Malgré les nombreuses absences, le BVB a réussi un match presque parfait pendant septante minutes de jeu : des buts magnifiques, un adversaire parfaitement contenu, trois longueurs d’avance au compteur, une ambiance magnifique… C’était presque trop beau pour être vrai. Et c’était oublier qu’Hoffenheim est une sangsue dont on n’arrive que rarement à se débarrasser. La fin du match nous a rappelé cette triste vérité et notre journée de rêve a fini dans la déception avec un nul amer. Petit incident de parcours sans conséquence ou révélateur de problèmes plus inquiétants ? L’avenir le dira.
C’est un peu idiot à dire, tant nous avons quittés le stade frustrés, déçus, fâchés, courroucés, dépités… et j’en passe. Mais, en fait, nous avons vécu un week-end parfait. Presque parfait. Nonobstant ce maudit black-out de quinze minutes entre la 73e et la 87e qui nous a coûté trois buts, deux points et a jeté une ombre indélébile sur notre beau week-end où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et dans le plus beau stade de la galaxie.
Avant-match
Bien sûr, c’est un peu inquiets que nous avions entrepris le déplacement du Ruhrpott. Notre capitaine Marco Reus est blessé, la grippe décime les rangs de l’équipe et même notre entraîneur doit déclarer forfait. Mais le temps d’un trajet plutôt festif en ICE du vendredi soir et les nouvelles s’améliorent : à part notre entraîneur, notre capitaine, Delaney (suspendu) et les convalescents Zagadou et Akanji, l’équipe a récupéré une partie de ses forces vives durant la nuit et s’annonce moins décimée que prévu. Un apéro à la maison, quelques tournées dans les Biergarten et nous voilà confiants dans le stade, bien décidés à montrer à cette équipe d’Hoffenheim et à son mécène autocrate mégalomane que nous détestons tant la différence entre une Traditionsverein et un Werksclub artificiel. Relation de cause à effet ou pas mais l’ambiance est bien meilleure que face à Hanovre : dès le coup d’envoi, on sent l’envie du Westfalenstadion de porter les Jungs vers la victoire. Ne serait-ce que pour rendre hommage à notre Held von 1966 Rudi Assauer, décédé durant la semaine et qui aura reçu, en l’espace de quatre jours, l’hommage de l’Arena Auf Schalke et du Wesfalenstadion. In Farben getrennt, in der Sache vereint.
Le festival Jadon Sancho
Et lesdits Jungs vont se montrer à la hauteur. Jadon Sancho marque un premier but, annulé (justement) par la VAR. Mais ce n’était que partie remise : notre joyau anglais ouvre le score – pour de bon cette fois – au terme d’un magnifique schéma collectif ponctué d’une ouverture délicieuse de Lukasz Piszczek et d’un tir croisé imparable. Hoffenheim est complètement étouffé et ne parvient pas à s’approcher du but dortmundois. Notre Borussia va concrétiser son emprise sur une contre-attaque d’école par laquelle Hachraf Hakimi et Axel Witsel traversent le terrain en deux passes pour mettre sur orbite Jadon Sancho ; sa frappe est repoussée par le gardien Baumann mais Mario Götze a bien suivi pour doubler la mise. 2-0, nous voilà rassurés : les absences de notre entraîneur et de notre capitaine ne semblent pas trop porter à conséquence, puisque nos Jungs ont réussi l’une des mi-temps les plus abouties de la saison, tout en maîtrise, en virtuosité et en efficacité.
Le plus dur était fait
En fait, en première mi-temps, c’était presque trop facile : Hoffenheim, surtout depuis l’arrivée de Julian Nagelsmann à sa tête, nous avait habitués à présenter une équipe teigneuse, agressive, difficile à jouer… Alors que dans cette période liminaire, ils sont restés bien dociles et passifs. On imagine que le futur entraîneur du RB Leipzig, collectionneur de clubs artificiels, a dû élever la voix à la mi-temps. Car Hoppenheim est revenu bien plus déterminé. Schulz et Geiger tirent de peu à côté, Roman Bürki réussit deux parades de haut-vol devant Joelinton et Belfodil. Mais on a bien cru avoir maté cette rébellion lorsque Raphaël Guerreiro inscrit le 3-0 comme à l’entraînement après une merveille de combinaison entre Mario Götze et Jadon Sancho sur l’aile droite. Cette fois-ci, l’affaire semblait entendue : Hoffenheim s’est révolté mais la solidité de notre défense, les prouesses de notre gardien et le talent de nos attaquants ont pu mater la révolte, le Westfalenstadion peut chanter, danser, fêter une victoire brillantissime contre un adversaire honni. On se disait même qu’on allait en profiter pour soigner la différence de buts lorsqu’Alcacer a tiré juste à côté puis Sancho a ajusté le poteau. Mais notre journée Bisounours (la bière en plus) s’est arrêtée là…
Le cauchemar
Quand Belfodil a profité d’une interception ratée de Diallo pour surprendre Bürki au deuxième poteau, il restait quinze minutes à jouer, on a pensé que c’est un but qui allait relever de l’anecdote, on était juste déçu de ne pas réussir un blanchissage qui aurait rassuré les troupes après les trois buts concédés contre Brême. Mais notre équipe a reculé, oublié de jouer et s’est offerte aux assauts désordonnés des Kraichgauer. Ce n’était pas très beau voir, surtout des longues balles balancées dans le paquet, mais ça a suffi. C’est d’abord Kadebarek qui place sa tête hors de portée de Bürki sur un centre dans le paquet de Schulz au milieu d’une défense figée pour le 3-2. Du coup, il n’est plus question de soigner la différence de but mais bien de préserver une victoire qui paraissait acquise moins de dix minutes plus tôt. La crainte a commencé à envahir nos rangs, sur le terrain comme en tribune. Et ce qui devait arriver arriva : sur un coup franc, Belfodil surgit au premier poteau pour égaliser, un but qui rappelle furieusement l’ouverture du score brêmoise au même endroit quatre jours plus tôt, sans doute une matière à réflexion pour Lucien Favre. Tout était à refaire et notre rush final un peu brouillon ne nous a pas permis de reprendre l’avantage, dans une atmosphère où la fête et la joie avaient cédé la place à l’énervement et à la frustration.
Les absences ? Pas une explication
Comment expliquer un pareil black-out de nos Jungs ? Je ne pense pas qu’il faille incriminer les absences. Ce sont des choses qui arrivent sur la longueur d’une saison et une épidémie de grippe en février n’a rien d’incongru. Pleurnicher sur les absences n’a jamais ramené un point de plus, le tout est de savoir comment les surmonter. Nos Jungs ont été capables de marquer trois fois sans leur capitaine Reus, ils auraient dû pouvoir être capables de défendre cet avantage sans lui, surtout que ce n’est pas vraiment son registre. Les absences de Delaney, Akanji et Zagadou ont sans doute été un peu plus préjudiciables, le Danois a manqué dans le dernier quart d’heure par sa capacité à gagner les duels à mi-terrain ; et le Suisse et le Français garantissent une meilleure présence physique dans l’axe que Weigl et Diallo contre un adversaire qui balance des grandes balles dans le paquet comme l’a fait Hoffenheim. Mais ce n’est pas une explication. De même que l’absence de Lucien Favre : il n’y a pas besoin d’immenses artifices tactiques pour conserver une avance de trois buts et il est certain que le coaching d’Edin Terzic et Manfred Steffes a été téléguidé par notre entraîneur grippé depuis son domicile. Bien sûr que sa présence rassurante et ses recadrages ont pu manquer en fin de match mais cela n’explique pareil effondrement.
La fatigue et la pression ?
Au premier tour, notre équipe a souvent pris l’ascendant physiquement sur ses adversaires, finissant ses matchs très forts avec quelques retournements spectaculaires. Ce n’est plus le cas depuis le début du Rückrunde. A Leipzig, nous avions beaucoup subi sur la fin, à Francfort la deuxième mi-temps a été plus compliquée que la première et contre Brême nous concédons deux fois l’égalisation en prolongations. C’est peut-être le contrecoup des nombreuses absences qui ont émaillé le camp de préparation à Marbella mais notre équipe ne paraît pas encore au top physiquement. Et ce alors que la Ligue des Champions n’a pas encore repris…
Une autre explication, en tous les cas c’est ce que l’on a ressenti depuis les tribunes, c’est une fébrilité inédite. Jusque-là, notre équipe restait zen en toutes circonstances : même à Leipzig, avec un seul but d’avance et face à des assauts adverses plus redoutables, nos Jungs donnaient l’impression de jouer avec la confiance de ceux qui savent qu’il ne peut rien leur arriver. En revanche, samedi contre Hoppenheim, nous avons senti une crispation, une crainte dès le 3-1. N’oublions pas que l’équipe est jeune et la plupart des joueurs n’ont jamais connu l’expérience de faire la course en tête d’un championnat majeur. Akanji, Delaney ou Witsel l’ont déjà vécu mais c’est était en Suisse, au Danemark ou en Russie, en revanche en Bundesliga seuls Schmelzer, Götze et Piszczek ont déjà connu la pression du Tabellenführer. Pourtant, notre club reste très prudent dans ses objectifs et continue à vouloir prendre « match après match ». Mais on ne peut empêcher nos Jungs de regarder le classement et d’entendre toutes les théories et projections foireuses qui circulent sur le Meisterschale. Il faut absolument arriver à en faire abstraction et à jouer sans s’occuper du classement, du résultat, avec l’insouciance et la joie de vivre qui ont caractérisé notre Hinrunde. Si l’on commence à se prendre la tête avec le titre, le Bayern, Gladbach, nous allons connaître d’autres désillusions de ce genre.
Kopf hoch, Jungs
Ceci dit, malgré la déception d’avoir égaré deux points bêtement et de ne pas avoir remis les pendules à l’heure contre un adversaire détesté, le positif l’emporte sur le négatif. Au match aller, à Sinsheim, nous avions sauvé miraculeusement un point en fin de match après une très mauvaise prestation et quitté le stade avec quatre longueurs de retard sur le Bayern. Samedi, nous avons livré un très bon match pendant 70 minutes et, malgré le couac terminal, nous quittons le stade avec cinq points d’avance sur le Rekordmeister. On a la chance d’avoir un match de gala à Wembley contre Tottenham où nous n’avons pas grand-chose à perdre pour digérer. Et ensuite, il s’agira, après le petit coup d’arrêt de Francfort et Hoffenheim et l’élimination en Pokal contre Brême, de reprendre notre marche en avant à Nürnberg. C’est sur ces bonnes paroles que, passées les deux premières bières un peu amères au Freibad Biergarten, nous avons poursuivi la fête de ce samedi dortmundois presque idéal. Si l’on excepte ce dernier quart d’heure…
0 commentaire