et moins audacieuse qu’avec Schwarz, c’était donc un adversaire qui pouvait nous poser problèmes. Lucien Favre devait être du même avis car il a moins fait tourner son effectif qu’attendu trois jours avant le choc contre Leipzig : seul Schulz relaie Guerreiro sur le flanc gauche dans ce qu’on peut considérer comme notre équipe type depuis le passage au 3-4-3.
A sens unique
Mais le match tourne rapidement à la démonstration. Nos Jungs combinent bien, ça va beaucoup trop vite pour Mainz et les occasions s’enchaînent devant le but du gardien Zentner. Il y a toutefois quelques petits bémols à notre prestation : d’abord, Nico Schulz est un ton en-dessous de ses coéquipiers et galvaude deux balles de but. Ensuite, Marco Reus paraît toujours marqué par la malédiction des matchs à l’extérieur. Depuis le début de la saison, notre capitaine avait inscrits huit buts mais tous au Westfalenstadion en Bundesliga, jamais en déplacement et jamais en Ligue des Champions. Et la malédiction paraît se poursuivre à Mainz pour Marco avec un tir bloqué, un tir qui part dans les étoiles en position pourtant idéale et un troisième bloqué par le gardien Zentner.
Notre capitaine paraît vraiment maudit lorsqu’il se voit refuser un pénalty flagrant sur un centre arrêtée des deux mains par le défenseur St. Juste, comme un gardien de but. Nous étions sûrs que l’arbitre allait donner le pénalty lorsque l’écran géant a annoncé le recours à la VAR mais les incompétents de Köln en ont décidé autrement. C’est pas Juste ! Comment peut-on ne pas siffler un pénalty là-dessus, surtout que la saison dernière on avait cru comprendre que désormais toutes les mains dans la surface devaient être sanctionnées ? Mystère… Bref, après une demi-heure de domination totale, le BVB était bien mal payé avec ce score de 0-0.
L’irréductible Gaulois
Heureusement, nos Jungs et notre capitaine ont persévéré et ils ont fini par être récompensé. Sur un renvoi de la tête plein axe devant Hummels, la balle revient sur Marco Reus qui arme une volée parfaite dans le petit filet. La délivrance pour notre capitaine, enfin un but à l’extérieur qu’il vient célébrer d’un point rageur juste devant nous en Gästeblock.
Le BVB ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Il aurait dû bénéficier d’un pénalty pour une faute sur Hazard mais une fois de plus la VAR a démontré son inutilité absolue, alors qu’une tête de Brandt, une nouvelle fois omniprésent à la manœuvre, file juste à côté. La pause n’a en rien refréné les ardeurs de nos Jungs. Zentner retarde l’échéance devant Brandt et Reus, toujours 0-1. En face, son homologue Roman Bürki est réduit au chômage technique, bien loin de ses parades à répétition contre Slavia Prague, tant Mainz est inoffensif offensivement. Et pourtant, le Karnevalsverein va se faire piéger sur un contre. Le mérite en revient en grande partie à Dan-Axel Zagadou. Le Français bloque un tir mayencennois devant notre surface puis se lance dans un sprint de 70 mètres où il a dégagé une telle puissance que les défenseurs du FSV ont donné l’impression de s’écarter comme une légion romaine devant une charge d’Obélix. Au terme de son effort, le titi parisien a la lucidité de servir Jadon Sancho qui transperce le gardien Zentner pour le 0-2. Il restait trente bonne minutes mais le match était plié tant la supériorité dortmundoise était patente.
Juste pour le plaisir
Néanmoins, nos Jungs n’ont pas relâché leur pression et ont décidé de se faire plaisir et de nous faire plaisir jusqu’au bout. Thorgan Hazard, parfaitement décalé par Marco Reus, inscrit le 0-3 en transperçant une nouvelle fois Zentner. Sancho rate à deux reprises le 0-4, dont une fois sur le poteau, et c’est finalement à celui qui aura été le moins convaincant de nos Jungs qu’est revenu l’honneur de sceller le score : parfaitement servi par Jadon Sancho, Nico Schulz inscrit le numéro quatre d’un tir croisé imparable. Schuuuuuuuuulz ! Espérons que cela serve de déclic pour un joueur qui vaut sans doute bien mieux que ce qu’il a montré depuis son arrivée en schwarzgelb. Virtuosité, combinaisons inspirées, défense impeccable, projections rapides vers l’avant, intensité physique, nos Jungs ont vraiment régalé samedi à Mayence.
On regrette que l’on n’ait pas joué tous les matchs avec cet état d’esprit, au hasard Union Berlin, Freiburg, Derby ou Paderborn, nous serions en train de nous balader en tête du classement. Mais peu importe, il ne sert à rien de ruminer le passé : nous sommes toujours en course pour le Meisterschale, à quatre points du leader, devant le Bayern Munich, et notre équipe paraît avoir retrouvé la spontanéité, la confiance et l’insouciance qui nous avaient permis de survoler la Bundesliga l’automne dernier.
L’heure de vérité
C’est donc un peuple jaune et noir heureux qui quitte l’OPEL Arena pour aller s’égayer et célébrer la victoire dans le très festive Mayence. Le lendemain, notre club fêtait les chants de Noël devant près de 70’000 fans, j’ai malheureusement dû faire l’impasse mais à la place nous avons assisté à des chants de minuit à l’Augustinerkirche de Mainz.
Nous avons l’impression que, après les polémiques et les doutes de l’automne, notre club a retrouvé unité et optimisme. Tellement critiqué, Lucien Favre devient tout simplement le meilleur entraîneur de l’histoire du club en Bundesliga, avec une moyenne de 2,14 points par match, devant Thomas Tuchel mais surtout assez loin devant Willy Multhaupt, Jürgen Klopp et Ottmar Hitzfeld. Mais pour le Suisse, il faut maintenant que cette statistique trouve sa concrétisation par un titre majeur.
Et ça tombe bien : ce jour, c’est ni plus ni moins que le leader, l’infâme RB Leipzig, qui nous rend visite dans notre antre du Westfalenstadion. Avec quatre points de retard, il n’y a pas besoin de faire un dessin sur l’importance de ce match : un point d’écart ou sept au coup de sifflet final, ce ne sera pas du tout la même histoire et le même bilan à Noël. Depuis deux mois le Plastikclub avance en mode rouleau compresseur sur la Bundesliga, avec beaucoup d’agressivité, une grosse intensité physique et un potentiel offensif impressionnant. Un test XXL pour notre nouveau 3-4-3, surtout en l’absence d’Axel Witsel et Thomas Delaney, où il s’agira de laisser beaucoup moins d’espaces que contre le Slavia Prague. La saison dernière, nous avions battu deux fois le jouet de Red Bull, 4-1 et 1-0, mais nous nous étions cassés deux fois les dents sur son actuel entraîneur, Julian Nagelsmann, alors à Hoffenheim, 1-1 et 3-3. On attend un match d’hommes de nos Jungs, qu’ils nous montrent qu’ils ont les tripes, le cœur et la mentalité pour aller chercher ce Meisterschale auquel ils aspirent et qu’ils fassent comprendre à ce machin artificiel venu d’Autriche qu’il n’a rien à espérer dans le temple ultime du football. Histoire que cette belle journée de football à Mayence ne demeure pas qu’une promesse sans lendemain mais une étape dans la course vers le titre suprême.
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