Le football au stade nous manque alors on se plonge dans nos archives : c’était le 3 avril 2013. Tout restait à faire entre le FC Malaga et le Borussia Dortmund après le score nul et vierge du match aller. C’est dommage : avec un minimum de réalisme, le BVB aurait pu repartir de la Rosaleda avec une sérieuse option sur la qualification. Impressions, de retour d’Andalousie.
J’ai adoré…
L’affiche. FC Malaga – Borussia Dortmund en quart de finale de Ligue des Champions, c’est le cauchemar du Kevin moyen avachi devant sa TV pour qui la phase finale de sa compétition fétiche devrait toujours réunir les huit mêmes équipes qu’il connaît par cœur, histoire d’assurer des affiches prestigieuses. Pire, quelque soit l’issue de cet improbable duel germano-espagnol, Kevin va devoir se coltiner une équipe dont il n’a jamais entendu parler lors des demi-finales de C1 qui d’habitude le font tellement saliver. Dure année pour Kevin. Nous, en revanche, on est ravis de cette affiche.
Le déplacement. Je vais citer mon éminent collègue de CartonRouge.ch Yves Martin : « Si vous n’avez aucune inspiration au moment de fixer vos vacances (je pars quand ? je vais où ? pour faire quoi ?), devenez fan de foot. C’est compris dans le package : le club décide de tout. » J’ajouterai que si tu as la bonne idée de t’enticher d’un club situé suffisamment loin de chez toi pour que même un match à domicile nécessite quasiment deux jours de trajet et que le club en question fait un petit bout de chemin en Coupe d’Europe, l’intégralité de tes jours de congé annuels et même davantage vont y passer. Dans ces conditions, j’apprécie au moins de découvrir des stades comme Donetsk ou Malaga qui sortent des sentiers battus.
La marée jaune. Vu que Malaga n’est pas très éloigné du théâtre des événements du Cid, je poursuis avec une autre citation, celle-là inspirée de Pierre Corneille qui lui n’a, à ma connaissance, jamais sévi sur ton site favori : « Nous partîmes mille cinq cent ; mais par un prompt renfort nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. » Le Borussia Dortmund avait 1500 billets à disposition mais nous étions bien 3000 fans jaunes et noirs à Malaga, avec des taches jaunes réparties dans tous les coins du stade. Toute la journée et toute la nuit, les chants à la gloire du BVB ont résonné dans les rues et bars de la ville andalouse. Hab mein Leben dir vermacht Jeden Tag und Jede Nacht Forza BVB Schwarz und Gelb allez.
L’accueil. Tu te doutes bien que je n’ai pas beaucoup de sympathie pour la manière artificielle dont Malaga s’est élevé dans la hiérarchie du foot espagnol et européen. C’est sûr que l’on ne risquait pas d’être étouffé par l’histoire et la tradition à la Rosaleda. Néanmoins, contrairement aux autres jouets qataris de cette C1, le PSG et Barcelone, le club andalou a au moins conservé ses supporters locaux et authentiques et ne les a pas substitués par des touristes fortunés. Du coup, il y avait un immense engouement et enthousiasme autour de ce premier quart de finale européen de l’histoire du club. Avec une grande fierté d’être là et une réelle volonté de partager un moment de fête et de passion avec les fans d’un club au palmarès et à l’histoire bien plus fournis. L’accueil a donc été chaleureux, convivial et fraternel, c’était sympa car la marée jaune, lorsqu’elle investit une ville, se comporte un peu en terrain conquis et n’est pas d’une kolossale finesse et discrétion ; en d’autres endroits ça eut irrité mais pas à Malaga. J’aurai pu échanger mon écharpe du BVB au moins cinquante fois et je me suis fait payer plein de tournées par des Espagnols ! Il faut dire que les Malaguista ont raison de profiter de leur belle aventure actuelle car, entre problèmes financiers, salaires impayés, démantèlement programmé de l’effectif, sanctions de l’UEFA et retrait probable du mécène providentiel, il n’est pas sûr qu’on les revoie de sitôt en Coupes d’Europe.
Malaga by night. No comment.
J’ai aimé…
La géographie locale. Malaga, ce n’est pas très grand : gare, hôtel, bars, stade, tu peux tout faire à pied. C’est l’idéal pour être la victime consentante de quelques guet-apens arrosés.
Les Biergarten. Je ne sais pas comment on dit Biergarten en Espagnol mais le concept est le même qu’en Allemagne, les palmiers en plus. Enfin, il y a aussi des palmiers au Biergarten de la piscine à Dortmund mais ils sont un peu plus chétifs et rabougris que ceux qui surplombent les très sympathiques bars jouxtant la Rosaleda.
La qualité technique du jeu. L’affiche n’a guère retenu l’attention des médias et pourtant la qualité technique du jeu présenté a été exceptionnelle, surtout en première mi-temps. Les deux formations ont prouvé qu’elles méritaient leur présence à ce niveau et qu’elles figuraient parmi les toutes meilleures d’Europe en matière de collectif et de circulation du ballon, le tout avec une intensité folle. On s’est régalé sur certains schémas de jeu, même si c’était par moment presque trop académique et trop léché à notre goût. Cela a été un peu decrescendo après la pause avec la fatigue et des prises de risque plus limitées mais, sur le plan du jeu, c’était dans l’ensemble un très bon 0-0.
Les parades de Weidenfeller. Si Dortmund aurait dû gagner ce match, il aurait aussi pu le perdre. Roman Weidenfeller a dû réussir un sauvetage devant Saviola et deux belles parades sur des essais de Welligton et Isco pour conserver sa cage inviolée.
Le sauvetage sur la ligne de Götze. En sauvant juste avant la pause sur une reprise de Toulalan, Mario Götze a réussi son troisième sauvetage sur sa ligne en cinq jours, pas mal pour un milieu offensif. On espère juste que ce n’est pas cette nouvelle vocation de sauveur qui lui a fait oublier comment on marquait un goal.
Ilkay Gündogan. C’est juste incroyable la dimension qu’est en train de prendre Ilkay Gündogan, quelle vision du jeu, quel abatage et quelle qualité de passe ! On le disait menacé par le retour de Nuri Sahin mais, en alignant des matchs de la qualité de celui livré à la Rosaleda, il se rend incontournable. Et vu la prestation du jeune Dortmundois contre le Kazakhstan, Bastian Schweinsteiger n’est pas sûr du tout de récupérer sa place dans l’entrejeu de la Nationalmannschaft.
La supériorité affichée par le Borussia Dortmund dans le jeu. On me savait pas trop où situer le BVB par rapport à cette équipe de Malaga. Au vu de ce match aller, on a quand même l’impression que le club de la Ruhr a quelque chose en plus que cette formation andalouse et que la logique voudrait qu’il passe l’épaule au match retour. A la base, on n’avait pas spécialement d’attentes sur cette Ligue des Champions mais, dorénavant, être éliminé par cet adversaire-là, sans vouloir lui manquer de respect, serait une énorme déception et un gros couac.
L’invincibilité préservée du Borussia Dortmund. Avec ce nul, le BVB reste la seule formation invaincue dans cette Ligue des Champions 2012-2013. Mais, depuis la Suisse à la Coupe du Monde 2006, on se méfie des records d’invincibilité ; 1-1 ou 2-2 mardi prochain et le Borussia quitterait la compétition sans avoir connu la défaite. Ce serait moche, très moche.
L’ovation réservée par le public de Malaga à son équipe dans les cinq dernières minutes et à la fin du match malgré le résultat ; on avait l’impression qu’ils venaient de réussir un exploit majuscule. On ne sait pas comme on doit l’interpréter : la joie d’avoir accroché un monstre du football mondial ou une manière de prendre congé de son équipe en le remerciant pour son parcours européen que les fans ne pensent pas se prolonger au-delà des quarts de finale ? Dans un cas comme dans l’autre, c’est une forme de reconnaissance du crédit retrouvé du BVB en Europe.
J’ai moins aimé…
La Cerveza Victoria. Je ne brigue pas de mandat dans le gouvernement Hollande mais là c’est un gros mensonge. Car en fait j’ai plutôt apprécié celle qu’on nous a présenté comme l’authentique bière de Malaga, elle était bien meilleure que la San Miguel. Mais, en bon fan du Borussia Dortmund, je ne peux décemment pas reconnaître avoir aimé un breuvage portant le même nom que l’ancien sponsor maillot de Schalke 04.
La facilité dans laquelle sont parfois tombés les Bubis de Jürgen Klopp. Par moment, j’ai eu l’impression que les Götze, Reus et autres Gündogan se regardaient jouer et cherchaient davantage à étaler leur virtuosité, certes immense, qu’à aller en direction du but. Pourtant, les succès récents du BVB ne doivent rien au tiki-taka mais tout à un jeu direct et vertical caractérisé par une propulsion expresse en direction de la cage adverse. Il faudra s’en souvenir d’ici au match retour.
Les face à face manqués de Götze. Trois fois Mario Götze s’est présenté seul devant le gardien andalou Willy Caballero, trois fois il a échoué. Le dernier rempart argentin s’est interposé sur deux essais trop timides en première mi-temps alors que Götzinho a trop croisé sa frappe en deuxième période. Avec trois occasions aussi nettes, le jeune prodige aurait au moins dû en concrétiser une.
Le mutisme soudain de Lewandowski. Après neuf matchs consécutifs où il avait inscrit au moins un goal, Robert Lewandowski a vu sa série s’arrêter au plus mauvais moment. Le Polonais a pourtant réussi un bon match, servi deux balles de but à Götze mais il a aussi raté l’immanquable seul au point de pénalty en début de deuxième mi-temps sur un caviar de Götze. On avait déjà les bras levés dans le Gästeblock…
La météo. Vu que ce déplacement va constituer mes seules vacances balnéaires de l’année, j’espérais un peu de soleil, c’est raté. Pourtant, mes potes des Borussenstern, arrivés deux jours avant le match, m’ont assuré qu’ils avaient eu leur quota de plage et de soleil. Mais, personnellement, mon très court séjour a dû coïncider avec les 24 heures de pluie et de grisaille annuelles sur l’Andalousie. Seule consolation : l’ondée a bien voulu s’arrêter durant le match, ce qui était plutôt bienvenu dans un stade certes convivial mais essentiellement non couvert.
L’ambiance. A part un tifo laborieux en début de match et les cinq dernières minutes, les supporters malaguista et leurs deux kops ont été plutôt discrets, on a surtout entendu les chants jaunes et noirs s’envoler vers le ciel sans étoile d’Andalousie. C’était un poil mieux que les tombeaux de Bernabeu ou du Camp Nou mais le bel engouement d’avant-match ne s’est pas franchement concrétisé en chants, prouvant une fois de plus que le supporter espagnol vit davantage son match comme spectateur que comme fan.
Le score final. Déjà, un match sans but c’est toujours un peu triste. Et puis 0-0 à l’extérieur, le résultat n’est pas si favorable qu’il n’y paraît pour Dortmund. Malaga a une équipe solide et expérimentée avec suffisamment de talent pour inscrire au Westfalenstadion ce fameux but à l’extérieur qui compliquerait singulièrement la tâche du BVB. Au vu du scénario du match et des occasions de but, c’est clairement les Espagnols qui font la bonne affaire avec ce 0-0.
J’ai détesté…
Willy Caballero. Historiquement, les gardiens argentins sont des brêles (souviens-toi, Nery Alberto Pumpido contre le Cameroun en 1990…). Mais Willy Caballero ne devait pas être très attentif aux cours d’histoire car le portier de Malaga a été énorme mercredi. Ses arrêts devant Götze (deux fois), Reus ou Kehl ont écœuré les attaquants dortmundois. Clairement, l’homme du match. Lors du retour au Westfalenstadion, ce sera mur jaune vs. mur rouge.
La fraternité germano-espagnole lorsqu’elle se manifeste davantage dans la nostalgie de Guernica 1937 qu’autour du football dans un bar rempli de skinheads des deux clubs dans lequel j’ai malencontreusement atterri au cours d’une soirée décousue. Je ne suis pas vraiment gauchiste primaire, loin s’en faut, mais je n’étais pas très à l’aise au milieu de tous ces crânes rasés qui me dévisageaient d’un air soupçonneux en mode « Allo, tu es un mec et tu as des cheveux, non mais allo quoi ? » J’ai terminé ma bière fissa et j’ai été boire ailleurs.
Les quarante minutes de Blocksperre à la fin du match. Quarante minutes d’attente dans le bloc visiteurs après le match, c’est long, très long, surtout que, faute d’alcool dans le stade, la déshydratation menaçait sournoisement. Et la ola avec les remplaçants du BVB qui faisaient leur décrassage, ça lasse assez vite. On ne comprend pas trop cette attente, ce n’était pas un match à risques, avant, pendant (dans les autres secteurs du stade) et après le match les supporters des deux camps ont cohabité pacifiquement. Les dirigeants de Malaga ont d’ailleurs envoyé un message de remerciements à leurs homologues dortmundois pour les féliciter du comportement exemplaire des fans. Alors pourquoi nous avoir fait poireauter quarante longues minutes dans ce bloc ? L’Espagne n’a définitivement aucune culture du football.
FC Malaga – Borussia Dortmund 0-0.
Estadio La Rosaleda, 28’963 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Eriksson.
Malaga: Caballero; Gamez, Demichelis, Welligton, Antunes; Iturra, Toulalan; Joaquin, Isco (87e Duda), Baptista (76e Santa Cruz); Saviola (67e Portillo). Entraîneur Manuel Pellegrini.
Dortmund : Weidenfeller; Piszczek, Santana, Subotic, Schmelzer; Gündogan, Kehl (80e Bender); Reus (69e Schieber), Götze (92e Kirch), Grosskreutz; Lewandowski. Entraîneur: Jürgen Klopp.
Cartons jaunes: 17e Grosskreutz, 19e Antunes, 31e Welligton (suspendu pour le match retour), 77e Iturra (suspendu pour le match retour).
Notes: Malaga sans Morales (non qualifié) ni Eliseu (blessé), Dortmund sans Owomoyela, Blaszczykowski ni Hummels (blessés).
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