Pour une fois, le mur qui se dresse devant le Borussia Dortmund n’est pas celui, jaune, de la Sütribüne, mais bien celui de l’échec. Tactique incompréhensible, entraîneur isolé, motivation défaillante, erreurs individuelles, stratégie contestée, tensions en tribune, le tableau est sombre après une nouvelle déconvenue à Mainz (1-1). Clairement, la saison du BVB tourne au cauchemar et une nouvelle contre-performance samedi contre Leipzig risque de faire exploser la colère qui monte dans le peuple jaune et noir.
C’était notre pain hebdomadaire la saison passée, en raison de notre participation à l’Europa League, mais nous avions été jusque-là épargné cette saison : les Sonntagsspiele. Du coup, pour notre premier match du dimanche en 2016-2017, on avait presque oublié qu’on n’aimait pas trop ça avec les séquelles d’un week-end de fête et la perspective du travail le lendemain qui nuisent un peu à l’ambiance joyeusement festive qui prévaut habituellement en Bundesliga. Le speaker local tente de mettre un peu gaieté en diffusant le sympathique et plein d’autodérision « wir sind nur ein Karnevalsverein » mais le match va vite éteindre toute envie de s’enflammer. L’après-midi débute, comme d’habitude à Mayence, dans une belle communion entre supporters avec le YNWA repris conjointement par les fans des deux camps. L’unisson est également de mise sur notre entraîneur Thomas Tuchel. Son nom est, comme l’an passé, sifflé par les fans locaux qui n’ont pas pardonné à leur ancien entraîneur à succès de n’avoir pas honoré sa dernière année de contrat à Mainz pour prendre une année sabbatique. alors même qu’il venait de qualifier son équipe pour l’Europa League avec un budget dérisoire. Gageons que, si Thomas Tuchel ne daignait pas mener jusqu’à terme son contrat valable jusqu’en 2018, il n’y aurait pas beaucoup de fans du BVB pour lui en tenir rigueur dans le contexte actuel. On n’entend pas (encore ?) de sifflets pour notre entraîneur en Gästeblock mais le Choreo d’hommage à Neven Subotic sonne comme un désaveu pour sa politique consistant à écarter systématiquement tous les Publikumslieblings qui nous ont tant fait rêver avec Jürgen Klopp. Et, en découvrant la composition d’équipe, on peut penser que Nuri Sahin et Shinji Kagawa sont les prochains sur la liste…
Un feu de paille
Pourtant, le match débute bien avec un bon décalage d’André Schürrle pour Marco Reus qui ne laisse aucune chance au gardien Lössl d’un tir dans le petit filet. On exulte dans l’imposant Gästeblock places debout de la fraîchement renommée Opel Arena, l’un des plus grands d’Allemagne, autant en profiter avant d’affronter les blocs visiteurs à ciel ouvert et à la vision du terrain très aléatoire de Darmstadt et Freiburg. Et si le BVB allait enfin parvenir à enchaîner deux victoires à l’extérieur d’affilé en Bundesliga ? Il nous faudra hélas, trois fois hélas, vite déchanter. Pourtant, la défense de Mainz laisse apparaître des failles béantes. Mais nos Jungs sont incapables d’en profiter : trop de mauvais choix, trop d’imprécisions dans la dernière passe, pas assez de conviction dans le dernier geste. Bien sûr, nos joueurs portent une part de responsabilité dans le fiasco actuel. Comment rater autant de geste facile quand on a autant de talent, comment montrer aussi peu d’envie quand on porte un maillot aussi prestigieux et qu’on est soutenu par un tel public ?
On arrête quand avec ce 4-1-4-1 ?
Mais je pense que Thomas reste le principal responsable du marasme en cours. C’est lui qui s’est séparé des joueurs les plus combattifs et les plus identifiés au club, forcément cela déteint sur la performance lorsqu’il s’agit de se battre pour aller chercher un résultat. Et, à part une envie d’avoir raison seul contre tous, je ne comprends pas son entêtement à insister avec ce 4-1-4-1 qui manifestement ne fonctionne pas. Une fois de plus, le malheureux Weigl s’est retrouvé en infériorité numérique à mi-terrain et il n’y avait aucun filtre de protection pour notre défense. En 1ère mi-temps, à plusieurs reprises, il a fallu un hors-jeu joué de manière téméraire, une intervention in extremis de Sokratis ou Ginter ou un contrôle raté d’un attaquant adverse pour empêcher plusieurs joueurs mayencennois de partir seuls au goal. Le tableau n’est guère plus réjouissant en phase offensive : Reus a disparu après son but, on s’est demandé si Aubameyang était vraiment rentré du Gabon tant il a été discret, Schürrle a été le plus actif mais il a manqué une balle de 0-2 sur une reprise sans conviction. Quant à Castro et Guerreiro, je ne comprends pas l’intérêt d’aligner deux numéros 10, dès lors que les deux joueurs qui occupent ce poste ne sont manifestement pas fait pour cette place.
Mou
Au premier tour, joueurs et entraîneur ont souvent justifié certaines contre-performances par la difficulté de devoir courir après le score sur terrain adverse. Ok, mais là, cela fait deux matchs que nous ouvrons le score et que nous n’avons pas su faire fructifier cet avantage. A Brême, nous nous en étions sortis avec pas mal de réussite, ce ne sera pas le cas à Mainz. Pourtant, je n’ai pas souvenir d’avoir vu un match à Mayence avec aussi peu de rythme, d’intensité et d’engagement : c’était mou. D’habitude, le Karnevalsverein avait l’habitude de nous rentrer dedans avec un pressing effréné, ce qui a souvent débouché sur des batailles homériques, tant dans l’ancien Bruchweg que dans ce qui s’appelait encore la Coface Arena. Dimanche, en revanche, malgré le but concédé d’entrée, le FSV a choisi de nous attendre tranquillement et de nous laisser nous endormir sur notre jeu de possession stérile, en attendant une erreur de notre défense qui finit forcément par arriver. Pari gagnant. Alors qu’il n’avait pas encore adressé le moindre tir de toute la deuxième mi-temps, Mainz va égaliser à moins de dix minutes de la fin. Un but à l’image du match : cela part d’un coup franc pour nous, notre capitaine Marcel Schmelzer adresse une frappe molle et sans conviction dans les bras du gardien. Le contre part sur le flanc droit, il n’y a guère d’opposition sur le centre et un marquage toujours aussi laxiste à la réception pour permettre à Danny Latza, natif de Gelsenkirchen, longtemps joueur anonyme du VfL Bochum, de surgir pour égaliser.
Et la fierté ?
On attendait une réaction d’orgueil de nos Jungs pour aller arracher un succès précieux nous permettant de reprendre la troisième place. C’est l’inverse qui s’est produit. Tel un poulet sans tête, nos Borussen sont partis à l’abordage dans de vaines tentatives individuelles, à l’image de cette percée individuelle vouée à l’échec plein axe de Dembelé qui a déclenché l’ire et le courroux du Gästblock. C’est même Mainz qui, à trois reprises, est passé tout près d’inscrire le but de la victoire dans les dix dernières minutes, alors qu’il n’avait pour ainsi dire rien montré jusque-là. Mais les Nullfünfer auront, eux, eu le mérite de se battre et de jouer jusqu’au bout et cela suffit actuellement, même pour une équipe limitée, pour pouvoir prendre un point et même prétendre à la victoire contre l’effectif le plus onéreux de l’histoire de la Bundesliga.
0231 Riot
Il n’y a pas que sur le terrain que le BVB est victime de turbulences. Au début de la deuxième mi-temps, six torches ont été craquées à l’avant du Gästeblock. En soi, rien de bien grave nous avons connu déjà bien pire lors de nos innombrables pérégrinations avec le Borussia. Le problème, c’est que, après les Pyros de la dernière finale de Pokal, le BVB a écopé d’une sanction avec sursis jusqu’au 30 mai 2017 entraînant la fermeture des Block 10 à 15, soit toute la partie inférieure de la Südtribüne, pour un match à domicile en cas de nouveaux incidents en Allemagne. Jusque-là, nos ultras s’étaient tenus à carreau et avaient réservé leurs délires pyrotechniques pour nos déplacements européens. Les torches de Mainz entraînent donc le risque de voir une fermeture partielle du Gelbe Wand pour le match contre Leipzig. Nous nous sommes demandés s’il ne s’agissait pas d’une provocation délibérée pour obtenir le spectacle de gradins vides pour protester contre le projet Red Bull, dès lors qu’au match aller le boycott décrété par les ultras n’avait pas empêché le bloc dortmundois d’afficher complet. Aux dernières nouvelles, il semblerait que ce ne soit pas le cas et que de toute façon le craquage de Mainz soit considéré comme suffisamment bénin pour ne pas entraîneur la fermeture des Block menacés contre Leipzig. Mais surtout, les fumigènes n’auraient pas été allumés par nos ultras habituels mais par un groupe nouveau, 0231 Riot, de type hooligan, actif surtout en déplacement, dont les membres se recrutent dans les milieux extrémistes et dont l’objectif serait de prendre par la violence le contrôle des tribunes dortmundoises. Un retour du tristement célèbre Borussenfront en quelque sorte ou de ses héritiers. Je me permets tout de même de m’étonner que, si c’est vraiment le cas, ces individus aient pu agir juste à l’emplacement des ultras et devant la banderole des Unity. Une chose est sûre : comme son équipe, la scène des fans dortmundois est également agitée par les tensions.
Rédemption ou jour de colère ?
C’est donc dans un contexte tendu et délétère que va se dérouler la venue du RB Leipzig, un match dont l’importance n’échappe à personne compte tenu du rejet viscéral que suscite le projet autrichien auprès de tous les fans du BVB, sans même insister sur l’importance au niveau du classement. Nos joueurs ne pourront donc décemment pas se contenter d’une prestation aussi anonyme et inconsistante qu’à Mayence, sinon le divorce sera prononcé avec le peuple du Westfalenstadion. En soi, ce ne sont pas tant les résultats décevants qui nous dérangent, nous avons déjà connu bien pire, mais la manière. Car je reste persuadé que cet effectif possède un potentiel incroyable, il nous l’a prouvé en quelques (trop rares) occasions. Mais ce potentiel demeure sous-exploité, à l’état de promesse non tenue. Pour l’instant, notre équipe ne dégage rien : ni flamme, ni passion, ni ambition, ni collectif, juste un amas de solistes talentueux jouant sans conviction chacun leur propre partition. Cela ne pourra pas continuer longtemps comme cela. Samedi contre Leipzig, de deux choses l’une : soit notre équipe retrouve le feu sacré et remporte un succès convaincant en forme de rédemption, alors nous célébrerons la victoire contre le Grand Satan autrichien dans une joie et une unité (temporairement du moins) retrouvées. Ou alors notre équipe nous inflige un nouveau match indigent, comme à l’aller en Saxe ou dimanche passé à Mainz, et alors ce sera jour de colère au Westfalenstadion…
Julien Mouquin
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