Ce vendredi 30 mars, le BVB organise la traditionnelle Heinrich-Czerkus-Gedächtnislauf, une course commémorative en souvenir du premier gardien de l’Histoire du club et des 300 autres victimes du Karfreitagsmorde, le massacre du Vendredi Saint, l’exécution par les nazis de 300 travailleurs forcés et opposants au régime peu avant sa chute en 1945. La course arpente les lieux du drame entre le Kampfbahn Rote Erde et le mémorial du Bittermark à travers le somptueux Rombergpark, jadis un lieu de mort et de destruction, devenu un havre de paix et une oasis de verdure au sud de Dortmund.

Henrich Czerkus était le premier gardien du BVB. Non pas gardien au sens de gardien de but mais gardien de notre premier stade, la Weiße Wiese, son intendant, son jardinier. L’avènement du IIIe Reich va bouleverser sa vie. Déjà parce que l’effort de guerre nazi va conduire à la destruction de la Weiße Wiese pour laisser la place à l’extension du gigantesque complexe industriel de Westfalenhütte, contraignant le Borussia à quitter l’Innenstadt-Nord où il est né pour émigrer vers le sud de la ville et le Kampfbahn Rote Erde. Mais surtout parce qu’Heinrich Czerkus était élu communiste sous la République de Weimar et qu’il va donc entrer en résistance contre le régime d’Adolf Hitler. Arrêté par la Gestapo peu avant la fin de la deuxième guerre mondiale, Heinrich Czerkus fut interné au camp d’Hörde. Au printemps 1945, alors que l’armée américaine s’apprêtait à occuper Dortmund, les nazis vont commettre un dernier forfait en exécutant trois cent prisonniers, opposants et travailleurs forcés venus de France, Belgique, Russie, Yougoslavie, Pays-Bas ou Pologne. Ces massacres, qui ont eu lieu en plein week-end pascal, du 7 au 12 mars 1945, au Rombergpark et au Bittermark, sont restés connus sous le nom de Karfreitagsmorde, le massacre du Vendredi-Saint. Heinrich Czerkus faisait partie des victimes.

Gedächtnislauf

Pour rendre hommage à son ancien gardien et aux autres victimes du massacre, le BVB organise chaque année, depuis 2004, en collaboration avec une association d’amis de la nature, le Fanprojekt et le Fanclub Heinrich Czerkus, une marche du souvenir lors du week-end pascal. Il s’agit d’une course populaire, sans chronos, sans dossards, sans compétitions, ouverte à tous, juste pour le souvenir et le plaisir. Il n’y a pas de finance d’inscription mais il est possible de faire un don pour des œuvres caritatives. Cette année, la 14ème Heinrich-Czerkus-Gedächtnislauf a lieu le vendredi 30 mars, le Vendredi-Saint. Le rendez-vous est fixé à 12h au Stadion Rote Erde, à côté du Westfalenstadion, et le départ à 13h pour les randonneurs, 13h30 pour les cyclistes et les joggeurs. Car chacun est libre d’effectuer le parcours comme bon lui semble, marche, course, vélo… Le parcours début au Rote Erde et se termine au Bittermark, là où a été érigé un mémorial en souvenir des victimes du massacre, soit environ 7 kilomètres à travers le Rombergpark.

Un peu de géographie

Le Rombergpark, c’est un lieu qui fut jadis synonyme de mort et de destruction. Car, avant d’être le théâtre du massacre du Vendredi-Saint, le parc avait déjà subi en 1944 les bombardements alliés qui avaient en grande partie détruit le Schloss Brünninghausen, le château et son parc qui occupaient jusque-là les lieux. Après la guerre et ces sinistres événements, le Rombergpark a retrouvé sa vocation première et est devenu un jardin botanique. Le Rombergpark est situé au sud de la ville, quelques centaines de mètres au sud du Westfalenstadion, le long de la route B54 qui permet de quitter Dortmund pour rejoindre l’autoroute A45 qui mène vers le sud et Francfort à travers les collines verdoyantes du Sauerland. Depuis l’arrêt de métro éponyme, nous apercevons quelques-uns des monuments emblématiques de Dortmund : en face, de l’autre côté de la route, à l’est, le silo Hoesch et son aciérie, derniers vestiges du complexe industriel de Phoenix-West, reconverti en surfaces immobilières de luxe. Plein nord, se dresse fièrement la Florianturm, la plus haute tour de la ville, laquelle trône au milieu du Westfalenpark, que nous aurons l’occasion de te présenter prochainement. Enfin, au nord-est, au-dessus des frondaisons des arbres, nous apercevons les structures arachnéennes jaunes du Westfalenstadion.

Le parc

A l’entrée du parc, on trouve la seule tour rescapée du Schloss Brüninghausen et les derniers vestiges de ses douves qui ont survécu aux bombardements alliés.

Il y a également un poing levé vers le ciel, en signe de résistance au régime nazi. Le parc est divisé en plusieurs parties, symbolisant chaque continent en fonction des espèces végétales qui y sont plantées, originaires du monde entier. La végétation est donc très variée selon les endroits du parc, parfois touffue et foisonnante, beaucoup plus espacée à d’autres endroits, notamment dans la partie nord-américaine avec ses grands arbres aux troncs nus.

Au milieu du parc se trouvent les serres accueillant les espèces qui ne peuvent s’accommoder des rigueurs du climat du Ruhrpott. L’endroit est bien entretenu mais reste assez sauvage, c’est très différent des jardins à la française bien ordonnés du Westfalenpark. En ce dimanche matin, lors de notre visite, tout n’est que calme et tranquillité, difficile d’imaginer que la veille, à moins d’un kilomètre de là, 80000 fous furieux hurlaient leur joie de voir leur Borussia s’envoler en tête du classement (en l’occurrence, c’était au lendemain de la victoire 6-1 contre Gladbach, nostalgie…). Comme c’était à la fin de mois de septembre, les arbres commencent à prendre leurs couleurs automnales et le vert côtoie le jaune et le rouge dans les feuillages.

Nos amies les bêtes

Contrairement au zoo situé juste à côté, les animaux s’égaient en toute liberté au Rombergpark. Aux détours des allées, nous croisons des canards, des bernaches, des poules d’eau, des oies du Nil et autres palmipèdes que nous ne sommes pas parvenus à identifier. Dans l’un des lacs, des tortues paressent langoureusement au soleil alors que d’énormes carpes effleurent la surface de l’eau. Sous la végétation, des écureuils, à peine effarouchés par les visiteurs, préparent leurs provisions en vue de l’hiver qui s’annonçait.

Le Romberpark compte plusieurs lacs dont l’un aux allures un peu mystérieuses avec ses arbres immergés. Dans un coin du parc s’étend une vaste plaine marécageuse déboisée, alimentée par quelques ruisseaux aux eaux rougeâtres. En ces lieux, il est difficile d’imagine que nous nous trouvons en périphérie d’une ville de 550’000 habitants et à l’entrée de l’une des métropoles les plus industrialisées d’Europe. Nous l’avons déjà dit mais Dortmund est définitivement une ville de contrastes.

L’oasis de quiétude

Et à Dortmund, le BVB n’est jamais loin. Au détour d’une allée, nous entendons les cris du speaker qui animait le Famillientag, lequel avait lieu ce jour-là au zoo voisin. Nous croisons d’ailleurs des groupes d’enfants, sourires aux lèvres, tous contents d’avoir reçu leur ballon jaune à l’effigie de notre mascotte Emma et d’avoir vu Marco Reus nourrir les lamas ou Marcel Schmelzer jouer avec les singes. Mais nous nous éloignons rapidement pour retrouver la quiétude et la solitude du Romberpark, à peine troublée par quelques joggeurs ou promeneurs et, bien sûr, par le piaillement des oiseaux. N’étant pas plus passionné que cela par la botanique, je renonce à recenser toutes les variétés d’arbres et d’arbustes plus ou moins exotiques qu’accueille le parc, de même que je m’abstiens d’une visite sous la serre, l’été indien du Ruhrpott était trop beau ce jour-là pour aller s’enfermer. D’ordinaire, un week-end à Dortmund n’est que bruit, fureur et excitation à jongler entre stades, Biergarten, bars,  et discothèques, parfois (mais trop souvent quand même…) un peu de verdure, de délassement et de calme ne font pas de mal. Et le Rombergpark est l’endroit rêvé pour cela, que ce soit ce Vendredi-Saint pour l’Heinrich-Czerkus-Gedächtnislauf ou, plus individuellement, tout autre jour pour respirer le bon air pur du Ruhrpott au milieu des arbres, des fleurs et des écureuils.

 


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