Le miracle n’a pas eu lieu. Nos Jungs ont fait ce qu’il fallait pour y croire jusqu’au bout en battant Düsseldorf puis Mönchengladbach. Mais cela n’a pas suffi, nos rêves de Meisterschale sont partis en fumée en raison de la victoire finalement attendue du Bayern Munich contre Francfort. Au final, la déception est à la hauteur des espoirs qu’aura su générer une équipe magnifique qui nous a fait vibrer pendant neuf mois.
Il pleut sur Mönchengladbach. La saison 2018-2019 de Bundesliga s’est achevée depuis un peu plus d’une heure et, alors que la chaleur et le soleil avaient régné durant toute la journée, une violente averse s’abat sur le Niederrhein. Comme si le ciel, lui aussi, voulait pleurer les illusions perdues des deux Borussia. Car, même si le BVB l’a emporté 2-0, il n’y a que des perdants en ce samedi de championnat : les deux clubs n’ont pas atteint l’objectif dont ils rêvaient encore trois heures plus tôt : le Meisterschale pour le vrai Borussia, la Ligue des Champions pour le faux.
L’ambiance est d’un calme étonnant, presque surréaliste. Alors que la journée n’avait été que bruit, fureur et chants, l’heure est presque au silence. Les conversations se font murmures, il y a peu de larmes, car l’issue fatale était somme toute relativement prévisible, mais plutôt une résignation consternée. Après s’être copieusement insultés avant et pendant les matchs, les supporters des deux camps se côtoient tranquillement dans les bars et les trains, il y a bien quelques tentatives de vannes ici ou là, « Vizemeister BVB » ou « Europa League Gladbach » mais le cœur n’y est pas vraiment ; c’est plutôt une procession funèbre qui quitte, en train, en bus, en voiture, qui quitte le Borussia Park, cimetière de nos dernière illusions. Nous avons vécu neuf mois de folies, d’amitiés, de passion, d’ambiances, de bières, de joies, de peines, d’espoir, de passion et là, soudain, c’est fini : notre rêve un peu fou ne se concrétisera pas. Il y a beaucoup de dignité et de grandeur dans cette tristesse. Bien sûr ce n’est pas l’épilogue dont nous avions rêvé mais cela reste des moments forts, des moments que tout supporter se doit d’avoir vécu pour mieux apprécier les succès du futur.
Bonjour tristesse
Il pleut sur Mönchengladbach. Et je suis triste. Triste pour nos Jungs qui nous aurons fait vibrer durant neuf mois et qui, malgré les blessures, les déceptions, les erreurs, les critiques, les arbitres auront fait vivre leur rêve, notre rêve, jusqu’au bout. Triste pour nos dirigeants qui essaient de maintenir un cap et de rester fidèles à des valeurs dans un football de plus en plus gangréné par le culte de l’argent et du succès faciles et qui auraient pu démontrer à la face du monde qu’il y a d’autres moyens de remporter un titre que des investissements pharaoniques. Triste pour notre entraîneur Lucien Favre, arrivé dans un certain scepticisme et pas toujours épargné par la critique, mais qui s’est démené nuit et jour pour reconstruire une équipe compétitive à Dortmund et qui n’était pas loin de remporter enfin ce titre majeur qui manque encore à sa formidable carrière d’entraîneur. Triste pour notre capitaine Marco Reus, qui aurait pu gagner plus d’argent et de titres ailleurs mais qui a préféré rester dans son club de cœur pour y remporter le Meisterschale, celui dont il a tant entendu parler mais qu’il n’a vécu que de loin en 2011 et 2012, occupé à sauver Mönchengladbach de la relégation puis l’amener en Ligue des Champions, avec Lucien Favre, ne croisant les Meisterschale du BVB que parce qu’il l’a un peu retardé en 2011 et parce qu’il a perdu le match du titre en 2012. Notre capitaine n’est plus si jeune et les occasions ne seront plus légion. Enfin, triste pour tout ce peuple jaune et noire, tous ces fans qui sont devenus des amis et tous les autres qu’on ne connaît pas mais qu’on croise chaque semaine dans tous les stades d’Allemagne et d’Europe, ces fans qui restent toujours fidèles quelque soient le résultat pour faire vivre la magie du BVB, ils auraient sans doute mieux su savourer et fêter ce Meisterschale que les clients blasés du Bayern qui se sont contentés, pour « célébrer » leur sacre, de quelques applaudissements polis, d’une halte au Fanshop pour acquérir le t-shirt Deutscher Meister et d’un retour à la maison, avec juste le sentiment du devoir accompli et d’un investissement rentable.
Echte Liebe
Mais pour avoir le droit à ce final dramatique, il fallait d’abord vaincre le Fortuna Düsseldorf au Westfalenstadion. Même si nous avons toujours essayé de ne pas trop nous enflammer, lorsque nous nous sommes retrouvés avec une confortable avance en tête du classement, dans une autre vie, nous nous étions projetés sur ce match de l’avant-dernière journée à domicile contre les Flingeraner. On s’était dit que, peut-être, nous aurions la chance de fêter le Meisterschale sous le soleil de mai au Westfalenstadion, comme cela avait été le cas lors de l’antépénultième journée en 2011 contre Nürnberg ou 2012 contre Mönchengladbach. Il n’en a rien été : il fait froid et il pleut sur le Pott et nous abordons la journée avec quatre points de retard. C’est dire qu’il faut non seulement gagner pour préserver un frêle espoir mais qu’en plus une victoire du Bayern à Leipzig enterrait nos dernières illusions. Pas tout à fait le scénario espéré donc. Après les désillusions du Derby et de Brême, dans la plupart des clubs du monde, les fans auraient été fâchés, abattus ou bêleraient des critiques gratuites avec les charognards. Mais pas à Dortmund. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’adore tant ce club. Malgré le double coup de massue reçu les deux week-ends précédents, on retrouve un peuple jaune et noir à 120% derrière son équipe, une ambiance de feu, une ovation grandiose pour les adieux de Christian Pulisic et des fans bien décidés à croire en leur chance jusqu’au bout. Es ist vorbei wenn’s ist vorbei, avaient proclamé les ultras à Brême. Définitivement, Echte Liebe, c’est bien plus qu’un slogan publicitaire mais une véritable profession de foi, un soutien inconditionnel et irréductible à son équipe en toutes circonstances.
Dans la douleur
Même s’il n’avait plus rien à jouer, Düsseldorf ne nous a fait aucun cadeau. Présenté comme le candidat numéro 1 à la relégation, le Fortuna a réussi une saison magnifique et a facilement assuré son maintien, malgré un contingent qui ne paie pas de mine, et ils nous auront mené la vie dure jusqu’au bout. Ce match contre les Flingeraner aura été à l’image de notre deuxième tour : un BVB par moment brillant mais qui a une fâcheuse tendance à se compliquer la vie et qui manque par trop d’assurance défensive.
Le BVB domine, se crée quelques occasions mais manque un peu de précision Puis, peu avant la mi-temps, on pense avoir fait le plus dur lorsque Christian Pulisic, qui a retrouvé un peu tard sa meilleure forme, ouvre le score de la tête sur une remise de Thomas Delaney. Mais, une fois de plus, nos Jungs laissent l’adversaire revenir dans le match, dès la reprise, sur une bévue de Marvin Hitz après une reprise de Fink. Malgré l’absence de Marco Reus, toujours suspendu, nos Jungs reprennent rapidement l’avantage au terme d’une magnifique action collective, Thomas Delaney est contré une première fois mais sa deuxième frappe rageuse fait mouche. Le Gelbe Wand n’a guère le temps d’exulter que le Fortuna obtient un pénalty : heureusement Ludebakio frappe à côté mais définitivement rien n’a été simple pour le BVB dans ce deuxième tour.
Es ist vorbei wenn’s ist vorbei
On pensait être définitivement à l’abri lorsque Mario Götze inscrit le 3-1 contre un Fortuna réduit à dix à la 92e. Mais une fois de plus, notre équipe se crispe inutilement et laisse les Fliengeraner, en infériorité numérique, revenir à 3-2 par Kownacki et passer tout près de l’égalisation au bout des arrêts de jeu, notamment sur une frappe miraculeusement déviée par le dos d’Akanji. Ouf… On passera sur la manière : il fallait une victoire, on l’a obtenue, dans la douleur certes, mais le Westfalenstadion a pu célébrer ses héros, plus pour leur magnifique saison que pour cette dernière victoire très laborieuse, et en particulier Marcel Schmelzer que l’on n’avait pas revu ce deuxième tour dans notre temple et dont l’entrée en jeu a suscité une immense ovation.
Et puis, comme le Bayern n’a pu faire mieux que 0-0 à Leipzig, l’espoir demeure, il est ténu certes mais il demeure : une victoire à Mönchengladbach lors de la dernière journée couplée à une défaite du Bayern à domicile face à Francfort et le Meisterschale peut encore prendre le chemin de Dortmund. Signe d’espoir, le ciel a même fini par se découvrir pour clore notre saison de Biergarten au Westfalenstadion…
Sonderzug
Nous nous réveillons donc en ce samedi 18 mai 2019 avec la ferme intention d’aller disputer nos chances de titre jusqu’au bout. Nous sommes bien conscients que les chances de voir Francfort, sur les rotules après son parcours héroïque en Europa League et qui ne gagne plus depuis de longues semaines, aller gagner à Munich sont maigres mais on y veut encore y croire. Une véritable marée jaune a envahi la gare de Dortmund et, les bières aidant, l’ambiance monte rapidement dans le Sonderzug.
Les chants s’enchaînent, les Humba Täterä résonnent dans les wagons, l’espoir fait vivre. L’entrée au Borussia Park est un peu chaotique mais on finit par gagner nos places dans un Gästeblock Stehplatz chauffé à blanc. Même si nous n’avons pas les meilleures cartes dans les mains, c’est toujours un privilège de pouvoir vivre ce genre de match où se joue toute une saison. Avec, quelque part au fond au cœur, l’espoir que cette belle journée ensoleillée de mai pourrait se terminer par quelque chose de grand, l’un de ses final d’anthologie qui ont écrit l’histoire de la Bundesliga…
Les fake news du Borussia Park
Mais nous allons rapidement déchanter. Non pas à cause de nos Jungs, qui réalisent une entame de match plutôt intéressante, même s’ils peinent à se créer de véritables occasions, mais en raison des nouvelles venues de Munich : l’écran géant du Borussia Park annonce rapidement 1-0 puis 2-0 pour le Bayern. En se gardant bien de préciser que le deuxième but bavarois a été annulé ! Ce n’était pas très fair-play d’omettre cette annulation car nos Jungs qui, comme nous, ne sont pas suspendus à leur écran pendant le match, ont dû jouer une bonne partie de cette première mi-temps avec la croyance erronée que le Rekordmeister menait 2-0. Et pourtant, ils n’ont rien lâché. En face, Gladbach joue aussi sa saison puisqu’il a absolument besoin d’une victoire pour espérer une qualification en Ligue des Champions. A la fin du premier tour, lorsque les deux Borussia se sont retrouvés en tête du classement, on avait aussi pu imaginer que le Meisterschale se jouerait dans une finale lors de cette dernière journée, là encore on est loin de ce scénario imaginé en décembre puisque nous avons besoin d’un miracle venu de Munich et que le falsche Borussia ne joue plus « que » pour une place en Ligue des Champions après s’être curieusement effondré au printemps. Mais Les Fohlen sont bien décidé à jouer leur chance jusqu’au bout et ils passent tout près de l’ouverture du score sur une frappe de Traoré qui heurte la transversale d’un Bürki battu en la circonstance.
Ihr macht unseren Sport kaputt
Le match va se décanter en fin de première mi-temps. Deux actions litigieuses, deux longues interruptions du jeu, deux visionnement de la VAR et au final deux décisions fortement contestées, pour ne pas dire erronées ! Les fans des deux camps peuvent entonner le « ihr macht unseren Sport kaputt », notre religion est faite : l’assistance vidéo est en train de tuer le football. Ce gadget provoque des arrêts de jeu inutiles, tue les émotions mais ne résout aucun problème d’arbitrage. La preuve : Marco Reus est arrêté irrégulièrement dans la surface par Elvedi, le pénalty s’impose mais, après une interminable consultation avec les incapables de Cologne, M. Gräfe décide de ne rien siffler. Sans même revoir les images ! Sur l’action suivante, Marco Reus récupère un premier centre contré, sur (derrière ?) la ligne et sert Jadon Sancho pour l’ouverture du score. Explosion de joie dans un Gästeblock en ébullition, reprise du « Maria (I Like It Loud) » de Scooter pour narguer les fans de Gladbach puis nouvelle longue interruption pour consultation de la VAR. L’arbitre et son assistant vont cette fois-ci visionner la vidéo et décident, alors que les images ne prouvent rien de manière indubitable, de valider le but. Sans doute un peu par compensation. Au final, beaucoup d’arrêts de jeu et de polémiques pour deux décisions qui n’auront satisfait personne.
Traumfußball
Ce but a fait très mal à Gladbach, surtout que la chaleur faisait pour la première fois son apparition cette année sur le NRW. Les Fohlen ont accusé le coup après la pause. Et puis notre BVB a déroulé un football de rêve. Pourquoi n’a-t-on pas joué tous nos matchs comme ce début de deuxième mi-temps ? Nous nous prenons même à rêver à nouveau de Meisterschale. Nous avions enfin compris que le Bayern ne menait que 1-0 et, lorsque l’Eintracht égalise en début de deuxième mi-temps, nous ne sommes plus qu’à un but francfortois du titre. Un espoir irréel envahit le Gästeblock. Pendant trois minutes. Le temps pour le Bayern d’inscrire un deuxième but puis trois autres derrière. Cette fois-ci, alles ist vorbei. Nous nous consolons (un peu) en savourant la démonstration de football offerte par nos Jungs. Le deuxième but est un modèle du genre : la balle circule dans les lignes arrières puis Axel Witsel trouve la verticale à travers le pressing adverse. En trois passes, Mario Götze, Jadon Sancho et Christian Pulisic ont mis hors de position la défense adverse pour servir sur un plateau le 0-2 à Marco Reus. Superbe. Cela joue tellement bien que nos Jungs tombent dans une certaine facilité et vendangent un peu des occasions, nous sommes même tout près de remettre les Fohlen dans le match mais Pléa ne cadre pas après une mauvaise passe de Guerreiro. Ils n’auront pas d’autres occasions. La fin de rencontre a même des allures d’Abschiedsspiel où l’on essaie absolument de faire marquer le jubilaire lorsque nos Jungs multiplient les passes pour tenter d’offrir un but à Marcel Schmelzer mais notre ancien capitaine est contré au dernier moment. Mais le job a été fait : la saison se termine par une victoire 2-0, malheureusement insuffisante pour le Meisterschale.
Danke Jungs !
L’après-midi se termine par un gros quart d’heure de communion magnifique, les fans de chaque camp célébrant, malgré la déception d’avoir manqué le titre pour l’un, la Ligue des Champions pour l’autre, leur équipe et ceux qui vont s’en aller cet été. Chez nous, Christian Pulisic et Marcel Schmelzer (même si son départ n’a pas été confirmé) sont fêtés, les Fohlen célèbrent leur entraîneur Dieter Hecking et Thorgan Hazard (malgré les sifflets d’une partie du public). L’émotion est palpable, même si au final le Meisterschale s’en est allé dans un stade d’où l’émotion est complètement absente. Bien sûr, en début de saison, nous aurions rêvé d’une saison à 76 points où nous avons joué le titre jusqu’à la dernière journée. Mais là, même si nous nous y attendions un peu, c’est la déception qui prédomine. Il a manqué si peu de choses, il y a tellement de matchs où nous aurions pu gratter ces trois points qui nous manquent au décompte final… En quittant Dortmund le matin même, nous avions le secret espoir d’y revenir en héros avec le Meisterschale dans les bagages et dans une ville sens-dessus-dessous. Au contraire, c’est la grande déprime : depuis 15 ans que je fréquente Dortmund, je n’avais jamais vu les bars de la ville aussi vides un samedi soir. Forcément, terminer la saison dans une ville quasiment morte, ce n’était pas tout à fait le scénario dont nous avions rêvé mais, quelque part, la déception est à la hauteur des espoirs que notre équipe aura su soulever tout au long de la saison. On n’a pas perdu le titre, on a d’abord gagné le droit d’avoir pu rêver pendant neuf mois et d’y avoir cru presque jusqu’au bout. Et on reviendra plus forts la saison prochaine pour que cette fois-ci la belle aventure se termine sur un happy end.
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