Dortmund est une ancienne cité médiévale, même s’il ne reste quasiment plus aucune trace de cette époque, la révolution industrielle et la deuxième guerre mondiale étant passées par là. Mais cela fait plus de mille ans que se tient le marché à Dortmund. Et une fois l’an, l’ancienne Tremonia se souvient qu’elle fut jadis une ville de foire.

Les premières traces de Dortmund remontent à l’an 880 après Jésus-Christ avec un village dénommé Throttmani. Le village crut rapidement et devint ville, l’une des plus puissantes de l’Empire. La future Dortmund devint même brièvement la résidence de l’Empereur Frédéric Barberousse en 1152. C’est à cette époque-là que la ville pris son nom latin, Tremonia, encore largement utilisé aujourd’hui sur des écharpes ou comme bannières de nombreux Fanclubs du Borussia. Tremonia, cela voulait dire trois portes, allusion aux trois portes de la ville. En français, Trémoigne. Je déteste cette manie qu’ont certains médias francophones de franciser les noms des clubs allemands mais, s’ils voulaient être cohérents, ils ne devraient pas parler du Borussia Dortmund mais du Prusse Trémoigne… Sa puissance permit à Tremonia d’intégrer la ligue hanséatique (avec l’influence déjà contée sur la toponymie de nombreux sites emblématiques de la ville) et de devenir ville libre d’Empire puis d’être autorisée à brasser sa propre bière. Ce statut privilégié lui permettait de dépendre directement de l’Empereur et de ne pas avoir à payer taxes et dîmes à quelques seigneurs locaux. Ce qui lui valut bien des convoitises, comme la tentative d’invasion avortée commémorée chaque année lors de la Pfefferpotthastfest.

Ville de foire         

Devenue Dortmund au XIVème siècle, la ville a rapidement profité de son statut privilégié pour devenir l’une des principales villes commerçantes de Rhénanie et Westphalie et même la deuxième productrice de bière d’Europe au Moyen-Age. Cela fait plus de 1000 ans que Dortmund accueille un marché ! D’ailleurs, les premières mentions de la Borsigplatz, la place où est née le BVB, située en dehors des anciens murs de la ville, datent d’une époque où elle n’était qu’un carrefour campagnard par lequel transitaient marchands et paysans venant vendre leurs produits au marché. Rapidement, le marché de Dortmund devint l’un des plus importants de l’Empire, avec ceux de Mayence et Cologne. A la base, il s’agissait d’une foire commerciale annuelle qui se tenait une fois l’an. D’ailleurs, le BVB a disputé une fois dans son histoire la mythique Coupe d’Europe des Villes de Foire, l’ancêtre de la Coupe UEFA et de l’actuelle Europa League. C’était en 1964-1965 et le Borussia avait éliminé les Girondins de Bordeaux au premier tour avant d’échouer contre Manchester United au deuxième.

Une traduction séculaire

Mais il y a plus de 700 ans, le marché annuel est devenu bihebdomadaire et s’organisait le mercredi et le samedi. Il a pris même une telle importance que certains commerçants disposaient de comptoirs permanents dans des bâtiments en dur. Le lieu du marché a migré : il fut organisé sur l’Alter Markt comme son nom l’indique, puis sur la Prinzenstrasse, près de l’actuel Rathaus, sur le Westenhellweg… A sa plus grande époque, le marché dortmundois occupait tout le centre-ville, du Rathaus à la Reinoldikirche, l’Eglise dans laquelle se trouve la dépouille de Reinoldus, Saint-Renaud de Montauban, le Saint Patron de Dortmund, dont je te raconterai une fois la légende. Aujourd’hui, c’est sur la Hansaplatz que se tient le marché mais toujours au même rythme qu’il y a sept cent ans : le mercredi et le samedi. Tous les samedis matin, tu peux donc passer y acheter des victuailles (l’essentiel des stands du marché actuel sont consacrés à de l’alimentaire).

Hansemarkt

Aujourd’hui, il ne reste plus rien ou presque de la Dortmund médiévale d’antan. Il y a d’abord eu la révolution industrielle qui a transformé l’ancienne cité commerçante et brassicole en capitale du charbon et de l’acier. Puis est survenue la destruction quasi-totale de la ville par les bombardements alliés durant la deuxième guerre mondiale. Mais, à Dortmund, plus que nulle part ailleurs, on est fiers de ses traditions et de son passé. Ainsi donc, depuis un quart de siècle, se tient une fois l’an le Hansemarkt durant lequel, l’espace d’un week-end, Dortmund renoue avec son passé de ville de foire. Le 25. Hansemarkt se tenait le week-end dernier et pendant quatre jours, le marché a de nouveau investit la Reinoldikirche, l’Alter Markt, la Willy-Brandt Platz, la Platz von Leeds et la Kleppingstraße. Aux côtés du marché traditionnel du samedi matin sur la Hansplatz où le futur « plus grand sapin de Noël du monde » est en voie d’installation, révélant la supercherie qui illuminera Dortmund durant les cinq semaines précédant Noël à l’occasion du Weihnachtsmarkt. Mais chut, c’est comme le Père-Noël : il faut faire semblant d’y croire.

En plein Moyen-Âge

En attendant le Verkaufsoffener Sonntag (ouverture dominicale des magasins), le samedi le Hansemarkt cohabite bien sûr avec les hordes jaunes et noires venues pour BVB – Wolfsburg puisque le marché se tient en partie sur l’Alter Markt, le Fantreff traditionnel avant le départ pour le stade.

Plus inhabituel, des étals remplis de légumes d’automnes côtoient une laie et ses marcassins, des dindes, des calèches ou une roue à aube.

L’air s’emplit d’une odeur de fumée provenant de l’atelier des forgerons qui façonnent épées, heaumes et boucliers. Dans les allées, défilent des chevaliers en armures qui croisent les fans. Devant la Reinoldikirche été dressée une scène arborant les bannières des guildes où se succèdent troubadours, cracheurs de feu, chevaliers, saltimbanques, jongleurs et… danseuses du ventre.

Je décline le spectacle puisque juste à côté se trouvait un bar – ou plutôt une taverne.

depuis lequel j’ai une vue sur un stand vendant des objets sculptés en bois : aigles, marmottes et autres animaux, étoiles, ancres, cœurs mais celui qui me fait flasher, c’est le BVB en bois, évidemment. Je quitte la taverne en me faisant la promesse de revenir après le match et la victoire pour en faire l’acquisition.

Ville de foire (bis)

Comme le marché a traversé les âges, tout n’est pas que médiéval. D’étranges machines à vapeur sillonnent l’Alter Markt et les enfants s’en donnent à cœur joie sur d’antiques manèges (mais pas aussi vieux que ceux du Jahrhundertmarkt de Bochum).

Et à côté, il y a les stands plus traditionnels que l’on retrouve au marché de Noël : les saucisses bien sûr, les inévitables Lebkuchen, les amendes grillées, ou divers alcools, schnaps, hydromel, vin de miel etc.

Evidemment, le Zentrum de Dortmund n’a rien de très médiéval et c’est sûr que les bâtiments commerciaux de verre et de bétons de l’Alter Markt ou de la Willy-Brandt-Platz n’évoquent guère l’architecture gothique ou romane.

Mais, néanmoins, après le match, une fois la nuit tombée, la féérie opère :

Le BVB a gagné contre Wolfsburg et on a l’impression que c’est toute la ville qui est descendue dans la rue pour fêter, il devient compliqué de circuler dans les allées ou d’accéder aux bars.

Même la vénérable Reinoldikirche s’est teintée de jaune pour l’occasion.

Le Hansemarkt était donc un très bon avant-goût avant le Weihnachtsmarkt qui se tiendra cette année du 21 novembre au 30 décembre. Et accessoirement, l’occasion de constater que si, historiquement, Dortmund fut une ville de foire pour son marché, elle est également une ville de foire dès lors qu’il s’agit de célébrer une victoire de son Borussia. Et j’ai tenu ma promesse, je ne suis pas rentré du Hansemarkt les mains vides : le BVB en bois sculpté trône désormais dans mon musée de l’Innenstadt-Nord.

 


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