La patience est la mère de toutes les vertus, paraît-il. C’est en tous les cas une qualité dont doivent s’armer les fans du BVB cette saison. Contre Wolfsburg, nos Jungs ont à nouveau longtemps séché sur leur copie. Avant de, comme d’habitude, faire la différence sur la fin pour aborder en pole position le Giganten-Gipfel à Munich.

Durant ma très modeste carrière de joueur de football, j’ai eu l’occasion de porter plusieurs saisons le maillot du FC Saint-Barthélemy, le club du village natal de notre entraîneur, Lucien Favre. Maintenant que notre Lulu local fait des miracles sur le banc de plus merveilleux club du monde et évolue tous les week-ends devant les meilleurs fans de la planète, je me devais d’emmener une fois mes coéquipiers de l’époque voir notre concitoyen de notre petit village de quelques centaines d’habitants dans son nouvel environnement. Ils sont huit à avoir répondu à mon invitation, dont la moitié s’appellent Favre d’ailleurs, comme bon nombre d’habitants de Saint-Barthélemy.

Les limites de l’organisation

Organiser un déplacement pour neuf personnes (Null neun, ça porte chance) dans le Ruhrpott, c’est un jeu d’enfant pour qui fréquente le Westfalenstadion depuis bientôt deux décennies. Un trajet pas trop cher et plus ou moins ponctuel (nonobstant quelques fantaisies de la Deutsche Bahn mais c’était prévu dans l’horaire), c’est facile. L’hébergement à proximité immédiate du meilleur bar de fans de Dortmund, le Lütge-Eck, aucun problème. Le petit-déjeuner suivi de l’apéro dans mon appartement en mode musée du BVB, ça a été fait (on a attendu l’heure buvable de 11h pour troquer boules de Berlin et jus d’orange contre bretzels et Brinkhoff’s). La tournée des Biergarten, le Rote Erde, mon Fanclub, la Freibad, ce fut une affaire qui roule.

Neuf billets à 30 euros pièces environ pour le match, une formalité. Le plus beau stade du monde archi-comble tout de jaune vêtu avec une ambiance fantastique, c’est juste la norme au BVB. Mais il y a un élément pas complètement secondaire que même avec toutes mes années d’expérience, je ne peux pas maîtriser, c’est la qualité et le résultat du match. Et je dois dire que j’ai longtemps pensé que j’avais un peu foiré cet aspect-là de mon week-end de rêve en offrant à mes potes une purge médiocre en guise de match. On n’en est pas passé loin mais, fort heureusement, cette saison, la patience du peuple jaune est souvent récompensée. Ou quand les émotions d’une fin de match de folie peuvent faire oublier la pénible impression de 90 minutes assez quelconques.

Als Kind mit meinem Vater gekommen…

La première info du match, apprise (et d’une source de première main, un whatt’s app de notre entraîneur lui-même) dans la file d’entrée du Westfalenstadion, c’est l’absence de Marco Reus pour cause de paternité. On n’a pas parlé de mauvaise nouvelle car on craignait par-dessus tout que notre capitaine nous fasse défaut pour le déplacement de Munich mais, même contre Wolfsburg, l’absence de notre leader est toujours préjudiciable. C’était involontaire, car un tifo se prépare des semaines à l’avance, mais la Südtribüne a incidemment réservé un superbe hommage à Marco avec un Choreo « Als Kind bin ich mit mein Vater gekommen, und der wurd auch schon von seinem mitgenommen ». Comme enfant je suis venu avec mon père et lui avait déjà été emmené par le sien. Le BVB, ce n’est pas juste une hype passagère, c’est pour la vie et même davantage que cela : c’est une passion qui se transmet de génération en génération. Peu importe les résultats, la ligue, les joueurs, c’est d’abord l’amour d’un club, d’un maillot, d’une tradition, d’une histoire et de valeurs. C’est le genre de message qui me donnera toujours des frissons, l’après-midi commençait bien !

Le néant

Mais la suite a été beaucoup plus laborieuse. Notre première mi-temps a ressemblé à s’y méprendre à celle livrée contre Stuttgart trois semaines auparavant. C’est-à-dire à pas grand-chose. Une domination dortmundoise stérile, aucun tir cadré, une reprise au-dessus d’Alcacer et une frappe complètement ratée de Zagadou de… l’épaule comme seules demies-occasions. Le néant ou pas loin. Il faut aussi accorder un peu de crédit à Wolfsburg, qui n’a plus rien à voir avec l’équipe fantomatique des deux dernières saisons écoulées qui n’avait sauvé sa place en Bundesliga qu’en passant par les barrages contre le troisième de Dritte Liga. C’est devenu un candidat aux places européennes, avec une cohérence tactique, de la combativité et de la confiance. Rien d’exceptionnel mais suffisant pour contrer ce BVB du printemps 2019 qui n’a pas retrouvé la superbe qu’il a pu avoir l’automne dernier. D’ailleurs, si une équipe avait mérité de mener au score à la pause, c’eût été plutôt celle de Volkswagen, laquelle s’est créée la meilleure occasion de la première mi-temps avec un tir de Weghorst magnifiquement détourné par Roman Bürki. En fait, la seule étincelle de cette première mi-temps est venue de Freiburg dont l’ouverture du score précoce contre le Bayern a provoqué une immense clameur au Westfalenstadion. Encore fallait-il pouvoir en profiter et à la pause cela n’avait rien d’évident.

Le douzième homme

Mais, depuis le début de la saison, nous avons appris les vertus de la patience. Et c’est donc moyennement inquiet que je vais chercher le Herrentascher-XXL de la pause : en attaquant face à la Südtribüne, cela devrait mieux aller en deuxième période.

Sauf que cela n’est pas beaucoup plus concluant. Le BVB réussit enfin son premier tir cadré de l’après-midi avec une frappe de Sancho détournée par Casteels mais sinon les occasions sont plutôt rares. On se fait même des frayeurs sur deux ballons qui naviguent dangereusement devant le but. Les minutes passent et nous ne voyons pas venir les solutions. De plus, Lucien Favre n’a guère de possibilité d’inverser les choses par son coaching puisqu’il doit gaspiller deux changements lorsque ses latéraux gauches Diallo et Hakimi doivent sortir sur blessure en l’espace de vingt minutes. Pas vraiment idéal quand tu sèches sur l’équation posée par une équipe bien en place et solide défensivement. Toutefois, malgré l’incapacité de nos Jungs à enflammer la partie, le Westfalenstadion a poussé sans relâche.

On a malheureusement parfois constaté cette saison que l’ambiance au Tempel der Glückseligkeit n’a pas toujours été à la hauteur des prestations de notre équipe. Mais contre Golfsburg, ce fut l’inverse : même si le match n’était pas terrible, les chants se sont succédés sans discontinuer, il n’y a pas eu de sifflets ou de grondements désapprobateurs devant les très nombreuses mauvaises passes, le mur jaune a porté sans discontinuer son équipe et les autres tribunes ont suivi plus souvent qu’à leur tour. Au fil des matchs, des émotions fortes vécues, des victoires miraculeuses en fin de match, un lien très fort s’est (re)tissé entre l’équipe et les fans et nous retrouvons à nouveau en peuple jaune en mission pour pousser nos Jungs vers la Graal.

Un mental d’acier

Notre équipe aussi, elle est en mission. Force est de constater que, depuis le début de ce deuxième tour, la qualité de jeu n’a pas toujours été au rendez-vous. En revanche, l’état d’esprit est irréprochable. Et les solutions que nous n’arrivons pas toujours à trouver par le jeu, la tactique ou la qualité technique, nous avons à nouveau la capacité de les trouver à l’envie, la volonté, la rage et la combativité. En l’occurrence, les arrêts de jeu venaient de débuter et notre patience à atteindre dangereusement ses limites que le BVB obtient un coup-franc assez généreux à l’orée des seize mètres. Le mur est placé à bonne distance (et même un peu plus, selon un tabloïd pro-bavarois mais là c’est l’hôpital qui se fout de la charité), Paco Alcacer se place devant le ballon. Evidemment, nous avons tous en tête le but inscrit à peu près dans les mêmes circonstances contre Augsburg.

Cette fois-ci, le coup-franc de Paco est un peu moins bien tiré mais il troue la forêt de joueurs située devant la ligne des cinq mètres et le gardien Casteels, complètement masqué, se troue lui-aussi en boxant la balle dans ses propres filets. Une immense clameur secoue le Westfalenstadion, une gigantesque Bierdusche descend des tribunes, tout le monde s’embrasse, 91e, 1-0. D’accord, le match n’a pas été terrible mais juste pour vivre des émotions comme celle-là, on veut bien subir tous les week-ends pareille purge. Forcément, Wolfsburg se rue à l’abordage et ouvre enfin des espaces dans sa défense. Jadon Sancho et Paco Alcacer en profitent pour inscrire le 2-0 en contre. Nouvelle explosion de joie au Westfalenstadion, accueil triomphal pour l’équipe après le match et chants de victoire qui se sont prolongés de longues minutes après le coup de sifflet final. Il a fallu être très patient mais mes potes de Saint-Barthélemy sont repartis avec des étoiles plein les yeux. Finalement, le GO n’était pas si défectueux (à part éventuellement en fin de soirée après avoir trop fêté la victoire mais c’est un autre sujet…).

Le combat d’une génération

Cerise sur le gâteau, le Bayern n’a pu faire mieux que match nul à Freiburg (ne rigolons pas trop, le déplacement compliqué de la Forêt Noire, nous allons bientôt nous y coller) et nous reprenons la tête du classement, perdue trois semaines auparavant, avec deux points d’avance sur le Rekordmeister. Les Zieht den Bayern die Lederhosen aus retentissent au Westfalenstadion. C’est en leader que nous allons nous déplacer dans le tombeau de l’Arroganz Arena. Où nous n’aurons finalement rien à perdre : personne ne s’attendait à être champion cette année et nos rêves de Meisterschale pourraient déjà être envolés sans les six points grappillés dans les dernières minutes lors des trois derniers matchs contre Stuttgart, Berlin et Wolfsburg. L’expérience, le budget ou la qualité de l’effectif parlent clairement en faveur du Bayern. Mais nous avons nos propres armes : la rage, la volonté, les émotions, la combativité qui animent cette équipe, le soutien indéfectible du peuple jaune et noir, d’ores et déjà assuré de remporter la bataille des tribunes face aux clients repus et blasés du Bayern. La plupart de nos Jungs n’ont jamais été champions d’Allemagne, ils ont une occasion peut-être unique d’aller décrocher ce Meisterschale et de le ramener à la maison, sur la Borsigplatz, dans sept semaines. Ce sera le combat de cette génération prometteuse et qui nous a si souvent enchantés. L’heure de vérité. Jusque-là, nous vivons un rêve éveillé depuis le début de la saison mais le Meisterschale apparaissait comme une vague perspective éloignée. Mais samedi, sur le coup des 20h20, le rêve pourrait commencer à devenir réalité. Et nos Jungs paraissent animés par une telle foi qu’ils sont capables de rendre possible l’impossible. Auf geht’s Jungs !!!

Catégories : Au Stade

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