Le 9 avril 2013, il y a sept ans… Soixante-neuf secondes dans les arrêts de jeu, c’est le temps qu’il a fallu au Borussia Dortmund pour inscrire les deux buts de raccroc d’une qualification irréelle pour les demi-finales de la Ligue des Champions contre un valeureux Malaga. Soixante-neuf secondes de pure folie et d’extase pour gommer nonante minutes de temps réglementaire laborieuses et sans inspiration, soixante-neuf secondes pour l’Eternité et la Légende. Danke Jungs !
J’avais un mauvais pressentiment avant ce match retour entre Dortmund et Malaga et, pendant nonante minutes, le déroulement des opérations va corroborer mes craintes. Le rusé Manuel Pellegrini a clairement remporté son duel tactique contre Jürgen Klopp et Malaga réussit à imposer son (non) rythme au match, contraignant Dortmund à endosser la pression du match, la responsabilité du jeu et une possession de balle stérile qui ne lui a jamais permis de trouver la verticalité et la vitesse qui font habituellement sa force. Pendant près de quarante minutes, aucune occasion à signaler pour le BVB, sinon une frappe trop enlevée de Lewandowski. En face, Malaga n’est guère plus dangereux mais Joaquin fait parler son expérience pour ouvrir le score d’une frappe sèche sur la seule incursion espagnole devant le but adverse de la première période. Le piège que l’on pressentait après les occasions gâchées du match aller semblait alors se refermer sur le Borussia Dortmund.
Un éclair dans la grisaille
Heureusement, même emprunté collectivement, le BVB peut toujours compter sur le talent de ses individualités, en l’occurrence Marco Reus pour une talonnade géniale qui permet à Robert Lewandowski d’égaliser. Malaga est toujours qualifié mais on respire un peu mieux. Toutefois, après la pause, le BVB ne parvient pas à emballer le match. Trop d’imprécision, trop de nervosité, trop de précipitation, c’est du très mauvais Borussia, je partage entièrement l’avis de Jürgen Klopp qui estime que le BVB a réalisé son pire match de la saison en C1. Il faut d’ailleurs un Weidenfeller impeccable sur une tête de Joaquin puis une frappe de Toulalan pour empêcher un deuxième but andalou.
Willy la pieuvre
Même emprunté, Dortmund s’est tout de même procuré des occasions d’inscrire le deuxième but, résultant davantage de quelques fulgurances isolées que d’une pression constante sur la défense adverse. Götze rate pour la cinquième fois l’immanquable en une semaine en ne cadrant pas seul devant le but. Et puis on n’avait pas aimé Paul le Poulpe durant la Coupe du Monde 2010, on a encore plus détesté Willy la Pieuvre lors de ce quart de finale. Déjà énorme au match aller, le gardien argentin de Malaga Willy Caballero a une nouvelle fois écœuré les attaquants dortmundois, aimantant une frappe de Lewandowski avec ses bras tentaculaires et, même lorsqu’on le croit battu sur des reprises de Reus puis Götze, sortant une troisième voire une quatrième jambe pour sortir miraculeusement le ballon.
Le fléau qatari
Peu inspiré dans le jeu, peu réaliste sur ses rares occasions, le BVB a été obligé de prendre de plus en plus de risques. Et ce qui devait arriver arriva : Malaga a inscrit le deuxième goal sur un contre rondement mené par Julio Baptista et Eliseu, lequel marque en nette position de hors-jeu. Ce but absolument pas valable accordé aux Espagnols rend d’autant plus grotesque la plainte déposée contre l’arbitrage par les dirigeants malaguista et la théorie du complot énoncée par le propriétaire qatari du club. Certes, M. Thomson et ses assistants ont été mauvais, le troisième but allemand est bien entaché d’un hors-jeu mais les erreurs se sont compensées. Ces parvenus du Moyen-Orient sont vraiment le fléau du foot moderne, eux qui pensent que leur pognon et leurs relations privilégiées avec le patron de l’arbitrage européen et mondial leur permet de tout acheter, le FC Malaga, le FC Barcelone, la Coupe du Monde 2022, les arbitres… Cela dit, on constatera que, comme d’habitude, la Pognon’s League fait davantage parler d’elle pour les innombrables erreurs d’arbitrage qui la faussent que par la qualité du jeu présenté. Il faudra qu’un jour ou l’autre on mette un terme à ce système de désignation des arbitres opaque, basé sur ces critères mystérieux qui n’ont manifestement pas seulement à voir avec la compétence, sous la responsabilité d’un individu à l’intégrité douteuse qui a la fâcheuse tendance à confondre ses casquettes à l’UEFA et la FIFA et la défense des intérêts particuliers de la fédération qu’il préside, même si, pour une fois, les erreurs arbitrales n’ont pas qualifié les Espagnols. L’attitude des dirigeants de Malaga, qui feraient mieux de payer salaires, charges sociales et impôts plutôt que de crier au complot, est d’autant plus saugrenue que leurs supporters, eux, ont été exemplaires, tant à l’aller qu’au retour. Après ce qui leur est tombé sur la tête dans les arrêts de jeu, les Andalous qui ont fait la fête avec nous jusqu’au bout de la nuit dans un Lütge-Eck en furie et bien entendu largement acquis à la cause schwarzgelb sont des héros. Respect, je n’aurai pas eu la force d’en faire autant dans la situation inverse !
Retour vers le futur
Je t’ai souvent vanté l’ambiance du Westfalenstadion mais mardi soir ce n’était pas trop ça. C’était bien parti avec un Choreo somptueux, beaucoup de bruit dans les vingt premières minutes mais ça s’est étiolé à mesure que le BVB tombait dans la nasse tendue par Pellegrini. Attention, c’est resté supérieur à ce qu’on peut entendre presque partout ailleurs mais, pour le Westfalenstadion, c’était plutôt décevant que ça ne pousse pas plus que pour un match de Bundesliga ordinaire. C’est sans doute l’effet de la suppression des places debout, des prix plus élevés qu’en championnat et de la présence de touristes attirés par le prestige de la C1 et prêts à payer une fortune leur billet. Tant mieux si un fan peu fortuné peut se financer l’entier de sa saison en vendant à prix d’or son abonnement pour un seul match à un Footix de passage mais l’ambiance s’en ressent : on a même entendu des sifflets à l’occasion de l’une ou l’autre mauvaise passe et vu des gens partir avant la fin (les imbéciles…) ; ça n’arrive pas en Buli. Je t’ai souvent narré des rencontres au Westfalenstadion qui ont basculé sous la pression du public, ça n’a pas été le cas mardi, le temple jaune avait déjà abdiqué lorsqu’est tombée l’égalisation. Ce miracle, les joueurs sont donc allés le chercher avec leurs tripes. Et avec un coup de poker désespéré de Jürgen Klopp qui, alors que son équipe était menée, fait entrer un troisième défenseur central, Mats Hummels, pour faire monter ces centraux et balancer des grandes balles dans le paquet, puisque, dans le jeu, le Borussia n’y arrivait pas. On renouait ainsi avec une vieille tradition du foot allemand, celui qui a traumatisé Gary Lineker, celui qui ne jouait pas bien mais gagnait toujours à l’arraché sur des buts dégueulasses.
Wahnsinn !
Et ça fonctionne ! On joue la première des quatre minutes d’arrêts de jeu, Subotic et Santana remisent n’importe comment pour Marco Reus qui transperce enfin la muraille Caballero. Le volcan jaune entre en ébullition et, soixante-neuf secondes plus tard, le juge de touche oublie quatre Borussen en position de hors-jeu sur un centre venu de la gauche, ça cafouille mais finalement Julian Schieber et Felipe Santana parviennent tant bien que mal à pousser la balle au fond. J’avais un mauvais pressentiment sur ce match mais j’avais aussi l’intime conviction que Telê, l’éternel remplaçant mais homme clé des matchs décisifs, allait nous claquer un but. J’avais vu juste, dans le délire collectif que tu ne peux pas imaginer si tu n’y étais pas. On hurle, on étreint la moitié du bloc et sans tomber, contrairement à notre peu glorieuse chute collective sur le but de Lewandowski. Je crois que tu ne peux pas comprendre l’intensité de ces moments-là si tu n’as jamais été fan d’une équipe, jamais parcouru des kilomètres avec ton équipe, t’être tapé des saisons de galères et de luttes de sous-préfectures, des soirées dans le froid et des retours lugubres juste dans l’espoir de vivre, de temps en temps, ces moments de pure félicité. Enfin, de temps en temps, c’est assez souvent depuis trois saisons avec le BVB.
Geil ! Geil ! Geil !
Malaga ne s’en relèvera pas, la communion entres joueurs et fans jaunes et noirs dure de longues minutes après le coup de sifflet final. On finit par quitter le si bien surnommé Temple de la Béatitude pour retrouver nos potes du Fanclub. Les sourires sont énormes, les congratulations s’enchaînent, on commence à prendre conscience d’avoir vécu un moment historique, le genre de truc qu’on ne pourra jamais oublier et on se réjouit de partager ces instants magiques autour d’une passion et d’une amitié communes. La fête qui a suivi a été à la hauteur de l’événement, de la pure folie, tu aurais dû voir les deux zombies qui se sont fait réveiller par les contrôleurs du train régional à l’aube quelque part dans une banlieue glauque de Rhénanie. Et merci au chauffeur de taxi qui a pris de risques insensés sur l’autoroute pour me permettre d’attraper mon avion à 7h à Düsseldorf. Mais ces soixante-neuf secondes de folie valaient bien un retour un peu scabreux.
Road to Wembley
Sur les deux matchs et au décompte des occasions, Dortmund a mérité sa qualification, même si celle-ci tombe sur deux buts de raccroc, les deux plus beaux goals de l’histoire du football. C’est néanmoins cruel pour Malaga qui a maîtrisé et dicté son rythme sur ce match retour. Jusqu’à la fin du temps réglementaire du moins. Finalement, ce qui a fait la différence, c’est qu’on avait d’un côté une équipe valeureuse et méritante mais composée de mercenaires sur le départ défendant les couleurs d’un club artificiel sans âme et sans véritable vécu. De l’autre, des joueurs qui s’identifient totalement à un maillot incarnant une histoire, une tradition, une ferveur et une légende plus que centenaires. Une Légende qui s’est enrichie mardi de l’une de ses pages les plus glorieuses. Une Légende revenue de nulle part et qui est désormais en marche. Pour Wembley.
Borussia Dortmund – FC Malaga 3-2 (1-1).
Signal Iduna Park, 65’829 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Thomson.
Buts : 25e Joaquin (0-1), 39e Lewandowski (1-1), 82e Eliseu (1-2), 91e Reus (2-2), 92e Santana (3-2).
Dortmund : Weidenfeller; Piszczek, Subotic, Santana, Schmelzer; Gündogan (86e Hummels), Bender (72e Sahin); Blaszczykowski (72e Schieber), Götze, Reus; Lewandowski. Entraîneur: Jürgen Klopp.
Malaga: Caballero ; Gamez, Sanchez, Demichelis, Antunes ; Camacho, Toulalan ; Duda (74e Eliseu), Joaquin (87e Portillo), Isco ; Baptista (83e Santa Cruz). Entraîneur : Manuel Pellegrini.
Cartons jaunes: 10e Bender, 60e Schmelzer, 62e Gamez, 88e Toulalan.
Notes: Dortmund sans Owomoyela (blessé), Malaga sans Iturra ni Welligton (suspendus) ni Morales (non qualifié).
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