Une fois de plus, le BVB a fait le spectacle à Leverkusen avec des occasions, des buts, des retournements de situation et un match complètement fou. Mais, une fois de plus là aussi, le BVB laisse échapper une victoire qui lui tendait les bras parce qu’il aura manqué de rigueur, de concentration, de solidité, de constance et de mental. Cela commence à devenir lassant.

Pour les spectateurs neutres, le Borussia Dortmund est sans doute l’équipe la plus fun à voir jouer d’Europe en ce moment. Il y a toujours beaucoup de buts, des actions magnifiques des retournements de situation, des émotions à la pelle. Mais quand tu es fan et que tu parcours des centaines de kilomètres tous les week-ends pour soutenir ton équipe, des fois tu souhaiterais des matchs un peu plus ennuyeux où ton équipe fait moins le show mais maîtrise un poil mieux son sujet. Et si possible de la première à la dernière minute. Car, à force de laisser échapper des victoires qui lui tendaient les bras, le BVB va finir par tout perdre. Pourtant, ce week-end, avec le Bayern Munich et le RB Leipzig qui se neutralisent dans le match au sommet et Schalke qui sèche à domicile devant Paderborn, l’occasion était belle de faire la bonne opération XXL du week-end : d’une part prendre nos distances avec la cinquième place et une option sur la prochaine Ligue des Champions, d’autre part revenir à une seule longueur de la tête du classement. Et nous avions toutes les cartes en main pour le faire. Mais, une fois de plus, un relâchement coupable est venu ruiner l’avantage pris après 70 premières minutes qui, à défaut d’être totalement maîtrisées, avaient été d’excellente facture.

Le calme avant la tempête

Un avis de tempête avait été émis sur l’Allemagne et le Nordrhein-Westfalen. Mais l’ouragan Sabine (Ciara pour les Britanniques et les Francophones) n’a commencé à semer la pagaille que le dimanche ; samedi c’était encore une température printanière sous le soleil, les premières terrasses étaient de sortie à Dortmund. Une fois n’est pas coutume, nous renonçons au Sonderzug, lequel partait un peu tard pour éviter tout risque de rencontre avec les fans de Schalke qui se rendaient dans leur Turnhalle pour le match contre Paderborn. Nous abandonnons le farniente de Dortmund une heure plus tôt pour le RE1 à destination d’Aachen, histoire de profiter un peu de l’unique Biergarten de la BayArena.

Les ultras avaient fait le même choix mais le trajet s’est fait dans le calme malgré des wagons bondés. Le Biergarten est un peu moins rempli que d’habitude : la Sky-Konferenz du samedi après-midi n’est pas diffusée. Cela devient de plus en plus difficile de trouver des bars qui possèdent l’abonnement à Sky et diffusent les matchs : beaucoup ont renoncé avec la multiplication des diffuseurs qui oblige à avoir plusieurs abonnements si l’on veut accéder à tous les matchs. C’est un bel autogoal que s’est marquée la Bundesliga : en voulant maximiser les profits à court terme en confiant les droits à des diffuseurs pas toujours très fiables, elle perd en visibilité et, sur le long terme, je ne suis vraiment pas sûr que l’opération sera rentable.

La tempête de feu

Si tranquilles dans le train, les ultras se sont réveillés en Gästeblock et le match débute par un nouveau délire pyrotechnique. J’échappe de peu à la combustion spontanée en agitant un drapeau et lançant des confettis juste devant un ultra cagoulé muni d’un Pyro ; si j’avais su, j’aurai bu une ou deux bières en moins au Biergarten. Les fans locaux semblent également avoir un peu trop picolé car leur Choreo est un peu chaotique : les lettres pour former « L-E-V-E-R-K-U-S-E-N » sont un peu branlantes et désordonnées, entourant une tête de mort pas forcément du meilleur effet pour un club dont le sponsor principal vient de racheter une firme objet de procès multiples en raison de la morbidité de son produit phare, en l’occurrence Monsanto et son glyphosate. Mais la tempête n’est pas qu’en tribune : entre deux équipes tournées vers l’offensive et disposées en 3-4-3, le match va rapidement tourner à la fête de tirs.

La tempête de buts

Le BVB est le premier à l’offensive mais Erling Haaland ne parvient pas à concrétiser ses deux premières occasions, d’abord en manquant son contrôle après un magnifique enchaînement entre Sancho et Brandt puis en voyant sa frappe détournée par le gardien Hradecky. Et c’est au contraire Neverkusen qui va marquer sur sa première offensive, une ouverture plein axe d’Amiri qui déjoue le très mauvais alignement du duo Hummels-Akanji pour permettre à Volland de résister au retour un peu léger du Suisse et marquer en force. Le Borussia ne va pas tarder à réagir et, après un tir de Brandt dévié en corner par Hradecky, le coup de coin de Jadon Sancho va trouver la tête de Mats Hummels qui inscrit enfin son premier but depuis son retour en schwarzgelb. Le faux-départ est annulé et nos Borussen semblent prendre l’ascendant, malgré une nouvelle alerte sur un but de Diaby annulé pour hors-jeu. Nous prenons l’avantage sur une magnifique frappe enroulée d’Emre Can, pour sa première titularisation en jaune et noir, pleine lucarne des 30 mètres. Notre défense n’est peut-être pas un gage absolu de sécurité mais en face celle de Leverkusen est à l’agonie sur chacune de nos offensives, Axel Witsel a une balle de 1-3 mais ne cadre pas sa reprise. Alors que nous semblions pouvoir atteindre la pause avec un avantage amplement mérité, notre maudite vulnérabilité sur balles arrêtées va permettre à la Werkself d’égaliser sur un corner tiré au deuxième poteau ; Bürki hésite à y aller, Tah remet et Volland s’offre le doublé d’un tir dévié. Rageant : une mi-temps globalement maîtrisée mais seulement 2-2 à la pause sur deux inattentions coupables en défense.

La tempête jaune et noire

La deuxième mi-temps va commencer par deux coups durs pour nos Jungs : d’abord la sortie sur blessure de Julian Brandt, touché en début match par Lars Bender, une grosse perte car, depuis novembre, Julian est l’un de nos meilleurs joueurs. Puis, il y a eu ce but annulé de manière incompréhensible après un magnifique centre en retrait d’Achraf Hakmi pour Jadon Sancho. On n’a absolument pas compris pourquoi l’arbitre a trouvé besoin d’aller consulter la vidéo et encore moins comment il a pu annuler ce but. Cinq jours plus tard et après revu les images, nous ne comprenons toujours pas. Le but a été annulé pour un accrochage de Reyna sur un Rheinländer qui n’avait aucune chance d’atteindre le ballon… Franchement, si on peut aller rechercher tous les accrochages bénins hors du jeu de longues secondes avant un but, c’est donner la possibilité aux arbitres d’annuler tous les buts ou presque. Clairement, une décision erronée et un usage abusif de la VAR.

Mais nos Jungs ne sont pas laissés démonter par ce coup du sort : ils sont repartis à l’abordage pour aller chercher ce troisième but et la victoire. Reyna est tout près d’inscrire son premier but en Bundesliga mais sa frappe est détournée par Hradecky. Certes, nous n’étions pas à l’abri d’une mauvaise surprise en contre et le tir d’Havertz sur le poteau nous le rappelle, mais dans l’attitude, dans la volonté, dans l’esprit, notre équipe était vraiment bien dans le coup. Et inscrit logiquement le troisième but au terme d’une magnifique action entre Jadon Sancho, Achraf Hakimi et Raphaël Guerreiro qui conclut d’un plat du pied croisé délicieux. C’est l’explosion de joie en Gästeblock, le BVB qui s’en va chercher au courage une victoire homérique après un match splendide et plein de rebondissements, le scénario était parfait ! Le hic, c’est qu’il restait 25 minutes. Et que, malheureusement, notre équipe, après avoir consenti tant d’efforts pour se porter en tête à ce moment du match, n’a pas la capacité de tirer le rideau devant son but et d’attendre les occasions de contre qui n’allaient pas manquer de se profiler avec un Peter Bosz prenant tous les risques avec la Werkself.

Pulvérisés par la tempête

Notre équipe, nous commençons à bien la connaître à force de la côtoyer chaque week-end et elle a malheureusement des attitudes qui ne nous trompent pas. Après septante minutes plutôt convaincantes, malgré nos lacunes défensives, elle est complètement sortie du match. Comme à Hoffenheim en décembre, le scénario et le retournement catastrophes de fin de rencontre, on l’a senti arriver bien avant les buts. C’est comme si quelque part il y a quelqu’un avec un bouton on/off qui peut brancher ou débrancher notre équipe : à Augsburg ou en Pokal à Brême, il a fallu attendre 60 minutes pour enclencher le bouton on et enfin brancher nos Jungs. Contre Leipzig, à Hoffenheim ou à Leverkusen, c’est le bouton off qui a été activé pour débrancher le BVB, à la mi-temps ou à vingt minutes de la fin. Tout d’un coup, sans raison apparente, on ne gagne plus les duels, on n’arrive plus à sortir proprement le ballon, on ne consent plus les efforts pour le récupérer et une fébrilité proche de la panique gagne toute l’équipe. Cette équipe qui avait collectivement maîtrisé et dominé la Werkself pendant 70 minutes, malgré quelques failles en défense mais non sans un certain brio, devient une sorte de poulet sans tête incapable d’aligner trois passes de suite, complètement désorganisée, sans aucune discipline ni maîtrise.

 

Au moins cinq minutes avant le 3-3, voyant notre équipe complètement perdre le fil du match, j’ai dit à mon pote Thomas « on ne tiendra jamais quinze minutes comme cela, ça va mal finir ». Si nous, en tribunes, après pas mal de bières, nous sommes capables de nous rendre compte que le jeu est en train de complètement nous échapper, c’est assez incompréhensible que ni l’entraîneur ni aucun joueur ne soient capables de recadrer les choses. Et c’est là que l’on reparle de l’absence de véritables tauliers, d’un patron capable de remettre l’équipe sur les bons rails par un méchant tacle ou un coup de gueule : quand notre équipe sort pareillement du match, on a juste l’impression qu’elle attend avec fatalisme que tombent les buts adverses. Et cela n’a pas manqué. Même un premier avertissement sans frais, avec un but de Vizekusen annulé pour hors-jeu, n’a pas réveillé nos Jungs. Et ce qui devait arriver est arrivé : dans la patrie du glyphosate, Dortmund a été pulvérisé en à peine plus d’une minute : Volland est complètement oublié dans la défense, Can sauve en catastrophe mais son tacle envoie le ballon sur le joker Bailey qui peut ajuster tranquillement Bürki. Il y a eu à peine le temps d’engager que notre équipe s’est retrouvée en état de siège et complètement paniquée : après plusieurs aller-retours devant notre but sans que nos Jungs ne soient en mesure de récupérer le contrôle du cuir, celui-ci finit sa course sur la tête de Lars Bender qui inscrit le 4-3.

La tempête des critiques

Forcément, quand on a pareillement perdu le contrôle du match, c’est compliqué ensuite de se remettre dans le bon sens. Nos efforts désordonnés pour égaliser étaient voués à l’échec, même si nous aurions pu sauver un point si Witsel, seul à trois mètres du but, n’avait pas manqué le cadre à la dernière minute. Le calice jusqu’à la lie… Il est inutile de préciser que le retour en train dans l’obscurité du Ruhrpott balayé par les premières rafales de l’ouragan Sabine ne fut pas des plus joyeux. Forcément, les critiques vont bon train. Mais je ne crois guère aux solutions miracles. C’est un problème de système ? Mais notre 3-4-3 a justement été essayé pour résoudre notre perméabilité défensive et donner davantage d’équilibre à l’équipe, notamment pour mieux couvrir nos latéraux très offensifs. Ce n’est pas encore tout à fait ça mais tant qu’on connaîtra des black-out comme la première mi-temps de Brême ou les vingt dernières minutes de Leverkusen, on prendra l’eau de la même manière, quel que soit le système. Il est de bon ton de taper sur nos défenseurs ? Cela permet aux plus aigris de se défouler des frustrations de leur existence mais ça ne fait guère avancer le schmilblick. Oui, Akanj fait une saison affreuse, Hummels n’a pas apporté la stabilité et l’expérience espérées, Zagadou manque de lucidité dans les moments chauds, nos latéraux pensent davantage à prendre les couloirs vers le but adverse qu’à ferme les couloirs devant notre but etc. Mais les alternatives sont peu nombreuses. Et je n’aime pas les raisonnements binaires : nos joueurs offensifs sont excellents, nos défensifs nuls. Lorsque nous avions gagné le Meisterschale en 2011 et 2012, nous n’avions encaissé que 22 et 25 buts en 34 matchs (32 en 21 matchs cette saison). Mais il faut se souvenir du travail défensif de Titans qu’effectuaient alors les Barrios, Kagawa, Blaszczykowski, et autres Großkreutz, c’est loin d’être le cas de nos joueurs offensifs aujourd’hui et nos défenseurs sont le plus souvent livrés à eux-mêmes. C’est bien des défaillances collectives qui nous coûtent si cher et pas seulement celles d’un secteur de jeu.

Enfin, faut-il changer d’entraîneur ? Il faut quand même mettre au crédit de Lucien Favre que notre BVB propose actuellement l’un des football les plus spectaculaires du monde : nous nous créons énormément d’occasions, nous marquons beaucoup de buts et certains des schémas lumineux réussis par nos Jungs portent incontestablement la patte de notre entraîneur. Evidemment, ça ne paie pas suffisamment au niveau comptable. En raison d’une fragilité défensive et mentale. Dont personne ne peut affirmer avec certitude qu’elle est le fait uniquement de notre entraîneur ou de lacunes dans la construction du contingent. Lucien Favre est un bâtisseur qui aime avoir du temps pour construire son système de jeu. Quand il est arrivé en juillet 2018, nos dirigeants lui avaient promis de lui donner le temps nécessaire pour mettre en place ses idées. Mais après six mois et des résultats « trop » bons, la donne a changé : le Meisterschale est devenu un objectif, on travaille sur du court terme, sous la pression du résultat, et l’équipe ne progresse plus. Notre BVB nous fait penser à un immeuble de onze étages dont les étages supérieur seraient rutilants en matériaux chers mais dont les fondations auraient été négligées et construites en mousse et en sable. On ne réglera pas le problème d’un coup de baguette magique avant la fin de la saison, il faudra se contenter de bricolages en espérant que cela tienne le coup. Mais avec un nouvel entraîneur, on risque d’abord de perdre ce que l’on a, un jeu parfois, souvent, flamboyant, qui nous régale. Sans garantie que le nouveau venu ne trouve une solution pour corriger nos faiblesses défensives et nos défaillances mentales. De la même manière qu’avec le remplacement de Peter Bosz par Peter Stöger, nous avions abandonné le jeu enthousiasmant du Hollandais qui avait illuminé notre début de saison sans que l’Autrichien ne parvienne à amener la solidité et la constance attendues.

Tempête au Westfalenstadion ?

C’est un peu ballot : après les victoires contre Augsburg, Köln et Union Berlin, nous avions tout en mains pour enclencher une dynamique positive et travailler (un peu) dans la sérénité. Mais ces deux relâchements coupables en cinq jours à Brême et Leverkusen nous replongent dans le doute, les critiques et la crise. Pas idéal avant la venue d’un gros morceau au Westfalenstadion : l’Eintracht Francfort, en feu depuis le début de l’année 2020, avec notamment deux victoires contre la RB Leipzig (en Bundesliga et en Pokal) et un récent 5-0 contre Augsburg. Et accessoirement, l’équipe la plus physique et la plus engagée de la Bundesliga. Il faudra donc que nos intermittents se souviennent que le football, surtout dans le Ruhrpott, est un combat avant d’être un spectacle. Pour faire souffler la tempête, portée par les 80’000 voix du Westfalenstadion, sur l’aigle francfortois, histoire de faire oublier cette vilaine fin de match de la BayArena.

 

Catégories : Au Stade

1 commentaire

Madre · 15/02/2020 à 08:56

Le problème du BVB c’est cette histoire de football attrayant.Il faut revenir au football pragmatique qui a permis au BVB d’écrire les pages les plus glorieuses de son histoire.
La finale de Champions League 1997 face à la Juve était un match tout sauf attrayant et c’est ce BVB là qu’on veut.Le show on s’en tape.
Ils se casseront toujours la gueule tant qu’ils insisteront sur ce football attrayant,de possession,…et de je n’en sais pas quoi d’autre.

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