Tradition verbindet… En ce samedi pascal, les Traditionsvereine amies de Dortmund et Köln ont mis un point d’honneur à se faire pareillement démonter 6-0 par les Plastikclubs alliés du Bayern et d’Hoffenheim. Fait-il donc pour autant céder à la tentation de l’argent facile ? Surtout pas. Si ce naufrage doit forcément nous amener à nous interroger sur les erreurs qui nous ont fait tomber aussi bas, c’est dans ces moments-là que nous devons nous montrer forts et rester fermes sur nos valeurs, sans jamais renier ce que nous sommes et d’où nous venons.

Munich, samedi de Pâques. Ce pouvait être un jour historique : en cas de victoire du Bayern contre le BVB et de match nul ou de défaite de Schalke contre Freiburg, le Rekordmeister pouvait devenir le premier club à remporter six Meisterschale d’affilé. Et pourtant, en nous baladant dans la ville en matinée, impossible de deviner qu’un match aller s’y jouer le soir même, encore moins qu’un titre pouvait s’y fêter. Pas un maillot, pas un drapeau, pas un chant, pas une once d’enthousiasme. Rien à voir avec ce qu’était Dortmund les jours précédents les Meisterschale 2011 et 2012 : une ville toute de jaune vêtue, des drapeaux schwarzgelbe à chaque fenêtre, toutes les vitrines décorées en l’honneur du club, des maillots à tous les coins de rue.

Le stade qui fait rêver

Nous avons dû attendre le métro à destination de Fröttmaning pour apercevoir les premiers maillots, mais ce fut un (interminable) trajet aux allures de convoi funèbre, sans chant, sans cri, sans excitation… Fröttmaning, c’est la banlieue glauque où Uli Hoeness a érigé le supermarché qui sert de stade au Bayern : entre une déchetterie, des parkings, un nœud autoroutier, des entrepôts et une station d’épuration. L’objectif : rentabiliser au maximum le stade en le construisant dans un endroit pourri pour trouver des terrains bon marchés, sans autres alternatives, même pas un Biergarten, pour les fans pour se distraire avant le match que d’entrer dans cette caisse enregistreuse et consommer aux boutiques du clubs. Le résultat est éloquent : certes, la victoire de Schalke contre Freiburg a différé le gain du titre d’une semaine mais même la victoire 6-0 n’a pas modifié l’ « ambiance » habituelle de l’Allianz Arena : arrogance puante, clients blasés, chants inaudibles, enthousiasme absent, émotion interdite, bière infecte… C’est quoi un titre ? Une ligne de plus sur un palmarès en forme de simple retour sur un investissement ou une succession d’émotions fortes qui mettent une ville en transe pendant des semaines jusqu’à la conquête du Saint Graal ? Au Bayern, c’est la première hypothèse, nous on préfère la deuxième.

Alors, on les copie ?

Peut-être qu’un jour, un dirigeant « visionnaire » viendra à Dortmund nous dire : il est illusoire d’espérer rivaliser avec le Bayern sur la durée avec 250M € de budget en moins. Pour lutter à armes égales, il faut radicalement changer le modèle économique du club : raser le Westfalenstadion pour le transformer en complexe immobilier au sud de la ville, là où le prix des terrains est le plus élevé, reconstruire une nouvelle arène dans une banlieue glauque, à Wickede ou Mengede, où le terrain coûte beaucoup moins cher, une arène sans places debout, avec beaucoup de loges VIP et de Fanshops, diminuer le nombre d’abonnés, donner les clés du club à des investisseurs… Il aurait raison. Mais on lui dirait NEIN. Malgré la froide logique économique du raisonnement, il serait balayé à la quasi unanimité par l’assemblée des membres. Comme tous les fans du monde, nous rêvons de voir notre club connaître le succès mais pas à n’importe quel prix. Et chaque gifle reçue contre le Bayern dans une sinistre ambiance d’enterrement comme celle de samedi nous conforte dans nos certitudes : gagner des titres dans cette atmosphère-là ne nous intéressera jamais.

Le grand malentendu

Depuis la création du site et même bien avant, nous avons toujours réfuté ce terme absurde de « Klassiker », création purement artificielle des médias, qui ont inventé un duel Bayern/Dortmund entre égaux sur le modèle du Clàsico espagnol. Cela n’a jamais correspondu à aucune réalité historique ni économique ni au ressenti des fans. Le BVB est un grand club par son histoire, par sa popularité, par ses fans ; nous avons eu des grandes équipes qui sont parvenues par moments à se hisser parmi les meilleures d’Allemagne et même d’Europe. Mais nous ne sommes jamais parvenus à rester sur la durée au sommet. C’est sans doute là que réside le grand malentendu. Certains ont cru, par ignorance, enthousiasme ou aveuglement, que ce que nous avons vécu entre 2010 et 2013 constituait la norme (en occultant par ailleurs les zones d’ombre de ces années là : l’élimination en Pokal à Offenbach 2010-2011, la calamiteuse campagne de Ligue des Champions en 2011-2012 ou le titre perdu très tôt en 2012-2013). Alors qu’en fait, c’était l’exception ; nous avions bénéficié d’un alignement de planètes favorable, un entraîneur génial, un recrutement phénoménal, un schéma tactique novateur, une réussite insolente en certaines circonstances, une dynamique incroyable. Mais cela tenait plus d’une gestion exemplaire et d’un miracle permanent que de l’affirmation d’une nouvelle puissance majeure du football mondial.

Le grand écart

Aujourd’hui, nous sommes rappelés à notre statut : nous sommes un bon club allemand mais pas un monstre du football européen. Nous n’avons ni la puissance économique ni la culture de club qui permettent à un Real, une Juventus ou un Bayern de ramener des trophées même quand ils se plantent sur certains choix. Nous, quand nous nous trompons sur des choix d’entraîneurs, de recrutement ou de développement du club, eh bien ça donne un naufrage comme celui de samedi soir. Probablement que la grande erreur de nos dirigeants c’est que, même s’ils sont toujours restés très prudents sur les ambitions et les objectifs (cela leur a souvent été reproché d’ailleurs), ils ont voulu faire le grand écart entre d’un côté le maintien aux valeurs et racines du club, de l’autre la tentation d’aller jouer dans la cour des très grands avec tournées asiatiques, recrutement international des futurs stars du foot mondial, développements des réseaux sociaux etc. Le résultat, c’est depuis 2013, malgré quelques soubresauts passagers, nous vivons dans une sorte de désenchantement permanent avec des résultats qui sont loin des attentes et une équipe écartée de la course au titre dès le mois de novembre.

Naufrage collectif

Nous n’étions guère optimistes en débarquant dans l’ambiance d’opéra de l’Arroganz Arena mais nous tentions de nous rassurer en nous disant que nous pourrions difficilement faire pire que lors des deux matchs de Bundesliga joués dans ce tombeau avec Thomas Tuchel, deux défaites 5-1 et 4-1 avec des buts encaissés très tôt dans le match. Et pourtant, nos Jungs ont réussi l’exploit de tomber encore plus bas. Il faut moins de cinq minutes à Lewandowski –peut-être en position irrégulière – pour nous faire comprendre que la soirée allait être longue. Finalement, le seul moment d’exaltation de la soirée, cela aura été le but refusé à Ribéry pour un hors-jeu douteux, c’est dire si nous sommes tombés bien bas. Mais cela ne s’est avéré qu’une péripétie puisque derrière les buts se sont enfilés comme des perles, 2-0, 3-0, 4-0, 5-0, mi-temps, circulez, rien à voir. Même Hambourg, dans ses grandes soirées de déprime, n’avait jamais encaissé cinq buts aussi tôt dans la soirée. A un moment, nous avons même pensé que nos Jungs allaient titiller le record de la plus lourde défaite de l’histoire de la Bundesliga, le 12-0 encaissé par notre Borussia – déjà – en 1978 contre Mönchengladbach. Il n’y avait pas un joueur pour rattraper l’autre en ce samedi pascal. D’un gardien qui n’a rien sauvé et n’est pas irréprochable sur le 2-0 à un centre-avant inexistant et battu dans tous ses duels, en passant à une défense systématiquement en retard, des milieux défensifs qui ont multiplié les passes à l’adversaire et des milieux offensifs incapables de garder le ballon. Il a suffi d’un pressing un tant soit peu agressif du Bayern pour récupérer les offrandes de nos joueurs et s’engouffrer dans les failles béantes de notre défense.

La fièvre du samedi soir

Pourtant, nous avons bien tenté de chanter jusqu’au 3-0, histoire d’au moins remporter la bataille des tribunes même si, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire (un peu comme les Bavarois sur le terrain), mais on a presque tous finis par abdiquer, partagés entre colère, abattement ou autodérision. Nous, on a plutôt choisi la troisième option : quand ton équipe sombre de la sorte, à quoi bon s’énerver et vouloir tout renverser, on n’y changera rien, autant en rigoler. Toujours est-il que l’ambiance a définitivement sombré, entre les mélopées résignées des derniers Borussen qui n’avaient pas abdiqué et les piaillements satisfaits des clients bavarois sur les goals. Heureusement, l’hémorragie s’est un peu arrêtée en deuxième mi-temps. Comme nous avions bu le calice (c’est-à-dire la Paulaner leicht de l’Allianz Arena) jusqu’à la lie, on a même réussi à se remotiver un minimum pour gagner au moins la seconde mi-temps. Las, Götze n’a trouvé que le poteau et Lewandowski a scellé le score en forme de roue de vélo à 6-0 ; de toute façon, cela faisait longtemps que l’honneur était perdu.

L’invincible

Nous n’avions jamais été enthousiasmé par le jeu de Peter Stöger mais il avait jusque-là une statistique en sa faveur : il était invaincu en Bundesliga avec le BVB. Et puis, nous pensions – peut-être avec un peu de méthode Coué – que son jeu prudent guère efficace contre les petites équipes nous permettrait de mieux résister contre les grandes. Le match de samedi a apporté un démenti cinglant. La comparaison avec les trois matchs disputés cette saison contre le Bayern, en Supercup et en Bundesliga avec Peter Bosz où, malgré les défaites, nous avions fait jeu égal, et en Pokal avec Stöger juste après son arrivée sanctionné par une défaite honorable, montre bien à quelle point notre jeu n’a en rien progressé mais bien davantage régressé. Quand tu affrontes un adversaire qui possède un effectif supérieur, un schéma tactique bien mieux maîtrisé et une confiance nettement plus grande, il ne te reste plus que l’envie et l’engagement pour espérer régater. Comme nous avons également été surclassés dans ce domaine, le fiasco était programmé. Peter Stöger avait déjà grillé son joker avec l’élimination piteuse contre Salzburg, cette défaite réduit à néant ses chances de poursuivre son aventure à la tête du BVB au-delà de la saison en cours. Ceci dit, il ne sert à rien de s’acharner sur le pauvre Autrichien : lui-même sortait d’une expérience difficile à Köln, il a accepté de reprendre une équipe à la dérive, merci à lui d’avoir essayé et de tenter encore de sauver ce qui peut l’être jusqu’à la fin de la saison mais il n’était pas l’homme de la situation.

Kämpfen, Jungs !

Mais il serait faux de mettre tous les problèmes du club sur Peter Stöger. La dynamique n’est pas bonne au Borussia depuis la dernière saison de Jürgen Klopp. Notre club se cherche une nouvelle identité de jeu depuis au moins quatre saisons. Par ailleurs, il y a eu trop de matchs depuis quatre ans où nos joueurs ont été nettement insuffisants en termes d’envie, d’engagement et de combativité. Nos Jungs ont obtenu le départ de Thomas Tuchel et on avait tendance à les soutenir, vu les innombrables conflits provoqués dans le club par notre ancien entraîneur. Mais ensuite, on aurait aimé les voir prendre leurs responsabilités, montrer au monde que les dirigeants avaient eu raison d’accéder à leur demande. Qu’est qu’ils ont fait ? Peter Bosz, malgré une approche sans doute trop dogmatique et audacieuse, avait mis en place des choses intéressantes mais nos Jungs ont précipité son départ en sombrant sans fierté, sans révolte, sans combativité, à Hanovre, à Stuttgart et surtout contre Brême. Maintenant, ils récidivent avec Stöger. Il faudra que le prochain entraîneur, quel qu’il soit, redevienne un homme fort du club, ce que n’ont été ni Tuchel et encore moins Bosz et Stöger. Qu’il ait le pouvoir d’imposer ses choix et ses recrutements à une direction qui a une fâcheuse tendance à un peu trop s’immiscer dans le domaine technique mais aussi à des joueurs devenus des divas capricieuses.

Et maintenant ?

L’équipe qui a sombré 6-0 samedi à Munich a coûté dix fois plus cher en transferts et doit bénéficier d’une masse salariale quatre fois supérieurs à celle qui avait battu le Bayern 5-2 en Pokal à Berlin en 2012. C’est bien la démonstration qu’on ne résoudra pas nos problèmes actuel en dépensant davantage d’argent. Bien au contraire. Ne répétons pas les erreurs du passé : après une séquence similaire (deux Meisterschale 1995,1996, une finale – gagnée – de Ligue des Champions 1997), nous avions du digérer le départ de l’entraîneur à succès – Hitzfeld –  et la retraite, le départ ou le déclin de plusieurs cadres (Zorc, Reuter, Möller, Chapuisat, etc.), les dirigeants s’étaient trompés avec plusieurs choix d’entraîneurs malheureux – Scala, Skibbe, Lattek, Krauss -, ils avaient alors paniqué et dépensé beaucoup d’argent pour maintenir le club au sommet. Résultat ? Nonobstant un titre et une finale de Coupe UEFA en 2002 en forme de chant du cygne, une faillite évitée de justesse et un BVB relégué dans les profondeurs du classement pendant près d’une décennie. Soyons plus malins cette fois : arrêtons de dépenser des fortunes sur le « futur Ballon d’Or » qui voudra partir après trois bons matchs et oublions quelques temps les rêves de titre et de Ligue des Champions. A la place, laissons du temps à un nouvel entraîneur pour reconstruire quelque chose, pensons d’abord à recruter des mecs qui vont mouiller le maillot en toutes circonstances et retrouvons les qualités qui ont fait notre succès entre 2010 et 2013, insouciance humilité, plaisir, impertinence, cette époque bénie où nous n’attentions (presque) rien et nous gagnions (presque) tout. Pour rompre avec l’époque actuelle où nous attendons beaucoup (trop) et où nous recevons (presque) rien.

Catégories : Au Stade

1 commentaire

Romeo · 06/04/2018 à 10:37

Franchement,je m’attendais à ce qu’ils recrutent Magath pour redresser la situation.C’est sa spécialité le redressement et la stabilisation.

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