Soleil, chaleur, joie, plaisir, neige, grêle, crainte, désillusion, bière, eau, fumée, nuages, émotions, feu, enchantement, colère, euphorie, abattement, fierté : notre match à Brême aura été à l’image de la météo qui a sévi en ce samedi sur la Freie Stadt. Nous aurons tout vécu, tout connu, comme une allégorie de notre saison, où nous sommes passés par tous les états d’âmes avec beaucoup de positif mais une grande désillusion au final. Et des espoirs de Meisterschale qui sont très probablement définitivement morts sur les rives de la Weser. Même si es ist erst vorbei wenn’s vorbei ist !

En débarquant de la gare de Brême, j’ai d’abord maudit les prévisions météorologiques qui avaient annoncé un temps apocalyptique.

Or, à mon arrivée, équipé pour un retour inopiné de l’hiver dans le nord de l’Allemagne, je découvre un magnifique ciel bleu et une température printanière. Idéal pour flâner dans le parc du Wallanlangen et son vieux moulin, sur la Marktplatz avec son Dom St. Petri, son Rathaus et, bien sûr, ses Bremer Musikanten, la Böttcherstraße et ses petites ruelles, le quartier touristique du Schnoor avec ses boutiques et ses fabriques de sucreries…

Un trop bel endroit, un trop beau temps pour mourir. Nous étions bien décidés à prolonger nos rêves de titre d’encore au moins une semaine. Voire plus si affinités.

L’apocalypse x3

Mais le temps de s’installer sur une terrasse du Martinianleger avec ses bateaux, son marché et ses Biergarten le long de la Weser puis de commander à manger et tout à coup l’apocalypse s’abat sur le Freie Stadt : sans crier gare, les nuages venus de la Mer du Nord envahissent le ciel, la température chute d’une quinzaine de degré et une tempête de neige s’abat sur Brême. Tu t’assois sous un parasol pour t’abriter du soleil et, le temps que ta bière et ton poisson arrivent, il s’avère qu’en fait le parasol va surtout servir à te protéger des flocons !

Je profite toutefois d’une accalmie pour partir en direction du stade. Je suis quasiment le seul schwarzgelb dans un tram rempli de vert, les fans du Werder m’allument gentiment sur le Derby perdu : vous avez fait quoi pour hériter d’un arbitre pareil ? C’est de bonne guerre. Une fois arrivé aux abords du Weserstadion, je m’attable au premier Biergarten venu et une nouvelle apocalypse tombe du ciel : cette fois-ci, c’est la grêle qui est au rendez-vous, des gros grêlons bien durs et bien froids. La serveuse nous explique qu’on n’a rien d’autres à faire que boire des bières en attendant que ça passe. Dont acte. On profite d’une nouvelle accalmie pour gagner le Biergarten suivant mais, bientôt, c’est le retour de la grêle, encore plus virulente, c’est le signe qu’il est temps d’entrer au stade.

Es ist erst vorbei wenn’s vorbei ist

Une nouvelle apocalypse nous attend sur les écrans des bars du Weserstadion : le Bayern bat Hanovre 3-1. A vrai dire, ce n’est pas franchement une surprise, on est même plutôt surpris de l’étroitesse du score et du fait que le Rekordmeister ait eu besoin d’une expulsion pour faire la différence. Toujours est-il que nous débutons le match avec cinq points de retard sur les Bavarois. Mais, comme le proclame la banderole des ultras en Gästeblock, bientôt noyée dans la fumée jaunâtre des Pyros, es ist erst vorbei wenn’s vorbei ist. C’est seulement fini quand c’est fini. Un message subliminal à l’attention de notre entraîneur Lucien Favre et de son petit accès de déprime après le Derby, finalement assez compréhensible sous le coup de l’émotion. Nous avions tous ressentis la même chose en quittant le stade. Mais voilà : un entraîneur ne devrait pas dire cela. Enfin, le message est passé car, malgré l’absence de notre capitaine, Marco Reus, suspendu (mais bien présent sur le banc) ,les Jungs vont nous offrir une première mi-temps de toute beauté et ranimer la flamme. Au propre comme au figuré, vu le déluge pyrotechnique provoqué par nos ultras.

Traumfußball

C’est Christian Pulisic qui va allumer la mèche après moins de six minutes en profitant d’un ballon récupéré par Delaney à mi-terrain pour s’offrir un solo rageur de 40 mètres dans la défense brêmoise et aller tromper Pavlenka. Le gardien brêmois est plus heureux à la 14e en détournant au ras du sol une magnifique frappe en pivot de Mario Götze. Le BVB est complètement maître de son sujet et, malgré l’ambiance survoltée du Weserstadion, les Werderaner ne parviennent quasiment pas à s’approcher d’un Bürki réduit au chômage technique. Les Brêmois auraient même pu se retrouver à dix si M. Fritz avait fait preuve de la même sévérité avec Klaasen, auteur d’une vilaine faute sur Witsel, que son collègue Zwayer avec Reus lors du Derby. Passons. A la 41e, Paco Alcacer double la mise d’un magnifique coup-franc direct, son troisième de la saison, sans doute le plus beau des trois, même s’il n’a pas procuré les mêmes émotions que les deux premiers dans les dernières minutes contre Augsburg et Wolfsburg. L’Espagnol nous permet au passage d’inscrire autant de buts sur coups francs directs cette saison que lors des quatre exercices écoulés !

Que d’occasions ratées…

La domination de nos Jungs va se poursuivre. Diallo est surpris et ne parvient pas à reprendre devant le but vide, Pulisic se heurte à Pavlenka. Après la pause, le gardien du Werder va encore faire notre désespoir avec des parades magnifiques sur des frappes de Guerreiro Delaney et Pulisic alors qu’une tête de Pulisic passe juste à côté. On ajoutera encore un but d’Alcacer annulé pour un hors-jeu justifié mais au millimètre. Bref, pendant près de 70 minutes de jeu, nos Jungs ont déroulé un football somptueux et ont complètement étouffé des Brêmois pourtant annoncés comme redoutables sur leur pelouse. Mais c’est bien connu dans le football et nous en avons trop souvent fait l’expérience cette saison : il ne faut jamais manquer l’occasion de porter l’estocade sinon on peut toujours être mis en danger.

L’apocalypse (bis) x2

Et effectivement, après la neige et la grêle de l’après-midi, le ciel va nous tomber une nouvelle fois sur la tête. Et plutôt deux fois qu’une entre ces maudites 70èmes et 75èmes minutes de jeu. C’est tout d’abord Roman Bürki, au repos forcé jusque-là, qui va se laisser surprendre sur une frappe relativement anodine de Möhwald qui lui passe entre les bras et les jambes. Certes, il n’a pas de chance sur le coup car la balle était passée au préalable entre les jambes de Witsel mais ce but il est clairement pour lui. Pas de chance : j’avais choisi ce jour pour arborer un maillot floqué en son honneur… Notre gardien suisse nous a sauvés tellement de fois cette saison qu’on ne lui en tiendra pas rigueur mais c’est clair que c’est venu au plus mauvais moment. Et le match a complètement changé d’âme. Les passes qui arrivaient facilement n’arrivent plus, les duels qui étaient gagnés sont perdus, la pression du Werder et du Weserstadion devient étouffante.

Une fois de plus, il aura suffi d’un but encaissé pour que notre BVB, souverain jusque-là, perde complètement le fil de son jeu. Et remplace la maîtrise collective par une fébrilité enfantine. Manuel Akanji veut protéger une sortie de but mais Augustinsson parvient à glisser le ballon du bout du pied au vétéran Claudio Pizarro : même à 41 ans, le meilleur buteur étranger de l’histoire de la Bundesliga pardonne toujours aussi peu sur ce genre de reprise à bout portant et remet les équipes à égalité à 2-2. Ou comment anéantir deux tiers de match d’excellente facture en cinq minutes et deux erreurs individuelles. Mais c’est peut-être aussi les limites de notre équipe, quand tu dois assumer la pression d’un duel pour le titre au couteau avec un capitaine de 23 ans qui joue sa première saison titulaire dans un grand championnat et une défense une nouvelle fois inédite et complètement remaniée Akanji – Weigl – Diallo – Guerreiro, avec trois joueurs sur quatre qui n’évolue pas à leur poste de prédilection.

Croire au miracle

Il restait un gros quart d’heure à jouer mais, malgré le retour du soleil et du ciel bleu sur le Weserstadion, le cœur, la fluidité, la sérénité n’y étaient plus. Nous aurions même pu tout perdre lorsque M. Fritz a été consulter la vidéo pour une main de Götze mais lui, contrairement à d’autres, a su reconnaître le caractère complètement fortuit de la petite mimine de Götzinho. Malgré une dernière frappe rageuse de Pulisic à côté et quelques frissons sur des essais non-cadrés de Rashica et Pizarro dans les arrêts de jeu, le score ne bougera plus. Le Bayern Munich, une dizaine de jours plus tôt, avait subi pareille remontée de 0-2 à 2-2 dans ce même Weserstadion en Pokal mais eux avaient pu reprendre l’avantage sur une simulation de Coman et un pénalty cadeau… Nous n’avons pas le même vice, la même expérience, les mêmes moyens, la même capacité de réaction et, au final, c’est pour être cela qui va faire toute la différence pour la quête du Meisterschale. Car, honnêtement, avec désormais quatre points de retard sur les Bavarois et une différence de but très favorable, il nous faudrait désormais un miracle pour les coiffer au poteau. Je doute qu’ils n’arrivent pas à gratter deux points contre leurs amis de Leipzig qui n’ont plus rien à jouer et avec lesquels ils partagent d’importants intérêts financiers et un Eintracht Francfort sur les rotules après son parcours européen, au point de battre un record historique en encaissant six buts en une mi-temps…

Kopf hoch Jungs

Mais pas question de baisser les bras. Notre équipe réalise une saison magnifique, elle va, quoiqu’il advienne, réaliser l’un des total de points les plus élevés de l’Histoire du club et elle mérite de terminer par un ultime baroud d’honneur pour prolonger l’espoir le plus longtemps possible. Elle ne mérite en tous les cas pas toutes les critiques qu’elle reçoit depuis quelques semaines. Bien sûr, la déception est vive mais elle est à la hauteur des énormes espérances que notre équipe est parvenue, contre toute attente, à susciter. J’ai parfois l’impression que notre équipe est en danger de relégation en entendant les aigris et les frustrés nous expliquer à quel point notre club est nul, qu’il faut tout changer et tout brûler. Généralement avant d’aller se masturber sur Liverpool Ajax, Barcelone ou leur nouveau jouet à la mode. Le peuple du Westfalenstadion, lui, il n’a qu’un seul club, il est jaune et noir, et nous sommes fiers de ce que nous avons réalisé cette saison, de toutes les émotions que nos Jungs nous ont donné et du rêve qu’ils nous ont fait vivre depuis neuf mois. Maintenant, il faut essayer de finir en beauté contre Düsseldorf et Mönchengladbach, réserver l’ovation XXL que nous devons à notre équipe samedi au Westfalenstadion et ensuite on fera calmement le bilan pour voir ce qu’il a pu manquer dans notre quête folle et insensée du Meisterschale. S’il a manqué quelque chose… Es ist erst vorbei wenn’s vorbei ist !

Catégories : Au Stade

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