Le BVB n’a pas particulièrement brillé pour aller s’imposer à Mönchengladbach. Mais nos Jungs ont au moins prouvé qu’ils étaient encore capables d’aller au charbon dans des conditions difficiles sur un terrain ressemblant davantage à un champ de mine ou un champ de patates, c’est selon, qu’à une pelouse de football. Le talent individuel du trio Götze-Schürrle-Reus et les parades à répétition de Roman Bürki ont fait le reste.
Le Sonderzug, le train particulier réservé aux supporters, c’est toujours une expérience particulière. Déjà, tu ne sais jamais quand il part ni quand il arrive. Car le Sonderzug est forcément en dehors des horaires habituels et doit se faufiler entre les trains ordinaires, avec cette cautèle qu’il ne doit sous aucun prétexte s’arrêter dans une gare potentiellement fréquentée par des fans rivaux. Dès lors, le Sonderzug, c’est comme un cortège présidentiel américain : son trajet est tenu secret jusqu’au dernier moment pour éviter tout risque d’embuscade.
Ode au Ruhrtal
En ce dimanche, le Sonderzug part presque à l’heure annoncée, un exploit. En revanche, le trajet est inédit : normalement, la voie la plus rapide vers Mönchengladbach consiste à traverse le Ruhrpott d’est en ouest via Bochum, Essen, Duisburg puis de gagner le Niederrhein par Düsseldorf et Neuss. Mais ce trajet nous fait passer trop près de la ville maudite de Gelsenkirchen, un peu de la même manière que la Communauté de l’Anneau de Tolkien traverse les mines de la Moria pour éviter la maléfique Isengard. Ainsi, nous partons plein sud via le Ruhrtal sur Witten, Hagen et Wuppertal. Le temps est magnifique et une splendide luminosité éclaire le paysage. Il y a bien sûr la traditionnelle orgie d’usines, plus ou moins désaffectées, mais aussi des collines, des forêts, des châteaux, les méandres de la Ruhr, l’Hengsteysee, le Stadion am Zoo entre-aperçu derrière les arbres etc. Je suis venu à Dortmund pour notre Borussia mais, avec le temps, c’est de toute une région dont je suis tombé amoureux. Et j’ai aussi fini par m’apercevoir que le BVB ne serait jamais un club hors-sol, exportable, comme certains mastodontes que l’on voit en Ligue des Champions, mais bien un club profondément ancré dans ses racines. Et que l’on ne peut vraiment comprendre sans connaître et aimer la région qui l’a vu naître.
Le bourbier
L’ambiance est plutôt calme dans les wagons, c’est dimanche. Néanmoins, les trois clochards embarqués – c’est une tradition dans le Sonderzug – ont largement rentabilisé leur voyage à coup de 0,25€ ou 0,5€ de consigne par canette ou bouteille vides récupérées. Finalement, nous rejoignons le trajet ordinaire vers Düsseldorf et nous arrivons sans encombre – sinon un ou deux pétards en gare de Mönchengladbach – à Rheydt, la gare dévolue aux fans schwarzgelbe, où nous attendent les bus en direction du stade. Une fois arrivé, nonante minutes avant le coup d’envoi et, après la halte Bier-Currywurst de rigueur, nous pénétrons dans l’enceinte pour constater avec stupeur l’état calamiteux du terrain, un vrai bourbier, avec quelques tentatives ratées de rafistolage ici ou là. C’est marrant mai,s manifestement, c’est un problème qui ne préoccupe guère ceux – la DFB ou le Bild au hasard – qui veulent nous vendre une Bundesliga élitiste et aseptisée. Il faudra pourtant rappeler à ces messieurs que le football, c’est d’abord un terrain et des fans en tribunes, le reste ce sont des fioritures.
Des vieux amis
Traditionnellement, à Mönchengladbach, nous reprenons en cœur la composition de l’équipe adverse en affublant chaque joueur d’un nom d’oiseau que je m’interdirai de répéter ici. Sauf que là, je suis un peu embêté puisque les Fohlen alignent d’entrée trois compatriotes – Sommer, Elvedi et Zakaria – qui me font vibrer avec l’équipe de Suisse, et deux anciens Borussen, notre Derbyheld Matthias Ginter et notre Dortmunder Jungs Jonas Hoffmann. Je préfère donc me taire pendant la composition d’équipe. Pour mieux entonner la version revisitée et un peu insultante du Elf vom Niederrhein, l’hymne local. Mais on s’aperçoit rapidement que nous sommes les seuls à chanter : les fans de Gladbach restent cois pendant leur hymne, sans doute un boycott en relation avec la banderole appelant au maintien de la règle 50+1. Pourtant, Gladbach est, avec Freiburg et le BVB l’un des trois clubs qui a récemment indiqué au Bild qu’il était opposé à tout assouplissement de la règle. Le combat continue !
Heureusement, le boycott ne s’est pas étendu au-delà de l’hymne et c’est dans une superbe ambiance que s’est déroulé ce Borussen-Derby. Peut-être le déplacement le plus sympa de la saison, une vraie rivalité mais pas la haine parfois pesante d’un Revierderby. Si l’on s’ennuie un peu en ce moment au Westfalenstadion rayon ambiance, on reste en revanche sur deux très gros déplacements en Bundesliga à Köln et Gladbach, on est contents d’en avoir profité car la suite, avec les boycotts contre Augsburg et à Leipzig, puis les Sonntagsspiele contre Francfort et Hanovre, s’annonce un peu moins excitante.
Le trio magique
Malgré l’état lamentable de la pelouse – ou plutôt de la pelure – et les appuis précaires, les équipes ont essayé de jouer au football et ont livré un match plutôt animé, même si cela a parfois viré à la guerre des tranchées. Roman Bürki nous a sauvés une première fois devant Stindl, alors que le BVB, lui, n’a pas laissé passer sa chance sur sa première véritable occasion. C’est Marco Reus qui fait taire les ingrats du Borussia Park qui le sifflait – six ans après son départ ! – en ouvrant le score d’une frappe lobée somptueuse. Mais c’est toute l’action qui est splendide, surtout sur un terrain aussi lamentable : la vista de Götze pour une ouverture de quarante mètres, l’intelligence de jeu de Schürrle qui temporise, ignore trois coéquipiers dans la surface pour tenter la passe transversale la plus difficile qui a complètement pris à revers toute la défense des Fohlen, le talent de Reus finissant le travail. C’est un goal assez symptomatique du BVB actuel, soit une équipe qui fait davantage la différence par le talent de ses individualités que par l’expression d’une véritable force collective offensive. Mais, parfois, cela peut suffire. Même si l’on a eu très peur en fin de première mi-temps mais, après moult tergiversations et recours à la vidéo, l’arbitre finit justement par annuler le but de Vestergaard. L’occasion d’allumer une fois de plus nos rivaux du falsche Borussia avec le traditionnel Maria (I Like it Loud) avant d’aller ravitailler en bières.
Bürki vs. Gladbach
Malheureusement, après la pause et c’est aussi devenu une mauvaise habitude depuis l’arrivée de Peter Stöger, le BVB s’est contenté de gérer son avantage plutôt que de chercher à se mettre à l’abri. Et à part une volée de Reus bien détournée par le gardien Sommer, nous n’avons guère été dangereux en deuxième mi-temps. Mais, heureusement, la doublure de Sommer en équipe de Suisse, notre Roman Bürki, veillait au grain. Notre gardien a fait échec à toutes les tentatives des Fohlen, notamment un double arrêt stupéfiant devant Stindl et Bobadilla ou un arrêt réflexe devant son compatriote Elvedi. Avec onze parades en tout, Roman établit un nouveau record en Bundesliga cette saison et prend le large au classement des gardiens avec le plus de blanchissage. Klasse ! Le talent il l’a, c’est indéniable, il lui reste à trouver constance et concentration ca,r si c’est un gardien qui nous ramène beaucoup de points sur une saison, il nous coûte aussi des buts évitables et cela ternit malheureusement des performances aussi éblouissantes que celle qu’il a réussie dimanche à Mönchengladbach. Nous avons donc tremblé jusqu’au bout, pour notre victoire et pour nos Jungs, surtout lorsque Reus et Schürrle sont restés à terre, mais au final, tout s’est bien terminé : ce n’était pas très beau à voir, un peu chanceux, mais nous sommes sortis du bourbier du Niederrhein sans blessé et avec les trois points. Ouf !
L’opération commando
Nous avons souvent eu l’occasion de l’écrire : depuis l’arrivée de Thomas Tuchel, le BVB était devenu une équipe de beau temps, c’est-à-dire une équipe capable de produire un football de rêve dans des conditions idéales et face à des adversaires un peu complaisants. En revanche, nous sommes beaucoup plus en difficultés dans des conditions difficiles et face à des adversaires plus agressifs. Et cela s’explique en grande partie par la volonté de notre ancien entraîneur de privilégier les joueurs rapides et techniques aux besogneux et aux guerriers. Le jeu très offensif prôné par Peter Bosz n’a fait que mettre encore plus en lumière nos carences dans la difficulté. Paradoxalement pour un club de mineurs, nous n’étions plus capables de gagner un match en allant au charbon et c’est l’une des raisons du relatif divorce entre l’équipe et les fans avec le baisse d’ambiance au Westfalenstadion que nous avons tous constatée. Peter Stöger tente clairement de revenir à un jeu plus combattif. En ce sens, être capable d’aller gagner un match dans ce bourbier, avec les tripes, en allant au charbon, est un pas dans la bonne direction.
Mais il ne faut pas se leurrer : notre équipe n’est pas taillée pour jouer de la sorte ; par exemple, Julian Weigl fait des efforts méritoires pour jouer de manière plus défensive, on le voit tacler comme jamais, mais ce n’est clairement pas là qu’il est le meilleur. Nous avons aussi eu de la chance de tomber sur une équipe de Gladbach, capable du meilleur (c’est le seule qui a battu le Bayern, toutes compétitions confondues, depuis le retour de Jupp Heynckes) comme du pire mais actuellement en plein crise de confiance offensive. Il y a toujours un risque à jouer contre-nature et nous l’avons encore constaté lors du match d’Europa League contre Atalanta (malgré la qualification miraculeuse). Mais malheureusement, il va falloir faire avec jusqu’à la fin de la saison et tenter une opération commando pour sauver ce qui peut encore l’être : soit une place dans les quatre premiers et un parcours le plus long possible en Europa League. En attendant la trêve estivale pour effectuer les ajustements de l’effectif promis par Hans-Joachim Watzke et Michael Zorc pour corriger l’erreur qu’ils ont faites de céder à la hype Barcelona et d’avoir suivi Tuchel dans sa volonté d’imposer un jeu détesté par l’immense majorité des fans et guère adapté à la Bundesliga. Histoire de retrouver une équipe capable de s’imposer beaucoup plus régulièrement en allant au charbon. Wir sind aus Kohle und Stahl !
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