On dit toujours qu’un bon arbitre est un arbitre qui ne fait pas parler de lui. C’est dire si, en devenant le principal protagoniste du Revierderby, Felix Zwayer a été en dessous de tout. A tel point que l’on a cru à une mauvaise caméra invisible. Incapable de gérer ses émotions et le sentiment d’injustice, le BVB a complètement perdu le fil de son jeu et s’est effondré contre un Schalke au contraire conforté dans son plan de match basé sur la défense et l’antijeu.  

Quand j’étais enfant, la télévision publique suisse était encore capable de produire des émissions drôles et de divertir ses téléspectateurs, pas seulement de dilapider l’argent du contribuable. Chaque année, lors des Fêtes de fin d’année, toute la famille se retrouvait au coin du feu, la neige tombait au-dehors (il y avait encore de la neige à Noël), et nous regardions une célèbre émission de caméra invisible, « Petit poisson », du nom de la chanson que l’animateur, Zoé, s’ingéniait à entonner dans les circonstances les plus incongrues.

Mais le sketch le plus célèbre, c’est celui où le fameux Zoé, qui tenait à peine sur des patins à glace, c’était improvisé gardien de hockey sur glace dans les buts du Lausanne Hockey Club. Le club inaugurait une nouvelle patinoire, il partait grandissime favori de son championnat, c’était la première journée et il y avait 5000 fans dans les gradins. Avec le masque, personne ne s’est aperçu de la supercherie et de la présence de l’intrus dans les buts. Résultat : avec son gardien improbable, Lausanne s’est retrouvé mené 0-4 après moins de deux minutes contre un adversaire qu’il aurait dû facilement battre. Les fans étaient fous de rage en tribune, les sifflaient fusaient et certains déchiraient leurs abonnements. Puis le speaker a révélé la supercherie, tout le monde a bien rigolé, le gardien titulaire a retrouvé sa place et le vrai match a commencé. Cette séquence m’est revenue en mémoire samedi au Westfalenstadion : cela devenait tellement ubuesque que je me suis demandé quand notre cher speaker Nobby Dickel allait nous annoncer qu’il s’agissait d’une supercherie, que l’arbitre avait été remplacé par un clown, que nous avions été victimes d’une caméra invisible, que les images de nos réactions courroucées allaient faire le tour du monde et que le vrai match avec un vrai arbitre allait commencer. Hélas, il n’en fut rien : parfois la réalité dépasse la fiction, le clown triste sur le terrain était un vrai arbitre (paraît-il) et c’est bien avec ce très mauvais sketch que neuf mois de rêves, d’espoirs, de passions et de dévouements de tout un peuple allaient être enterrés.

Felix nous a tués

Avant même le début du match, l’Allemagne était secouée par un gros scandale d’arbitrage suite au pénalty inexistant à Brême qui avait qualifié le Bayern Munich pour la finale de la Pokal et surtout à la non-intervention de l’arbitre vidéo qui disposait pourtant de toutes les images qui lui auraient permis de corriger la décision erronée de son collègue. Forcément, le genre d’action qui rappelle l’un des grands fléaux du football allemand : les prébendes arbitrales qui ont rempli l’armoire des trophées du Bayern Munich, il se suffit de se souvenir du Meisterschale 2001 ou de la Pokal 2014 mais il y a bien d’autres exemples. Et, malheureusement, la VAR n’a en rien corrigé le problème. On espérait donc que, après avoir déjà faussé la Pokal, les arbitres allaient se tenir à carreau et ne jouer aucun rôle dans la lutte pour le Meisterschale. Hélas, Felix Zwayer en a décidé autrement. Celui qui s’était rendu célèbre avec une suspension de six mois pour n’avoir pas dénoncé les manipulations de l’arbitre le plus corrompu du football allemand, Robert Hoyzer, dont il était le juge de touche, a fait preuve d’une partialité à toute épreuve. On peut disserter sur les trois décisions qui ont changé le cours du match, le pénalty et les deux expulsions, mais c’est surtout l’arbitrage à deux vitesses qui nous a ulcéré, d’un côté une application stricte et rigide du règlement pour le BVB, de l’autre une permissivité et une tolérance coupables envers les innombrables fautes et actes d’antijeu des Blauen.

Le rêve avant le cauchemar

Pourtant, tout avait commencé comme dans un rêve. Il n’y a pas eu de surprise dans la tactique des Blauen, ils sont venus avec un dispositif ultra-défensif, une sorte de 7-1-2, avec sept joueurs massés devant leur surface, un voltigeur juste devant et deux gars vaguement censés venir un peu au pressing. On ne leur jettera pas la pierre : un Derby est fait pour être gagné et, dans leur marasme actuel, ils n’avaient sans doute pas d’autre stratégie que défendre, durcir le jeu et casser le rythme pour espérer quelque chose au Westfalenstadion. S’ils avaient tenté de jouer au football, ils n’avaient aucune chance, tant ils sont limités à ce niveau-là. L’enjeu pour nous, c’était donc de percer rapidement la muraille et nous y sommes parvenus. Une merveille de louche de Jadon Sancho lobe les sept cônes bleus stationnés sur la ligne de la surface de réparation et Mario Götze surgit dans le dos de la défense pour ouvrir le score de la tête. L’ambiance déjà survoltée du Westfalenstadion grimpe encore d’un cran, c’est l’explosion de joie et, alors que la grisaille avait dominé la journée sur Dortmund, le soleil fait même son apparition sur le temple jaune. On jouait depuis moins de dix buts et, à ce moment-là, aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer un autre scénario qu’une victoire facile, tant ce Schalke venu pour bétonner paraissait incapable de s’approcher de notre but, sauf en prenant bien davantage de risques que n’auraient pas manqué de punir nos attaquants.

La mauvaise surprise

Lorsque, sur une action anodine en milieu de terrain, M. Zwayer interrompt le jeu pour aller visionner la vidéo, nous avons tous pensé, dans mon Block 85, que c’était pour vérifier dans quelles circonstances Jadon Sancho avait été blessé après le 1-0 et, éventuellement, expulser un Schalker. Que nenni. Si Jadon a bien été blessé par un bleu, c’était par un jet de briquet venu du bloc des Arbeitsloser qui ont, une nouvelle fois, avec en prime des banderoles faisant l’apologie du terrorisme, montré l’étendue insondable de leur intelligence. Pire : l’arbitre dicte un pénalty. Tu imagines notre réaction : on s’attendait à mener 1-0 et, éventuellement, à jouer à 11 contre 10, on se retrouve à 1-1 après la transformation d’un pénalty qui avait échappé à tout le monde. Après avoir revu les images, il s’est avéré que Julian Weigl avait bien touché la balle de la main sur la seule incursion des Blauen dans notre surface mais c’était complètement involontaire sur une reprise à bout portant. Felix Zwayer s’est retranché derrière le règlement pour justifier sa décision mais les lois du jeu dictent un pénalty en cas de faute de main volontaire. Si l’on persiste avec cette interprétation dévoyée de la règle, alors on ne voit pas pourquoi les entraîneurs devraient continuer à se fatiguer d’inventer des schémas de jeu élaborés pour marquer des buts, il leur suffit d’apprendre à leurs joueurs à viser les mains adverses, ils obtiendront des pénaltys à la pelle.

A la régulière

Ceci dit, même si c’était saoulant d’avoir fait le plus dur et de devoir recommencer le travail, il nous restait 72 minutes pour reprendre l’avantage. Or, nous n’avons plus rien produit depuis le pénalty égalisateur. Entre les deux faits de jeu malheureux, le pénalty et l’expulsion de Marco Reus, il s’est écoulé 42 minutes à 11 contre 11 sans que nos Jungs ne se procurent la moindre occasion. C’est même à la régulière que Schalke a pris l’avantage sur un corner repris par Sané peu avant la demi-heure de jeu. Encore une fois une balle arrêtée : 18 buts sur 40 encaissés cette saison en Bundesliga l’ont été sur Standardsituation, c’est trop, beaucoup trop pour un prétendant au titre. Autant Lucien Favre a réussi à améliorer notre production sur les balles arrêtées offensives par rapport aux saisons précédentes, autant il n’a pas trouvé la solution sur les coups de pied arrêtées défensifs. Le but de Sané est révélateur : d’un côté, le défenseur de Schalke est arrivé avec rage et détermination pour taper dans le ballon, autant nos trois ou quatre Jungs autour de lui se sont contentés d’un saut alibi, sans vraiment chercher à être les premiers sur la balle ni même à gêner l’adversaire. Rédhibitoire.

Qu’il paraît loin le temps de l’insouciance

L’un des autres problèmes que rencontre notre équipe dans ce Rückrunde, c’est cette tendance à sortir complètement du match après avoir encaissé un but. J’ai souvent salué au premier tour ce mental de guerriers, cet état d’esprit insubmersible qui nous permettaient de renverser les situations les plus compromises. A part à Berlin, nous n’avons pas retrouvé cet état d’esprit au deuxième tour. Au contraire : contre Hoffenheim, à Wembley, à Munich, contre Mainz, contre Schalke, à chaque fois nos Jungs sont complètement sortis du match après un but encaissé. J’avais eu l’occasion de souligner que l’une des clés de notre saison, ce serait de conserver l’insouciance du début du championnat et de ne pas se prendre la tête avec le Meisterschale qui aurait dû ne rester le plus longtemps possible qu’une lointaine utopie. Malheureusement, notre avance au classement, les attentes des médias et des Modefans, l’impatience de toute l’Allemagne à voir un club enfin contrecarrer la domination bavaroise nous ont conduit à nous prendre beaucoup trop la tête avec le titre. Et nos Jungs vivent mal cette pression. Clairement, notre équipe n’est pas assez mature. Autant au premier tour, on observait avec satisfaction nos Jungs progresser match après match, suivre un plan de jeu clairement défini, autant depuis deux mois on a l’impression d’un BVB en mode commando qui cherche à sauver ce qui peut l’être sans trop se préoccuper de la manière ni de sa progression. L’équipe qui jouait tellement libérée et avec une telle sérénité au premier tour se crispe lorsque les événements sont contraires, jusqu’à en oublier son jeu, comme cela a été le cas après ce pénalty contre Schalke.

Le cauchemar

L’expulsion de Marco Reus à l’heure de jeu est révélatrice de cette crispation. Bien sûr, sur le moment, vu des tribunes, on a crié au scandale. Mais le carton rouge n’est pas illogique, Marco voulait jouer le ballon mais il est arrivé en retard et son tacle était dangereux, même si l’adversaire en a beaucoup rajouté. Ce qui est beaucoup moins logique, c’est que les Blauen aient terminé le match à onze, alors qu’ils ont multiplié les fautes, parfois aussi brutales que celle commise par Marco. On se demande par exemple par quel miracle Serdar ou McKennie ont pu finir le match, sinon par la complaisance coupable de M. Zwayer. Bref, réduit à dix et mené 1-3 puisque Caligiuri a trouvé la lucarne sur le coup-franc qui a suivi la sortie de Reus, le BVB était confronté à une mission impossible. Ce d’autant plus que cinq plus tard Wolf était lui aussi expulsé – logiquement – pour une faute sur le sinistre Serdar qui s’est roulé cinquante-deux fois par terre avant de courir comme un lapin deux minutes plus tard. Le 2-3 inscrit par Axel Witsel n’a fait qu’aviver nos regrets : ces Blauen étaient tellement faibles que nous parvenons même à leur marquer un but à 9 contre 11. On s’est pris un instant à rêver à l’impossible exploit, le Westfalenstadion a retrouvé quelques couleurs, lui qui n’a pas non plus été complètement à la hauteur en ayant trop vite baissé pavillon devant la tournure négative prise par les événements (il y a même des touristes qui sont partis avant la fin : dans un Derby ??? Inimaginable). Mais sur l’engagement ou presque, Embolo réduisait nos derniers espoirs à néant en inscrivant le 2-4. Rideau.

 

Regrets éternels

En quittant le Westfalenstadion, nous étions déçus, frustrés, énervés mais surtout pour la perte du Derby, surtout dans ces circonstances. L’occasion était tellement belle de gagner, pour la première fois depuis la saison 2011-2012, les deux Derbys la même saison… surtout contre un Herne-West aussi médiocre. C’est quand même dramatique d’encaisser quatre buts contre un adversaire qui attendu la 85e minute de jeu, à 11 contre 9, pour arriver à construire sa première action de football du match et dont le principal mérite aura été de pourrir la rencontre pour bénéficier de faits de jeu favorable. Triste. En revanche, on ne pensait pas trop au championnat. Pour moi, il était plus ou moins acquis que le Bayern allait remporter ses quatre derniers matchs et que le Derbysieg aurait plus constitué un baroud d’honneur pour nos Jungs qu’autre chose. Evidemment, en découvrant le lendemain le nul du Rekordmeister à Nürnberg, j’en ai que plus de regrets : bien sûr, le Bayern aurait peut-être joué différemment si nous avions gagné mais toujours est-il que nous avons probablement laissé passer notre dernière chance de faire rebondir la Bundesliga avec ce Derby maudit.

Certes, avec seulement deux points de retard, l’espoir demeure mais il faudrait désormais un miracle : déjà, parce que cela va être coton d’aller gagner à Brême, sans Wolf ni, surtout, Reus. Mais en plus, les Bavarois ont désormais un boulevard devant eux : le moribond Hanovre à domicile, un déplacement à Leipzig qui n’a plus rien à jouer et qui ne va sans doute pas faire grand-chose pour contrecarrer les plans d’un club avec lequel il partage le très onéreux projet SAP Garden (la halle multisport qui doit accueillir les équipes de hockey de Red Bull et de basket du Bayern), avant la réception d’un Francfort sur les rotules après son parcours glorieux en Europa League. Il est donc fort probable que nous ayons perdu contre Herne-West notre dernière chance de revoir la tête du classement cette saison. Peu importe, nous devons être fiers de ce que notre équipe a réalisé cette saison. Si l’ambiance était morose à mon arrivée dans mon bar de fans après le match, deux heures plus tard les écharpes étaient de sorties et les chants résonnaient fort dans le Kneippe. Und wenn du, das Spiel gewinnst, ganz oben stehst, dann steh’n wir hier und sing’: Borussia, Borussia BVB! Und wenn du, das Spiel verlierst, ganz unten stehst, dann steh’n wir hier und sing’: Borussia, Borussia BVB! Was auch immer geschieht, wir steht dir bei, bis in den Tod und sing Borussia BVB !’ Tod und sing’ für dich, für dich Borussia. Borussia BVB !

Catégories : Au Stade

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