A San Siro, le BVB a fait jeu égal avec l’Inter Milan, voir même un peu mieux. Sauf là où cela compte vraiment : dans les 20 mètres devant chaque but. Plus solides en défense, plus tranchants en attaque, les Nerazzurri remportent donc un succès logique. Notre Borussia n’avait pas les arguments offensifs pour prétendre à mieux et ce n’est pas complètement rassurant.

C’est avec un immense plaisir que je retournais à San Siro. Il fut un temps où je fréquentais régulièrement le temple milanais, surtout pour l’AC Milan. J’suis sympathisant de notre Borussia depuis l’époque de Stéphane Chapuisat mais j’étais encore étudiant, les facilités d’accès aux billets et aux réservations n’étaient pas encore ce qu’elles étaient et le low-cost n’était pas aussi développé, Dortmund ça m’apparaissait comme un voyage au bout du monde inaccessible (les temps ont changé…). En revanche, depuis Lausanne, Milan, c’était la porte d’à côté, un saut de puce par-dessus les Alpes via la Simplon ou le Saint-Bernard et le tour était joué. On parle du début des années 2000, le Calcio et l’AC Milan étaient encore au sommet avec Shevchenko, Pirlo, Gattuso, Nesta, Rivaldo, Maldini, Costacurta, Seedorf… Les Fossa dei Leoni, le mythique groupe ultra, auto-dissous en 2005, régnait encore sur San Siro et l’ambiance y était terrible. J’ai donc vécu moult matchs dans le temple milanais, y compris les grands Derby contre l’Inter ou la Juventus et même le finalissima de la Serie A 2003-2004 qui avait donné le titre à l’AC Milan contre son dauphin AS Roma. Puis j’ai découvert que Dortmund n’était pas finalement pas si inaccessible et mes voyages à San Siro sont devenus beaucoup plus épars…

Le temple

Mais cela reste un stade incroyable, l’un des temples du football. Certes, il est vétuste et peu fonctionnel, les gradins sont sales, les plexiglas plus guère transparents, 8 toilettes immondes et 2 bars pour un bloc de 5000 places, ce serait juste inimaginable en Bundesliga. Mais avec ses tours mythiques, sa verticalité, son acoustique si particulière qui fait que même les chants relativement limités des fans intéristes mercredi soir résonnaient bien lui confèrent un charme tout particulier. Un endroit qui respire le foot, avec une âme, une histoire, le détruire pour le remplacer par une Arena fonctionnelle et anonyme comme le projette la ville de Milan serait un crime. Mais pour le cas où ce projet funeste se concrétiserait, il faut profiter de ce stade et nous sommes près de 5000 Borussen à être arrivés à cette conclusion, un vrai mur jaune dans le troisième anneau de la Curva Sud, un anneau au-dessus de l’ancien fief des Fossa di Leoni.

Chacun avec ses armes

Même si, après deux journées dans ce groupe de la mort, le BVB était bien placé et aurait fait excellente opération avec un match nul à San Siro, il ne s’est pas caché. Porté par les chants continus venus du haut de la Curva Sud, nos Jungs ont d’emblée pris les choses en main et ont porté le ballon dans le camp de l’Inter. Mais sans être dangereux. Cela manquait de mouvement et de vitesse. Nos joueurs offensifs ont besoin de recevoir la balle dans la course, en revanche c’est beaucoup plus compliqué pour Sancho, Hakimi ou Hazard lorsqu’ils héritent du cuir en étant statiques. Et c’est ce qui s’est trop souvent produit à San Siro. Aurait-on dû adopter une autre tactique ou, en d’autres termes, Antonio Conte a-t-il dominé tactiquement Lucien Favre ? Je ne crois pas, simplement chacun des entraîneurs a joué avec les armes dont il disposait. Et pour notre Suisse, les meilleures armes étaient en milieu de terrain. Et à ce niveau-là, nous n’avons pas si mal réussi. Nous avons été très présents au duel, nous avons empêché l’Inter de donner du rythme à la rencontre et notre pressing a provoqué de très nombreuses pertes de balle dans leur camp. Il eût été vain d’adopter une stratégie plus défensive : nous n’avions pas la solidité défensive pour subir le jeu ni les joueurs pour partir en rupture.

La preuve : nous encaissons le premier but, en milieu de première mi-temps, sur la première occasion du match mais surtout sur l’une des rares attaques placées de l’Inter, où ils ont pu posséder durablement le ballon dans notre camp. Une louche par-dessus la défense, un mauvais alignement de Schulz pour couper le hors-jeu et Lautaro Martinez va battre Roman Bürki qui a marqué un temps d’hésitation dans sa sortie. Antonio Conte a joué avec les armes à sa disposition, soit une défense très solide autour du trio Godin-Skriniar-de Vrij et un duo d’attaque en confiance avec Lukaku et Martinez. Autant d’atouts dont ne nous disposions pas avec les absences de Reus, Alcacer et Götze, présent sur la feuille de match mais qui, grippé, a renoncé à entrer en jeu après s’être brièvement échauffé. Cela n’excuse pas tout mais je ne connais pas de club en Europe qui peut se passer sans dommage de ses deux meilleurs buteurs et de celui habituellement appelé à les suppléer. Résultat : les rares fois où nous sommes parvenus à créer un décalage sur les côtés, il n’y avait aucune présence devant le but. Finalement, dans les arrêts de jeu de la première période, Jadon Sancho décide d’y aller seul mais sa frappe dans un angle fermé est détournée par Handanovic et, avec seulement deux Borussen dans la surface, il n’y avait aucun jaune pour reprendre la balle qui a navigué devant la ligne de but après le renvoi. Après une première mi-temps très pauvre en faits saillants, cela faisait une occasion de but partout mais 1-0 pour l’Inter. Et c’est toujours compliqué d’être mené au score en Italie par une équipe italienne. Même s’il faut reconnaître que l’arbitre anglais a été excellent et ne s’est pas trop laissé abuser par les innombrables simulations nerazzurro.

Impuissants

Si la seconde période débute par un tir intériste juste au-dessus, le BVB s’est montré un peu plus dangereux. Mais pas suffisamment. Il y a eu quelques moments de pression dans le camp adverse mais c’était trop intermittent. Et surtout trop stérile. On ne va pas accabler Julian Brandt, surtout qu’il aura pu jouer les sauveurs avec un enchaînement dribble-frappe sauvé par Handanovic, malheureusement une nouvelle fois sans Borusse au rebond. Mais Julian n’est clairement pas à sa place en pointe : ses prises de balle sont approximatives, ses contrôles un peu longs et ses passes pas toujours précises, cela peut passer à 30 mètres du but contre une équipe de Bundesliga qui ouvre le jeu mais pas au cœur d’une défense italienne avec des monstres comme Godin ou Skriniar sur le dos. Le BVB se procure sa meilleure chance d’égaliser à vingt minutes du terme sur un centre d’Hazard mais la passe vient un peu trop en retrait pour Sancho qui ne peut donner suffisamment de puissance à sa frappe et Brozovic peut sauver devant Bruun Larsen. Symptomatique de notre manque de puissance et d’envie d’aller au but dans la surface adverse. Tout le contraire des Italiens : à la 83e, Esposito part en contre et va provoquer le duel et le contact pour obtenir le pénalty qu’il cherchait, chose que nous n’avons jamais su faire lors de nos quelques périodes de domination aux abords de la surface adverse. Roman Bürki nous offre un sursis en détournant le pénalty de Martinez, son premier et seul arrêt du match. A sept minutes de la fin, c’est dire si cet Inter n’avait rien d’un foudre de guerre.

Logique

Mais nous n’avons pas su profiter du sursis offert par notre gardien et Candreva s’en va sceller le score à 2-0 à une minute de la fin. Une issue logique : l’Inter a su se battre avec ses atouts, soit sa solidité défensive et son efficacité en attaque. Nous avons trop peu produit en attaque pour prétendre ramener quelque chose de San Siro. Et ce d’autant plus que, déjà peu tranchants dans le jeu, nous avons été d’une nullité abyssale sur les balles arrêtées offensives. Il nous semblait avoir discerné des progrès dans ce secteur et dans la préparation mais à Milan nous sommes retombés dans nos vieux travers. Dès lors que nos Jungs peinent à gagner les duels aériens dans la boîte, entre les cinq mètres et le point de pénalty, ils tentent à chaque fois des combinaisons : une balle en retrait à seize mètres, une déviation au premier ou au deuxième poteau, cela peut fonctionner, on l’a vu avec le but de Witsel à Freiburg mais il ne faut pas en abuser sinon cela devient trop lisible pour l’adversaire et c’est ce qui est arrivé à Milan.

A la recherche du Bomber

Evidemment, notre manque de solutions offensives en l’absence de Reus et Alcacer repose la question de l’absence d’un deuxième attaquant de pointe dans notre contingent que nous appelons (et sans doute notre entraîneur aussi) de nos vœux depuis longtemps. Ceci dit, il faut peut-être dépasser les théories du yaka football manager primaire. Nous avons une cellule de recrutement que beaucoup nous envie et le duo Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc sont cités en exemple partout en Europe pour la manière dont ils ont redressé le club sans manne financière venue de l’extérieur. Ils connaissent le foot mieux que n’importe lequel d’entre nous et ils sont certainement conscients du problème. Qui n’est pas propre au BVB mais à tout le foot allemand. Le Bayern Munich, pour ne citer que lui, joue avec le feu depuis trois ou quatre saisons en n’ayant aucune alternative crédible en cas de blessure de Lewandowski. Longtemps, le football allemand a fondé ses succès avec des Bomber en attaque, soit des attaquants puissants et très efficaces, des chasseurs de but. Gerd Müller en est l’exemple le plus illustre mais on peut citer Helmuth Rahn, Klaus Fischer, Dieter Müller, Horst Hrubesch, Jürgen Klinsmann, Stefan Kuntz, Oliver Bierhoff, Karl-Heinz Rumenigge, Klaus Allofs, Ruedi Völler ou chez nous Fredi Bobic, Manni Burgsmüler, Karl-Heinz Riedle et bien sûr Lothar Emmerich… Mais, depuis Mario Gomez et Miroslav Klose, c’est une espèce en voie de disparition.

La révolution intervenue au début des années 2000 en misant d’abord sur des milieux offensifs rapides et tactiques a écarté les Bomber, jugés trop peu adroits pour combiner avec les demis offensifs. Parfois, il n’y a aucun véritable attaquant de pointe dans la sélection allemande. Et quand je regarde dans les contingents de Bundesliga, je ne vois que très peu de noms susceptibles de représenter un véritable renfort pour nous à la pointe de l’attaque. Et les Allemands ont toujours été réticents à confier le rôle de chasseur de but à un attaquant étranger. Il y a bien Lewandowski ou Aubameyang, auparavant Pizzarro, Elber ou Ailton mais généralement en Bundesliga on préfère faire confiance à l’efficacité allemande, la Deutsch Qualität, pour marquer des buts. Et puis aller chercher un buteur à l’étranger, c’est compliqué avec la concurrence de la Premier League et des ténors italiens ou espagnols. Casse la tirelire pour un Joao Mario, un Lukaku ou un Pepe, sans garantie sur son adaptation, c’est prendre le risque d’un flop à la Immobile mais nous coûtant quatre ou cinq fois plus chers et personne n’a oublié les difficultés que nous avaient posés l’échec de l’Italien. Sébastien Haller de Francfort aurait pu constituer une alternative, il connaissait déjà la Bundesliga et la manière dont il combinait avec Jovic aurait pu convenir à Marco Reus. Mais pouvait-on s’aligner sur l’offre faramineuse de West Ham ? Pas sûr. Quant à former nous-même cet attaquant tant convoité, malheureusement on ne voit rien venir : les derniers vrais attaquants sortis de nos juniors ce sont Ducksch et Serra et ils n’arrivent pas à s’imposer en Bundesliga, quant à Isak il n’est pas titulaire à la Real Sociedad. Donc oui, il nous faudrait étoffer notre contingent en attaque mais non, il ne suffit pas de claquer des doigts pour trouver la perle rare.

Jouer plus sale

En attendant, il va falloir faire avec le contingent actuel. Lucien Favre a déjà été confronté à cette situation d’un effectif très limité offensivement, c’était lors de sa première saison en Bundesliga, au Hertha Berlin, lorsque son manager Dieter Hoeness avait engagé un jeune polonais pour marquer des buts qui s’est avéré en fait être un excellent joueur mais comme latéral, Lukasz Piszczek. Lucien avait alors réagi en mettant en place en système défensif très performant pour faire déjouer ses adversaires et cela avait permis à son Hertha de terminer en milieu de classement alors que beaucoup lui promettait la relégation. Il ne peut évidemment pratiquer de la sorte avec les ambitions et la qualité du Borussia Dortmund. Néanmoins, sa position est de plus en plus contestée et il doit changer quelque chose. On sait que le credo du Suisse, c’est de toujours assurer les passes, quitte à revenir en arrière plutôt que tenter une passe hasardeuse. C’était flagrant en deuxième mi-temps quand nous avons pu nous installer dans le camp nerazzuri : régulièrement, nous avions trois ou quatre joueurs qui décrochaient à 20 mètres pour offrir une solution sûre au porteur du ballon plutôt que d’aller devant le but là où les passes sont plus aléatoires. Résultat : le ballon ne vivait pas et tournait devant la surface sans jamais mettre hors de position la défense bien en place de l’Inter. On doit pouvoir jouer avec moins d’inhibition, mettre plus de présence devant le but et tenter davantage de passes aventureuses dans la surface, quitte à marquer des buts un peu plus « sales » plutôt que toujours rechercher la combinaison parfaite.

Derbysieg !

Forcément, j’avais rêvé d’un autre retour à San Siro. Un aller-retour au-dessus des Alpes, quatre heures de route aller, quatre heures retour sous des trombes d’eau, un retour au bercail à 4h30 du matin pour être au travail à 7h30 le lendemain, ce n’était pas le déplacement rêvé.

Mais il faut tourner la page de l’Inter Milan. Nous avons raté une belle occasion de faire un pas de géant vers les huitièmes de finale de Ligue des Champions, il faudra impérativement remporter le retour au Westfalenstadion pour préserver nos chances mais le plus important est ailleurs : samedi c’est Derby à Herne-West, LE match de ce premier tour à ne pas rater. D’ailleurs, dès la fin du match à San Siro, les « wir wollen den Derbysieg » retentissaient dans le mur jaune de la Curva Sud. Le retour d’Alcacer et Reus seraient bien sûr un plus mais finalement peu importe. Avec ou sans eux, nous avons infiniment plus de qualités dans notre effectif que Schalke mais ce n’est pas le plus important dans un Derby. Les Blauen n’étaient pas engagés en Coupe d’Europe, ils ont eu toute la semaine pour se concentrer et l’entraîneur David Wagner, disciple et meilleur ami de Jürgen Klopp, les a préparés au combat. Il faudra que nos Jungs soient prêts à aller au combat, y compris dans les zones du terrain où tout se joue, devant les buts !

Catégories : Au Stade

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