Le BVB a subi sa deuxième défaite de la saison en Bundesliga. Et, après Düsseldorf en décembre, c’est un autre mal-classé, Augsburg, qui a su trouver les clés pour nous battre. C’est un revers qui intervient au plus mauvais moment et qui permet au Bayern Munich de revenir à notre hauteur en tête du classement. Il est clair qu’à ce rythme-là, nos rêves de Meisterschale devront prochainement être remis à des jours meilleurs.

Augsburg depuis la Suisse, c’est un déplacement compliqué. Le sud du Bade-Wurtemberg et la Bavière sont notoirement sous-équipés en lignes à haute vitesse : pour rejoindre Augsburg, il faut soit prendre l’ICE en passant par Stuttgart mais cela représente un détour conséquent, soit passer par les trains régionaux. J’opte pour la seconde option mais cela implique des changements à Zurich, Singen et Ulm. A priori, une formalité : il faut juste s’armer de patience, prendre un bon bouquin pour passer le temps et lever la tête de temps à autre pour profiter des paysage, les chutes du Rhin en arrivant à Schaffhouse, les rives du lac de Constance après Singen ou la cathédrale et le beau Danube bleu à Ulm.

La gabegie

Enfin, cela c’est si tout se passe comme prévu mais, avec la Deutsche Bahn, les choses ne se passent que rarement comme prévu. En l’occurrence, c’est juste avant d’arriver à Friedrichshafen que les choses se gâtent : on nous annonce que notre train ne va pas plus loin et qu’il faut descendre. Sans autre indication. A la gare, c’est la gabegie : la préposée aux guichets m’annonce que la ligne pour Ulm est coupée et qu’il faut prendre un train pour Bieberach, un bled perdu du Bade, puis attendre un bus de remplacement. Les haut-parleurs expliquent que c’est à Aulendorf, autre village perdu, qu’il y a un bus de remplacement. L’application de la DB préconise elle d’attendre tranquillement le train suivant pour Ulm. Deutsche Qualität. Il fut un temps où cette incurie chronique m’énervait au plus haut point ; avec l’expérience, j’ai appris qu’il ne servait à rien de s’exciter, ces retards à répétition sont dans l’ADN des trains allemands, il suffit de prévoir assez de marge par rapport au coup d’envoi et de se munir d’un wagon de bières pour patienter. Et effectivement, après une heure d’attente dans la cité des zeppelins, je trouve un train pour Ulm. Où je parviens à attraper un train pour Klagenfurt, en Carinthie (si, si, là même où nous avions gagné en tour préliminaire d’Europa League contre Wolfsberger AC), qui s’arrêtait opportunément à Augsburg. J’adore accompagner mon équipe dans tous les stades d’Allemagne et d’Europe, je considère cela comme un privilège de pouvoir vivre et partager ces ambiances-là tous les week-ends mais parfois les trajets tiennent du sacerdoce.

Fuggerstadt

Mais je finis par arriver, avec à peine une heure de retard sur l’horaire prévu, dans la Fuggerstadt, du nom de la richissime famille de banquiers qui a longtemps dominé la ville et dont le plus célèbre d’entre eux, Jacob Fugger, qui fut l’homme le plus riche du monde en son temps, est considéré comme l’inventeur des logements sociaux au XVIème siècle, avec son quartier de la Fuggerei. Mais pas le temps pour la visite culturelle, juste pour jeter un coup d’œil au Rathaus et acheter une bière pour le long trajet en tram jusqu’au stade, situé dans une banlieue perdue.

J’avais juste oublié le décapsuleur ; un fan d’Augsburg aux allures de Père Noël et en costume de carnaval vient à ma rescousse en prélevant, hilare, une généreuse lampée au passage. Avant de féliciter le fan dortmundois imprévoyant d’avoir acheté une Riegele, l’une des bières locales. Nous avons toujours entretenu des relations assez amicales avec les fans du FCA. Augsburg est en Bavière mais dans la Souabe bavaroise : les gens sont beaucoup plus chaleureux et moins arrogants qu’à Munich.

La bonne touche

Augsburg restait sur une défaite 5-1 à Freiburg. Dans la plupart des clubs du monde, un club en danger de relégation qui a perdu 5-1 face à un adversaire direct vire son entraîneur. Mais pas à Augsburg : depuis son arrivée en Bundsliga en 2011, le FCA a souvent été en difficultés mais, à l’exception de Dirk Schuster en 2016, il a toujours maintenu sa confiance en son entraîneur. Et tenté de toujours continuer à produire du jeu. C’est dans doute pour cela qu’il se maintient, bon an mal an, en Bundesliga. Virer son entraîneur à la première difficulté, miser sur le choc psychologique avec une opération commando et un jeu ultra-défensif, ça peut fonctionner à court terme mais ça ne permet pas vraiment de faire progresser un groupe et ça ne fait souvent que différer la chute. A l’inverse, la stratégie de patience du manager local Stefan Reuter, notre ancien champion d’Europe, permet au club d’avancer et c’est sans doute pour cela que, malgré des moyens modestes, le FCA évolue sans discontinuer depuis huit ans en Bundesliga, là où d’autres clubs avec davantage d’histoire et de moyens font l’ascenseur avec la Zweite Liga. On se demandait quand même si, après la claque reçue à Freiburg, l’entraîneur Manuel Baum n’allait pas opter pour une tactique plus défensive. Que nenni : sur l’engagement, les Bavarois expédient la balle prêt du poteau de corner, une bonne touche comme au dit en rugby, pour venir effectuer le pressing très haut sur nos Jungs.

De l’art de se compliquer la vie

Marco Reus a regretté une confrontation contre une équipe trop défensive mais ce n’est pas mon avis. Augsburg n’a pas fermé le jeu, c’est nous qui nous sommes imposés un scénario de match qui ne nous convient pas, où nous prenons la possession du ballon sans parvenir à accélérer et où nous finissons par faire tourner la balle sans fin mais sans jamais parvenir à mettre l’adversaire hors de position. Pourtant, le début de match avait été encourageant mais Reus perd son face à face avec le gardien Kobel et Sancho manque de spontanéité dans sa reprise pour être contré. Nous sommes dans une phase de la saison où nous devons être plus tueurs devant le but, là nous avons joué sans rage, comme si nous pensions que le retour de Marco Reus allait résoudre tous les problèmes et que la victoire allait tomber comme un fruit mûr.

Mais la Zirbelnuss (l’espèce de pive symbole du club et de la ville) d’Augsburg est un fruit beaucoup plus dur à croquer et nôtre tâche va encore se compliquer à la 24e lorsque Zagadou rate son interception et permet à Hahn de centre pour Don-Wong Ji. Notre ancien réserviste est contré dans un premier temps par Akanji mais il est plus prompt à réagir que Delaney et peut placer la balle sous la latte de Bürki. Et vogue la galère…

L’improbable Ji

On aurait pu se sortir de cette mauvaise passe en égalisant avant la mi-temps mais Delaney, après un coup franc, ne cadre pas, et surtout Sancho puis Bruun Larsen échouent devant la muraille Kobel. Sans être géniaux, les occasions étaient de notre côté mais un manque de réalisme et une erreur défensive nous amènent à aller boire la Riegele de la mi-temps avec un but de retard. Et quand deux fans mal éduqués renversent le stock de bières que j’avais entreposé sous mon siège en prévision de la 2ème mi-temps, je me dis que cette soirée est vraiment mal embarquée.

Surtout que nous démarrons la seconde période sur un faux rythme qui ne nous permet plus vraiment d’inquiéter la défense adverse. Cela en devient lancinant et on finit par se saborder par une affreuse relance plein axe d’Hakimi directement sur Don- Wong Ji. Zagadou défend en reculant et laisse l’espace au Coréen pour tromper Bürki d’un lob raffiné. La soirée vire au cauchemar et, en plus, on encaisse deux buts de Ji, l’un des transferts les plus improbables que nous ayons fait ces dernières années. Le Coréen n’était resté que six mois chez nous à l’automne 2014, se contentant de cinq apparitions en première équipe, avant de retourner à Augsburg. Son passage à la Strobelallee a été tellement furtif que je n’avais même pas eu le temps d’acheter mon maillot. Et pourtant, j’en ai des maillots floqués de joueurs improbables Degen, Bonmann, Schieber, Jo-Ho, Friedrich, Hajnal, Kirch, Leitner, Jojic… mais pas de Ji et c’est pourtant c’est lui qui a joué les bourreaux.

Kobel, l’autre bourreau

Ce deuxième but aura eu moins eu le mérite de sortir nos Jungs de leur torpeur. On a fini le match très fort mais on s’est heurté à notre autre bourreau du soir : Gregor Kobel, le gardien suisse d’Augsburg. En équipe de Suisse, nos deux portiers, Roman Bürki et Marvin Hitz, en ont eu marre d’être les éternels numéros 2 et 3 derrière l’inamovible (aux yeux du sélectionneur du moins) Yann Sommer et ils ont décidé de se mettre en retrait de l’équipe nationale. Laquelle a donc dû trouver des nouveaux numéros 2 et 3, soit Yyon Mvogo, de Lepizig, et Gregor Kobel, d’Hoffenheim. Problème : tous deux jouaient les doublures dans les Plastikclubs, derrière Gyulacsi pour l’un et Baumann pour l’autre. Cet hiver, Gregor Kobel s’est donc décidé pour un prêt afin de trouver du temps de jeu ; et c’est Augsburg qui lui a offert l’opportunité, dès lors que ni Lüthe ni Giefer, sensés assurés la succession de Marvin Hitz, parti au BVB, n’ont réussi à s’imposer. Et le Suisse de 21 ans a prouvé vendredi soir qu’il méritera sans doute bientôt une place de titulaire en Bundesliga. Il a fait le désespoir puis de Götze (75e) puis de Sancho (80e).

Les temps forts et les temps faibles

La muraille Kobel devra cependant s’avouer vaincue devant Paco Alcacer qui conclut un superbe mouvement amorcé par Jadon Sancho et Mario Götze. Cela paraît facile, reste à savoir pourquoi nous sommes si peu souvent parvenus à trouver pareils décalages dans la défense souabe. Il restait dix minutes à jouer, on se prend quelques instants à rêver d’un final complètement fou comme au match aller. Mais non, cette journée était définitivement maudite et Augsburg s’accroche à sa victoire après une énième et dernière parade de Kobel devant Götze. Le BVB s’incline 2-1 et concède sa deuxième défaite de la saison en Bundesliga. Finalement, on a vraiment joué que les 15 premières et les 15 dernières minutes ; entre, les deux, c’était trop mou, trop lancinant, trop peu inventif, avec en plus deux horreurs défensives, pour prétendre à mieux. Ceci dit, même au premier tour lorsque tout roulait pour notre Borussia, nous n’avons que très rarement maîtrisé un match de bout en bout, à part à Stuttgart et contre Nürnberg. Il y avait déjà des temps forts et des temps faibles mais nous avions la capacité à marquer dans nos temps forts et à ne pas (trop) encaisser dans nos temps faibles. En ce moment, c’est plutôt l’inverse.

L’heure de vérité

Autant je pense qu’à l’automne dernier, nous n’étions pas aussi bons que pouvait le laisser croire le classement et les résultats, autant actuellement nous n’avons pas complètement perdu notre jeu. En revanche, nous avons perdu cette petite étincelle de réussite, de confiance, d’insouciance, de rage, de spontanéité qui nous avait souvent permis de gagner des matchs sans forcément surclasser l’adversaire dans le jeu. Désormais, nous avons grillé tous nos jokers et le Bayern Munich est revenu à notre hauteur. Mais il ne sert à rien de se lamenter ni à regarder derrière. Bien sûr, n’avoir pris que deux points sur douze lors des déplacements à Hanovre, Düsseldorf, Nürnberg et Augsburg n’est pas insuffisant et nous risquons de regretter ces dix points égarés lors du décompte final. Mais nous n’y sommes pas, au décompte final. Maintenant, nous sommes débarrassés de la Ligue des Champions et de la Pokal, il ne reste plus que la Bundesliga. Dix matchs. Un sprint de 900 minutes et nous l’abordons sur la même ligne que la Bayern Munich, ce qui, objectivement, était complètement inespéré en début de saison. Il est clair que la dynamique actuelle et le calendrier de fin de saison ne parlent pas en notre faveur. Mais la réponse reste dans les pieds et surtout les têtes de nos Jungs. Personne n’exige le titre cette saison, il faut laisser de côté la pression, la peur et la crispation qui a semblé peser sur les jeunes épaules de nos joueurs ces dernière semaines. Notre situation est une chance, à eux de savoir la saisir. Soit nous nous contentons d’avoir réussi une belle saison, d’avoir atteint les objectifs initiaux et d’avoir beaucoup appris pour l’avenir. Soit nous retrouvons cette étincelle de folie qui nous avait animés durant l’automne pour continuer à rêver de finir en apothéose sur l’hystérie d’un Meisterschale. A nos Jungs de jouer, c’est maintenant qu’on va savoir ce que cette équipe a vraiment dans les tripes et dans les cœurs et cela commence dès samedi contre Stuttgart.

Catégories : Au Stade

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