C’est un goal que presque personne n’a vu et ceux qui l’ont vu doivent en grande partie être décédés. C’est un goal qui n’a servi à rien puisqu’il n’avait pas empêché la défaite du BVB. Et pourtant c’est un goal qui est entrée dans l’Histoire, pas seulement celle du Borussia, mais dans celle de tout le football allemand.
Le contexte. Pendant longtemps, le football allemand s’est organisé en ligues régionales. Et, en fin de saison, les meilleures équipes des différentes ligues régionales se retrouvaient sous la forme d’un mini-championnat ou de matchs à élimination directe pour désigner les deux finalistes pour le titre de champion d’Allemagne. Et à la fin, le titre était décerné à l’issue d’une finale, comme une coupe. Le nombre de ligue, le mode de championnat et leurs noms a varié mais le principe était toujours grosso-modo le même : d’abord des championnats régionaux puis des finales nationales entre les meilleurs équipes et une finale pour terminer. Il y a eu l’ère des Verbandsliga (1903-1933), celle des Gauliga pendant le IIIe Reich (1933-1945, Schalke y a remporté 6 de ses 7 titres…), puis celle des Zoneliga pendant l’occupation alliée (1945-1949) et enfin celle des Oberliga (1949-1963). Evidemment, une élite aussi disparate et les meilleures équipes du pays qui ne se rencontrent qu’en fin de saison, ce n’était pas l’idéal pour briller en Coupes d’Europe. Et les différences de niveau étaient criantes entre des modestes clubs de quartier et des clubs qui aspiraient à se professionnaliser mais qui évoluaient pourtant tous dans la même Oberliga.
En 1963, le football allemand (de l’Ouest) fait sa révolution et décide d’imiter les autres pays européens, soit la création d’une ligue unique pour l’élite et un titre de champion d’Allemagne qui est décerné à l’issue d’un championnat, à l’équipe qui a marqué le plus grand nombre de points. Aujourd’hui, cela semble une évidence mais à l’époque c’était une révolution en Allemagne. Une ligue fédérale unique est créée, regroupant les seize meilleurs clubs des cinq Oberliga : Eintracht Braunschweig, SV Hambourg et Werder Brême pour l’Oberliga Nord, Eintracht Francfort, 1860 München, 1. FC Nürnberg, VfB Stuttgart et Karlsruher SC pour l’Oberliga Süd, Hertha Berlin pour l’Oberliga Berlin, 1. FC Kaiserslautern et 1. FC Saarbrücken pour l’Oberliga Südwest et 1. FC Köln, Meidericher SV Duisburg, Schalke 04, Preußen Münster et le champion d’Allemagne en titre Borussia Dortmund pour l’Oberliga West.
Le but. La nouvelle Bundesliga débute le samedi 24 août 1963. Les huit matchs sont programmés à la même heure : 17h. Le BVB étrenne son titre de champion d’Allemagne à Brême. Et l’arbitre Alfred Ott était pressé de débuter, il donne le coup d’envoi au Weserstadion avec une minute d’avance sur l’horaire convenu. Sauf que l’unique caméra qui filmait le match n’était pas prête. Et n’a donc pas pu immortaliser le premier but de l’histoire de la nouvelle Bundesliga. Un but jaune et noir bien sûr : d’après les témoignages, il est tombé après 58 secondes de jeu, c’est Lothar Emmerich qui a débordé sur la gauche jusqu’à la ligne de fond et a centré en retrait pour Friedhelm « Timo » Konietzka, lequel a marqué depuis le point de pénalty. Il ne subsiste qu’une photo de ce but où l’on voit surtout la joie du passeur Emmerich mais la légende de la Bundesliga était née et retiendra que c’est un Dortmunder Jungs, Timo Konietzka, qui en a été le premier buteur. Compte tenu de la minute de décalage, avant même l’heure officielle du coup d’envoi de la Bundesliga…
Le match. La suite est moins joyeuse : Brême égalise puis marque deux buts coup sur coup en début de seconde période. Timo Konietzka réussira le doublé en fin de match mais cela n’avait pas empêché le BVB de débuter son aventure en Bundesliga par une défaite 3-2 au Weserstadion.
La suite. Le Borussia n’était pas parvenu à conserver son titre. Le 1. FC Köln, battu l’année précédente en finale par notre BVB, avait remporté largement le premier Meisterschale de l’ère Bundesliga, six points devant le Meidericher SV Duisburg et l’Eintracht Frankfurt. Dortmund avait terminé la première saison de Bundesliga au quatrième rang, synonyme d’une qualification pour la Coupe d’Europe des Villes de Foire où, après une victoire au 1er tour contre Bordeaux, il s’était incliné 1-10 au score cumulé des matchs allers et retours contre Manchester United. Si le BVB avait remporté le premier titre d’avant la création de la Bundesliga, en 1963, il a dû patienter 32 ans pour gagner son premier Meisterschale de l’ère Bundesliga, en 1995.
Le héros. Tu connais Max und Moritz ? Il s’agit d’une série de livres pour enfants qui raconte l’histoire de deux garnements qui cumulent les bêtises et sont ensuite lourdement punis, finissant tour à tour noyés, brûlés, dévorés, broyés… Une certaine conception de l’éducation et de la littérature enfantine. Mais, au BVB, Max und Moritz, c’était le duo d’attaque mythique du début des sixties composé de Friedhlem « Timo » Konietzka et Jürgen « Charly » Schütz, un duo qui se trouvait les yeux fermés et martyrisait les défenses d’Oberliga : 79 buts en 110 matchs d’Oberliga pour le premier, 103 buts en 113 matchs pour le second ! Originaire de Lünen, au nord de Dortmund, Timo Konietzka a porté les couleurs du Borussia de 1960 à 1965, remportant le titre en 1963 et la Pokal en 1965. Surnommé Timo en raison de sa ressemblance avec le maréchal soviétique Semjon Timoschenko, c’est l’un des meilleurs attaquants à avoir jamais porté les couleurs jaunes et noires.
Il a également joué deux ans pour 1860 München, remportant le titre en 1966. Il a quitté l’Allemagne en 1967 pour la Suisse, après avoir inscrit la bagatelle de 72 buts en 100 matchs de Bundesliga. En Suisse, il trouvera l’autre club de sa vie, avec le BVB : le FC Zürich, comme joueur d’abord puis comme entraîneur. A la tête du club zurichois, il gagnera quatre fois le championnat, trois fois la Coupe et emmènera son club en demi-finale de Coupe des Champions contre Liverpool. Il faudra attendre 30 ans et un certain Lucien Favre pour que le FCZ soit à nouveau à pareille fête, au plan national du moins. Atteint d’une maladie incurable, il a choisi de mettre un terme à ses souffrances en 2012, chez lui, dans sa patrie d’adoption, en Suisse centrale, à Brunnen, où il avait ouvert un restaurant dans les paysages idylliques de Lac des Quatre-Cantons à l’âge de 73 ans. Mais il restera à tout jamais dans les tabelles comme le premier buteur de l’Histoire de la Bundesliga.
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