Nous savions que nous pouvions battre le Bayern Munich, nous l’avions déjà fait quatre fois consécutives en championnat. Mais aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer, même dans ses rêves les plus fous, une telle démonstration : 5-2 contre une équipe qui s’apprêtait à jouer la finale de la Ligue des Champions une semaine plus tard ! Et c’est un petit Japonais, arrivé discrètement deux ans plus tôt de deuxième division nippone, qui a eu l’honneur d’inaugurer la fête de tirs…
Le contexte. Après avoir assuré son deuxième titre de champion d’Allemagne trois semaines plus tôt contre le Gladbach de Lucien Favre et reçu le Meisterschale la semaine précédente contre Freiburg, le BVB est en quête du premier doublé de son Histoire. En face, le Bayern Munich est avide de revanche ; les Bavarois ont déjà perdu la Bundesliga lors d’une soirée de folie au Westfalenstadion et ils restent sur quatre défaites d’affilé en championnat contre le BVB. Ils ne peuvent se permettre une nouvelle défaite une semaine avant leur Finale dahoam, la finale de la Ligue des Champions à domicile contre Chelsea. Et pourtant… Dès le vendredi soir et jusqu’à l’heure d’aller à l’Olympiastadion, c’est une fête monumentale à Berlin et en particulier sur la Breitscheidsplatz. Plus de 100’000 Borussen ont fait le déplacement de Berlin, près de 50’000 dans le stade, le reste devant l’écran géant installé dans la mythique Waldbühne ou dans les bars de la ville. Les Munichois eux sont très discrets ; on ne les verra guère plus sur le terrain…
Le but. « Gewinnt für uns das Spiel heut’ une werdet uns’re Helden », gagnez le match pour nous aujourd’hui et devenez nos héros, proclame le Choreo du peuple Borusse dans la Marathon-Tor. Shinji Kagawa reçoit le message cinq sur cinq : une mauvaise interception bavaroise devant Robert Lewandowski propulse Jakub Blaszczywoski en bonne position sur l’aile droite, le centre raffiné du Polonais trouve Shinji Kagawa qui n’a plus qu’à pousser la balle dans le but vide. 1-0, on joue depuis moins de trois minutes, l’entreprise de démolition du Rekormeister est en marche, le peuple jaune et noir exulte une première (mais de loin pas la dernière…) fois de la soirée.
Le match. Le BVB connaît une petite alerte avec l’égalisation bavaroise de Robben sur pénalty et la sortie sur blessure de son gardien Weidenfeller. Mais il ne pouvait rien arriver au Borussia ce soir-là. Mats Hummels, également sur pénalty, nous redonne l’avantage, avant le début du festival Lewandowski : le Polonais claque un triplé, le BVB s’impose 5-2 et réalise le premier doublé de son Histoire, remportant au passage sa cinquième victoire d’affilé contre le Bayern. C’est le triomphe total du Gegenpressing et du Vollgas-Fußball de Jürgen Klopp : le Borussia a eu moins de 40% de possession de balle mais a mis en danger la défense bavaroise à chaque récupération de balle alors que la possession bavaroise est restée le plus souvent stérile. En sortant du stade, j’ai planté mes potes, j’étais dans un état de catatonie avancé, presque choqué tant notre BVB et notre incroyable aventure avaient tutoyé la perfection absolue ce jour-là. Même en rêve, on n’aurait pu l’imaginer…
La suite. Après une nuit de fête à Berlin, retour sur Dortmund pour la Doublefeier. C’est la folie sur la Borsigplatz, déjà comble trois ou quatre bonnes heures avant le départ de l’Autokorso. Le bus à impériale des joueurs fait deux fois le tour dans une incroyable liesse populaire avant de poursuivre son parcours en ville, où se massent des centaines de milliers de fans. Tout au long du week-end, le peuple schwarzgelb a vécu au son de « Tage wie diese » de Toten Hosen, des jours comme ceux-là. Effectivement, des jours comme ceux-là, ils vont rester gravés pour toujours dans nos mémoires. Le Bayern, lui qui rêvait de triplé début avril, s’en ira perdre encore la finale de Ligue des Champions chez lui contre un faible Chelsea…
Le héros. A l’été 2010, le BVB retrouve la Coupe d’Europe. Mais la campagne de transferts estivale est considérée comme trop peu ambitieuse. Les médias et les supporters adverses raillent Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc d’avoir été chercher un petit Japonais au Cerezo Osaka, en deuxième division dans son pays, pour la modique sommes de 350’000€. Un investissement indigne du standing du BVB, juste un coup de pub pour attirer quelques touristes nippons au Fanshop du Westfalenstadion persifflent les médisants.
Il ne faudra que quelques semaines à Shinji Kagawa pour les faire taire. Un premier but pour son premier match européen en tour préliminaire d’Europa League contre Qarabaq Ağdam, un premier but en Bundesliga dès la 3ème journée contre Wolfsburg. Mais c’est surtout lors de la quatrième journée que Kagawa va devenir Shinji, l’idole de la Südtribüne : ce jour-là, le BVB encore en construction se déplace à la Turnhalle d’Herne-West contre un Schalke qui avait investi bien davantage durant l’été. Mais c’est bien le petit Japonais acheté 350’000€ qui éclabousse le match de son talent et éclipse les stars königsblaue ; Kagawa claque un doublé retentissant à Manuel Neuer et le Borussia s’impose 3-1 sur la pelouse de son meilleur ennemi. Au retour, des centaines de fans attendent le car des joueurs sur le parking du Westfalenstadion. La légende est en marche. La Kagawamania aussi. Shinji devient l’un des rares joueurs à posséder une chanson en son honneur, chaque fois qu’un supporter aux yeux bridés pointe son nez dans les travées du Westfalenstadion, il est assailli de fans dortmundois qui chantent des « Kagawa Shinji la-la-la-la ». Même s’il a manqué le deuxième tour en raison d’une blessure, Shinji est l’un des héros du titre 2011, tout comme de celui de 2012, ponctué par ce but en finale contre le Bayern. Pour son dernier match avec le BVB, croyait-on.
Car ensuite, Kagawa décide d’aller tenter l’aventure à Manchester United. Personne ne lui en avait voulu, à l’époque cela représentait encore une adresse plus prestigieuse que le BVB et un challenge sportif logique. Mais cela n’a pas fonctionné pour lui à Old Trafford et nous avons accueilli son retour à Dortmund en août 2014 à bras ouverts. Malheureusement, nous n’avons jamais retrouvé le Shinji période 2010-2012 ou alors seulement par intermittence. Il faut dire que le système Klopp arrivait au bord de l’essoufflement et le style de jeu des entraîneurs suivants conviendra moins au joueur nippon. Il est probable qu’il quitte prochainement le BVB. Avec la garantie d’être fêté en héros car il demeurera à tout jamais l’une des icônes de ces deux saisons magiques durant lesquelles le Borussia a marché comme jamais il ne l’avait fait auparavant sur le football allemand.
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