Le chaos plutôt que le KO. Tel a été la réponse du mur jaune après la débâcle de Munich : un bordel de drapeaux, de confettis et de papelitos pour accueillir et soutenir nos Jungs afin d’éviter un KO définitif dans la course au Meisterschale. Ce KO, on l’a évité mais il s’en est fallu de peu, en raison d’une deuxième mi-temps chaotique. Heureusement, Roman Bürki était là !
Dans la plupart des clubs du monde, une équipe qui reste sur une défaite 5-0 après un match complètement raté serait accueillie plutôt sèchement par ses fans, voire même par des sifflets ou des protestations. Mais Dortmund n’est pas un club comme les autres et c’est l’une des mille et une raisons pour lesquelles j’adore ce club. Peu importe ce qui s’est passé le week-end d’avant, rien ne viendra altérer notre soutien à nos Jungs. Sauf si l’équipe n’a pas combattu, comme lors du Derby à Herne-West la saison passée, où là la réaction avait été cinglante le match suivant contre Leverkusen. Mais rien de tel à Munich : nous sommes juste passés au travers, cela peut arriver et c’est donc un accueil triomphal qui est réservé à nos Borussen : « Doppelhalter hoch • Fahnen schwenken wir • lauter singen für den BVB », tel était le message du mur jaune. Qui a effectivement levé haut les Doppelhalter, agité les drapeaux et chanté fort pour le BVB. Avec un déluge de confettis et de papelitos à l’entrée des joueurs, le chaos annoncé, un accueil génial pour redonner la foi à nos Jungs. Qu’ils paraissaient loin, les commentaires défaitistes et catastrophistes de la semaine qui laissaient à penser que notre Borussia était en crise, que la relégation menaçait et qu’il fallait tout remettre en question après le petit accroc de Munich. Comme quoi, ceux qui bêlent fort dans les médias ou sur les réseaux sociaux ne sont que des parasites inutiles qui gravitent très loin du BVB, la vraie famille borusse, c’est celle de ceux qui chantent fort dans le stade.
La diplomatie du fromage
Cela dit, notre soutien inconditionnel à nos Jungs ne nous empêche pas d’exercer un regard critique sur nos performances. Et, venant de la même région et connaissant notre entraîneur, je suis régulièrement interpellé lorsque celui-ci effectue des choix contestés et contestables. Me retrouvant ainsi contraint d’expliquer et de défendre des options que je ne comprends ou ne partage pas moi-même. Dès la fin du match à Munich, je savais que, lors de notre traditionnel apéro d’avant-match sur le parking, j’allais donc être questionné sur les choix de Lucien Favre en Bavière. Mais j’avais prévu le coup : j’arrive au stade avec quatre généreux plateaux de fromage fabriqué avec du lait issus des vertes prairies du Gros-de-Vaud, comme notre entraineur. En Allemagne, il est aussi difficile de trouver un fromage potable dans un supermarché qu’une bière comestible à l’Allianz Arena : alors, quand je débarque avec un wagon de fromages suisses, les meilleurs du monde, mes potes dortmundois ont tendance à faire une razzia dessus. Et, la bouche pleine, c’est toujours plus compliqué de faire des longues digressions tactiques. Dès lors, j’ai pu boire mon apéro et les Brinkhoff’s Nr. 1 du parking sans avoir trop à expliquer le pourquoi de la titularisation de Dahoud plutôt que Götze à Munich ou le fait que nous n’aurions pas forcément explosé le Bayern en alignant Wolf et Schmelzer comme latéraux plutôt que Piszczek et Diallo.
Un football de rêve
Nos Jungs se sont mis au diapason du Gelbe Wand. En première mi-temps, nous avons retrouvé l’équipe brillante qui nous a tant ravis au premier tour. Cette fois, contrairement aux matchs contre Stuttgart ou Wolfsburg, pas de long round d’observation stérile où nos Jungs sèchent devant une défense regroupée. Comme par enchantement, nous renouons avec les préceptes de jeu qui avaient fait notre force lors de l’Hinrunde, cette circulation de balle fluide et horizontale puis cette capacité d’accélérer et de trouver la verticalité après avoir aspiré l’adversaire. Il faut moins de cinq minutes pour trouver une première fois le poteau sur un sauvetage scabreux du défenseur Latza devant Bruun Larsen. Puis notre Danois voit sa reprise détournée par le gardien Müller.
Dynamisme, joie de jouer, fluidité, vitesse, notre équipe nous fait plaisir et on sentait le but arriver. Et il va venir sur une action d’école, du Lucien Favre pur sucre. Nous sommes bloqués dans l’axe alors on repart calmement et sans précipitation vers Bürki. Notre gardien relance sur Wolf qui voit l’espace sur le flanc droit avec une longue ouverture pour Götze. Le centre de Götzinho trouve Jadon Sancho dont la reprise fait mouche. Nos Jungs ne laissent aucun répit au Karnevalsverein et c’est du flanc gauche que va venir le numéro deux. Unr récupération à trente mètre du goal puis une action à une touche de balle décalent Delaney, Jadon Sancho est à nouveau à la réception du centre et sa reprise, légèrement déviée, termine à nouveau sa course au fond des filets. 2-0, on joue depuis moins de 25 minutes et on pense que l’on va enfin pouvoir vivre un match au Westfalenstadion sans trop trembler jusqu’à la dernière seconde. Car Mainz est complètement étouffé et peut même s’estimer heureux de ne pas encaisser le troisième sur un tir trop croisé de Bruun Larsen. Il faut attendre la toute fin de première mi-temps pour voir une action du Karnevalsverein mais la reprise d’Onisiwo flirte avec l’extérieur du poteau.
L’incompréhensible métamorphose
Nous pensions donc vivre une deuxième mi-temps assez tranquille, avec un BVB dominateur qui se fait plaisir et se redonne confiance en inscrivant encore quelques buts. Mais, décidemment, il doit être écrit quelque part que rien ne peut être simple pour ce Borussia version printemps 2019. A l’image du temps, très changeant samedi : par moment, un vent glacial soufflait sur le Ruhrpott, puis il y avait des percées d’un soleil presque estival puis c’était la tempête de neige, une neige du printemps dans le Pott, ni froide, ni humide, plutôt comme des flocons de Sagex, mous et rebondissant sur le sol. Le tout en parfois quelques minutes seulement. Notre équipe s’est adaptée à la météo du jour : l’équipe dominatrice, sûre d’elle, aux schémas limpides de la première période, s’est transformée en une équipe désordonnée, craintive, incapable d’aligner trois passes après la pause. Comment expliquer pareille métamorphose ? Certes, Mainz a modifié son dispositif et est passé en un 4-3-3 beaucoup plus agressif. Mais ce n’est pas non plus une armada offensive effrayante, nous aurions dû au contraire profiter des espaces pour aller marquer d’autres buts. Mais nos Jungs se sont tout simplement arrêtées de jouer, se contentant de reculer, la peur au ventre. Et plus le match avançait, plus les incursions dortmundoises en direction du but adverse, devant le mur jaune, se faisaient rares, plus les offensives mayencennoises devenaient menaçantes.
Qu’il paraît loin le temps de l’insouciance
J’avais eu l’occasion de l’écrire : l’une des clés de notre saison, cela allait être la capacité de nos Jungs à continuer à jouer avec insouciance, sans trop se prendre la tête à parler de Meisterschale. Cette période est belle et bien révolue et ce depuis de longues semaines. Nos Jungs paraissent écrasés par une pression trop lourde à porter pour leurs frêles épaules. Face à ce Mainz subitement devenu plus conquérant, on a senti la peur physiquement envahir le Westfalenstadion, sur le terrain d’abord, en tribunes ensuite. Faisant ressurgir quelques vieux spectres, notamment la remontée subie contre Hoffenheim. Onisiwo tire sur le poteau, Bürki s’interpose devant Onisiwo et Gbamin mais il est clair que l’on sentait arriver le but et poindre la catastrophe, comme une fatalité contre laquelle nos Jungs semblaient impuissants. Et c’est – une fois de plus – sur corner que le but adverse est tombé : Bürki s’interpose une première fois devant Onisiwo mais, à l’impossible nul n’est tenu, il doit s’avouer vaincu sur la reprise de Quaison. 2-1, il reste six minutes plus les arrêts de jeu à jouer, un vent de panique souffle sur le Westfalenstadion, le ballon paraît brûler les pieds de nos Jungs qui n’arrivent plus rien à en faire d’autre que le rendre à l’adversaire. Nos rêves de Meisterschale paraissent bien loin…
Roman Bürki superstar
Et nos illusions de titre se seraient effectivement envolées dès samedi si nous n’avions pas pu compter sur notre verrou suisse dans le but : Roman Bürki. L’ancien portier du SC Freiburg va sauver la baraque à trois minutes du terme avec une triple parade d’anthologie devant Ujah, deux réflexes stupéfiants sur des reprises à bout portant, avant de bloquer la balle juste devant la ligne. Finalement, Roman a rendu possible l’impossible parade. Cela se passait devant la Nordtribüne, à l’opposé d’où nous nous trouvions : nous n’étions donc pas idéalement placés pour voir l’action au milieu d’une forêt de joueurs mais ce furent probablement les quatre secondes les plus longues de mon existence, avec cette balle qui naviguait à trois mètres de la ligne de but et qui semblait ne demander qu’à franchir cette ligne fatidique. Et qui l’aurait franchie si notre gardien n’avait pas été en état de grâce. Malgré une deuxième mi-temps cataclysmique, chaotique, catastrophique, le BVB tenait sa victoire, après une ultime sortie décisive de Roman Bürki à l’ultime seconde. Le mur jaune ne s’y est pas trompé : au moment de célébrer notre équipe et la victoire, c’est d’abord notre gardien suisse qu’il a rappelé. Nous avons joué avec le feu et nous nous serions brûlés sans le match exceptionnel de notre ange gardien bernois. Et dire que la saison passée, après les quelques erreurs qu’il a commises, certains réclamaient à hauts cris l’arrivée d’un autre gardien titulaire. Mais le peuple jaune et noir, dans son immense majorité, l’a toujours soutenu : dans un pays de mineurs, quand l’un des tiens est en difficultés, tu ne vas pas chercher à l’enfoncer mais au contraire à l’aider à s’en sortir. Heureusement, nos dirigeants n’ont pas oublié cette maxime et aujourd’hui nous sommes récompensés d’avoir maintenu notre confiance dans un gardien qui a connu une mauvaise passe la saison dernière mais sans lequel nous ne serions absolument plus en course pour le titre actuellement.
Lucien Favre, 13 ans après ?
Il est clair que le Borussia Dortmund n’a pas vraiment la tête d’un champion d’Allemagne en ce moment. Et pourtant, c’est en leaders que nous avons quitté le Westfalenstadion, même si cela ne fut que l’espace d’une nuit avant la victoire du Bayern le lendemain à Düsseldorf. Depuis la reprise, le Rekordmeister avance en mode rouleau compresseur et marche sur tous ses adversaires ou presque. Alors que, de notre côté, depuis le début du Rückrunde, il n’y a aucun match que nous avons complètement maîtrisé. Même lors de la victoire contre Hanovre, la première mi-temps avait été laborieuse, avant de dérouler en seconde. Sinon, toutes nos victoires ont été remportées à l’arraché, dans la douleur… Et pourtant, même si tous les signes plaident pour un sacre du Bayern cette saison, nous nous accrochons : il n’y a toujours qu’un point d’écart et le miracle reste possible. Nous sommes bien conscients que nos rêves de Meisterschale ne tiennent plus qu’à un fil et que celui-ci s’effiloche semaine après semaine. Mais pour l’instant, il tient ! Lucien Favre pourra toujours rappeler à ses joueurs comment il a gagné son premier titre de champion national, en 2006, en Suisse avec le FC Zurich : à l’époque, son équipe était déjà confrontée à un FCB beaucoup plus riche, beaucoup plus puissant, beaucoup plus expérimenté et auquel le titre semblait promis, le FC Bâle plutôt que le FC Bayern. Mais le FCZ de Lucien s’était accroché. Et le miracle s’était produit : alors que la cérémonie de remise du trophée au FCB était en train de s’organiser, le FC Zurich de Lucien Favre avait renversé le championnat et gagné le titre sur un but à l’ultime seconde de la saison ! Il faut donc continuer à nous accrocher et peut-être que l’histoire pourra se répéter…
Prolonger le rêve
En ville, dans les bars de fans après le match, l’ambiance était bien entendu à la fête. Une ambiance un peu particulière, une sorte de frénésie festive désespérée, comme une armée qui part le lendemain à la bataille et sait qu’elle a de fortes chances de ne pas en revenir vivante. Et qui veut donc profiter au maximum de ces instants passés en tête du classement, sachant que ce sont peut-être les derniers. Et qu’il est tout à fait possible que, lors de notre prochain match au Westfalenstadion, le très attendu Derby du 27 avril, nos rêves de titre seront peut-être envolés. Car ce week-end, les rôles seront inversés : le Bayern accueille Brême samedi et pourrait, en cas de succès, prendre quatre points d’avance et mettre une pression maximale sur nos Jungs avant le déplacement de Freiburg dimanche. Un déplacement toujours compliqué, dans ce petit et vieux stade, avec un public très proche du terrain. Récemment, le Bayern s’y est cassé les dents (1-1) sur le mur posé devant le but par les Breisgauer. Mais l’entraîneur Christian Streich peut tout aussi bien choisir d’imiter Mainz en deuxième mi-temps et de venir chercher notre équipe très haut avec un pressing agressif pour profiter de la fébrilité qui habite nos Jungs en ce moment. Quelque soit la manière dont évoluera Freiburg, ce sera à nouveau un combat à la vie à la mort dont il s’agira de sortir vainqueur pour prolonger d’au moins une semaine nos rêves de Meisterschale.
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