Lors de la dernière trêve internationale, nous étions plus de 70’000 au Westfalenstadion pour rendre hommage à notre légendaire gardien Roman Weidenfeller. Retour sur une soirée emplie d’émotions ainsi que sur la carrière de notre portier, une carrière qui force l’admiration et le respect pour un gardien qui n’était pas le plus talentueux de sa génération mais qui a su se faire une place au soleil à force de travail et de volonté. Danke Weidi !

Trois ans après Dede, c’est une autre légende du Borussia Dortmund qui a eu le droit à son Abschiedsspiel, son match d’adieux, au Westfalenstadion : Roman Weidenfeller. Contrairement au Germano-brésilien, Weidi n’a pas rempli notre temple, même si, avec plus de 70’000 fans, il a eu droit à une sortie en beauté. Il faut dire que l’enthousiasme à Dortmund en 2018 n’est plus tout à fait ce qu’il était en 2015, juste après les années Klopp, et que le match a eu lieu le vendredi soir et non le samedi. Et puis, même s’ils ont longtemps joué ensemble, Dede et Roman ont connu des carrières bien différentes : le Brésilien était arrivé en 1998, pendant les heures de gloire du club, alors que celui-ci jouait les premiers rôles, et il s’était rapidement imposé comme un titulaire indiscutable. En 2002, il était un élément essentiel de l’équipe championne d’Allemagne et aucun d’entre nous n’a oublié son triple coup du sombrero sur José Mari, Gattuso et Albertini lors de la mythique victoire 4-0 contre le grand Milan AC en demi-finale de Coupe UEFA. Mais c’est surtout en restant fidèle au BVB pendant les années de galère alors qu’il avait reçu maintes offres pour signer ailleurs qu’il avait conquis le cœur du peuple jaune et noir pour finir en apothéose avec le Meisterschale de 2011. Roman Weidenfeller a connu une carrière plus tortueuse et il a mis plus de temps à être adopté par le peuple du Westfalenstadion.

Nul n’est prophète en son pays

Natif de Rhénanie-Palatinat, Roman a logiquement, à l’âge de seize ans, rejoint le grand club de la région : le 1. FC Kaiserslautern. D’abord en juniors puis en équipe première. Mais il n’appartenait pas à cette catégorie de gardiens présentés très vite comme des cracks comme ont pu l’être des Neuer, Leno, Trapp ou ter Stegen, qui avaient déjà gagné une place de titulaire à 20 ans ou même avant. Roman avait déjà fêté son vingtième anniversaire lorsqu’il débute en Bundesliga avec les Roten Teufel au Betzenberg contre Schalke 04, une victoire 3-2 après avoir été mené 0-2. Mais, malgré un match brillant en Coupe UEFA contre Eindhoven, Roman ne parvient pas à convaincre son entraîneur Andreas Brehme, qui lui préfère l’expérimenté Georg Koch : Roman n’a droit qu’à trois matchs de Bundesliga, un de Coupe UEFA en 2000-2001, trois matchs de Bundesliga, un de Pokal en 2001-2002. Pire : même sa place de numéro 2 à Kaiserslautern est remise en question par l’émergence d’un autre gardien prometteur de sa génération, Tim Wiese. Bref, à 22 ans, il comprend que son avenir est bouché dans sa région natale et, en fin de contrat, il signe libre au Borussia Dortmund à l’été 2002.

Des débuts difficiles

Forcément, avec seulement six matchs de Bundesliga au compteur, il ne pouvait débarquer dans un club alors champion d’Allemagne en titre ainsi que finaliste sortant de la Coupe UEFA et prétendre à une place de titulaire. Il arrive comme doublure de Jens Lehmann. Il profite de quelques absences du titulaire pour grappiller un peu de temps de jeu dès sa première saison mais ne convainc pas : il est notamment coupable d’un mauvais dégagement sur un joueur adverse qui précipite une défaite contre Brême dans les dernières minutes au Westfalenstadion. Néanmoins, les problèmes financiers, provoqués par la folie des grandeurs du duo Niebaum-Meier et leur volonté absurde d’intégrer les plus grands clubs du monde en investissant de l’argent qu’ils n’avaient pas, commencent à apparaître. Il faut alléger la masse salariale et Jens Lehmann part à l’été 2003 pour Arsenal. Le BVB n’ayant plus vraiment les moyens d’investir pour un nouveau gardien, il décide donc de faire confiance à ce jeune Weidenfeller, 23 ans, qui n’avait guère brillé jusque-là. Roman joue tous les matchs du premier tour de la saison 2003-2004 mais ses performances en dent de scie (notamment lors de la débâcle 0-4 à Sochaux en Coupe UEFA) obligent les dirigeants à aller chercher un autre gardien à Noël : le vétéran français Guilaume Warmuz, barré à Arsenal par… Jens Lehmann. Et, dès la reprise, l’entraîneur Matthias Sammer n’hésite pas : il confie la place de titulaire à l’ancien portier du RC Lens et Weidi doit suivre tout le deuxième tour depuis le banc. Mais notre Roman est un obstiné et un fou du travail : il va redoubler d’efforts à l’entraînement aux côtés de celui qui deviendra son vieux complice de toujours, le légendaire entraîneur des gardiens et ancienne gloire du BVB Wolfgang « Teddy » de Beer, pour reconquérir sa place de titulaire. Il parviendra à ses fins à l’automne 2004 : après huit journées, l’entraîneur Bert van Marwijk décide d’inverser la hiérarchie entre ses gardiens et de confier le poste de titulaire à Weidenfeller au détriment de Warmuz. A plus de 24 ans, Weidi se voit enfin confier les clés de la maison dans un grand club d’Allemagne, il ne les rendra que onze ans plus tard, à l’arrivée de Thomas Tuchel et de Roman Bürki….

Les années de vaches maigres

Sauf qu’en 2004, le BVB n’est plus vraiment un grand club d’Allemagne. Ou alors uniquement par son passé et son public. Car les problèmes financiers s’amoncellent. Les résultats sportifs passent au second plan car c’est la survie même du Borussia qui est en jeu et les fans débutent chaque semaine avec l’angoisse de ne pas voir de match le week-end suivant si la faillite est déclarée dans la semaine. Dans ce contexte anxiogène, la très bonne première saison complète de Roman comme titulaire passe un peu inaperçue. Notre gardien obtient la meilleure moyenne des notes du kicker, le magazine sportif allemand de référence, de tous les joueurs de Bundesliga ! Il est ainsi élu meilleur gardien de l’année 2005. Et il devient même Derbyheld lors de la victoire 2-1 à Herne-West lors de la 33ème journée où il avait réussi plusieurs sauvetages miraculeux dans les dernières minutes. Mais cela ne suffit pas à emmener le BVB en Coupe d’Europe.

Et le plan de sauvetage négocié en dernière minutes en mars 2005 avec le consortium de créanciers Molsiris par le nouvel homme fort du club, Hans-Joachim Watzke, appelé à la rescousse d’un club dont plus personne ne voulait s’occuper, ne permet guère de rêver à des lendemains qui chantent. Le club évite la faillite, certes, mais la cure d’austérité et le remboursement à marche forcée imposés par le plan de sauvetage paraissent interdire au Borussia de jouer les premiers rôles pour les dix prochaines années. Mais, à l’instar de Sebastian Kehl et de Dede, Roman Weidenfeller va décider de rester au club, même si une deuxième distinction de meilleur gardien de Bundesliga, en 2006, aurait peut-être pu lui permettre d’aller voir ailleurs. Par la suite et jusqu’en 2009, Weidi va épouser la trajectoire de ce Borussia convalescent, avec des hauts et des bas. Il peut réussir de très bons matchs mais aussi commettre des bourdes monumentales. On lui reproche notamment sa faiblesse sur les sorties aériennes, souvent aléatoires, voire dans le vide. Il est également impliqué dans quelques polémiques, notamment une altercation avec l’honni Gerald Asamoah qui lui vaudra trois matchs de suspension. Dans ces années-là, combien de fois n’ai-je pas entendu, dans les tribunes du Westfalenstadion, « Weidi, ist es gar nicht mehr möglich », Weidi, ce n’est plus possible, après une énième sortie ratée ou un nouveau but casquette. On commençait à entendre ici ou là des remarques selon lesquelles, sans les problèmes financiers du club, jamais un gardien aussi irrégulier que Roman Weidenfeller n’aurait pu être titulaire d’un club aussi prestigieux que le Borussia Dortmund et jouer devant 80’000 fans tous les week-ends. A l’automne 2008, certains médias et fans (dont j’ai fait partie, je l’avoue) posaient même la question de savoir si le nouvel entraîneur, un inconnu nommé Jürgen Klopp, ne devrait pas ouvrir la concurrence entre ses deux gardiens et donner une chance à son numéro 2, Marc Ziegler, un sympathique trentenaire à la carrière très modeste mais qui avait réussi quelques bons matchs la saison précédente avec Thomas Doll lorsqu’il avait été appelé à suppléer Weidi, notamment en finale de Pokal contre le Bayern Munich. Mais Klopp tranche : il  choisit de maintenir sa confiance en Weidi. Pour le meilleur et pour le pire. En l’occurrence, ce sera le meilleur.

Le retour en grâce

Fidèle à lui-même, Weidi a encaissé les critiques et il a travaillé. Beaucoup travaillé, toujours avec son complice Teddy de Beer. Les qualités sur sa ligne, ils les avaient, ce qu’il lui manquait c’était la régularité. Et il a choisi de solutionner son problème de sorties aériennes en limitant au strict minimum les incursions aventureuses loin de son but. Le travail a fini par payer : dans le sillage de la génération montante de Jürgen Klopp, Weidi commence à gagner en régularité. En 2009, le BVB retrouve la Coupe d’Europe et Weidi remporte sa première weiße Weste, le prix attribué au gardien ayant réussi le plus de blanchissages dans la saison (il en gagnera une autre en 2011).  A 30 ans et avec la cure de rajeunissement voulue par Jürgen Klopp, Roman devient l’un des éléments les plus expérimentés et l’un des leaders du vestiaire. Pour la saison 2010-2011, c’est Sebastian Kehl qui était le capitaine désigné mais, comme il a été blessé presque toute la saison, c’est Weidi qui a hérité du brassard. Jackpot : à la surprise générale, les Bubis de Jürgen Klopp marchent sur la Bundesliga et raflent le Meisterschale ! Grand seigneur, alors même qu’il avait porté le brassard durant presque toute la saison, il partage avec Basti l’honneur d’aller soulever le Meisterschale après le dernier match contre Francfort. C’est ce jour-là qu’il avait sorti cet euphémisme dans un anglais mâtiné d’allemand « i think we have a grandios Saison gespielt ». A force de travail et de volonté, l’ancien gardien fantasque du BVB est devenu un modèle de régularité et, entre 2010 et 2014, il y a très peu de buts qu’on peut lui reprocher. Et, même quand il lui arrivait de commettre une petite erreur, elle ne portait pas à conséquence dans une équipe alors touchée par la grâce.

Le couronnement

Le BVB enchaîne la saison suivante avec un Roman Weidenfeller toujours impeccable dans les buts. Notre dernier rempart va connaître son heure de gloire le jour de grâce du 11 avril 2012, peut-être le sommet de sa carrière. Ce soir-là, le BVB reçoit le Bayern Munich pour la finalissima de la Bundesliga. Il reste cinq journées, nos Pöhler possèdent trois points d’avance sur le Rekordmeister qui peut donc faire rebondir le championnat en gagnant au Westfalenstadion. Mais Weidenfeller pare toutes les tentatives bavaroises. Mieux même, peu après l’ouverture du score sur la talonnade de Lewandowski (qui portait encore les bonnes couleurs), Weidi va écrire sa légende en détournant le pénalty d’Arjen Robben à trois minutes de la fin. « Weidenfeller hat ihn, Weidenfeller hat ihn, und er hält ihn fest, Weidenfeller hält diesen Elfmeter, wie er ihn Held, er ist der Held », en Nobby dans le texte. Le BVB s’impose 1-0 et file vers un deuxième Meisterschale d’affilé auquel personne ne croyait en début de saison.

Weidi manquera toutefois partiellement l’apothéose, le doublé avec la victoire 5-2 en finale de Pokal contre le Bayern : touché dans un contact, il sort sur blessure et doit être conduit à l’hôpital pour examens. Mais son remplaçant, Mitch Langerak, Lewandowski, Hummels, Kagawa, Großkreutz et les autres finiront le travail et Roman sera tout de juste de retour de l’hôpital pour aller soulever la DFB-Pokal avec ses potes. Pendant ses années fastes entre toutes, il est toujours resté proche des fans : après la Meisterfeier 2011 et la Doublefeier 2012, alors que des centaines des milliers des fans en liesse avaient fêté toute la journée dans les rues, il a les deux fois fini avec nous, les derniers rescapés de la méga-foire, à servir les bières derrière le bar du Bierhaus-Stade dans la nuit du dimanche au lundi…

Champion du monde !

Enfin reconnu, sur le tard, au plan national, Roman Weidenfeller va acquérir, à 32 ans, une renommée internationale lors de la saison 2012-2013. Il est l’un des acteurs majeurs de la folle épopée en Ligue des Champions qui va nous conduire jusqu’à la finale de Wembley. Las, malgré plusieurs parades décisives, il ne peut empêcher Robben de venir briser notre rêve à la dernière minute. Ses bonnes performances en Königsklasse vont enfin attirer l’attention du sélectionneur Joachim Löw et, le 19 novembre 2013, il fête sa première sélection avec un blanchissage et une victoire 1-0 à Wembley contre l’Angleterre. A 33 ans et 105 jours, détrônant ainsi le légendaire Toni Turek comme gardien le plus âgé à débuter avec la Mannschaft. En tout, il fêtera cinq sélections et fera partie du cadre de l’équipe d’Allemagne pour la Coupe du Monde 2014. Il n’y jouera pas une seule seconde, barré par l’indétrônable Manuel Neuer mais c’était déjà une sacrée récompense de figurer dans le cadre compte tenu de la pléthore de gardiens de qualité en Allemagne à cette époque. Et il a pu ainsi compléter son palmarès avec un titre de champion du monde !

Les lendemains qui déchantent

La suite fut moins glorieuse. La saison 2014-2015 est compliquée pour le Borussia, le club est encore dernier du classement en février, la magie Klopp n’opère plus et Jürgen annonce son retrait en fin de saison. Certes, le BVB opérera un magnifique redressement pour arracher une place européenne contre Brême lors de la dernière journée. Mais le ressort est cassé. Weidenfeller est moins impérial que par le passé, on pense notamment à une défaite à Francfort en novembre mais il y en a eu d’autres. Des tensions commencent à apparaître : Mats Hummels, promu capitaine après la retraite de Sebastian Kehl, en arrive même à reprocher à son gardien un coup franc encaissé lors d’une défaite à domicile contre Hanovre (0-1). Titulaire presque indiscutable pendant dix ans, Weidi commence à être remis en question et les dirigeants envisagent de lui trouver, sinon un successeur, au moins un vrai concurrent. La logique aurait voulu que ce soit Mitch Langerak, la fidèle doublure de Weidi depuis 2010, souvent décisif les rares fois où il a été amené à jouer, notamment contre le Bayern Munich, en 2011, en 2012 et surtout lors d’une série de pénaltys mythique lors de la 1/2 finale de Pokal 2015. Mais l’Australien, appelé à suppléer Weidenfeller sur les derniers matchs de la saison 2014-2015 ne saisit pas sa chance, en n’étant pas complètement irréprochable, notamment lors de la finale de Coupe perdue contre Wolfsburg pour les adieux dans la tristesse de Jürgen Klopp.

Le retour au banc

Pour remplacer Langerak, Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc jettent leur dévolu sur Roman Bürki. On pensait qu’il y aurait une vraie concurrence entre lui et Weidenfeller. En effet, avant d’arriver à Dortmund, le Suisse, tout prometteur qu’il fut, n’avait que peu de références : quelques saisons dans le milieu de classement en championnat suisse, une seule saison en Bundesliga ponctuée d’une relégation avec Freiburg (malgré des performances plutôt solides) et presque aucune expérience internationale. Mais le nouvel entraîneur Thomas Tuchel n’a jamais ouvert de concurrence entre ses gardiens et a immédiatement donné la préférence à l’Helvète. On peut mettre ce choix en relation avec l’obsession qu’a eue Tuchel, dès son arrivée à Dortmund, de se débarrasser de cette étiquette de Kloppo 2.0 dont il avait été affublé, à tort car il est difficile d’imaginer deux personnalités aussi dissemblables. Cela s’est vu au niveau du jeu : après des débuts prometteurs, Tuchel s’est perdu quand il a voulu achever sa révolution et définitivement rompre avec le système Klopp. Mais aussi au niveau des hommes avec un certain ostracisme envers de nombreux fidèles soldats de Klopp : Kevin Großkreutz et Jakub Blaszczykowski ont été les premières victimes mais Shinji Kagawa, Lars Bender, Nuri Sahin et bien sûr Neven Subotic ont aussi été réduits à jouer les utilités, l’une des raisons qui a produit les fracture rendant inéluctable le départ de l’ancien entraîneur de Mainz. Roman Weidenfeller en a aussi été victime. Au début, il n’a pas très bien pris son retour au statut de numéro 2 ; on se souvient de sa première entrée à l’échauffement dans son nouveau rôle : c’était à Klagenfurt, en éliminatoires d’Europa League, contre Wolfsberger AC. Il est arrivé quinze minutes après tout le monde et s’est contenté de quelques passes nonchalantes au milieu de terrain, sans se mêler à l’échauffement du gardien.

Professionnel jusqu’au bout

Mais cette mauvaise humeur n’a guère duré. Roman s’est remis à la tâche, consciencieusement et avec l’immense professionnalisme qui a marqué tout sa carrière. Il a accepté son nouveau rôle. Jamais on ne l’a entendu critiquer publiquement le choix de Tuchel. Pourtant, il aurait pu quand Bürki a connu des débuts difficiles à l’automne 2015 avec quelques bourdes, parfois sans conséquences (contre Paderborn en Pokal), d’autres beaucoup plus dommageables (notamment à Munich et à Cologne). Mais jamais Thomas Tuchel n’a remis en cause la hiérarchie de ses gardiens et Roman Bürki a fini par justifier cette confiance en livrant un deuxième tour très solide. L’actuel entraîneur du PSG avait toutefois promis à Weidi qu’il jouerait les Coupes (Pokal et Europa League). Mais il a trahi sa promesse : dès le printemps, c’est Bürki qui a tout joué. Sans pouvoir empêcher l’effondrement dans les dernières minutes à Anfield Road (4-3) en quart de finale d’Europa League et sans être le héros de la série de tirs au but perdue en finale de Pokal contre le Bayern. On imagine que Weidi a dû l’avoir saumâtre mais il s’est abstenu de toute polémique. Classe.

Sortie en demi-teinte

Roman Weidenfeller a donc débuté la seconde et dernière saison de Tuchel en numéro deux, se contentant de répondre présent les rares fois où l’on a fait appel à lui en l’absence de Bürki. Héros de la série de pénaltys contre Union Berlin en seizième de finale de Pokal, il a évité au BVB une élimination infamante à domicile contre une Zweite Liga. C’est assez piquant de constater que Tuchel doit en partie le premier (et seul à ce jour) trophée de sa carrière à un gardien qu’il n’a jamais considéré. Mais gageons que la victoire en finale de Pokal contre Francfort, vécue depuis le banc, n’a pas eu la même saveur pour Roman (comme pour tous les fans d’ailleurs) que celle de 2012 contre le Bayern. Et c’est également Weidi qui nous a assuré, grâce à plusieurs parades décisives à Bernabeu, la première place du groupe de Ligue des Champions devant le Real Madrid.

Le départ de Tuchel n’a rien changé. A l’aube d’une saison qu’il avait annoncé comme sa dernière, Roman Weidenfeller n’avait plus vraiment envie de se battre pour une place de titulaire, ni avec Peter Bosz ni avec Peter Stöger dans une saison très bien partie mais qui a vite tourné au cauchemar. C’est dans ce contexte un peu déprimant que Roman a tiré sa révérence. Tous les fans espéraient au moins que Stöger lui accorderait une sortie en beauté pour un dernier match officiel au Westfalenstadion, lors de la 33ème journée contre Mainz. Malheureusement, l’Autrichien n’offrira à notre Legende que les trois dernières minutes de la pantalonnade dans la sinistre Arena d’Hoffenheim à l’occasion de l’ultime journée. On n’épiloguera pas sur ce triste – justement – épilogue. Ce qu’on préfère retenir de ces deux dernières journées, c’est l’image de Weidi, mégaphone à la main, en train de lancer les chants au milieu des fans, devant la Südtribüne après Mainz et dans le Gästeblock à Sinsheim. Einmal Borusse, immer Borusse !

La grande famille

Son jubilé le vrai, Roman Weidenfeller l’a eu le 7 septembre dernier, devant plus de 70’000 fans au Westfalenstadion et c’était l’objet de l’article mais je me suis un peu égaré en route. C’est souvent comme cela quand je commence à écrire sur le BVB… L’affiche opposait les amis de Roman, essentiellement ses anciens coéquipiers de Kaiserslautern comme Olaf Marschall, Michael Ballack, Tim Wiese ou en équipe nationale comme Lukas Podolski, Per Mertesacker ou Christoph Kramer. En face, une sélection du BVB de ses quinze dernières années. Dans ce genre de match, le premier intérêt c’est de revoir des joueurs qui ont marqué nos vies, Frings, Koller, Evanilson, Amosoro, Santana, Subotic, Dede, Ricken, Großkreutz, Smolarek, Owomoyela, Ewerthon, Degen et bien d’autres. Toute la grande famille jaune et noire et pas mal de souvenirs qui défilent… On savait en revanche qu’il n’y avait pas beaucoup attendre sur le plan de jeu et ce fut effectivement le cas. Pourtant, c’est parti très fort : après moins de quatre minutes, Alexander Frei ouvre la marque pour le BVB en fusillant le malheureux Weidenfeller qui, en première mi-temps, gardait la cage de l’équipe de ses amis. Alex est toujours le même tueur devant le but et on a craint que, jubilé ou pas, il ne vienne gâcher la fête à Weidi en lui plantant un quadruplé comme à un vulgaire Barthez pour assouvir son inaltérable soif de but. C’est sûr qu’un score extravagant comme au jubilé de Dede, style 13-12, n’aurait pas été la meilleure manière de célébrer la sortie d’un gardien. Heureusement, Alex s’est vite calmé et Weidi a passé une suite de match beaucoup plus tranquille. Son équipe va même égaliser par Lukas Podolski avant que Mohamed Zidan ne redonne l’avantage au BVB. Mais, en fait, le meilleur moment de cette première mi-temps, ce fut sans doute l’interview en plein match de Jürgen Klopp, que tout le Westfalenstadion a été ravi de retrouver, hilare, sur le banc du Borussia.

La fête à Weidi

La première mi-temps n’avait déjà pas été trop engagée mais alors que dire de la deuxième ! Il n’y plus vraiment eu de match, même si l’on a pu constater que Tinga a toujours la même tignasse et la même énergie. Déjà, il m’a fallu un moment pour comprendre ce qu’il se passait : Weidenfeller a changé de côté à la pause pour finir devant la Südtribüne mais, comme il voulait jouer une période avec chaque équipe, les deux formations n’ont pas changé de camp à la pause. Et cette deuxième mi-temps a surtout été la fête à Weidi. Il a retenu deux pénaltys mais avec un mérite discutable puisque, sur celui de Podolski, Poldi lui a longuement indiqué le côté où il allait tirer avant de placer un tir tout mou sur le côté indiqué. Les deux buts marqués par notre gardien sont du même acabit, un pénalty et une traversée de terrain où tous les joueurs se sont écartés pour le laisser aller marquer. Bref, pas grand-chose à signaler, sinon que le BVB l’a emporté 4-1.

Emotions

Le vrai grand moment de la soirée est intervenu à la fin du match, lorsque tous les projecteurs du Westfalenstadion se sont éteints. Alors a retenti le « Can’t stop » de Red Hot Chili Peppers qui a accompagné Roman pendant toutes ces années pour son entrée à l’échauffement. Le rituel était immuable : Weidi, son remplaçant et l’entraîneur des gardiens Teddy de Beer arrivaient les premiers, la chanson retentissait, Roman venait saluer le mur puis celui-ci criait des « Teddy, Teddy » en l’honneur de notre vainqueur de la Pokal 1989, lui aussi parti à la retraite cet été. Cette entrée, on l’a vécue des dizaines, des centaines de fois. J’ai vu mon premier match au Westfalenstadion en 2005, Weidenfeller était déjà là. C’était le dernier rescapé de cette époque : Kehl a pris sa retraite et Sahin est parti, en plus il nous avait déjà quitté pour des escapades à Feyenoord, Real et Liverpool. Weidi, lui, avait toujours été là. Je me rends compte que, désormais, tous les joueurs actuels, je les ai vus débuter au BVB. C’est une page qui se tourne. En entendant cette musique pour la dernière fois en l’honneur de notre légendaire portier, je ne puis retenir mes larmes et je constate qu’il en va de même un peu partout dans le bloc. Dans la semi-obscurité du Westfalenstadion, tant de souvenirs, de joies, de peines, d’euphorie, d’énervement, défilent dans les têtes. Roman Weidenfeller n’est pas le joueur le plus talentueux qui a porté le maillot de notre club mais sa trajectoire a épousé comme peu d’autres celle du BVB : un homme qui n’était pas forcément destiné à une grande carrière mais qui s’est hissé vers les sommets à force de volonté, de travail et de détermination, un homme qui a traversé, avec des hauts et bas, les années de galère et de gloire du club, un vrai Borusse qui méritait bien l’hommage XXL des 70’000 fans du Westfalenstadion. Danke Weidi !!!


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