Pour trouver une vraie ambiance de football en ce week-end de Pâques à Munich, il a fallu attendre le dimanche et mettre le cap sur la Dritte Liga et une banlieue perdue : Unterhaching. Dans ce stade minuscule qui a pourtant vu jadis se dénouer la Bundesliga, une véritable tempête s’est abattue sur la Bavière, avec la pluie, le vent et surtout 1500 fans déchaînés venus d’Allemagne de l’Est.
Il existe des clubs qui sont célèbres pour les trophées qu’ils ont gagnés. Et d’autres pour ceux qu’ils ont fait perdre. L’exemple le plus célèbre, c’est sans doute le CD Tenerife en Espagne, un club qui, en 1992 et en 1993, a fait perdre le titre, dans son petit stade des Canaries, au grand Real Madrid lors de la dernière journée de Liga au profit du FC Barcelone de Johan Cruyff. Le Tenerife allemand, c’est le SpVgg Unterhaching, un petit club de la banlieue sud de Munich. Ce club n’a évolué que durant deux saisons en Bundesliga, en 1999-2000 et en 2000-2001, mais il a marqué les esprits en étant protagonistes de deux des dénouements les plus dramatiques de l’histoire du Meisterschale. En 2000, le Bayer Leverkusen, avec toutes ses stars, Ballack, Kovac, Schneider, Zé Roberto, Neuville, Emerson, Kirsten et compagnie aborde la dernière journée avec trois points d’avance sur le Bayern Munich. Un point sur le terrain du modeste promu Unterhaching suffit à la Werkself pour enfin décrocher le premier titre de son histoire. Sauf que Ballack marque un autogoal après vingt minutes, Leverkusen sèche sur la défense des Hachinger et finit par s’incliner 2-0, offrant le titre au Bayern, vainqueur dans le même temps de Brême. C’est donc dans ce modeste stade de la banlieue bavaroise que la légende Neverkusen est née.
En 2000-2001, la situation est plus favorable au Bayern qui possède trois points d’avance sur Schalke mais une moins bonne différence de buts. Et effectue un déplacement compliqué à Hambourg lors de la dernière journée alors que les Knappen reçoivent Unterhaching. Les Hachinger, qui ont besoin d’une victoire pour espérer le maintien, vont à nouveau longtemps offrir le titre à leur grand voisin en menant 0-2 puis 2-3 au Parkstadion. Mais Schalke renverse le score dans les dernières minutes et s’impose 5-3, condamnant Unterhaching. La suite, on la connaît tous : le Bayern encaisse le 1-0 à la dernière minute à Hambourg, les fans des Knappen envahissent le terrain pour fêter pendant quatre minutes un Meisterschale qui leur semblait promis, oubliant qu’il restait des arrêts de jeu à jouer du côté du Volksparkstadion et le Bayern égalise sur une grossière erreur d’arbitrage à la 94e, privant notre rival de toujours de ce titre qu’il attendait (et attend toujours, ein Leben lang…) depuis 1958. Mais l’Histoire retiendra qu’à chaque fois, ce club du SpVgg Unterhaching a joué un rôle majeur dans deux dénouements dramatiques d’une époque bénie où le Meisterschale se jouait encore dans les dernières minutes du championnat.
Unterhaching
J’ai écrit pis que pendre sur Munich dans mon article sur Bayern – BVB, je vais rectifier un peu le tir. C’est une ville magnifique avec ses châteaux, ses parcs, ses églises, sa Marienplatz, ses brasseries… On y a passé un magnifique week-end pascal, c’est juste que ce n’est pas une ville de football, du moins pas au sens où nous l’entendons, c’est-à-dire ferveur, passion, émotions. Mais, en dehors du foot, Munich vaut vraiment le détour.
Mais on ne se refait pas : nous quittons le centre-ville l’espace d’un après-midi pour retourner au foot, en mode beaucoup plus authentique. En ce dimanche, c’est dans une banlieue oubliée (mais quand même moins que Fröttmaning où se trouve l’Allianz Arena) que cela se passe : Unterhaching. En découvrant les vieilles tribunes en bois (dont l’une n’est même pas ouverte au public) de l’Alpenbauer (le nom du sponsor, littéralement paysan des Alpes !) Sportpark, ses vieux gradins décatis, les vestiaires situés sous un restaurant attenant, l’unique drapeau agité à l’entrée des joueurs, il est difficile d’imaginer que la ligue la plus populaire du monde s’est dénouée il y a moins de 20 ans dans ce cadre champêtre.
Car, depuis, Unterhaching est bien rentré dans le rang. Il faut dire que la concurrence est rude dans la région avec le Bayern Munich et les nouveaux venus Augsburg et Ingolstadt. Mais aussi le club populaire et historique de la capitale bavaroise, 1860 München, en pleine renaissance après avoir éjecté le mécène qui lui promettait la gloire, quitté la sinistre Allianz Arena et été rétrogradé en Regionalliga. Depuis, les Löwen caracolent en tête du classement et jouent tous leurs matchs à guichets fermés dans leur stade historique de la Grünwalderstrasse. Dans ce contexte, il est difficile pour Unterhaching de se faire une place au soleil. Même si, après être redescendu jusqu’en Regionalliga (4e division), le petit club munichois a retrouvé le Dritte Liga en fin de saison dernière.
Magdeburg
Dans cette Dritte Liga 2017-2018, les deux places de promus directs ont longtemps semblé promises au SC Paderborn et au 1. FC Magdeburg. Mais les Est-Westphaliens et les Est-Allemands ont connu un début de 2e tour difficile et ils sont désormais quatre à se disputer les deux places de promus en Zweite Liga et la place de barragiste : Paderborn, Magdeburg, Wehen-Wiesbaden et Karlsruhe. Unterhaching, de son côté, a assuré son maintien mais regarde de loin la lutte pour l’ascension. C’est précisément l’un des prétendants à la promotion qui est en visite ce dimanche à l’Apenbauer Sportpark : le 1. FC Magdeburg, que nous avions éliminé en Pokal à l’automne (la dernière victoire de Peter Bosz), et ses supporters complètement déjantés. Si ceux-ci paraissent relativement calmes dans le S-Bahn qui conduit dans la paisible banlieue munichoise, c’est pour mieux exploser dès le coup d’envoi. Ils sont environ 1500 parqués dans une vieille tribune debout et leurs chants claquent de manière incroyable dans la quiétude de ce dimanche pascal et les tribunes à moitié vides de l’Apenbauer Sportpark (5000 spectateurs en tout). Impressionnant ! Cela nous change de l’ambiance de la veille à l’Allianz Arena. En revanche, après la Paulaner leicht du Bayern, on se réjouissait de boire une vraie bière dans un stade bavarois c’est raté : la réputation turbulente des fans est-allemands a conduit les autorités à interdire l’alcool pour ce match : décidemment, deux matchs à Munich et pas une vraie bière à se mettre dans le gosier, Dortmund est bien la Bierhauptstadt !
Le match
Le spectacle est davantage venu des tribunes et des fans de Magdeburg que du terrain. Car, le match n’a pas atteint des sommets. Le 1. FCM joue les premiers rôles dans cette Dritte Liga mais son effectif comporte peu de joueurs connus ayant déjà tâté de la division supérieure, c’est surtout une équipe solide et combative composée de joueurs recruté dans les séries inférieures est-allemandes. La jouerie est bien meilleure du côté d’Unterhaching. Les Bavarois auraient d’ailleurs largement mérité d’arriver à la pause avec un but d’avance mais ses attaquants, notamment leur buteur vedette Stephan Hain, auteur du but qui avait propulsé Augsburg en Bundesliga en 2011, ne sont pas parvenus à cadrer sur les quatre occasions qu’ils se sont procurées. En face, Magdeburg n’a pas produit grand-chose et peut s’estimer tout heureux d’arriver à la pause sur un score nul et vierge.
Le vent en vedette
Pourtant, les Magdeburger ont absolument besoin d’une victoire pour reprendre la deuxième place à Wiesbaden et garder leurs distances avec Karlsruhe. Ils vont un peu hausser le ton après la pause, pas beaucoup mais suffisamment pour se retrouver en supériorité numérique : le capitaine bavarois Welzmüller est contraint à une faute de dernier recours après avoir mal apprécié la trajectoire d’un ballon aérien, sans doute trompé par le vent tourbillonnant. Car le vent a été l’acteur vedette de la seconde mi-temps. Il finit par nous amener un véritable déluge, des trombes d’eau (ou de neige ou de grêle, c’était assez violent et particulier) s’abattent sur l’Apenbauer Sportpark. On a presque pitié des fans de Magdeburg dans leur tribune non-couverte mais ouverte aux quatre vents. Mais les mecs ne bronchent pas, les chants et les encouragements redoublent sous le déluge. Pourtant, on ne peut pas dire que leurs joueurs profitent vraiment de leur supériorité numérique, leur pression reste brouillonne et désordonnée.
La délivrance
Mais, à moins d’un quart d’heure de la fin, Magdeburg va trouver la faille. Au terme d’une action un peu confuse, les Magdeburger parviennent enfin à créer un décalage dans la défense bavaroise et Felix Lohkemper centre pour son buteur Philipp Türpitz, lequel ne laisse pas passer l’occasion après un ricochet sur le gardien Königshofer. Un but tout moche mais qui offre une victoire 0-1 et trois points très précieux à son équipe. Car, à 10 contre 11 et alors que le soleil revient sur la Bavière, Unterhaching n’avait pas les moyens de revenir. On dit que les équipes qui gagnent en jouant mal sont souvent celles qui finissent en tête en fin de saison : cette victoire est donc de très bon augure pour le 1. FC Magdeburg. Et franchement, quand on voit l’enthousiasme de ses fans, on verrait d’un très bon œil cette équipe débouler en Zweite Liga la saison prochaine. Quant à Unterhaching, après le passage de la tornade des fans venus de l’Est, il va retrouver sa quiétude et son destin de petit club sans histoire de la banlieue de Munich. A moins qu’un jour, il ne soit amener à jouer à nouveau les arbitres au sommet de la Bundesliga mais, dans le contexte du football actuel, ce ne sera pas pour tout de suite.
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