Trois jours après une élimination peu glorieuse en Europa League à Salzburg et à l’aube d’une fin de saison en apparence aussi exaltante qu’un samedi soir dans une banlieue de Gelsenkirchen, nous retrouvions le Westfalenstadion à l’occasion du match contre Hanovre. Pour une journée déprime ? Que nenni, c’était l’occasion de se souvenir que le football, bien plus que les paillettes et la gloire, c’est d’abord le plaisir simple de se rendre au stade, de vibrer avec son équipe et de partager des moments d’émotion et quelques bières avec des potes.

Nous sommes dimanche 18 mars et le BVB n’a plus rien à gagner cette saison, pas de titre, pas de finale, pas d’Autokorso sur la Borsigplatz. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas été hors-course dans toutes les compétitions aussi tôt dans l’année : à cette date, nous étions encore en course en Ligue des Champions et en Pokal en 2017, en Europa League et en Pokal en 2016, en Pokal en 2015, en Ligue des Champions et en Pokal en 2014, en Ligue des Champions en 2013, pour le Meisterschale et la Pokal en 2012 et pour le Meisterschale en 2011. Et si l’on remonte encore plus loin, on se rend compte que même les années précédentes, nous avions des objectif plus exaltants : en 2009 et 2010, la perspective d’un retour en Coupes d’Europe (réussi en 2010, raté en 2009) suffisait à nous exalter tant cela marquait un premier pas dans le retour du club vers les sommets, en 2008 il y avait la finale de Pokal contre Bayern et en 2007 nous étions mobilisés pour d’une part nous sauver de la relégation et d’autre part priver Schalke de titre, ce qui fut fait dans la « finale » du 12 mai. Tandis que cette saison, rien, nichts, nada… Juste la vague perspective d’aller nous qualifier pour une compétition qui nous débecte.

Et encore, je me demande parfois si nous devons souhaiter voir le BVB se qualifier en Ligue des Champions. Je m’explique : si le projet la saison prochaine est vraiment de repartir de zéro pour reconstruire quelque chose sur la durée avec un nouvel entraîneur, l’Europa League sera peut-être plus favorable pour travailler et faire progresser le groupe. A son arrivée, Thomas Tuchel avait largement profité du laboratoire Europa League, notamment des tours préliminaires contre Wolfsberg et Odd Grenland (le début du match aller en Norvège…) pour peaufiner son projet face à des adversaires plus accessibles. A l’inverse, les matchs de Ligue des Champions contre Tottenham et Real Madrid sont sans doute arrivés trop tôt pour le BVB en rodage de Peter Bosz et les deux défaites concédées face à ces ténors du football européen ont largement contribué à entretenir le climat de défaitisme et de catastrophisme qui ont été fatals à notre entraîneur hollandais dès que les premières difficultés sont apparues en Bundesliga après un départ triomphant.

Caviar vs. Currywurst

Faut-il dès lors s’affliger des perspectives peu encourageantes de cette fin de saison ? Certainement pas ! Ce dont il faut s’affliger, c’est la manière honteuse dont nos Jungs ont été éliminés par l’infect Red Bull Salzburg, sans combat, sans fierté, sans orgueil, sans duel gagné, sans respect pour le combat que nous menons contre ce type de club. Cela oui, c’est désolant. En revanche, ne pas avoir de titre à gagner ou de finale à jouer en fin de saison, c’est juste la norme : en 109 ans d’existence, le BVB a vécu bien davantage de saisons sans titre ni finale qu’avec et pourtant sa popularité et l’amour que nous lui portons ne se sont jamais démenties. C’est vrai que ces dernières années, nos joueurs nous ont un peu habitué à manger du caviar mais cela reste des exceptions et pas la norme. Une dizaine de clubs dévoyés en Europe tentent d’imposer une vision du football bling-bling dans laquelle seuls comptent les trophées et le succès. Est-ce que nous avons envie de ressembler à ces trucs commerciaux ? Jamais !!! Nous sommes allés dans ces stades, à Munich, à Barcelone, à Manchester, à Londres, à Madrid, nous avons vu les ambiances complètement aseptisées, les troupeaux de clients blasés, les victoires sans émotions, ce n’est pas notre monde. Notre monde, c’est celui de la Currywurst, de la ferveur, de la joie simple de se rendre au stade pour encourager notre équipe, de vivre des moments d’émotions, d’amitié et quelques tournées de bières avec des amis partageant la même passion…

On a déjà la chance d’avoir le plus beau stade du monde avec les meilleurs dans du monde, chaque match du BVB est déjà un privilège, on ne peut pas toujours tout avoir. Le titre, les finales, la qualité de jeu, c’est juste du bonus, le septième ciel. Nous avons été particulièrement gâtés ces dernières saisons mais ce n’est pas parce qu’une année cela rigole un peu moins qu’il faut oublier pourquoi nous soutenons ce club, qui nous sommes et d’où nous venons.

L’union sacrée

Nous mettons donc en pratique ce retour en source. Le week-end commence par un footing sous la neige aux origines du BVB, Borsigplatz, Dreifaltigkseitkirche et Weiße Wiese, un peu de shopping, une visite au U, un apéro dans mon appartement pour faire découvrir la bière dortmundoise à des amis suisses, une soirée au Konzerthaus, une nuit à danser sur la scène du Bierkönig et un apéro sur le parking du stade en forme de petit-déjeuner avec mes Borussenstern pour les initier aux charmes du fromage suisse… Le genre de week-end réussi, avant même le début du match.

Nous constatons avec plaisir que le peuple jaune et noir est dans le même état d’esprit : le stade affiche complet et le YNWA est repris avec une ferveur et une gravité que nous n’avions pas connues depuis longtemps. Comme s’il fallait montrer que, malgré un jeu pas toujours très enthousiasmant et même si nos Jungs nous ont beaucoup déçus le jeudi précédent, nous serons toujours derrière notre club. En face, comme au match aller, comme depuis le début de la saison, les fans d’Hanovre font toujours la grève des encouragements pour demander le départ de leur président, Martin Kind, le pyromane qui veut abolir la clause 50+1 et vendre la Bundesliga au commerce. Immense respect à ces fans d’Hanovre : les mecs ont vécu une saison 2015-2016 cauchemardesque ponctuée d’une relégation, ils ont mangé une saison de purgatoire et de déplacements à Sandhausen ou Heidenheim en Zweite Liga, ils retrouvent la Bundesliga avec des résultats meilleurs qu’attendus et les mecs se rendent tous les week-ends au stade sans encourager leur équipe. Parce qu’il y a des causes qui dépassent une victoire ou une défaite, et la défense de la clause 50+1 est en une. Face à cette détermination et cet engagement sans faille, les mecs qui pleurnichent derrière leur ordinateur parce qu’on ne joue pas de finale et qu’on n’est « que » troisièmes du classement et fantasment déjà des équipe football manager pour la saison prochaine font vraiment figure d’enfants pourris gâtés qui ne méritent pas le titre de fans. La Südtribüne ne s’y est pas trompée avec une banderole et quelques slogans « Kind muss weg » en soutien au combat mené par les supporters de Sechsundneunzig. In den Farben getrennt, in der Sache vereint.

La réaction

Nous attendions une réaction de notre équipe après son match de Salzburg et elle n’a pas tardé. D’entrée, Bastshuayi trouve le poteau après une belle ouverture de Schürrle. Il y a du rythme, de l’envie, de l’intensité, pourquoi n’a-t-on pas commencé le match en Autriche avec le même allant ? Mystère. Cette équipe et cette saison 2017-2018 resteront sans doute à maints égards une énigme. Omniprésent, André Schürrle s’essaie à la reprise acrobatique puis au corner direct, en vain, mais c’est clairement notre joueur offensif le plus constant sur ce deuxième tour. Et dire que certains voulaient s’en séparer à Noël… C’est donc assez logiquement que notre champion du monde est à l’origine de l’ouverture du score sur un corner repris d’une somptueuse aile de pigeon par Michy Batshuayi. Le BVB se crée encore une occasion après un centre de Schürrle et une reprise en deux temps un peu molle de Batshuayi bloquée par le gardien Tschauner mais la pression va peu à peu se relâcher. Hanovre mettra même le nez à la fenêtre en fin de première mi-temps mais Roman Bürki réussit un superbe arrêt réflexe du pied devant son compatriote Schwegler.

La sieste dominicale

La deuxième mi-temps commence fort avec une frappe de Dahoud détournée du bout des doigts par le gardien bas-saxon ; las, ensuite, nos Jungs, comme trop souvent lorsqu’ils mènent au score, vont tomber dans une sorte de léthargie, une gestion molle du match. Pourtant, 96 est bien moins fringant qu’au premier tour mais, comme d’habitude, à force de trop vouloir gérer un maigre avantage, nous nous mettons en danger. Le Westfalenstadion connaît deux grosses frayeurs sur une reprise de notre ancien joueur U23 Bakalorz, seul au deuxième poteau, facilement bloquée par Bürki, et un but de Korb annulé pour un hors-jeu au millimètre. Manifestement, pour Peter Stöger, la meilleure défense, ce n’est pas l’attaque : une fois de plus cette attitude minimaliste aurait pu nous coûter cher. Il a fallu attendre les dernières minutes pour voir le BVB proche du 2-0. Philipp ne trouvant que le poteau alors que l’essai de Batshuayi est détourné par le pied de Tschauner. Une fois de plus, nous assurons l’essentiel avec cette victoire 1-0 mais pour trouver un match référence de l’ère Stöger il faudra patienter.

L’heure de vérité

Si nous attendons désormais cette fin de saison avec un certain détachement, juste profiter de vivre du football au stade avec les potes et les bières, sans avoir trop la pression du résultat, avant la longue pause estivale, il n’en ira pas de même pour notre entraîneur autrichien. Peter Stöger a repris une équipe en crise, il en est à douze matchs sans défaites en Bundesliga et pourtant c’est sans doute l’entraîneur le plus critiqué d’Allemagne à l’heure actuelle. Peter Bosz avait réussi le meilleur début de saison de l’histoire du club et pourtant il était déjà la cible de toutes les critiques alors que son équipe était encore leader du championnat. Cela en dit long sur le climat nauséabond qui entoure actuellement notre club et il va falloir que nos dirigeants soient beaucoup plus fermes à l’avenir en soutenant leur entraîneur, comme ils avaient su le faire à l’époque avec Jürgen Klopp, quelques puissent être les critiques des médias, pseudos-fans et autres nuisibles qui gravitent autour du club. Si Peter Stöger ne perd pas en Bundesliga, le jeu proposé par son équipe n’est guère enthousiasmant et il a sans doute grillé son joker avec cette élimination honteuse en Europa League. S’il veut poursuivre l’aventure avec nous, il lui reste huit matchs pour prouver qu’il est capable de ne pas simplement ramener le calme dans la maison BVB mais aussi d’insuffler un nouveau dynamisme à notre jeu. Et l’heure de vérité c’est maintenant avec, lors des quatre prochains matchs, le déplacement à Munich, la venue d’un Stuttgart en pleine bourre depuis le changement d’entraîneur, le Derby à Herne-West et le choc au Westfalenstadion contre Leverkusen. Finalement, même sans finale, sans coupe d’Europe, sans titre à gagner, il nous reste encore quelques belles journées de football à vivre avec notre Borussia d’ici au mois de mai.

Catégories : Au Stade

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