Actuel leader de la Regionalliga West, le SV Rödinghausen a défrayé la chronique la semaine dernière en ne demandant pas de licence pour la Dritte Liga la saison prochaine. Ce qui signifie que, même si les Nord-Westphaliens devaient remporter le championnat, ils ne pourront pas être promus à l’étage supérieur en fin de saison. Cela ne les a pas empêché de s’imposer facilement samedi à Wuppertal.

L’avantage, lorsque le BVB joue le vendredi soir, c’est que cela laisse tout loisir pour quelques aventures footballistiques le samedi en Nordrhein-Westfalen. Et ce ne sont pas les matchs de football qui manquent dans la région : il y a toujours l’embarras du choix ! J’opte finalement, pour débuter, par une escapade à Wuppertal. Je quitte donc la vallée de la Ruhr puisque Wuppertal se trouve, comme son nom l’indique, dans la vallée de la Wupper, à une petite heure de train au sud-ouest de Dortmund. C’est une ville à la réputation assez sinistre, tout en longueur et coincée entre deux rangées de collines, avec pas mal d’usines et notamment celles du géant pharmaceutique Bayer. Un coin à smog, brouillard et avec l’une des pluviométries plus élevées d’Allemagne. Bref, l’endroit rêvé pour emmener ta copine après avoir déjà zappé la Saint-Valentin la veille pour cause de foot…

Schwebebahn

Mais en l’occurrence, par une belle journée ensoleillée et par une température déjà printanière, Wuppertal se révèle bien moins glauque que redouté. C’est même un endroit assez agréable et plutôt animé en ce samedi.

La principale attraction locale, c’est le Schwebebahn, le monorail suspendu qui traverse la ville d’est en ouest sur la rivière Wupper.

Une telle installation existe également pour relier les terminaux de l’aéroport de Düsseldorf à la gare ainsi qu’entre les bâtiments de l’Université technique de Dortmund. Mais celui de Wuppertal est le plus célèbre. Il a été construit en 1901 donc il est peu brinquebalant mais je suis toujours assez fan de tout ce qui est transports suspendus dans les airs : j’aurai pu faire des tours sur ce truc tout l’après-midi. Mais l’heure du coup d’envoi approchait et je choisis de m’arrêter à l’arrêt du stade.

Stadion am Zoo

Le Stadion am Zoo (prononcez Zou) est situé, ô surprise, à côté du zoo de Wuppertal.

C’est un vaste et vieux stade, avec trois tribunes sans toit et en places debout. Il existe un projet de rénovation du stade pour le fermer, notamment en construisant des logements, mais il s’est perdu dans les limbes des problèmes financiers récurrents du club. C’est un stade tout ouvert mais j’adore ces vieux gradins qui respirent la bière et la passion. Seules trois tribunes sont accessibles au public mais c’est suffisant pour que chacune d’elle reprenne tour à tour les trois lettres du club « W », « S » et « « V ». Et comme le stade est situé au pied d’une colline, cette dernière renvoie en écho les cris des supporters, c’est un effet acoustique assez impressionnant. Pourtant, nous n’étions que 1800 spectateurs, alors j’imagine que lorsque c’est plein avec plus de 20’000 fans, ça doit être assez monstrueux. Mais ce n’est pas vraiment d’actualité puisque Wuppertal, pensionnaire de Bundesliga entre 1972 et 1975 dont je t’ai déjà parlé récemment, lutte pour ne pas descendre en cinquième division…

Le trop sage Rödinghausen

En ce samedi, Wuppertal recevait le leader de cette Regionalliga West, le SV Rödinghausen, lequel avait fait la une des journaux sportifs allemands durant la semaine. Rödinghausen, c’est une ville d’à peine 10’000 habitants, au nord de la Westphalie, près de Bielefeld. Le club local a longtemps végété entre huitième et neuvième division avant d’entamer une ascension expresse vers la Regionalliga, le quatrième échelon du foot allemand, qu’il a atteint en 2014, grâce notamment au soutien financier d’un président fabriquant de cuisines. Et, depuis, le petit club nord-westphalien s’affirme comme l’une des valeurs sûres de la catégorie, avec une troisième place la saison dernière et cette place de leader dans le présent exercice. Oui mais voilà : Rödinghausen a défrayé la chronique en ne demandant pas de licence pour le Dritte Liga la saison prochaine. C’est dire que, même s’il remporte cette Regionalliga West, le SVR ne pourra être promu en fin de saison. Un crève-cœur pour les joueurs, certains étaient en larmes quand leurs dirigeants leur ont annoncé la nouvelle.

Pourquoi un tel manque d’ambition apparent ? Passer de Regionalliga en Dritte Liga, c’est changer de dimension, quitter le monde amateur ou semi-amateur pour le football professionnel, passer d’une ligue régionale à une ligue nationale, avec des déplacements dans toute l’Allemagne. En Dritte Liga, certains clubs comme Kaiserslautern, Magdeburg ou 1860 München déplacent régulièrement plus de 3’000 fans. Comment un club comme Rödinghausen, dont le stade peut contenir à peine 3000 spectateurs, pourrait-il les accueillir ? Une promotion obligerait les Est-Westphaliens à s’exiler dans un stade plus vaste ou à investir massivement dans la construction d’une nouvelle enceinte. Un risque financier que les dirigeants ont estimé trop grand pour une aventure peut-être sans lendemain. C’est une décision courageuse et sans doute sage mais non sans risque. En général, les clubs qui font ce type de choix font face à un exode massif de leurs meilleurs joueurs, découragés par ce manque d’ambition. A quoi bon remporter son championnat sans avoir la perspective de découvrir une ligue plus élevée la saison suivante, avec des stades beaucoup plus grands et prestigieux, des affluences nettement plus importantes et un niveau plus relevé ? Le premier sur la liste des départs potentiels sera sans doute l’entraîneur Enrico Maaßen. Âgé de seulement 35 ans, cet ancien joueur de ligue amateur réussit des miracles depuis 18 mois à Rödinghausen. Avec son ancien club de Drochtersen, il avait déjà fait trembler Mönchengladbach en Pokal et la saison passée, avec Rödinghausen, il a sorti Dresde au premier tour avant de frôler l’exploit au deuxième tour contre le Bayern Munich (1-2). Actuellement, en Allemagne, c’est la mode de faire un pari sur de jeunes entraîneurs autodidactes sortis des ligues régionales, dans l’espoir de dégotter le nouveau Klopp ou le nouveau Tuchel : retiens donc le nom d’Enrico Maaßen, gageons que tôt ou tard il se retrouvera sur un banc plus ou moins prestigieux de Bundesliga ou de Zweite Liga.

Une classe d’écart

Trois jours après l’annonce du refus de demander la licence, on ne savait pas si les joueurs de Rödinghausen allaient se démobiliser, désormais privés de toute perspective de promotion. Malheureusement pour le Wuppertaler SV, il n’en a rien été. On va rapidement constater sur le terrain la différence entre une équipe qui lutte contre la relégation et une autre qui fait la course en tête. Rödinghausen place d’abord deux frappes au-dessus, dont une bicyclette (si, ils font des bicyclettes en Regionalliga) puis un tir arrêté par le gardien du WSV. Ce dernier espérait arriver à la pause sans dommage mais, cinq minutes avant la mi-temps, il va craquer sur un coup-franc venu de la droite et repris victorieusement de la tête par Felix Backszat. Les seules explosions de joie proviennent du banc de Rödinghausen mais rien en tribunes : a priori, le leader de la Regionalliga West n’a déplacé aucun fan à Wuppertal. Ou alors ils sont très discrets. Wuppertal va connaître sa seule chance d’infléchir le cours des choses dès le retour des vestiaires avec un ballon qui navigue devant le but de Rödinghausen et trois joueurs du WSV pour le reprendre mais ça se termine par une frappe molle sur le gardien Heimann. Le leader va alors accélérer pour réduire à néant les chances de Wuppertal : le buteur Simon Engelmann sert Linus Meyer en retrait pour le 0-2, avant d’inscrire lui-même le troisième. Mais celui-là, je ne l’ai pas vu : on voit une partie du terrain depuis le bar mais pas celle où est tombé le but. Toujours est-il qu’en six minutes Rödinghausen avait anéanti les frêles espoirs du WSV.

YNWA & Nena

Cette déconfiture qui s’annonçait n’a pas empêché les fans de Wuppertal de continuer à chanter. Ils étaient justement en train d’entonner un You’ll never walk alone lorsque Simon Engelmann a justifié son statut de meilleur buteur de la Regionalliga West en s’offrant le doublé pour le 0-4. Mais cela n’a pas suffi à couper les irréductible dans leur YNWA. Enorme, ça c’est de la passion. Ou de la rage. Puis ils ont enchaînés avec une version revisitée et locale du Leuchtturm de Nena. On croyait que Nena était fan du BVB, on n’a d’ailleurs pas oublié son interprétation mythique de son tube devant la Südtribüne en 2010 contre Hambourg mais c’est vrai qu’elle vient d’Hagen, situé à mi-chemin entre Wuppertal et Dortmund. On veut donc bien consentir à partager l’interprète du 99 Luftballons avec les fans du WSV. Et au passage, j’ai une pensée pour Lucien Favre qui, lors d’une récente interview avec Nobby Dickel, expliquait fièrement qu’il écoutait aussi de la musique allemande, Nena par exemple, avant de demander candidement à Nobby, interloqué : « Tu connais Nena ? ». Notre entraîneur a encore deux ou trois trucs à apprendre sur son club, par exemple que Nena y est une icône et que tout le monde connaît Nena à Dortmund. Bref, il faut croire que la version revisitée du Leuchtturm a fini par inspirer les joueurs du Wuppertaler SV qui finiront par sauver l’honneur à la dernière seconde par Mike Osenberg. Mais le speaker n’a même pas eu le temps d’annoncer le but que l’arbitre avait mis un terme à la partie sur un score de 1-4. Rödinghausen poursuit donc sa course en tête de la Regionalliga West, même si c’est désormais pour l’honneur : la promotion se disputera entre ses trois poursuivants, le SC Verl, le Rot-Weiss Oberhausen et le Rot-Weiss Essen. Sur le coup, j’ai d’ailleurs été petit joueur : après avoir assisté à trois matchs en 22 heures entre vendredi et samedi, je suis rentré dans ma patrie pour deux jours, alors que j’aurai pu enchaîner avec un excellent RWE – RWO dimanche et un non moins savoureux Bochum – Stuttgart lundi, en attendant BVB – PSG mardi. Il y a toujours du football à voir quelque part en Nordrhein-Westfalen…

Catégories : Au Stade

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