Pour mon troisième match en 22 heures en Nordrhein-Westfalen, mes pérégrinations footballistico-houblonnées m’ont conduit à Düsseldorf pour le Niederrhein-Derby entre le Fortuna Düsseldorf et le Borussia Mönchengladbach. Les Flingeraner ont lutté bravement l’espace d’une mi-temps mais les Fohlen étaient trop fort et ils disposaient, en la personne de Marcus Thuram, du facteur X pour faire basculer la rencontre. On n’en parle pas beaucoup mais Gladbach est un authentique candidat au Meisterschale.
Pour enchaîner deux matchs dans la même journée, il faut faire preuve d’un minimum d’anticipation et d’examen des horaires de transport public. J’avais repéré un train régional qui s’arrêtait opportunément juste après la fin du match du Wuppertaler SV à côté du stade, à Zoologischer Garten, et qui conduisait directement à Düsseldorf. En fait, la partie la plus compliquée du trajet, ce fut le métro entre la gare de Düsseldorf et le stade : les rames quittent la Hauptbahnhof déjà bondées mais elles s’arrêtent à Königsallee puis à Heinrich-Heine-Allee, soit les lieux de l’Altstadt où se trouvent les bars où les fans vont se désaltérer avant le match. Et, même si le métro est déjà manifestement comble, les mecs, qui viennent de voir deux ou trois métros archibondés passer devant eux, essaient de forcer l’entrée pour entrer malgré tout : à chaque fois les portes se bloquent et il faut l’intervention de la sécurité pour tasser tout le monde dans les wagons. Ou faire sortir les fans surnuméraires. Mais je finis quand même par arriver à l’heure avec une bière dans une Merkur Spiel-Arena elle-aussi comble pour le Niederrhein-Derby.
Les ennemis de nos ennemis sont … nos ennemis
Le dimanche précédent, le Borussia Mönchengladbach avait été privé de son Derby contre le 1. FC Köln par l’ouragan Sabine. Il retrouvait la compétition avec un autre derby, contre Düsseldorf. Pour le Fortuna comme pour le Borussia, le plus gros Derby, c’est contre le 1. FC Köln : pour l’un comme pour l’autre, c’est leur match de l’année face au rival historique. Mais, a priori, l’adage « les ennemis de nos ennemis sont nos amis » ne fonctionne pas en Nordrhein-Westfalen. Même s’ils partagent la même détestation pour le même rival héréditaire, Köln donc, le Fortuna Düsseldorf et le Borussia Mönchengladbach ne sont pas vraiment potes. C’est donc un vrai Derby auquel nous avons assisté avec Choreo, Pyros, provocations, sifflets et insultes. D’ailleurs, les joueurs du Borussia ont été bombardés de boulettes de papier à chaque corner qu’ils ont dû tirer devant le virage des Flingeraner.
A l’énergie
A priori, l’affiche était déséquilibrée entre un Düsseldorf qui lutte contre la relégation et un Mönchengladbach qui candidate pour le Meisterschale. Mais, l’espace d’une mi-temps, les Flingeraner ont fait mieux que se défendre et ont rivalisé d’égal à égal avec les Fohlen. Manifestement, le changement d’entraîneur et l’arrivée d’Uwe Rösler, ancienne gloire est-allemande de Manchester City, a donné un nouvel élan. Avec beaucoup de combativité et d’engagement, à défaut de qualité. Cette dernière était plutôt du côté de Gladbach, à commencer par Marcus Thuram qui offre la première occasion à Denis Zakaria mais le Suisse est contré in-extremis. Le Fortuna riposte avec une tête de Valon Berisha mais Yann Sommer réussit un arrêt de classe. C’est toutefois Gladbach qui va ouvrir le score sur une inspiration géniale de Thuram pour Jonas Hofmann qui marque d’un tir croisé. Cela me navre toujours un peu de voir un authentique Dortmunder Jungs briller sous les couleurs d’un club rival : il faudra quand même un jour que l’on s’interroge si nous ne pouvons pas trouver le moyen de mieux faire monter nos propres juniors en première équipe : c’est quand même un beau gâchis d’avoir un secteur de formation aussi performant sans que cela ne débouche vraiment sur des résultats concrets avec les pros. Mais ce n’était pas vraiment le souci des 51’500 fans de la Merkur Spiel-Arena. Ce d’autant plus que l’équipe locale va trouver le moyen d’égaliser grâce à Erik Thommy qui reprend en force un centre de Kaan Ayhan. L’espoir de créer la surprise envahit les fans locaux qui poussent tant et plus et Rouwen Hennings n’est pas loin de donner l’avantage au Fortuna avant la pause mais sa frappe passe juste à côté. A la mi-temps, je pars donc au ravitaillement en Frankenheim-Alt avec l’espoir de voir un adversaire direct pour le titre perdre des plumes à Düsseldorf. Alors que retentissent le Blitzkrieg Bop des Ramones, puis l’incontournable Altes Fieber de Toten Hosen, repris en cœur par tout le stade. Düsseldorf, c’est clairement l’endroit le plus punk de la Bundesliga. Il a juste manqué le Tage wie diese de fin de match mais il n’est diffusé qu’en cas de victoire du Fortuna donc c’est un événement rare en ce moment. Dommage, j’ai toujours beaucoup de plaisir à entendre l’hymne officieux de notre triomphe en DFB-Pokal en 2012 repris en cœur par tout un stade. Sauf quand c’est après une victoire contre le BVB évidemment…
Logique respectée
Mais je dois vite déchanter après la pause. Le Fortuna avait beaucoup donné pour bousculer les Fohlen en première mi-temps, il n’a pas été capable de tenir le rythme durant 90 minutes. Un peu moins de présence au duel, un peu moins de courses, un peu moins de pressing et la classe supérieure du falsche Borussia, en particulier celle de Marcus Thuram, commence à parler. Le Français aura été le match-winner samedi à Düsseldorf : dans tous les bons coups, il a fait planer une menace constante sur la défense du Fortuna. Et c’est logiquement lui qui va offrir sur un plateau le 1-2 à Lars Stindl après que les deux joueurs soient partis ensemble à la limite du hors-jeu. Le Fortuna tente de revenir une nouvelle fois mais cela devient de plus en plus difficile d’approcher le but des Fohlen, il y a bien quelques frissons mais le K.O. paraît beaucoup plus proche. Et il va survenir à quinze minutes de la fin sur un service de Denis Zakaria pour le discret et sous-coté mais si précieux Lars Stindl, qui s’offrait ainsi le doublé Une percée solitaire de Florian Neuhaus scellera le score à 1-4, mon deuxième 1-4 du jour ; c’est un peu sévère pour le Fortuna qui a fait preuve de beaucoup de courage mais il y avait trop de différence de classe entre les deux équipes pour créer l’exploit, Gladbach a su être patient et attendre son heure.
Un vrai client
Clairement, le Fortuna semble être le principal client pour la relégation cette saison, avec Paderborn. L’an passé, les Flingeraner avaient profité de l’euphorie de la promotion pour aller chercher un maintien très confortable. Mais, en perdant leurs deux meilleurs attaquants Dodi Lekebakio et Benito Raman l’été dernier, ils ont aussi beaucoup perdu en qualité offensive. L’expérimenté Rösler qui a remplacé Friedhelm Funkel, pourtant élu meilleur entraîneur de Bundesliga la saison dernière, semble miser sur la mission commando pour aller chercher le maintien. Le moral et l’envie semblent revenus mais il va falloir beaucoup de volonté, d’engagement et de combativité pour gommer le manque de qualité de l’effectif qui ressemble plus à une Zweite Liga qu’à une équipe de Bundesliga.
Mönchengladbach est bien loin de ces soucis. On parle beaucoup du Bayern Munich, du RB Leipzig et du Borussia Dortmund pour le titre cette année mais il ne faudrait surtout pas oublier l’autre Borussia. C’est bien une lutte à quatre qui s’annonce. En plus, les Fohlen ne sont plus engagés en DFB-Pokal ni en Coupe d’Europe, ils peuvent se concentrer sur le championnat et ça permettra à l’entraîneur Marco Rose de mettre en place son jeu très intense. Il y a peut-être moins de stars dans l’effectif mais derrière Elvedi et Ginter s’affirment dans une défense à trois, le milieu de terrain est extrêmement compact autour de Zakaria, Neuhaus et Lainer, alors qu’offensivement Hofmann et Stindl marquent régulièrement et Thuram est l’une des révélations de la saison ; je pense que même le manager Max Eberl ne s’attendait pas à le voir aussi décisif lorsqu’il est allé le chercher à Guingamp l’été dernier. Et les Fohlen ont du banc : samedi, Herrmann, Traoré et Embolo sont entrés en cours de match, alors que Jantschke, Raffael, Kramer, Johnson, Benes ou Plea n’ont pas été alignés. Cette année, Gladbach, c’est une vraie escouade de guerriers qui a sans doute moins de pression que ses rivaux mais qui est en mission pour ramener un titre qui fuit le Niederrhein depuis 1977. Un adversaire à ne surtout pas sous-estimer. D’ailleurs, une immense semaine attend le BVB début mars avec le déplacement à Mönchengladbach, le match retour à Paris et le Derby au Westfalenstadion contre Schalke. Et c’est peut-être du déplacement au Borussia-Park que nous aurons le plus à craindre. En tous les cas, cela nous promet encore quelques belles journées de football en Nordrhein-Westfalen !
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