Dans des conditions apocalyptiques à Brême, le BVB n’a de loin pas livré sa performance la plus flamboyante de la saison. Mais nos Jungs ont su faire preuve de sérieux, de combativité, de patience et de maturité pour ramener les trois points. Un vrai combat par un temps de viking, typiquement le genre de matchs que l’on doit être en mesure de gagner plus souvent si l’on veut rêver au Meisterschale.
Les matchs dans le Nord de l’Allemagne donnent souvent l’occasion à des déplacements festifs et arrosés (sauf peut-être à Wolfsburg). Mais ils se font rares cette année, vu la composition de la Bundesliga 2019-2020 et les absences d’Hambourg et Hanovre. Brême était donc l’occasion de notre grande foire nordienne annuelle et cela n’a pas raté. La météo n’était pas terrible sur la Freie Hansestadt et j’abrège un peu la visite touristique.
Je vais me réfugier dans un bar de la célèbre Böttcherstraße, déjà rempli de fans des deux camps. Il est 12h30 mais déjà deux supporters dortmundois ivres morts s’effondrent avec fracas entre tables et chaises et je parviens à éviter de justesse une troisième chute en attrapant la main d’un fan à l’équilibre précaire. C’est toujours festif le déplacement à Brême mais certains n’ont même pas dû voir le match…
Ambiance de fin du monde
Le ciel est encore plus bas sur le Weserstadion, balayé par un vent glacial et violent venu de la Mer du Nord. Pour réchauffer le cœur des fans, un Biergarten propose des offres bières + schnaps mais l’ardoise indiquant l’offre est renversée par une bourrasque. Charitable, je tente de la remettre en place en essayant de la positionner avec moins de prises au vent mais c’était peine perdue : deux minutes plus tard, une nouvelle rafale la met définitivement à terre avec fracas.
L’esplanade herbeuse, sur laquelle nous avons l’habitude de siroter quelques bières le long du fleuve, a disparu sous la crue de la Weser. Le stade est vraiment les pieds dans l’eau.
A intervalle régulier, des escadrilles d’oies sauvages et autres oiseaux migrateurs survolent le fleuve comme s’ils essayaient de fuir cet enfer. Un vrai temps pour les Vikings. Et cela tombe bien, vu les caractéristiques de notre nouveau buteur. Et pour le soutenir et porter leur équipe, 1261 ans après le pillage de la ville par les Vikings, 5000 guerriers jaunes et noirs débarquent sur Brême. Un déplacement très arrosé dans tous les sens du terme, c’est toujours la garantie d’un très fort soutien en Gästeblock, comme s’il fallait chanter encore plus fort, pour vaincre non seulement l’adversaire mais aussi les conditions.
Le piège par excellence
C’est un Werder Brême en crise qui nous attend. Le Werder me fait un peu penser au 1. FC Köln après le départ d’Anthony Modeste, passé d’européen à relégué. Les Werderaner ont également perdu l’été dernier l’attaquant qui tirait l’équipe vers la haut, Max Kruse, et depuis son départ on a l’impression que c’est tout l’effectif qui a perdu confiance et qui joue un ton en-dessous. Sur le papier, le Werder a largement le contingent pour s’en sortir mais c’est toujours compliqué de s’extirper d’une spirale négative : quand tu débutes une saison avec l’espoir et l’ambition de jouer l’Europe et qu’il faut batailler dans des combats d’arrière-garde contre la relégation, ce n’est jamais facile de se remobiliser face à des concurrents directs qui eux étaient préparés depuis le début à livrer ces batailles-là. L’entraîneur Florian Kohlfeldt est un grand motivateur et un vrai amoureux du club mais il peine à doter son équipe d’un fond de jeu qui lui permette d’imposer ses qualités contre des adversaires aux qualités présumées inférieures. Néanmoins, contre une équipe de pointe comme le BVB, il est toujours capable, en jouant sur l’émotionnel et la motivation, de monter une opération commando pour créer la surprise, nous l’avions récemment appris à nos dépens en Pokal dans ce même Weserstadion. Un adversaire en crise mais remonté à bloc, la décompression après une grande victoire européenne et des conditions de jeu difficiles – alors que la pluie nous avait plus ou épargné lors de l’avant-match, des trombes d’eau s’abattent sur le terrain dès le coup d’envoi, en plus du vent -, c’est typiquement le genre de piège dans lequel notre équipe est tombée si souvent depuis quatre ou cinq ans.
Le combat
Tous les ingrédients du cocktail d’une très mauvaise surprise étaient réunis et les trois premières minutes ne nous ont guère rassurés. Brême monopolise la balle contre un BVB amorphe, nous avons craint de revivre le scénario du match de Pokal. Heureusement, alors qu’en Coupe, il leur avait fallu 60 minutes pour entrer – trop tardivement – dans le match, cette fois-ci, passé les trois minutes liminaires, nos Jungs vont aller au combat. Nous avons su répondre présents face à l’engagement et la combativité, presque l’énergie du désespoir brêmoise. Ce n’était pas très flamboyant mais on a vu un BVB sérieux, solide et concentré, patient aussi, disposé à attendre que le pressing et l’intensité adverse se calment pour commencer à poser notre jeu. Peut-être que le fait que, pour la première fois depuis son arrivée à Dortmund, Lucien Favre aligne le même onze de base trois matchs de suite a amené de la stabilité et de l’assurance. Néanmoins, la première mi-temps a été très pauvre en occasions de but, tout juste un coup franc de chaque côté, une reprise manquée de Toprak pour eux, une frappe de Guerreiro sur laquelle Piszczek est juste trop court pour devancer la sortie du gardien Pavlenka pour nous.
Zagadou le libérateur
Mais il était évident que Brême n’allait pas pouvoir maintenir le même rythme durant nonante minutes et que les espaces allaient finir par s’ouvrir. Après la pause, le Borussia commence à trouver les failles dans la défense verte, à l’image de ce centre de Zagadou pour Haaland, contré in extremis par Moisander. J’ai souvent déploré que, dans ce type de combat serré, nous ne pouvons que trop rarement compter sur une balle arrêtée pour débloquer la situation. Mais cette fois-ci, ça a été le cas : sur une corner de Jadon Sancho, Dan-Axel Zagadou s’arrache pour gagner son duel et placer une volée imparable. Face à ce Brême courageux mais limité, le plus dur était fait. Vu les conditions, on attendait plutôt que la délivrance vienne de notre guerrier viking mais c’est bien notre titi parisien qui a joué le libérateur. Et au passage, on va saluer l’abnégation de Zagadou : la saison dernière, après avoir été régulièrement aligné, il avait perdu sa place suite à quelques très mauvais matchs, notamment à Munich. Il est resté plusieurs mois sur le banc, il a continué à travailler et a su saisir sa chance de montrer qu’il méritait à nouveau sa place. On préfère cette attitude à celle d’Abdou Diallo qui, après l’arrivée d’Hummels, a préféré fuir la concurrence pour aller engraisser son compte en banque à Paris et jouer des matchs sans enjeu en Ligue 1.
En déroulant
Après l’ouverture du score, tout est devenu plus facile pour nos Jungs. Brême était émoussé physiquement et touché mentalement. Erling Haaland manque de peu le deuxième en échouant devant Pavlenka. Mais ce n’était que partie remise pour notre guerrier viking qui inscrit le but de la sécurité en reprenant en force sous la barre un centre en retrait d’Achraf Hakimi. A 0-2, nos Jungs n’ont pas laissé la moindre ouverture au Werder pour revenir dans le match. Défensivement, ce fut un match très solide puisque nous n’avons pas laissé de véritable chance de but aux Werderaner. Le score aurait même pu prendre plus d’ampleur dans les vingt dernières minutes mais Pavlenka s’interpose devant Haaland, Hakimi, Reyna et encore Haaland. Une première mi-temps de combat, vingt minutes d’accélération pour faire la différence et une fin de match en déroulant sous les chants de victoire incessants des fans : un plan de jeu parfaitement maîtrisé ! Et ce n’était pas si évident, il suffit de se souvenir du récent match de Pokal mais aussi des nuls concédés contre ce même Werder au match aller au Westfalenstadion ou en fin de saison dernière au Weserstadion.
Nouveau séisme sur la Bundesliga ?
Même si ce n’est pas forcément contre Dortmund que Brême doit aller chercher les points nécessaires à son maintien, le Werder s’enfonce encore un peu plus dans la crise avec cette défaite. L’hypothèse d’une relégation devient de plus en plus plausible. Le Werder est présent en Bundesliga depuis sa création en 1963, à l’exception d’un aller-retour express en deuxième division en 1980-1981. C’est tout simplement le troisième club de l’Ewige Tabelle, le classement de la Bundesliga depuis sa création. Le football allemand va-t-il au-devant d’un nouveau séisme ? Si le Werder devait chuter, cela voudrait dire qu’en deux saisons, nous connaîtrions la relégation du numéro trois (Brême), quatre (Hambourg) et cinq (Stuttgart) de la hiérarchie historique de la Bundesliga ! En tant que numéro 2 de dite hiérarchie, on ne peut donc que se dire que nos dirigeants ne travaillent pas si mal pour nous éviter pareille désolation, même si nous ne gagnons pas autant de trophées que ne le souhaiteraient certains suiveurs impatients. Je dirai même qu’Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc ont plutôt bien bossé cet hiver. Souvent, au BVB, le mercato hivernal était davantage un recrutement d’opportunités que de nécessité, c’est-à-dire que l’on engageait des jeunes prometteurs pour l’avenir (Hummels, Jojic, Kampl, Isak, Balerdi etc.) davantage que pour combler une lacune dans l’effectif pour la saison en cours (seule exception récente, le prêt de Batshuayi pour remplacer Aubameyang). En revanche, cet hiver, nous avons certes profité de la clause libératoire d’Erling Haaland mais nous avons surtout complété l’effectif avec deux profils qui faisaient cruellement défaut jusque-là : un centre-avant puissant et combatif et un guerrier au milieu de terrain. Clairement, à Brême, nous avons pu mesurer l’importance de l’apport d’un Emre Can, surtout en l’absence prolongée de Thomas Delaney. Dans ce type de match, c’est essentiel d’avoir un joueur qui va au duel, remonte les ballons et harangue ses coéquipiers.
Eloge de l’Arbeitssieg
Trop souvent avec le BVB depuis quelques saisons, c’est tout ou rien : soit une démonstration éblouissante de football en empilant les buts de rêve, soit un match complètement raté avec une grosse gabegie défensive ou une passivité coupable dans les duels. Il n’y a pas assez de matchs moyens où l’équipe gagne, sans forcément briller, mais juste en livrant un match costaud, sérieux et appliqué. Si l’on regarde les clubs qui enchaînent les titres, comme le Bayern Munich ou la Juventus Turin, ou qui survolent leur championnat comme Liverpool cette saison, ce n’est pas du football champagne tous les week-ends, loin s’en faut. Mais, même en ne jouant pas très bien, contre des adversaires regroupés ou dans des conditions difficiles, ils arrivent à aller chercher ces victoires qui permettent d’avancer. Des Arbeitssieg, auf deutsch. Lucien Favre a prouvé qu’il était capable de faire très bien jouer son BVB, maintenant il faut absolument qu’il parvienne à convaincre ses ouailles que, parfois, il faut aussi savoir gagner sans bien jouer mais simplement en enfilant le bleu de travail et en allant au combat. Comme on a su le faire à Brême, une Arbeitssieg qui peut servir de match de référence dans ce registre. La prochaine étape, c’est Freiburg au Westfalenstadion. Après avoir constitué la révélation du premier tour, les Breisgauer marquent un peu le pas depuis le début de l’Hinrunde. Mais c’est surtout qu’ils se sont pris les pieds dans le tapis en perdant les deux matchs à domicile contre Paderborn et Düsseldorf où ils devaient faire le jeu. Mais ils restent redoutables pour faire déjouer des adversaires censément supérieurs. C’est dire que samedi il faudra être prêts à aller au charbon et, peut-être, combattre pour aller chercher une quatrième victoire d’affilé, essentielle avant d’aborder cette semaine clé, avec les déplacements à Mönchengladbach et Paris puis le Derby qui nous permettra de véritablement cerner quelles peuvent être les véritables espérances cette saison de ce BVB si imprévisible.
0 commentaire