En cette journée historique du 21 novembre 2018 marquant la fin du Kohle dans le Ruhrpott, l’heure était aux remerciements. Envers les mineurs d’abord qui ont écrit et forgé l’histoire d’une région, d’une ville et d’un club. Mais aussi envers notre équipe et notre entraîneur qui ont su nous redonner l’envie et le plaisir d’aller au stade. 2018 avait mal commencé mais s’est terminé en beauté. Et on se réjouit déjà de 2019.
Il a plu sur le Ruhrpott, beaucoup plu, pour ce dernier week-end de Bundesliga. Comme si les vannes célestes voulaient pleurer une dernière fois la fin, avec la fermeture de la Zeche Prosper-Haniel, de l’exploitation du charbon dans le Ruhrpott.
La fin d’une ère. Le BVB a finalement décidé de célébrer l’événement de manière assez sobre, un maillot spécial, quelques remerciements en début de match mais rien de plus, on aurait peut-être attendu quelque chose d’un peu plus spectaculaire, un Choreo, un feu d’artifice, comme à Schalke. Mais non. Comme si finalement, si notre club restera toujours fermement ancré dans ces valeurs et ce patrimoine-là, il avait aussi déjà tourné la page.
Le Favrico
Car l’heure n’était pas à la mélancolie vendredi au Westfalenstadion : un choc au sommet de la Bundesliga entre les deux Borussia, le vrai de Dortmund et le faux de Mönchengladbach. Si cette affiche constitue le duel des géants entre les deux leaders de la Bundesliga, cela doit beaucoup au mérite d’un seul homme : Lucien Favre. Nous avons tous pu constater de quelle manière il a su redresser notre Borussia, en pleine déprime ce printemps, et en refaire un club qui gagne, se redécouvre des ambitions, le plaisir de jouer, un style de jeu et, corollairement, des ambitions. Mais le Suisse avait déjà réussi pareil tour de force avec notre hôte du soir, l’autre Borussia.
Cet ancien monument du football allemand était devenu un club de bas de classement qui faisait l’ascenseur entre Bundesliga et Zweite Liga. Et qui était aux portes d’une nouvelle relégation en deuxième division au printemps 2011, quand le Vaudois a été appelé à la rescousse. Il avait su redresser ce géant endormi et le ramener dans les premières positions de la Bundesliga : il était arrivé dans un club qui se préparait à un nouveau séjour en Zweite Liga, il l’avait sauvé de la relégation puis l’avait fait grandir sportivement et financièrement pour le quitter en Ligue des Champions. Et même si l’aventure de Lucien Favre s’était mal terminée dans le Niederrhein, avec une série de défaites et un désaccord profond avec ses dirigeants sur la politique de transferts, retrouver aujourd’hui des Fohlen sur le podium de la Bundesliga, cela doit beaucoup au travail effectué là-bas jadis par notre actuel entraîneur. Un magicien.
La défense expérimentale
Mais notre entraîneur avait d’autres soucis avant ce choc au sommet que de se retourner sur son passé. Nous restions sur le petit accident de Düsseldorf, l’équipe paraît fatiguée en cette fin de premier tour et notre défense centrale était décimée par les absences de Diallo, Akanji et Zagadou. Lucien Favre a finalement opté pour une charnière inédite avec Toprak et Weigl, soit notre quatrième choix en défense centrale (derrière les trois joueurs absents prénommés) et notre quatrième choix en milieu défensif (derrière Witsel, Delaney et Dahoud). Et pourtant, face à l’une des plus puissantes offensives de Bundesliga, cette défense de fortune a très bien fonctionné. C’est l’une des forces de ce BVB 2018-2019 : la partition voulue par l’entraîneur commence à être tellement maîtrisée par les joueurs, mêmes par ceux qui sont moins souvent alignés, que l’on peut remplacer l’un ou l’autre élément sans trop péjorer le collectif.
Mario Götze en sauveur
Cette fois-ci, Paco Alcacer était titularisé d’entrée. L’Espagnol a été le premier à se mettre en évidence, une frappe détournée par le gardien Sommer puis une autre juste à côté. Mais l’ancien Barcelonais a dû s’arrêter là en raison d’un souci musculaire et être remplacé par Mario Götze. En tribune, on faisait un peu la moue : c’est toujours embêtant de griller un joker si tôt dans la partie, surtout que le score était encore nul et vierge. Mais Götzinho va nous prouver qu’il pouvait lui aussi faire tourner un match.
On a beaucoup lu, dit et écrit sur notre ancien Wunderkind cet automne. Il faut se faire une raison : il n’est plus et ne sera plus jamais le joueur qui nous a quitté en 2013 ; son passage au Bayern et ses ennuis de santé l’ont changé : il n’a plus la même explosivité, plus la même rapidité dans le dribble, plus la même capacité à éliminer un adversaire en un contre un. Mais il reste un joueur de talent, un vrai Dortmunder Jungs qui a su se faire pardonner son incartade munichoise et Lucien Favre a pu lui retrouver un poste qui convient au nouveau Götze : on a encore besoin de lui ! Et il l’a prouvé contre Mönchengladbach : après un ballon récupéré par Guerreiro, Reus transmet pour Mario Götze. Notre attaquant reconverti trouve Jadon Sancho qui marque dans un angle impossible. Le talent.
L’injustice
La pause approchait et on pensait bien pouvoir aller chercher la prochaine tournée de bières avec cet avantage d’un but. C’était compter sans l’arbitrage et l’inutile VAR : dans les arrêts de jeu, sur un centre de Zakaria, Christoph Kramer contrôle de la main et fusille Roman Bürki pour égaliser. Même depuis les tribunes, on a vu le contrôle illicite. Et en revoyant les résumés du match qui tournaient en boucle dans les différents bars de la ville durant le week-end, notre première impression ne s’est jamais démentie : peut-être bien qu’il n’a pas fait exprès mais, s’il n’avait pas eu la main décollée du corps pour arrêter le ballon, le champion du monde 2014 aurait vu ce dernier lui échapper. Donc but clairement invalide… mais validé ! Après le pénalty ubuesque accordé sur intervention de la VAR à Herne-West, on n’est de nouveau pas verni avec ce truc. Enfin, si l’assistance vidéo servait à rendre l’arbitrage plus juste, cela se saurait. Mais c’est avec une bonne dose de frustration et un fort sentiment d’injustice que l’on rejoint le bar à la pause.
Les justiciers pas masqués
Heureusement, il y avait une justice en cette veille de Noël. Le BVB termine cet Hinrunde devant sa Südtribüne et va rapidement reprendre l’avantage. Depuis le départ d’Aubameyang, nos Jungs ne célèbrent peut-être plus avec des masques (et ce cirque ne nous manque pas vraiment) mais ils peuvent toujours jouer les justiciers. Jadon Sancho et Mario Götze passent en revue la défense des Fohlen avec un duo de virtuose étourdissant pour offrir le 2-1 à Marco Reus. Tout un symbole : notre capitaine qui nous offre la victoire dans ce choc au sommet, face au club où il s’est révélé sous la houlette d’un certain Lucien Favre. Marco ne pouvait conclure d’une meilleure manière ce qui est sans doute sa meilleure demi-saison depuis moins cinq ans. Nous n’avons jamais douté de son talent mais là on découvre un nouveau Reus, un joueur capable d’assumer le leadership, de tirer l’équipe dans les moments difficiles et d’être constant dans ses performances. On ne sait pas si c’est le fait de porter le brassard de capitaine, d’avoir retrouvé son mentor suisse ou d’être enfin débarrassé de ses ennuis de santé, sans doute un peu des trois à la fois mais Marco, l’enfant de Dortmund, est enfin devenu le patron de son club et non plus un joueur doué qui ne brille que par intermittence.
Spitzenreiter, Spitzenreiter, hey, hey !
Marco aurait même pu s’offrir le doublé mais son coup-franc s’est écrasé sur l’angle des buts de Yann Sommer. Du coup et cela devient une habitude, nous avons tremblé jusqu’au bout. Mais finalement, en dehors de son but litigieux, Mönchengladbach ne s’est pas montré tellement dangereux. Et au-delà des exploits de Götze, Reus et Sancho sur les buts, c’est d’abord le succès d’un collectif extrêmement solide et capable de contenir le deuxième du classement malgré une défense de fortune.
C’est finalement à l’image de ce premier tour : notre BVB est d’abord solide, ce n’est pas toujours flamboyant mais il y a quelques fulgurances, du talent, du combat, des ressources mentales pour réagir dans la difficulté et toujours cette volonté farouche d’aller chercher la victoire. Une équipe dans laquelle nous nous retrouvons complètement et que nous avons longuement célébrée après le match devant la Südtribüne. Quel contraste avec la fin de saison dernière et cette sortie sous les sifflets après ce match honteux à Sinsheim. Sept mois seulement se sont écoulés entre les deux mais que de chemin parcouru…
Laissez-nous rêver…
Une victoire dans le choc au sommet, contre un rival historique, le titre de champion d’automne, le deuxième meilleur premier tour de l’Histoire du club (un seul point de moins qu’en 2010-2011), le tout en plein Weihnachtsmarkt : tu imagines que le week-end n’aura guère été empreint de morosité à Dortmund et que la bière et le Glühwein ont coulé à flot au pied du plus grand sapin de Noël du monde. Des instants magiques.
Pour l’instant, tout le monde pense d’abord à goûter à un repos bien mérité pour une courte pause. Personne, ni les dirigeants ni les joueurs ni l’entraîneur ni les fans, ne commence déjà à faire des projections sur la fin de saison, le Meisterschale ou autre. On laisse les théories de sacs à pain aux Modefans, aux chacals des médias et autres comptables du football pour lesquels notre sport favori ne se mesure qu’en lignes sur un palmarès, points au classement et retours sur investissements.
Après plusieurs saisons où les soucis, les déceptions et le chagrin ont été plus nombreux que la joie et la satisfaction, nous voulons juste savourer les belles images que nous allons garder de cet Hinrunde 2018-201) : des buts, des chants, des matchs spectaculaires, des déplacements épiques, de renversements de situation, des émotions, de la joie, des amitiés, des bières, du plaisir… On n’a encore rien gagné cette saison mais tous ces moments magiques que nous a fait vivre notre équipe cet automne, on ne pourra pas nous les enlever. Danke Kumpel !
Et ce que l’on attend maintenant avec impatience, ce n’est pas de savoir s’il y aura un trophée en plus au Borusseum en mai prochain mais d’abord de pouvoir revivre ces instants de joie avec le BVB dès la mi-janvier. On verra bien en fin de saison où tout cela nous mène. Mais on a déjà retrouvé à Dortmund une équipe qui nous donne le droit de rêver, c’est déjà une très bonne raison d’attendre 2019 avec impatience, non ?
1 commentaire
La Pyves · 28/12/2018 à 22:52
Magnifique CR!