Lucien Favre s’est offert le plus beau des cadeaux pour son soixante-deuxième anniversaire : une victoire 3-0 contre Wolfsburg, dernière équipe invaincue et meilleure défense de Bundesliga. L’ambiance est à nouveau à la fête à Dortmund et ce mois de novembre ne pouvait mieux commencer. Pourvu que cela dure…
Dans l’inconscient collectif, novembre est souvent considéré comme le pire mois de l’année : l’arrivée du froid, la pluie, le brouillard, les jours qui raccourcissent drastiquement et même pas encore la féérie de la neige ou la magie de l’Avent et de ses Weihnachtsmarkt. Et, toujours selon les vieux préjugés, le Ruhrpott est considéré comme une région sinistrée, morne et brumeuse.
Dès lors, novembre dans le Ruhrpott devrait ressembler à une sorte d’enfer sur terre. Et pourtant, c’est assez loin de l’impression qu’on a eu le week-end dernier à Dortmund ! C’était le Hansemarkt : les rues étaient bondées, des carrousels, des animations, des bars, des maillots jaunes partout… Plus j’y vais et plus j’adore cette ville : ce n’est peut-être pas l’endroit le plus bucolique ou romantique du monde mais c’est une ville incroyablement vivante, il y passe toujours quelque chose, il n’y a pas un week-end sans qu’il ne s’y organise un ou plusieurs festivals, fêtes, événements… et c’est toujours authentique et chaleureux, loin des indigestions touristiques des grandes villes. Après un long trajet en train, une arrivée au milieu de la nuit et quelques heures de sommeil, je débarque samedi en ville pour passer au Fanshop acquérir les nouveaux pulls de Noël qui s’illuminent et je tombe en plein milieu des fastes du Hansmarkt, il a presque fallu se faire violence pour partir au stade pour la tournée des Biergarten.
Le fantasme de l’entraîneur miracle
L’adversaire du jour, c’est le VfL Wolfsburg. Comme d’habitude, les fans des Wölfe sont venus en effectif restreint et n’ont pas réussi à remplir le bloc pourtant réduit qui leur était réservé, à peine 1500 fans… Pourtant, leur équipe a parfaitement réussi son début de saison puisqu’elle se présente au Westfalenstadion avec la meilleure défense de la ligue et comme seul équipe invaincue de Bundesliga. Golfsburg n’a pas vraiment profité de son Meisterschale en 2009 ni de sa victoire en Pokal et de sa deuxième place en 2015 pour s’installer durablement au sommet de la hiérarchie allemande. Une succession de mauvais réinvestissements après la vente de ses stars (Dzeko, Draxler, de Bruyne…) a fait plonger le club qui reste plus que jamais dépendant de son sponsor Volkswagen et de la mentalité qu’arrive à conférer à ce club sans âme l’entraîneur en place. Les Wölfe ont même dû passer par les barrages en 2017 (Braunschweig) et 2018 (Kiel) pour éviter la relégation. Mais, la saison dernière, un peu à la surprise générale, Wolfsburg a marqué son retour en grâce en se qualifiant pour l’Europa League.
Et pourtant, l’entraîneur Bruno Labbadia, qui avait évité la relégation en 2018 puis ramené le club en Europe, n’a pas été conservé. Peut-être que les dirigeants des Wölfe ont regardé le parcours de leur entraîneur et constaté que celui-ci, dans ses précédents clubs, avait souvent obtenu des bons résultats au début mais jamais dans la durée. Ou alors, ils ont cédé à cette nouvelle mode du foot allemand : essayer de trouver le coach miracle dans les séries inférieures ou alors en Suisse ou en Autriche. Nombreux sont les clubs de Bundesliga à espérer trouver le nouveau Jürgen Klopp, ou, dans une moindre mesure, Thomas Tuchel ou Julian Nagelsmann, en confiant leur équipe à un inconnu et en espérant que celui-ci fera passer le club dans une nouvelle dimension. C’est toujours un pari risqué et il y a eu jusqu’ici plus d’échecs que de succès. Le pari des Wölfe s’appelle Oliver Glasner, un Autrichien passé par la galaxie Red Bull et qui a ensuite amené le modeste LASK Linz de la deuxième division aux qualifications de l’Europa League puis de la Ligue des Champions. Le pari semblait fonctionner puisque Wolfsburg est longtemps resté invaincu et meilleure défense de Bundesliga mais les Wölfe ont aussi bénéficié d’un calendrier plutôt favorable en début de saison. La défaite concédée en Pokal 1-6 contre Leipzig puis leur match au Westfalenstadion laissent à penser qu’il sera compliqué de rester aussi haut dans le classement après avoir affronté les ténors présumés de la Buli.
Scénario connu
Mais assez parlé d’Autostadt : Lucien Favre a une nouvelle fois fait tourner son effectif dans cet enchaînement infernal de match, avec notamment un Doppelsechs inédit Dahoud-Weigl. C’est d’ailleurs Julian qui se met le premier en évidence avec une frappe à côté mais on a apprécié la manière qu’il a eue de se projeter davantage vers l’avant, c’est comme cela qu’il pourra franchir un palier supplémentaire. Néanmoins, malgré une nette domination territoriale, le BVB peine à se montrer dangereux et connaît même une grosse frayeur lorsque Nmecha frappe sur la latte. Puis, il y a eu la sortie sur blessure de Marco Reus… et simultanément celle de l’arbitre Tobias Welz mais c’est à peu près tout ce qu’il y a à signaler dans une première mi-temps assez poussive de nos Jungs contre un adversaire agressif et bien organisé. Enfin, nous commençons à avoir l’habitude de ce type de scénario : nous avons récemment affronté deux fois Mönchengladbach, lui aussi entraîné par un ancien de Red Bull, et qui nous avait posé des problèmes similaires. Mais nous avons à chaque fois su trouver la parade en augmentant le rythme et l’intensité.
L’effet mur jaune
Il n’en a pas été autrement contre Wolfsburg. Et, une fois de plus, c’est en attaquant face au mur jaune de la Südtribüne que nous avons trouvé la lumière. Tout part d’un long dégagement de Marwin Hitz renvoyé par la défense des Wölfe, cette fois-ci le pressing dortmundois, monté d’un cran, est à la récupération du deuxième ballon et Achraf Hakimi peut servir Thorgan Hazard qui débloque enfin son compteur en jaune et noir d’une frappe précise. Ce but, il le méritait, il tournait autour depuis deux ou trois semaines et on espère qu’il aidera le Belge à monter encore d’un cran, il est en progrès mais je suis persuadé qu’il peut nous amener davantage. La machine dortmundoise était lancée et Wolfsburg ne va pas trouver les solutions pour l’arrêter. Le gardien Pervan s’interpose bien devant Hakimi mais il demeure impuissant sur une frappe croisée de Raphël Guerreiro, bien lancé par Thorgan Hazard. En six minutes, le BVB venait de terrasser deux fois une défense qui n’avait plié que cinq fois en 862 minutes de championnat… Si l’on excepte une reprise de Joao Victor bien détournée par Hitz, Wolfsburg n’a jamais vraiment donné l’impression de pouvoir revenir.
En progrès
Notre équipe a traversé une phase de doute mais peut-être que le retournement réussi en fin de match contre Mönchengladbach peut servir de déclic. Car, quand elle parvient à retrouver du rythme, de la fluidité, de l’intensité, de la confiance et de la joie dans son jeu, notre équipe peut réussir de grandes choses. La deuxième mi-temps contre Golfsburg a été très intéressante, Dahoud (tir arrêté par Pervan), Hazard (frappes à côté puis bloquée par Parvan) ont été tout près d’inscrire le 3-0. Finalement, celui-ci est tombé sur un pénalty consécutif à une faute de main et transformé tranquillement par Mario Götze. Il n’en fallait pas plus pour enflammer le Westfalenstadion.
C’est à la fois l’atout et la faiblesse de Dortmund : quand ça rigole, l’équipe peut vite être portée par l’euphorie ambiante mais en même temps les attentes sont telles que le moindre petit accroc peut vite prendre des proportions inconsidérées et tourner à la crise. 3-0, c’est net, sans bavure et Lucien Favre pouvait s’offrir un magnifique cadeau pour son soixante-deuxième anniversaire, histoire d’éloigner les critiques pas toujours justifiées dont il a fait l’objet ces dernières semaines. Tout est encore loin d’être parfait mais disons que la victoire arrachée contre Mönchengladbach, ce succès contre Wolfsburg puis le retournement de situation fou contre l’Inter Milan (pour lequel le temps nous a malheureusement manqué pour assister) sont autant de pas dans la bonne direction pour retrouver cette vague d’enthousiasme et de confiance qui avait porté l’équipe la saison passée une bonne partie du premier tour.
L’heure d’entamer une série
Cette Bundesliga 2019-2020 est assez déroutante. Ces dernières saisons, on avait pris l’habitude de voir une ou deux équipes se détacher très rapidement et aligner les victoires, reléguant la concurrence à bonne distance au moindre faux-pas. Depuis le début de la saison, tous les ténors ont connu leur lot de problèmes. Mönchengladbach parade en tête, malgré une kyrielle de blessés, mais les Fohlen ont perdu deux fois au Westfalenstadion et n’ont toujours pas gagné en Europa League, avec notamment une défaite humiliante à domicile contre les Autrichiens de Wolfsberg. Leipzig a marqué 16 buts sur ses trois derniers matchs mais auparavant le jouet de RB restait sur quatre sorties sans victoire en championnat. Le Leverkusen de Peter Bosz est loin de retrouver son allant du printemps dernier… J’ai l’impression que la première équipe qui parviendra à trouver de la constance dans ses performances et à enchaîner les victoires prendra une option sur ce Meisterschale 2019-2020. Et nous ne sommes pas les plus mal placés pour y parvenir.
Le déclic de novembre ?
Avant la prochaine trêve internationale, il nous reste un rendez-vous pour vivre sereinement la pause et repartir avec le plein de confiance pour le dernier rush infernal jusqu’à Noël. Et non des moindres : le déplacement du tombeau de Munich, qui nous a guère réussi ces dernières années. Le Bayern n’est pas au mieux, Niko Kovac a donné sa démission mais cela ne résoudra pas tous les problèmes, notamment celui d’un recrutement estival très hasardeux. Néanmoins, il faut aller avec beaucoup d’humilité à l’Arroganz Arena, ce n’est jamais évident d’affronter une équipe après un changement d’entraîneur, le Bayern reste le Bayern et le duo Gnabry –Lewandowski peut poser des problèmes à notre défense. Mais nous avons aussi les armes pour leur poser des problèmes, surtout si nous parvenons à jouer avec la même détermination, intensité et confiance que lors des deuxièmes mi-temps contre Wolfsburg ou Inter.
En tous les cas, en l’espace d’une dizaine de jours, c’est toute une ville qui a retrouvé la foi en son équipe. A une semaine d’intervalle, la différence était révélatrice samedi soir à Dortmund : aux rues désertes et à la déprime ambiante qui avaient suivi un triste Derby, c’est une foule en liesse qui envahissait les bars du Hansemarkt et du centre. Dortmund vibre à nouveau pour son Borussia ! En 2018, après un début de saison enchanteur, le mois de novembre avait marqué l’effondrement du BVB de Peter Bosz. Et si novembre 2020 permettait au BVB de Lucien Favre de prendre véritablement son envol dans cette saison 2019-2020 ? C’est en tous les cas avec cet espoir chevillé au corps que nous allons entreprendre le déplacement de Bavière samedi !
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