Lorsque l’arbitre indique quatre minutes d’arrêt de jeu dans ce quart de finale retour de la Ligue des Champions, la qualification paraît loin, très loin, trop loin, pour le Borussia Dortmund. Il manque en effet deux buts au BVB pour éviter l’élimination. Mission impossible ? Que nenni, Marco Reus ranime la flamme de l’espoir avant que l’improbable Felipe Santana surgisse pour ouvrir les portes des demi-finales d’un but complètement farfelu. En 69 secondes, le destin avait basculé.

Le contexte. A la surprise générale, le BVB a survolé le groupe le plus relevé de l’histoire de la Königsklasse avec le champion sortant des trois premières nations à l’indice UEFA, le Real Madrid pour l’Espagne, Manchester City pour l’Angleterre et Dortmund pour l’Allemagne, avec en prime un ancien quadruple champion d’Europe, l’Ajax Amsterdam. En 1/8ème de finale, le Borussia se débarrasse de manière souveraine des Ukrainiens du Shaktar Donestk (2-2, 3-0). Au tour suivant, le tirage au sort nous attribue Malaga CF. Pas un grand nom du football européen mais un nouveau riche propulsé dans la cour des grands (plus pour très longtemps…) par les fortunes investies par un émir qatari et qui aligne un effectif expérimenté. Néanmoins, c’est un adversaire qui paraît à notre portée. Et le match aller le confirme : nos Jungs ramènent un bon 0-0 d’Andalousie, avec même quelques regrets de n’avoir pas mieux su exploiter nos situations dangereuses pour marquer le fameux but à l’extérieur. Mais la relative maîtrise affichée par le BVB en terrain adverse nous permet d’aborder le retour avec confiance.

Le match. La soirée débute par un somptueux Choreo « Auf den Spüren des verlorene Henkelpott », à la recherche de la Coupe aux grandes oreilles perdues. Mais, dès le coup d’envoi, les choses se gâtent. L’entraîneur andalou, l’expérimenté Manuel Pellegrini, est sans doute celui qui avait le mieux réussi cette saison-là à déjouer le Gegenpressing intensif imposé par Jürgen Klopp. Son Malaga parvient à imposer un faux rythme au match, sans jamais nous permettre de trouver les espaces, la vitesse et la verticalité qui faisaient notre force. Pire, Joaquin ouvre la marque et contraint nos Jungs à marquer deux fois pour se qualifier. Une talonnade géniale de Marco Reus permet à Robert Lewandowski d’accomplir la moitié du chemin peu avant la pause. Mais, en deuxième mi-temps, si le BVB parvient enfin à se montrer dangereux, il se heurte au gardien Willy Caballero, déjà énorme au match aller et à nouveau auteur de parades miraculeuses. Et tout espoir semble perdu à huit minutes de la fin lorsque, en contre et en position flagrante de hors-jeu, Julia Baptista et Eliseu vont marquer le 1-2. Les Modefans commencent déjà à quitter le stade, l’ambiance descend de deux crans. Mais, après déjà une minute d’arrêts de jeu, la tactique de Jürgen Klopp d’aligner trois centre-avants, Julian Schieber et les défenseurs centraux Neven Subotic et Felipe Santana paie une première fois : sur une longue balle, Subotic en position d’ailier droit centre pour Santana, lequel est contré in-extremis mais Marco Reus a bien suivi pour ranimer la flamme dans le but vide. 2-2, le BVB n’est plus qu’à un but de la qualification et il reste trois minutes d’arrêts de jeu, le Westfalenstadion s’embrase à nouveau…

Le but. Porté par l’immense clameur du peuple jaune et noir, le BVB récupère rapidement la balle sur l’engagement et obtient une touche sur l’aile gauche. Schmelzer trouve Lewandowski, qui a délaissé l’axe pour le flanc gauche. Le centre du Polonais est magnifiquement remis de la tête par Schieber pour Reus qui centre pour Felipe Santana. Le Brésilien est contré une première fois, le gardien Caballero est à terre et Julian Schieber, au milieu d’une mêlée indescriptible, prolonge du bout du pied pour Santana au deuxième poteau qui pousse la balle dans le but vide. Il y avait clairement hors-jeu mais peu importe, l’arbitre n’a pas bronché, le Westfalenstadion explose comme rarement : le BVB est en demi-finale ! Il ne s’est écoulé que 69 secondes entre les deux buts qui nous ont permis d’arracher une qualification qui paraissait totalement illusoire au début des arrêts de jeu.

La suite. Inutile de préciser que le « Wunder von Dortmund » a été célébré très tard dans la nuit en ville de Dortmund. Une nuit pour l’éternité ! Et respect aux fans de Malaga qui avaient fêté avec nous, j’en aurai été incapable après une élimination aussi amère. Ensuite, malgré le choc provoqué la veille par l’annonce du transfert de Mario Götze au Bayern Munich, le BVB atomise le Real Madrid 4-1 en demi-finale aller avec un quadruplé de Robert Lewandowski. Le match retour à Bernabeu n’est qu’une formalité, même si nos Jungs se sont faits un peu peur en ne concrétisant pas leurs nombreuses occasions et en encaissant deux buts sur la fin (0-2). Mais l’avance prise au match aller suffit à nous envoyer en finale à Wembley. Contre le Bayern Munich. Mais cette finale n’a jamais existé…

Le héros. Lorsque nos dirigeants sont allés chercher Felipe Santana au Brésil en 2008, ils pensaient en faire le futur patron de notre défense, pour remplacer les anciens Wörns et Kovac. Mais le Brésilien a peiné à s’imposer en Bundesliga, on se souvient notamment d’un match catastrophique disputé à Mannheim contre Hoffenheim. Rapidement, l’entraîneur Jürgen Klopp lui préfère le jeune duo Mats Hummels – Neven Subotic et Felipe Santana se retrouve relégué dans un rôle de joker de luxe dont il n’a jamais pu se départir. Néanmoins, Telê (son surnom, allusion au légendaire sélectionneur brésilien Telê Santana) fait l’unanimité : un gars sympa, toujours souriant, toujours prêt célébrer dans les grandes occasions et ne se plaignant jamais de son rôle de remplaçant. Et accessoirement, un joueur sur lequel on a toujours pu compter en cas d’absences d’Hummels ou Subotic. On pense notamment à cette semaine mythique de l’automne 2011 : en retard au classement, le BVB doit jouer le Bayern et Schalke à la suite privé de Subotic. Une semaine où l’on pouvait tout perdre, une semaine où nous avions complètement relancé le championnat. Le Borussia s’impose 1-0 à Munich puis 2-0 contre Schalke. Avec à chaque fois une performance XXL de Felipe Santana en défense centrale ; Telê se paie même le luxe d’inscrire le 2-0 contre les Blauen. Cela ne l’empêchera pas ensuite de retrouver son rôle de doublure après le retour de Subotic. Déjà Derbyheld, Felipe Santana deviendra héros tout court contre Malaga. Tellement un héros qu’on lui a même pardonné son départ pour… Schalke 04 à l’été 2013 pour trouver le temps de jeu qu’il ne pouvait avoir à Dortmund derrière Hummels et Subotic. Mais il ne parviendra pas à s’imposer à Herne-West, pas plus que lors de piges peu concluantes à Olympiakos et Krasnodar. Il finira par rentrer au Brésil mais avec la garantie d’être pour l’éternité accueilli en héros à Dortmund.


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