Si le charisme et la personnalité de Jürgen Klopp ont très vite fait l’unanimité à Dortmund, le chemin a été beaucoup plus compliqué pour imposer ses compétences d’entraîneur et son système de jeu. Il faut dire que le BVB était le premier grand club à tenter l’expérience du « Vollgas-Fußball » et que beaucoup pensait que ce n’était pas la bonne voie pour retrouver le chemin du succès. Pour y arriver, les maîtres mots ont été humilité, temps, travail et patience.
Jürgen Klopp a d’abord cherché un relais sur le terrain et il l’a trouvé en nommant Sebastian Kehl, alors âgé de 28 ans, au poste de capitaine, dès le premier camp d’entraînement. Basti se souvient de ses premiers contacts avec Kloppo : « Klopp travaillait inlassablement pour imposer sa philosophie dans la tête des joueurs. Il m’a appelé pendant les vacances pour me parler en détail de ses idées et de ses concepts. Il y a eu beaucoup, beaucoup de séances vidéo. Naturellement, elles étaient couplées avec un travail intensif sur le terrain. Encore et toujours s’arrêter, corriger, stopper, se déplacer, tout ce qui était nécessaire pour installer sa philosophie de jeu dans la tête des joueurs. Pas seulement en vidéo mais sur le terrain. Le bon moment, une autre impulsion à développer. Cela ne vient pas du jour au lendemain. Beaucoup de travail sur le terrain est indispensable. »
La clé du succès pour Jürgen Klopp, c’était la récupération immédiate du ballon. Kehli nous explique cette philosophie : « Les autres entraîneurs disaient : laissons l’adversaire jouer dans sa moitié de terrain. Nous les attaquerons lorsqu’ils avanceront. Pas avec Klopp : quand la balle était perdue dans le camp adverse ou lorsque l’adversaire revenait dans notre dos, Jürgen avait l’intention claire de presser ou de le repousser. Nous piégions aussi l’adversaire lorsque nous n’étions pas les premiers sur la balle en le laissant aller sur le côté où nous voulions. Et là, nous pouvions doubler. C’était le plan de match, avec une haute exigence de course et d’abnégation. Lorsque le premier joueur était éliminé, le deuxième devait déjà être là. Klopp utilisait beaucoup le terme « sauvage ». Une course sauvage derrière le ballon. Beaucoup de joueurs en Bundesliga avaient l’habitude de recevoir le ballon tranquillement et ensuite de développer leur action. Lorsqu’ils ont du temps, tous les joueurs sont bons mais lorsqu’aussitôt qu’ils ont le ballon, nous étions déjà dessus, alors chaque joueur a un problème. Et lorsque nous doublons ou nous triplons, alors chaque joueur a plusieurs problèmes. C’était sa philosophie. »
Neven Subotic avait déjà côtoyé Jürgen Klopp durant deux saisons à Mainz mais il a redécouvert les rigueurs de la méthode Klopp : « L’équipe était bien meilleure mais c’était un système complétement nouveau pour nous. Il y avait des séances d’entraînement qui ne nous procuraient aucun plaisir. Vingt mecs debout pendant qu’il expliquait. Ou alors des courses tactiques qui étaient vraiment pénibles. Mais c’était nécessaire. »
Et Jürgen Klopp n’hésitait pas à se remettre en question. Mats Hummels se souvient que Klopp leur disait : « Jungs, je n’ai jamais joué à un tel niveau. C’est pourquoi je ne peux pas toujours prétendre que je sais parfaitement comment ça marche. Je peux vous aider et je peux vous donner mon avis. »
Pourtant, au début, la méthode Klopp laisse les médias sceptiques. Après cinq ans d’absence, le BVB fait son retour en Coupe UEFA mais perd le match aller du tour préliminaire contre l’Udinese 0-2 au Westfalenstadion. La Gazzetta dello Sport décrivait alors le BVB comme une équipe « aussi impuissante qu’une baleine échouée. » La stratégie de recrutement est également mise en cause et notamment le directeur sportif Michael Zorc. Malgré une victoire au match retour 2-0 dans le Frioul, le BVB est éliminé aux pénaltys. Hans-Joachim Watzke estime pourtant que « tout le monde a pu remarquer que le BVB est sur le bon chemin ».
Car, malgré les critiques, Jürgen Klopp continue de croire à son système. Il voit une validation de son système dans une… défaite 4-1 sur la pelouse du néo-promu Hoffenheim : « Ils jouent le même système que nous mais beaucoup mieux. Nous devons arriver là où ils sont déjà. Un dispositif tactique n’est malheureusement pas comme une course de vélo. Tu dois l’exercer, encore, encore et toujours. »
Et cela les joueurs vont s’en rendre compte, puisque Jürgen Klopp va leur faire répéter inlassablement la mise en place du dispositif. Neven Subotic en témoigne : « Cela ne vient pas du jour au lendemain, même si tu l’entraînes quotidiennement. Et c’est parfois plus dur en match qu’à l’entraînement. Le pressing trois contre trois ou cinq contre cinq est relativement simple. Mais en match, tu es fatigué, alors tu te demandes : est-ce que je dois vraiment presser maintenant ? Si tu n’y vas pas, l’adversaire joue une transversale, ton coéquipier n’y est pas et tu dois sprinter. Il a fallu du temps pour nous y habituer. C’est une charge de jouer ainsi un match de football. Tu es habitué comme équipe à courir 105km par match. Et une fois tu cours 115km Et l’objectif est de courir 120km ou plus. Klopp savait que cela ne se passerait pas en une nuit. Cela demandait juste du travail et du temps, tout simplement. »
Si tu as raté le début :
1er décembre : Revolution 09
2 décembre : Une défaite salutaire
3 décembre: Un rendez-vous presque manqué
4 décembre: A la conquête des cœurs
5 décembre: Goldene Zukunft braucht Vergangenheit
6 décembre: Un employé comme les autres
Adaptation libre de « Ich mag, wenn’s kracht » Jürgen Klopp. Die Biographie. De Raphael Honigstein, éd. Ullstein extra, 2017.
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