Le BVB a débarqué en Suisse pour son camp d’entraînement annuel à Bad Ragaz, le 1er août, jour de la fête nationale helvétique. Avec deux gardiens, un défenseur et un entraîneur suisses dans ses rangs. A la base, on ne trouve guère de points communs entre la Ruhr ouvrière, industrielle, hyperactive et plate et la Suisse, ses banques, son chocolat, sa quiétude, ses montagnes… Et pourtant, c’est une histoire d’amour qui dure depuis des années.
Pommes Rot-Weiβ
Le bâtiment dans lequel se trouvait le Gastätte Zum Wildschütz, où été fondé le BVB, à proximité de la Borisgplatz, abrite aujourd’hui un restaurant de frites. Si la décoration rappelle le jaune et noir du Borussia, le fast-food s’appelle le Pommes Rot-Weiss, les frites rouges et blanches. Soit les couleurs du drapeau suisse. A ma connaissance, il n’y a pas vraiment de rapport mais c’est un premier signe.
Premier Borusse en Coupe du Monde
C’est en Suisse que, pour la première fois, un joueur du Borussia Dortmund a disputé un match de Coupe du Monde. C’était le 20 juin 1954 à Bâle. Natif de Gelsenkirchen mais gardien du BVB entre 1952 et 1966, avec trois titres de champion en 1956, 1957 et 1963, Heinrich Kwiatkowski était le deuxième gardien de l’équipe d’Allemagne lors du mondial helvétique derrière le légendaire Toni Turek. Mais, lors de la deuxième journée, l’entraîneur Sepp Herberger décide d’aligner ses remplaçants contre l’ogre hongrois, préférant miser sur une victoire en match d’appui contre la Turquie que les Allemands avaient déjà battu en ouverture de tournoi (la formule était débile en 1954). C’est ainsi que le 20 juin 1954, Heinrich Kwiatkowski est devenu le premier Borusse à fouler une pelouse de Coupe du Monde, encaissant huit buts lors de la déroute de l’équipe B allemande contre la Hongrie (3-8).
Premier Borusse champion du monde
Le 4 juillet 1954, à Berne, l’Allemagne retrouve la Hongrie. Cette fois-ci, elle aligne sa meilleure équipe et bat les Magyars 3-2 à la surprise générale pour s’offrir sa première étoile. Heinrich Kwiatkowski avait retrouvé sa place sur le banc mais sa présence dans l’effectif a fait de lui le premier Borusse champion du monde.
Friedhelm « Timo » Konietzka
Friedhelm Konietzka est l’une des légendes du BVB, l’un des meilleurs attaquants de l’Histoire du club. En 183 matchs officiels avec le Borussia, il a inscrit 132 buts, soit une moyenne de 0,72 buts par match ! Il était de la partie lors du titre en 1963 et lors de la victoire en Pokal 1965. C’est lui qui a inscrit, le 24 août 1963, le premier but de l’Histoire de la Bundesliga après 58 secondes lors du match Brême – BVB. Il a également servi de détonateur pour le premier grand exploit européen du Borussia, le 5-0 de décembre 1963 contre Benfica, triple finaliste sortant de la Coupe d’Europe des Clubs Champions, en ouvrant le score.
Timo Konietzka est natif de Lünen, dans la banlieue nord de Dortmund, pas très loin de notre centre d’entraînement de Brackel. C’est donc un vrai Pöhler du Ruhrpott, passé dès l’âge de 15 ans, comme beaucoup de jeunes à l’époque, par la mine, à la Zeche Victoria, la brasserie, à la Dortmunder Union-Brauerei, et l’usine pour la Dortmunder Stadtwerker, avant que son talent pour le football lui permette d’échapper à son destin. Alors quel rapport avec la Suisse ? Certainement pas son surnom, Timo, dû à sa ressemblance avec le maréchal soviétique Semjon Timoschenko.
C’est après son départ de Dortmund que Timo Konietzka va s’helvètiser. Il a fait encore un passage à 1860 München où il gagne le titre en 1966 mais ensuite sa carrière va se poursuivre en Suisse, comme joueur d’abord au FC Winterthur puis au FC Zurich. Mais surtout comme entraîneur : il a dirigé les plus grands clubs de Suisse, Grasshopper Zürich, Young-Boys Bern et surtout son club, le FC Zürich, avec lequel il a remporté quatre titres de champion de Suisse et trois Coupes de Suisse. Le FC Zürich devra attendre trente ans et un certain Lucien Favre pour renouer avec de tels succès… Timo Konietzka a également amené le FCZ en demi-finale de Coupe des Champions en 1977, éliminé seulement par l’équipe qui dominait le foot européen d’alors, Liverpool. Il a tenté quelques retours comme entraîneur en Bundesliga mais sans grand succès, notamment en 1984 dans un BVB en pleine crise où le président Reinhard Rauball (déjà là) avait dû se séparer de Konietzka après que celui-ci ait dû quitter la conférence de presse sous escorte policière devant la colère des fans suite à une défaite 0-2 au Westfalenstadion contre Karlsruhe. Toutefois, lors d’une autre expérience malheureuse (une relégation) à Uerdingen, sa dernière pige comme entraîneur, Timo Konietzka a ramené en Allemagne un certain Stéphane Chapuisat.
Mais, depuis son arrivée en Suisse en 1967, Timo n’est jamais resté très loin de sa patrie d’adoption, dont il a fini par prendre la nationalité en 1988. C’est également en Suisse qu’il a pris sa retraite, à Brunnen, dans les paysages enchanteurs du Lac des Quatre-Cantons. C’est là que, atteint d’une maladie incurable, il a choisi de tirer sa révérence par le biais de l’assistance au suicide, après une dernière bière, en 2012.
Andy Egli
Andy Egli est le premier « vrai » suisse à avoir porté le maillot du BVB. C’était lors de la saison 1984-1985. C’était un attaquant puissant et au fort caractère, le genre de joueur adoré par les supporters de son club et détesté par tous les autres car il symbolisait l’arrogance de Grasshopper, son club, qui dominait le football suisse à l’époque. Le Borussia constitue sa seule expérience à l’étranger et elle a tourné court car elle n’a pas franchement été couronnée de succès. Arrivé dans les bagages de son ancien entraîneur à GC, Timo Konietzka, il n’a inscrit que six buts en trente et un matchs pour le BVB, ce qui est peu pour un attaquant étranger, surtout à une époque où le nombre de mercenaires était limité à trois par équipes. En revanche, les huit avertissements et le carton rouge récoltés constituaient un chiffre appréciable pour un attaquant. Il faut dire que le BVB avait connu une saison de turbulences, marquée par une crise sportive et organisationnelle qui avait contraint Reinhard Rauball à jouer pour la première (mais pas la dernière…) fois les sauveurs. Le BVB avait dû attendre la dernière journée pour se sauver de la relégation. Andy Egli avait toutefois quitté le club sur une bonne note en inscrivant le 2-0 contre Brême, 2e du classement, qui validait le maintien. A six minutes de la fin de la saison. Le Suisse est ensuite rentré au pays où il a encore remporté quelques titres avec GC, avant d’entamer une reconversion surprenante comme défenseur central, poste auquel il a ramené l’équipe de Suisse, aux côtés d’un certain Stéphane Chapuisat, à la Coupe du Monde en 1994, après 28 ans d’absence.
Ottmar Hitzfeld
Ottmar Hitzfeld est Allemand. Mais de Lörrach, dans le triangle frontalier franco-germano-suisse autour de Bâle et Mulhouse. Son parcours de footballeur l’a logiquement conduit à porter d’abord le maillot du grand club de la région, le FC Bâle, où il côtoie la légende du football péruvien Teofilo Cubillas, remporte deux titres de champion de Suisse et une Coupe. En 1975, il tente l’aventure dans son pays d’origine, au VfB Stuttgart, alors en Zweite Liga. Il y inscrira 33 buts en 55 matchs de Zweite Liga, participant activement à la remontée du club souabe en Bundesliga en 1977. Mais il ne parviendra pas à s’imposer après le retour dans l’élite. En 1978, après une seule saison jouée en Bundesliga, il décide de retourner en Suisse, à Lugano et Lucerne, où il finira sa carrière en 1983. Le joueur Hitzfeld n’a donc guère marqué les esprits en Allemagne, avec comme principaux titres de gloire une participation aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 et cette ascension en Bundesliga avec le VfB.
Ce n’était certainement pas suffisant pour prétendre entraîner directement un grand club allemand. Il a alors préparé une reconversion comme professeur de sport et de mathématiques, tout en tentant à côté une expérience d’entraîneur au SC Zug, petit club d’un paradis fiscal bien davantage connu pour les nombreuses sociétés écrans qu’il abrite que pour les exploits de ses footballeurs. Et pourtant, le succès est immédiat : dès sa première saison comme entraîneur, en 1983-1984, Gottmar amène le modeste SC Zug, pour la seule et unique fois de son histoire, en première division ! Ce succès lui vaut une promotion au FC Aarau, un autre club de province mais un peu mieux établi dans l’élite. Là aussi, le succès est immédiat : l’anonyme FC Aarau, habitué à jouer contre la relégation, finit vice-champion suisse derrière le Servette FC du meneur de jeu Lucien Favre, et remporte la Coupe de Suisse contre Neuchâtel-Xamax.
Ottmar Hitzfeld acquiert alors une réputation d’entraîneur à succès et, en 1988, c’est la consécration : on lui confie les rênes du club le plus titré du pays : Grasshopper-Club Zurich. En trois saisons à GC, Hitzfeld y remportera cinq trophées, le titre en 1990 (à égalité de points et grâce à une bizarrerie du règlement devant le Lausanne-Sports de Stéphane Chapuisat) et 1991, la Coupe en 1989 et 1990 et la Supercup en 1989.
Le «Suisse » Hitzfeld commence enfin à se faire un nom dans son pays d’origine, l’Allemagne, et, en 1991, c’est lui que choisit le Borussia Dortmund, qui renaît à l’ambition après près de trois décennies de galère, pour succéder à Horst Köppel, qui avait mis fin à la longue traversée du désert en gagnant la Pokal 1989. Dès sa première saison, Ottmar Hitzfeld est tout près de ramener le premier Meisterschale à Dortmund depuis 1963. Las, le BVB est finalement devancé à la différence de but par le VfB Stuttgart qui inscrit le but du titre par le champion du monde Guido Buchwald à la 86e minute de la dernière journée à Leverkusen. Mais l’Histoire est en marche et rien n’arrêtera plus le Borussia Dortmund d’Ottmar Hitzfeld vers son ascension vers les sommets : une finale de Coupe UEFA, perdue contre la Juventus, en 1993, le Meisterschale en 1995 et 1996 et, l’apothéose, la victoire en Ligue des Champions en 1997. On ne s’appesantira pas sur son passage au Bayern et les nombreux titres qu’il y a gagné, dont la Ligue des Champions 2001.
Evidemment, ces succès vaudront à Ottmar Hitzfeld une reconnaissance tardive dans son Allemagne natale. Mais, en Suisse, nous l’avons toujours considéré comme l’un des nôtres et avons toujours suivi avec fierté le parcours d’un homme qui s’est construit dans notre modeste championnat. Et lui n’a jamais oublié sa patrie d’adoption, même s’il n’en a jamais pris la nationalité. En 2004, après le fiasco de l’Euro et la démission de Rudi Völler, Ottmar Hitzfeld se voit proposer de reprendre l’équipe d’Allemagne pour préparer la Coupe du Monde 2006 à domicile. Il refuse. Peut-être parce que, horrifié par les prestations de la Mannschaft au Portugal, il n’a pas voulu écorner son prestige dans cette galère, Otto Rehhagel, champion d’Europe avec la Grèce, avait également refusé. En revanche, en 2008, il a dit oui à l’équipe de Suisse après la débâcle de l’Euro à domicile. Son passage à la tête de la Nati a laissé un souvenir mitigé, on lui a souvent reproché des choix frileux, un salaire exorbitant et un manque de passion, même si, pour son dernier match, il a été tout proche d’éliminer l’Argentine de Lionel Messi en huitième de finale de la Coupe du Monde 2014. Mais on retiendra surtout que c’est avec lui qu’à véritablement commencé l’histoire d’amour entre le BVB et la Suisse. Lui et le joueur qu’il amené dans ses bagages dès son arrivée au Westfalenstadion : Stéphane Chapuisat.
Stéphane Chapuisat
Fils du joueur qui a brisé la carrière de Lucien Favre, Stéphane Chapuisat va rapidement se faire un prénom dans le football suisse. Ailier gauche au style fulgurant, très adroit devant le but, celui qu’on appelait alors « Steph » s’impose d’abord dans le club de sa région, le Lausanne-Sports, qu’il faillit conduire à un titre complètement inattendu en 1990 face à l’ogre Grasshopper d’Ottmar Hitzfeld. Mais, en décembre 1990, il plante son club de Lausanne, qui paraissait en mesure d’aller chercher le titre, pour l’inconnu Uerdingen où ne il restera que six mois, marqués par une blessure et une relégation. Mais un certain Ottmar Hitzfeld vient d’arriver au Borussia Dortmund et il n’a pas oublié cet attaquant virevoltant qui avait failli le priver du titre de champion de Suisse en 1990. Au début, les avis sont mitigés : c’est qui cet entraîneur peu connu venu de Suisse qui s’empresse de faire venir un « compatriote », lui aussi inconnu et qui n’a pas franchement marqué les esprits lors de ses six premiers mois en Bundesliga ?
Mais les sceptiques vont rapidement être convaincus. Son style de jeu spectaculaire, son crochet du gauche spectaculaire, sa gentillesse et sa simplicité dans la vie contrastant avec une combativité, une prise de risque et une provocation constante sur le terrain, vont en faire l’un des chouchous des fans : Steph devient Chappi, l’une des idoles de la Südtribüne, l’un des rares à avoir droit à une chanson à son nom. Il enquille vingt buts pour sa première saison au BVB qu’il sera tout près d’emmener au Meisterschale en 1992 (voir ci-dessus). En huit saisons au BVB, il finira six fois meilleur buteur du club ! Et il est longtemps resté comme le meilleur buteur étranger de l’histoire du BVB. Seules quelques blessures, dont l’une assez sérieuses après un choc à l’entraînement avec l’entraîneur adjoint Michael Skibbe, freineront quelque peu son irrésistible trajectoire. Il a néanmoins été un élément clé de tous les succès de l’ère Hitzfeld, le leader de l’attaque. C’est un peu cruel pour lui car, le jour de grâce du 28 mai 1997, lors de la victoire en Ligue des Champions, l’Histoire retiendra surtout son compère d’attaque Kalle Riedle, habituellement beaucoup moins prolifique que lui mais auteur d’un doublé ce soir-là, et Lars Ricken, qui a inscrit le 3-1 d’un lob d’anthologie quelques secondes après avoir remplacé Chappi.
Mais cela n’empêche pas Stéphane Chapuisat de faire partie des légendes du club, lui qui a participé et a été l’un des principaux acteurs de la folle ascension du BVB, du milieu de classement de la Bundesliga au sommet de l’Europe. Et, alors qu’il était devenu l’un des attaquant les plus convoités d’Europe, il a toujours décliné les offres, parfois très lucratives venues, notamment, d’Italie : il se sentait bien au BVB, c’était son club et il ne voyait aucune raison d’aller voir ailleurs. Il ne le quittera que pour trouver un peu de tranquillité et prendre une pré-retraite en Suisse. Aujourd’hui, Stéphane Chapuisat est toujours actif en jaune et noir. Il continue d’enquiller les buts en seniors avec le club de ses juniors, l’ES Malley, il joue les ambassadeurs et entraîne les jeunes attaquants pour Young Boys Bern, le club champion de Suisse, et on le voit de temps sous les couleurs de l’équipe des légendes du BVB ou comme guide d’avant-match au Westfalenstadion. Trois clubs qui jouent en jaune et noir…
Wolfgang Frank
Wolfgang Frank fut un attaquant relativement modeste du football allemand, passant notamment quatre saisons au BVB sans parvenir à s’imposer comme titulaire, entre 1977 et 1980, avant d’aller finir sa carrière dans l’anonymat de la deuxième division suisse, au FC Glaris. Comme entraîneur, il a dirigé une quinzaine de clubs de seconde zone, jamais en Bundesliga, avec comme principaux titres de gloire une finale de Pokal avec le Rot-Weiss Essen et une promotion en Zweite Liga avec Unterhaching. Et pourtant, il est considéré comme le père du renouveau du football allemand. L’Allemagne s’est longtemps complètement désintéressée de toute considération tactique après le titre de champion du monde en 1990, préférant tout miser sur la puissance physique. Wolfgang Frank est celui qui a réintroduit la tactique au cœur du football allemand. La défense en ligne, le pressing agressif, les transitions ultrarapides vers l’avant, c’est lui qui a introduit toutes ces notions en Allemagne. Lui est sans doute arrivé trop tôt pour bénéficier de sa révolution, un précurseur avant-gardiste et incompris, comme Jan Böklov, l’inventeur du style en V au saut à ski. Peut-être aussi qu’il était trop rigide et exigeant dans son management. Mais il a inspiré toute une génération d’entraîneurs allemands, à commencer par Joachim Löw qu’il a dirigé au FC Winterthur en deuxième division helvétique et qui a reconnu que c’est en Suisse qu’il a découvert les notions tactiques et sa vocation d’entraîneur.
Mais c’est surtout lors de son passage à Mainz entre 1995 et 2000 que Wolfgang Frank a influencé le football allemand. Toute une série de joueurs ayant joué sous ses ordres dans le Karnevalsverein et s’étant inspiré de ses méthodes ont ensuite entamé une carrière d’entraîneur à succès : Peter Neururer, Jürgen Kramny (ex-Stuttgart), Torsten Lieberknecht (qui a amené Braunschweig en Bundesliga avec des moyens dérisoires), Sandro Schwarz (l’actuel entraîneur de Mainz) et, surtout, Jürgen Klopp. Dans la biographie « Ich mag’s wenn kracht » sur l’actuel entraîneur de Liverpool, pas moins de 31 pages sont consacrées à Wolfgang Frank, dont l’un des fils vient d’être engagé comme scout au BVB. Jürgen Klopp n’y tarit pas d’éloge sur son mentor et modèle Wolfgang Frank « Tu étais un entraîneur de Bundesliga, même si tu n’y as jamais travaillé. J’ai dit à plus de cent joueurs que Wolfgang a inspiré une génération complète de footballeur et l’inspire encore aujourd’hui. Il était l’entraîneur qui m’a le plus inspiré. C’était un homme exceptionnel. » Ces mots, Kloppo les a prononcés lors de l’enterrement de celui qui lui a tant appris, décédé en 2013 d’une tumeur. Quelques mois auparavant, juste avant la finale de la Ligue des Champions à Wembley, Jürgen Klopp envoyait ce SMS à son ami Frank : « Sans toi, je ne serais jamais ici, à Londres, au stade de Wembley. »
Or, ces méthodes révolutionnaires, c’est en Suisse que Wolfgang Frank les a développées pendant près de dix ans, passant des heures à étudier le système de son modèle à lui, le Milan AC d’Arrigo Sacchi, mais aussi, plus modestement, de Daniel Jeandupeux, l’ancien mentor de Lucien Favre à Toulouse, dans de petits clubs de province : au FC Glaris, puis au FC Aarau qu’il a emmené, comme Ottmar Hitzfeld quelques années auparavant, en finale de Coupe de Suisse (mais en la perdant contre le Grasshopper de … Hitzfeld), au FC Wettingen et au FC Winterthur. Ainsi donc, les deux entraîneurs les plus titrés de l’histoire du BVB se sont inspirés de méthodes d’abord expérimentées dans les tréfonds du championnat helvétique, Ottmar Hitzfeld puis, via son mentor Wolfgang Frank, Jürgen Klopp. Cela tombe bien : c’est aussi là que Lucien Favre a commencé sa carrière d’entraîneur…
Philipp Degen
Philipp Degen était un latéral droit offensif généreux mais peu rigoureux et assez imprécis. Les mauvaises langues prétendaient que ses spécialités étaient le centre derrière le but, le marquage à l’extérieur et le coupage du hors-jeu. Néanmoins, ces aller-retours inlassables plaisaient aux fans, même si Degen les irritaient parfois (souvent) par ses étourderies. Il connaît un début de carrière fulgurant avec trois titres de champion suisse et quelques exploits en Ligue des Champions à l’âge de 22 ans avec le FC Bâle. Après une première sélection dans un amical pour beurre, il fête ses débuts en match à enjeu en équipe nationale suisse au Stade de France, en même temps que le jeune Gunner Philippe Senderos. Le pari est réussi : avec sa défense biberon, la Suisse tient le 0-0, soutenue par 20’000 fans qui avaient complètement éclipsé les pâles spectateurs français, et contraint Raymond Domenech, craignant une non-qualification pour la Coupe du Monde 2006, à rappeler Zinedine Zidane, Claude Makélé et Lilian Thuram en équipe de France.
Ces débuts précoces permettent à Philipp Degen de signer au Borussia Dortmund où il évoluera durant trois saisons, généralement comme titulaire, entre 2005 et 2008. Il est clair que les problèmes financiers du club et la cure d’austérité imposée à l’époque ont sans doute largement contribué à permettre à un joueur aussi limité techniquement et tactiquement que le Bâlois de jouer dans un club aussi prestigieux que le BVB. Il est aussi assez révélateur d’une époque où la Bundesliga n’attachait que peu d’importance à la rigueur tactique et où l’on demandait surtout aux latéraux d’enchaîner les sprints dans leur couloir plus que de délivrer des caviars aux attaquant ou d’assurer un marquage inflexible. L’arrivée d’entraîneurs comme Jürgen Klopp va radicalement changer la donne. Degen a quitté le BVB au moment de l’arrivée de Kloppo, en partance pour Liverpool. Ce transfert avait beaucoup surpris en son temps, on s’étonnait qu’un entraîneur aussi rigoureux que Rafael Benitez, alors à la tête des Reds, s’intéresse à un joueur aussi fantasque. Et, effectivement, le Suisse n’a que très peu joué à Anfield, avant de revenir dans les rangs de son FC Bâle, avec lequel il a fêté au total huit titres de champion de Suisse. Mais il a laissé au BVB une image assez sympathique. Et il plaisait beaucoup aux jeunes filles, suscitant quelques nouvelles vocations de supportrices du Borussia en Suisse…
Suisse – Togo
Le 19 juin 2006 restera à tout jamais une date marquée d’une pierre blanche dans l’histoire du sport helvétique. Ce jour-là, le petit pays confédéré connaît la plus grande transhumance de supporters de son histoire. Quelques 100’000 Helvètes débarquent à Dortmund. 50’000 trouveront une place parmi les 65’000 sièges du Westfalenstadion, les 50’000 autres regarderont le match à la Fan Fest ou dans les bars de la ville. Les trains, les autoroutes, les places, les bars de Dortmund et de des villes alentours, tout était rouge dans le Pott ce jour-là.
Pourquoi un tel engouement pour un banal Suisse – Togo ? Déjà, la Suisse avait vibré comme jamais pour son équipe nationale lors des qualifications, avec d’abord un duel à trois passionnant entre la France, la Suisse et l’Irlande puis surtout un barrage retour vénéneux à Istanbul dans une ambiance d’hostilité et de haine invraisemblables : interminables formalités douanières à l’aéroport pour l’arrivée des joueurs, concerts de sifflets et klaxons sous les fenêtres de l’hôtel de l’équipe la veille du match, huées incessantes à chaque touche de balle, jets continus d’objets et gros bras de mafias d’extrême-droite dans les couloirs du stade pour intimider et agresser les joueurs. Mais finalement, au terme d’un suspense insoutenable et grâce aux deux but marqués à l’extérieur par Alex Frei et Marco Streller, la Suisse s’était sortie du traquenard tendu par l’entraîneur turc Fatih Terim. Et tout un pays s’était enflammé pour le courage héroïque de son équipe dans cette atmosphère nauséabonde.
La Coupe du Monde en Allemagne avait plutôt bien débuté avec un nul 0-0 à Stuttgart contre la France, avec déjà une surreprésentation massive des fans en rouge en tribunes. Puis arrivait ce match contre le Togo. C’était un lundi, l’occasion d’un week-end prolongé dans le Ruhrpott et, comme l’affiche n’intéressait guère les Allemands, c’était relativement facile d’obtenir des tickets. Et puis, surtout, c’était à Dortmund, dans ce mythique Westfalenstadion qui avait si souvent vibré par le passé aux exploits d’Hitzfeld et Chapuisat. C’est donc tout un pays qui s’est mis en marche pour ce Suisse – Togo, qui a bien failli ne pas avoir lieu : les Togolais menaçaient de faire grève pour une sombre histoire de primes impayées et, alors que les chants à la gloire de la Nati envahissaient les rues de Dortmund depuis trois jours, nous n’étions toujours pas certains de finir par voir du foot. Mais finalement, le match a eu lieu. La Suisse a mal joué ; elle a rapidement ouvert le score par Alexander Frei, qui venait de signer au BVB en provenance de Rennes et inscrivait là son premier but dans un stade dont il allait devenir, sous un autre maillot, l’une des idoles. Mais ensuite, la Nati, comme tétanisée par l’ambiance délirante, a déjoué ; elle a eu beaucoup de chance que l’arbitre oublie un pénalty assez évident pour une faute sur Adebayor, avant que Tranquillo Barnetta n’inscrive le 2-0 dans les dernières minutes pour libérer les 100’000 Helvètes de Dortmund et tout un peuple.
Mais, même si ce n’était que le Togo en face, les images de ce Westfalenstadion tout en rouge, où les maillots de 3000 Togolais en jaune, habituellement dominant en ces lieux, étaient noyés dans la marée, resteront inscrits à jamais dans la mythologie helvétique. Nous étions 100’000 ce jour-là mais il doit y avoir au moins 3’000’000 de Suisses qui affirment aujourd’hui qu’ils étaient à Dortmund le 19 juin 2006. Même si l’aventure Coupe du Monde 2006 de la Nati s’est mal terminée, avec une élimination peu glorieuse, voire grotesque, contre l’Ukraine en huitième de finale, les trois jours de fête ininterrompus dans les rues de Dortmund et la communion avec les fans locaux, tout surpris de voir pareil engouement pour ce match anonyme qu’ils avaient largement boudé, a définitivement cimenté l’histoire d’amour entre la Suisse et Dortmund.
Alexander Frei
Et le soufflé n’a pas eu le temps de retomber car, dès la Coupe du Monde terminée, un autre Suisse va mettre le feu au Westfalenstadion : Alexander Frei. Bâlois d’origine, il passe une partie de son enfance à Begnins, dans le Canton de Vaud, le canton d’origine de Stéphane Chapuisat et Lucien Favre, dans la partie francophone du pays, d’où il gardera une parfaite maîtrise de la langue française. Il débute dans l’élite au FC Bâle, devenu la puissance dominante du football suisse. Mais, comme nul n’est prophète en son pays, il n’aura pas vraiment sa chance dans sa région d’origine où il ne deviendra une idole que sur la fin de sa carrière. Alex est d’abord parti sur les routes de l’exil : Thoune, Lucerne et surtout Servette Genève. Partout, il enchaîne les buts et en particulier à Genève sous la direction d’un certain Lucien Favre.
Alex Frei était un footballeur attachant, un vrai chasseur de but, une forte personnalité, plein d’humour et de franchise, un mec qui ne savait pas manier la langue de bois, ce qui lui a valu parfois quelques inimités. Et un écorché vif, aux réactions parfois un peu trop véhémentes, comme ce crachat dans la nuque de Steven Gerrard lors de Suisse – Angleterre qui lui a valu une suspension pour le match décisif contre la France lors des phases des groupes de l’Euro 2004. Mais ses buts à répétition, à Servette et en équipe de Suisse, lui permette d’être engagé au Stade Rennais en janvier 2003. Les débuts sont difficile, il joue peu et est parfois même envoyé en réserve. Toute la Suisse s’inquiète de voir son buteur vedette en difficultés et lui enjoint de quitter la Bretagne mais Alex est un obstiné : il s’entête et finit par s’imposer à Rennes. Lors de sa première saison complète en Ligue 1 (2003-2004), il claque 20 buts, finissant deuxième buteur derrière Djibril Cissé mais devant Didier Drogba. Il s’est révélé aux yeux du public français en passant quatre buts à Fabien Barthez lors d’une victoire 4-3 contre Marseille, finaliste de la Coupe UEFA cette année-là, en mars 2004. Il enchaîne avec une nouvelle saison à 20 buts, terminant cette fois-ci meilleur buteur de Ligue 1, où le duo magique qu’il forme avec Olivier Monterrubio permet à Rennes de terminer quatrième du classement. Sa troisième saison à Rennes est perturbée par une blessure mais il a acquis un statut qui lui permet de passer à l’échelon supérieur : le Borussia Dortmund qu’il rejoint juste après la Coupe du Monde 2006 pour cinq millions d’euro, un gros investissement pour un club aux finances précaires.
Le BVB connaît un premier tour difficile et l’entraîneur Bert van Marwijk est limogé juste avant Noël. Son successeur, Jürgen Röber, va connaître des débuts retentissants en ouverture du second tour sous la neige avec une victoire de prestige 3-2 contre le Bayern, avec un doublé d’Alex Frei, qui permet au buteur suisse d’entraîner une première fois dans le cœur des supporters. Mais Röber ne confirme pas et il est viré en mars après trois défaites à Hanovre, au Westfalenstadion contre Cottbus et à Bochum dans le klein Revierderby. Thomas Doll débarque alors dans un club sérieusement menacé de relégation. Alors que le rival Schalke caracole en tête du classement. Les Blauen ont un fantasme : ils se déplacent au Westfalenstadion lors de la 33e journée et le classement leur laisse espérer que ce jour-là ils pourraient à la fois être sacrés champions et reléguer le BVB, dans l’antre de leur rival de toujours. Mais le Borussia redresse la barre et un doublé d’Alex Frei contre Francfort au Westfalenstadion lors de la 31ème journée sort le BVB de la zone rouge.
Mais l’autre péril demeure : Schalke est toujours leader avec un point d’avance sur Stuttgart, il pourrait remporter le Meisterschale en s’imposant au Westfalenstadion et si le VfB, qui joue à quelques kilomètres de là, à Bochum, est battu. Plus de 60’000 fans königsblaue se massent dans la Veltins Arena devant des écrans géants dans l’espoir de fêter le titre. Gerald Aasamoh, figure honnie du Westfalenstadion, a promis de rentrer à pied si Null Vier gagne le titre sur le terrain de son pire ennemi. Et lorsque Stuttgart encaisse le premier but à Bochum, Schalke n’est plus qu’à une réussite de son premier titre depuis 1958. Le BVB n’a plus rien à jouer dans cette saison 2006-2007 mais il faut absolument empêcher l’impensable : laisser filer le Meisterschale à Herne-West. Et, peu avant la mi-temps, Alex Frei va libérer le Westfalenstadion en reprenant un centre de Christoph Metzelder, devenant ainsi Derbyheld pour l’éternité. En deuxième mi-temps, Smolarek assure la victoire du BVB, Stuttgart retourne la situation à Bochum (2-3), dépasse Schalke en tête du classement et est sacré champion une semaine plus tard en battant Cottbus. Cette victoire du 12 mai 2007, brisant les rêves de Meisterschale de Schalke, est encore aujourd’hui commémorée à Dortmund au même titre qu’un Meisterschale ou le sacre en Ligue des Champions et ces protagonistes, dont Alex Frei, célébré comme des héros.
La saison suivante, blessé Alex Frei dispute moins de la moitié des matchs, et il ne peut empêcher la défaite en prolongations lors de la finale de Pokal contre Bayern. Le BVB ne termine que 13e de la Bundesliga et Thomas Doll laisse sa place à Jürgen Klopp. Kloppo joue son premier Derby lors de la 4e journée, au Westfalenstadion. Schalke mène 0-3 à la pause. Jürgen Klopp tente alors un coup de poker en faisant rentré Alex Frei à la mi-temps, encore convalescent : Alex avait en effet subi quelques mois plus tôt la plus grande désillusion de sa carrière en devant sortir, sur blessure et en larmes, avant même la mi-temps, du match d’ouverture de son Euro à domicile, chez lui à Bâle, contre la République Tchèque. Et en devant assister, impuissant, à l’élimination sans gloire de son équipe de Suisse après seulement deux maths. Mais il va signer un retour tonitruant dans ce Derby devenu mythique : c’est lui qui tire le corner qui permet à Neven Subotic de marquer le but de l’espoir à un peu plus de vingt minutes. Puis il signe un doublé, d’une volée somptueuse même si entachée d’un hors-jeu, puis en transformant un pénalty à la dernière minute devant la Südtribüne pour le 3-3 dans un délire et une Bierdusche indescriptibles. Derbyheld pour toujours. Mais, en fin de saison, malgré les 12 buts inscrits par Frei, le BVB manque la qualification européenne de justesse, dépassé sur le fil par Hambourg.
Il restait un an de contrat au buteur suisse et se pose alors la question de son avenir. Ses relations avec Jürgen Klopp n’étaient pas au beau fixe : lui voulait jouer seul en pointe pour disposer d’une certaine liberté alors que Kloppo, qui ne jurait alors que par le 4-4-2, persistait à lui adjoindre, voire lui substituer, un attaquant beaucoup moins efficace mais plus appliqué au pressing, Zidan et/ou Valdez. Accessoirement, à 30 ans, Alex n’avait qu’une malheureuse Coupe de Suisse à son palmarès avec Servette et n’avait jamais joué la Ligue des Champions. Et, à l’été 2009, il paraissait inimaginable qu’il puisse gagner des titres ou jouer la Königsklasse avec le BVB à court ou moyen terme. Les parties se sont donc séparées en bons termes pour deal gagnant-gagnant-gagnant : Frei est retourné à Bâle où il a pu gagner quatre titre de champion suisse, une coupe de Suisse et jouer la Ligue des Champions avec le club de sa ville natale alors que le Borussia a pu réinvestir l’indemnité versée par le FC Bâle dans l’acquisition de Lucas Barrios, plus jeune, au style de jeu mieux adapté aux exigences de Jürgen Klopp et qui sera l’un des grands artisans du titre en 2011.
Bien sûr, on a quelques regrets sur le passage d’Alex Frei à Dortmund. Sa trajectoire au Borussia a été perturbée par les blessures, il est arrivé dans les années compliquées du club et il est parti trop tôt, au moment où le succès commençait à revenir. Mais il est Derbyheld et cela vaut tous les titres du monde !
Mladen Petric
Même s’il a joué 45 matchs pour l’équipe de Croatie, Mladen Petric est suisse. Double-national croato-suisse en fait. Si ses parents sont effectivement originaires de Croatie (à l’époque de Yougoslavie), ils ont émigré en Suisse alors que Mladen était encore enfant. Il a donc grandi, été élevé et formé en Suisse. C’est avec la Suisse qu’il a joué en équipe nationale juniors. C’est dire si sa décision, en 2001, de choisir de jouer pour la Croatie, un pays qu’il ne connaissait guère, avait été mal ressentie en Suisse. Surtout que dans la même période, trois autres joueurs formés en Suisse mais d’origine balkanique, l’Albanais Lorick Cana, le Serbe Zdravko Kuzmanovic et le Croate Ivan Rakitic, avait également choisi de jouer pour leur pays d’origine. Le choix de Petric avait sans doute été dicté par l’espoir (finalement déçu) de jouer la Coupe du Monde 2002 avec la Croatie, perspective que la Suisse ne pouvait pas lui offrir puisqu’elle n’était pas qualifiée. Mais ce choix lui a valu une étiquette de traître qui l’a poursuivi durant toute sa carrière. Traître parce qu’il a préféré la Croatie à la Suisse. Traître lorsqu’il est passé de son club formateur Grasshopper, l’ancienne puissance dominante du football helvétique, au FC Bâle, qui était en train de supplanter sportivement et financièrement son rival zurichois de toujours pour devenir le club numéro 1 en Suisse. Traître enfin lorsqu’il a été transféré du Borussia Dortmund au SV Hambourg à l’été 2008 quelques jours seulement après avoir annoncé son intention de rester au BVB. Les fans schwarzgelbe ne lui ont jamais pardonné et l’ont copieusement hué à chacun de ses retours au Westfalenstadion. A sa décharge, ce transfert avait été réalisé avec l’assentiment, voire la bénédiction, de son entraîneur et de ses dirigeants. Jürgen Klopp n’était pas convaincu de pouvoir travailler avec un joueur doué mais parfois nonchalant et pas très assidu au pressing, il a préféré l’échanger contre son ancien poulain à Mainz, Mohamed Zidan, en disgrâce à Hambourg. Et Hans-Joachim Watzke voyait d’un bon œil les quelques 8 millions d’euros que le HSV versait en prime dans l’échange. Oui, aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, il y a dix ans, le SV Hambourg était lui devant le BVB, sportivement et financièrement.
Les fans avaient été courroucés par le départ de joueur le plus talentueux de l’effectif, juste avant le début de saison, perçu comme un manque d’ambition. Le départ de Michael Zorc avait même été demandé lors d’un déplacement à Leverkusen. Si le départ Mladen Petric avait été autant critiqué, c’est qu’il avait su se rendre indispensable lors de la seule saison qu’il passée au BVB, 2007-2008. Arrivé après trois titres de champion de Suisse (un avec Grasshopper et deux avec Bâle), une Coupe de Suisse et un titre de meilleur buteur du championnat, il s’était rapidement imposé comme le leader de l’offensive jaune et noire. Le BVB avait raté sa saison mais les 13 buts inscrits par le Croato-Suisse lui avaient au moins évité d’avoir à lutter contre la relégation. Et Petric avait inscrit le but égalisateur à la dernière minute de la finale de Pokal contre le Bayern Munich, arrachant des prolongations inespérées pour un Borussia largement dominé durant la majeure partie de la rencontre. Malheureusement, deux parades d’Oliver Kahn et un but de Luca Toni, au moment où le BVB semblait en mesure de créer la sensation, ont empêché Mladen Petric de laisser un trace plus glorieuse dans la grande Histoire schwarzgelbe.
Préparation
Depuis plus de 30 ans, le BVB effectue régulièrement ses préparations estivales en Suisse. Entre 1984 et 2002, le Borussia a disputé régulièrement le tournoi de Kriens, au bucolique stade du Kleinfeld, dans la banlieue de Lucerne, tournoi qu’il a remporté en 1997, 2001 et 2002. Le BVB a également disputé l’OBI-Cup à Berne et la Coupe Horlogère à Granges. En dehors de ces tournois de préparation, de nombreux stades suisses ont également eu l’honneur d’accueillir le Borussia ces dernières années pour des matchs amicaux estivaux : Bern, Bâle, Lucerne, Granges, St. Gall, Tuggen, Rapperswil, Winterthur, auxquels on peut presque ajouter Altach, situé en en Autriche mais dont le stade, le long de la Schweizerstraße, est sis à quelques centaines de mètres du Rhin qui marque la frontière austro-suisse. Il y a une dizaine d’années, l’Office fédérale suisse du Tourisme était même devenu partenaire du BVB. Et depuis huit ans maintenant, le camp d’entraînement d’été se déroule systématiquement dans la station thermale de Bad Ragaz dans le Heidiland saint-gallois.
Cette fidélité s’explique bien sûr d’abord par la qualité des infrastructures. Mais aussi par la relative fraîcheur, l’altitude (même si Bad Ragaz n’est qu’à 500m d’altitude), la tranquillité qui permet de travailler loin de l’hystérie médiatique et par la présence de très nombreuses équipes européennes préparant leur saison en Suisse, ce qui facilite l’organisation de matchs amicaux. Et surtout, le BVB compte une importante communauté de fans en Suisse, ce qui permet d’organiser entraînements publics et matchs amicaux avec un important soutien populaire. Il y a bien sûr quelques centaines de fans qui descendent de la Ruhr ou d’Allemagne ou organisent leurs vacances en fonction du BVB mais l’immense majorité des supporters en jaune qui garnissent copieusement les stades lors des amicaux estivaux sont des Suisses, tous heureux que, une fois dans la saison, ce soit leur équipe qui vienne à eux et non l’inverse.
Fans
Car, depuis l’époque Hitzfeld et Chapuisat, le BVB est très populaire en Suisse. Cet engouement ne s’est jamais démenti. Même pendant les années de galère qui ont suivi le crash de 2005, de nombreux Helvètes ont continué à prendre régulièrement le chemin du Westfalenstadion.
Il existe de nombreux Fanclubs en Suisse et des cars sont organisés pour chaque match à domicile et parfois aussi à l’extérieur, surtout dans le Sud de l’Allemagne, à proximité des frontières helvétiques.
Forcément, l’identité linguistique facilite les choses car la Suisse est en majeure partie germanophone, même si le cassé de caillou pratiqué en Suisse (le schwyzerdütsch, décliné en presque autant de versions qu’il y a de vallées) n’a qu’un lointain cousinage avec le Hochdeutsch et reste souvent incompréhensible, même pour un Allemand. Mais le BVB recrute aussi des partisans dans la partie francophone, celle de Stépahne Chapuisat, et l’arrivée d’un autre Romand au Borussia, Lucien Favre, ne va faire qu’accroître la popularité du BVB dans la petite Confédération helvétique. Depuis quelques semaines, il m’est difficile de sortir dans la rue sans que l’on ne me demande comment obtenir des billets pour le Westfalenstadion…
Roman Bürki, Manuel Akanji, Marvin Hitz, Lucien Favre
Aujourd’hui, plus que jamais, le jaune et noir du Borussia se mêle avec le rouge et blanc helvétique. Roman Bürki, Manuel Akanji, Marvin Hitz, Lucien Favre, ils sont désormais quatre Suisses sous la bannière du BVB. Pour écrire on l’espère quelques nouvelles pages glorieuses de l’improbable histoire d’amour entre le Borussia Dortmund et la Suisse.
1 commentaire
Logoz Christophe · 03/08/2018 à 18:26
Extraordinaire article ! Wouahh ! Je crois que c’est tout simplement impossible de mieux raconter le lien particulier existant entre le Borussia Dortmund et la Suisse ! Et je n’ose même pas te demander, Julien, le nombre d’heures qu’il t’a fallu pour pondre un article aussi documenté, précis et bien écrit !
Et en espérant, bien sûr, que nos quatre helvètes actuels, avec le magicien Lulu à la tête de l’équipe, renforcent encore un peu plus la légende ! 😉