Pendant près d’une heure de jeu, le BVB s’est cassé les dents sur la Zirbelnuß, la pomme de pin héraldique qui sert d’emblème à la ville d’Augsburg. Heureusement, Lucien Favre disposait d’un Nußknacer, un casse-noisette, sur son banc, en la personne d’Erling Braut Haaland. Le Norvégien a réussi son entrée en Bundesliga avec un triplé permettant au BVB de renverser le FCA de 3-1 à 3-5. Pour le spectacle et les émotions, c’était parfait mais ce n’était pas vraiment une performance digne d’un nouveau champion.
Nous avions quitté le BVB un mois plus tôt après une défaite consternante dans la sinistre Arena de Sinsheim. Mais c’est à nouveau plein d’enthousiasme et d’espoir que nous reprenons le chemin des stades pour débuter ce deuxième tour. Nouvelle année, on espère que notre équipe a pris plein de bonnes résolutions et jouera moins les montagnes russes dans ce Rückrunde qu’elle ne l’a fait lors de l’Hinrunde. Vœux pieux…
Alléluia, Bundesliga ist wieder da
Le matin du match, après un petit détour par le marché couvert d’Augsburg pour un premier apéro et une visite au Dom, je fais un saut au Rathaus pour aller revoir la Golderner Saal, la salle en or, qui s’y trouve au premier étage. Je ne suis jamais arrivé jusque-là : en effet, l’ouverture du carnaval se tenait opportunément dans le hall de cet hôtel de ville. Des danseuses déguisées en nonne dansaient sur des incantations, avant de passer à des danses et des costumes plus classiques sur du Wolfgang Petry, ABBA et autres chants festifs. Cela correspondait bien à notre état d’esprit plein d’enthousiasme et de bonne humeur à l’idée de retrouver enfin notre Bundesliga après un interminable mois de pause. Vraiment, j’aime bien cette ville d’Augsburg, c’est très convivial et il y règne une bonne atmosphère.
Pour une revanche
Le stade, en revanche, est toujours aussi anonyme, planté dans une banlieue et toujours sans le moindre Biergarten aux alentours. Enfin, on commence à connaître et j’avais pris mes précautions avant de pénétrer dans le Gästeblock, alkoholfrei, toujours aussi frustrant dans un stade où l’alcool coule à flot dans les autres blocs et où l’écran géant affiche même le nombre de bières bues par les fans. Sauf nous donc…
C’est néanmoins un stade qui nous a souvent réussis, sauf au printemps dernier avec cette défaite mortifiante 2-1, l’un des tournants décisifs dans notre quête ratée du Meisterschale. Nous deux bourreaux du mois de mars dernier ne sont plus là : Gregor Kobel, le jeune gardien suisse qui avait écœuré nos attaquants, a préféré tenter l’aventure à Stuttgart en Zweite Liga, alors que l’improbable double buteur Don-Wong Ji est parti cirer le banc à Mayence. Néanmoins, cet Augsburg 2019-2020 est plutôt meilleur que celui de l’année passée : alors qu’il y a 12 mois, le FCA luttait contre la relégation, il a bouclé son premier tour avec une certaine marge sur la zone dangereuse et paraît en mesure d’assurer son maintien sans trop trembler. Un beau succès pour un club qui est présenté chaque année comme un sérieux candidat à la relégation mais qui, depuis sa première accession à la Bundesliga en 2011, n’a plus quitté la grande ligue, c’est bientôt un déplacement qui va devenir un classique.
Nouvelle année, vieux problèmes
Si l’on espérait que la nouvelle année allait résoudre tous nos problèmes, nous allons rapidement déchanter. C’est un scénario déjà vu et revu que nous avons vécu en première période. Soit un BVB dominateur mais incapable de concrétiser ses occasions et beaucoup trop friable en défense à la moindre occasion adverse. C’est d’abord Hazard qui échoue devant Koubek puis Guerreiro et Sancho qui ne parviennent pas à cadrer leur frappe. Mais c’est surtout Marco Reus qui est passé complètement à côté de son match. Notre capitaine a raté à peu près tout ce qu’il a entrepris et a galvaudé nos deux meilleures occasions, en ne trouvant pas le cadre sur un caviar de Witsel puis en ratant sa reprise une nouvelle fois en position idéale. Lucien Favre a déclaré durant la pause que le BVB a besoin d’un Marco Reus au sommet de sa forme pour atteindre ses objectifs, c’était très loin d’être le cas samedi à Augsburg. Avec ce genre de performance, la présence de notre Dortmunder Jungs dans la onze de base risque même d’être remise en question, surtout qu’il faudra prochainement libérer une place pour Erling Haaland et que, si nous continuons avec l’actuel 3-4-3, Marco est actuellement celui qui paraît le moins indispensable à la bonne marche de l’équipe dans le trio offensif. Espérons que ce n’était qu’un faux départ après une préparation tronquée par une blessure et que nous allons rapidement retrouver le vrai Reus.
Cela dit, Marco n’est pas le seul à avoir été en difficulté, on pense notamment au flanc droit avec Piszczek, Hakimi et Hazard, qui nous a souvent fait des frayeurs samedi. Et c’est de là qu’est venue l’ouverture du score : une mauvaise passe d’Hazard qui prend Hakimi à contre-pied et le très prometteur suisse Ruben Vargas s’échappe pour servir l’ouverture du score au buteur venu de Freiburg Florian Niederlechner. Augsburg s’est trouvé là un sacré duo d’attaque mais c’est quand même beaucoup trop facile la manière dont ils ont mis hors de position la défense du BVB suite à un passe manquée à cinquante mètre du but. Alors qu’un timide soleil avait prévalu jusque-là, des bourrasques de neige commencent à s’abattre sur la Souabe bavaroise après l’ouverture du score et c’est donc un Borussia en pleine tourmente qui rejoint la mi-temps, avec le ciel qui lui tombe sur la tête.
Les bonnes résolutions…
Mais le pire était à venir : dès la reprise, une relance cafouillée de la tête par Akanji permet à Richter de s’avancer et d’armer une frappe flottante qui surprend un Bürki un peu avancé. 2-0 après 47 minutes, c’est pas franchement la manière idéale d’entrer dans un match que l’on devait absolument gagner… Julian Brandt, le meilleur de nos Jungs en première mi-temps, avec plusieurs impulsions et percées intéressantes, a tenté de nous remettre dans le match en réduisant le score d’une frappe précise après un petit numéro dans la surface. On pensait le BVB enfin dans son match mais c’était compter sans notre vulnérabilité défensive : une récupération de Vargas, un centre de Max et Niederlechner surgit pour marquer dans le but comme à l’entraînement, au milieu de notre charnière Hummels-Akanji complètement figée. Cela paraît facile, beaucoup trop facile…
Quatre occasions pour Augsburg, trois buts dont deux avec un attaquant seul devant le but vide après que la défense ait été mise complètement hors de position. C’est consternant de voir avec quelle facilité nos adversaires peuvent transpercer notre arrière-garde alors que de l’autre côté cela paraît tellement difficile pour nos Jungs d’approcher du but adverse. Les amateurs de théories simplistes ont trouvé le bouc-émissaire idéal de cette perméabilité : notre défense à trois. Sauf que, à Union Berlin, à Munich, contre Paderborn, nous alignions une défense à quatre et c’était les mêmes problèmes. Le souci ne vient donc pas du système. Nos Jungs ont analysé avec beaucoup de lucidité nos difficultés du premier tour, ont souligné les trop nombreuses erreurs défensives, c’est bien. Mais de la parole aux actes… Premier match et on retrouve les mêmes lacunes. On a un vrai problème de concentration : trop de passes hasardeuses, pas assez de discipline dans le replacement, aucune rigueur au marquage. J’ai parfois l’impression que notre équipe joue comme dans une cour d’école : on se fait plaisir, on veut aller marquer des buts et on ne se préoccupe pas trop de revenir défendre. Lucien Favre était passé à la défense à trois pour essayer d’apporter une meilleur couverture, on a vu à Ausgburg que ce n’était pas la solution miracle, de même qu’un retour à une défense à quatre ne sera pas la solution miracle. Plus que d’un artifice tactique, ce dont nous avons besoin c’est de beaucoup plus de rigueur, de discipline, d’implication après la perte de balle. Sans cela, on n’ira nulle part dans ce deuxième tour.
Der Zirbelnußknacker
3-1 à la 56ème minute, nous commencions à penser que, comme l’an dernier, nous allions nous casser les dents sur la Zirbelnuß : c’est l’espèce de pomme de pin héraldique, symbole phallique et de fertilité, emblème de la ville d’Augsburg depuis que l’antique Augusta Vindelicum a été occupée par une légion romaine l’arborant sur ses couleurs. Et cette Zirbelnuß, on la retrouve partout à Augsburg, du buffet du petit-déjeuner à l’emblème du club en passant par la cathédrale et tous les commerces ou hôtels de la ville.
Fort heureusement, pour casser cette Nuß augsbourgeoise dure à croque, Lucien Favre possédait un Nußknacker, un casse-noisette, sur son banc : Erling Braut Haaland. Rarement un joueur n’avait été à ce point présenté comme le Messie à Dortmund. Je dois dire que je me méfais un peu de la hype autour d’un gamin de 19 ans qui a encore tout à prouver en Bundesliga. Attention quand même à ne pas lui mettre trop de pression et à lui demander de résoudre tous nos problèmes. Mais, pour ses débuts, le Norvégien a parfaitement su répondre aux attentes, assumer son rôle de sauveur et tirer ses nouveaux coéquipiers d’un bien mauvais pas. Trois minutes après son entrée en jeu, il inscrivait son premier but en Bundesliga d’un tir croisé imparable avec l’aide du poteau après un bon service de Guerreiro. Au-delà du but, ce qui nous a plu, c’est la manière dont il est venu nous haranguer en Gästeblock après sa réussite : clairement le jeune homme est déjà complètement impliqué dans les objectifs de sa nouvelle équipe ; s’il continue comme ça, avec les buts mais aussi ses attitudes, il va rapidement devenir l’idole de la Südtribüne et du Westfalenstadion.
Le triplé
A 3-2, le BVB était (enfin) dans son match et la partie avait changé d’âme. Les vagues jaunes et noirs ont commencé à déferler en direction du but d’Augsburg. Je m’étonne quand même de la tactique un peu suicidaire du FCA : plutôt que de bétonner à dix derrière, les Souabes ont décidé de continuer à défendre haut et à tenter le piège du hors-jeu. Mauvais plan (pour eux) : Jadon Sancho profite d’une longue ouverture de Mats Hummels pour partir seul égaliser. En trois minutes, le BVB avait effacé les balbutiements de la première heure de jeu et il restait une demi-heure pour aller chercher cette victoire indispensable mais qui paraissait illusoire quelques instants plus tôt. Marco Reus a bénéficié de deux occasions d’inscrire le game wining goal mais il échoue une première fois sur Koubek puis envoie sa reprise au-dessus seul à sept mètres du but. Définitivement, ce n’était pas le jour de notre capitaine. En revanche, c’était celui d’Erling Haaland. Thorgan Hazard déjoue le piège du hors-jeu en partant de son propre camp, élimine le gardien Koubek est sert très altruistement Haaland qui n’a plus qu’à pousser la balle dans le but vide pour (enfin) donner l’avantage au Borussia.
Même s’il a fallu attendre un peu pour vraiment exploser en Gästeblock : après laissé jouer, le juge de touche est revenu à un prétendu hors-jeu survenu cinq secondes plus tôt et quarante mètres en amont du terrain, hors-jeu qui s’est finalement avéré inexistant après vérification vidéo… Quel cirque, ce n’est pas cela le football ! Cette énième pantalonnade avec la VAR nous aura permis d’entonner quelques chants anti-DFB en communion avec les fans d’Augsburg. Finalement les génies de la fédération peuvent au moins mettre cela à leur crédit : entre l’imposture Red Bull et la forfaiture VAR, ils parviennent à faire communier les fans des deux camps autour de chants communs !
Bien lancé par Reus, le Norvégien réussira même le triplé d’un plat du pied enroulé impressionnant de calme et de sang-froid pour assurer dix dernières minutes plus tranquilles à nos Jungs. 3-5 et trois buts en 23 minutes pour Haaland, rejoignant ainsi Pierre-Emerick Aubameyang qui avait lui aussi signé ses débuts en Bundesliga en 2013 avec le numéro 17 par un triplé à Augsburg. Mais en un peu plus de temps…
Carpe diem
Le Norvégien devient le septième joueur de l’Histoire de la Bundesliga à réussir un triplé pour ses débuts après Engelbert Kraus (1860 München), Hermann Ohlicher (Stuttgart), Olaf Marschall (Dynamo Dresde), Adhemar (Stuttgart) Martin Fenin (Francfort) et donc Pierre-Emerick Aubameyang. Tous n’ont pas réussi une immense carrière, à l’image du Tchèque Fenin, qui a complètement disparu de la circulation après ses débuts tonitruants, cela demandera donc confirmation mais c’est très prometteur. Au-delà des buts Haaland nous a vraiment plu par son engagement, son implication et sa capacité à pouvoir servir de relais et de point d’ancrage. C’est clairement une arme supplémentaire dans notre jeu. Mais pas l’arme absolue : Lucien Favre l’avait déclaré durant la pause, nous ne pourrons pas gagner tous les matchs en marquant plus de trois buts. Haaland ou pas, il faudra absolument être beaucoup plus rigoureux en défense pour viser les sommets ce printemps.
Evidemment, c’est toujours plaisant de vivre ce genre de match quand tu te rends au stade tous les week-ends, pour le spectacle, les émotions, la joie, les chants de victoire en Gästeblock à la fin du match… Mais ce n’était pas vraiment une performance de champion à laquelle nous avons assisté samedi en Souabe bavaroise. Si nous voulons revenir vers la tête du classement, il faudra aussi être capable de gagner des matchs, peut-être un peu moins funs, en concrétisant rapidement nos occasions puis en serrant le jeu derrière.
Mais cette performance assez peu académique ne nous a pas empêchés de célébrer nos Jungs : à défaut d’avoir vraiment rassurés, ceux-ci ont au moins fait preuve de fierté pour renverser un match mal engagé.
Nous avons donc fêté notre équipe avec les 6’000 Borussen présents à Augsburg, avant d’aller nous égayer dans la Fuggerstadt. J’ai trouvé un petit Kneipe qui diffusait Leipzig – Union Berlin, j’ai rapidement sympathisé avec un fan d’Ausgburg, qui persistait à me dire que son équipe avait été flouée d’un pénalty après le 3-3, et un Freiburger égaré là, avant de tomber sur des amis suisses fans du BVB (le monde est petit avec le Borussia). Nous avons tous eu quelques minutes d’espoir quand Eisern Union a ouvert le score mais ça n’a guère duré. Nous sommes toujours à sept points de la tête du classement et de Leipzig. Mais le deuxième tour est lancé et cela nous fait immensément plaisir de retrouver ces ambiances ; la journée avait commencé dans une atmosphère de carnaval au Rathaus, le match a un peu tenu du carnaval avec ses défenses en bois, la soirée ne pouvait donc que se terminer dans une ambiance carnavalesque, au Peaches, mon bar préféré à Augsburg. La transition est toute trouvée avec notre prochain match, vendredi au Westfalenstadion contre le 1. FC Köln. Le Karnevalsverein nous avait causé bien des soucis au match aller et il reste sur quatre victoire consécutives. Mais, pour nos retrouvailles avec le Westfalenstadion, la victoire sera à nouveau impérative… et si possible sans devoir attendre un retournement miraculeux de fin match comme à l’aller ou à Augsburg.
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