Il y a sept ans presque jour pour jour, le 11 décembre 2011, c’est dans une autre ambiance que ce week-end que s’était joué le Klassiker : Brême était encore un club qui comptait en Allemagne et en Europe alors que le BVB caracolait en tête de la Bundesliga. Trois jours après avoir atomisé le champion d’Europe en titre, l’Inter Milan, le Werder Brême avait alors connu un dur retour sur terre en s’inclinant 2-0 sur la pelouse d’un Borussia Dortmund une nouvelle fois impérial.
Habitué aux podiums de la Bundesliga, le Werder Brême constitue l’une des grandes déceptions de ce 1er tour. La faute en premier lieu à une longue série de blessés qui a contraint l’entraîneur Thomas Schaaf à aller chercher jusqu’à cinq joueurs dans la deuxième équipe, lanterne rouge en Dritte Liga, pour compléter la feuille de match, ou, pire, à titulariser Mickaël Silvestre. Mais les blessures n’expliquent pas tout : le Werder paie aussi une politique de transferts consistant à laisser régulièrement partir ses meilleurs éléments pour les remplacer par des joueurs plus jeunes, moins chers et moins cotés. Ce genre de pari ne peut pas réussir chaque année, surtout que l’été dernier le départ de Mesut Özil n’avait pas vraiment été planifié puisque le Werder a hésité à lui délivrer son bon de sortie presque jusqu’à la fin du mercato. Du coup, orphelins de leur maître à jouer, les Werderaner n’ont pas retrouvé toute la verve offensive qui leur permettait habituellement de pallier aux carences congénitales de leur défense. Toutefois, c’est une équipe brêmoise en regain de forme qui vient défier le leader Dortmund dans son antre du Westfalenstadion puisqu’elle reste sur trois blanchissages consécutifs, ce qui ne lui arrive pas souvent, avec en dernier lieu un succès de prestige 3-0 contre l’Inter Milan.
Un amour de coup franc
Les Brêmois vont cependant rapidement se rendre compte que leur adversaire du soir est d’un calibre infiniment supérieur au champion d’Europe 2010. Fort de ses 13 victoires lors des 14 dernières journées, Dortmund met immédiatement le Werder sous pression, avec son jeu caractéristique, soit un intense pressing offensif et une volonté constante d’aller très vite en direction du but adverse. La presse allemande appelle ça du Vollgas-Fussball, je n’aime pas trop le terme mais ça décrit bien l’emprise dortmundoise sur les 25 premières minutes. Après un premier tir trop croisé de Kagawa, la domination du BVB sera récompensée sur un coup franc à l’orée de seize mètres.
Mon voisin dans la Südostribüne me dit « Regarde, juste en face de nous, il y a la place pour passer au-dessus du mur ». Il avait bon pied, bon œil, à ce moment-là de la soirée du moins, car Nuri Sahin dépose une frappe délicate qui retombe juste en-dessous de la lucarne, hors de portée de Tim Wiese. Le jeune Turc formé à Dortmund confirmait là ce statut de meilleur joueur actuel de Bundesliga que lui prête la plupart des observateurs.
Touchés par la grâce
Etouffé en début de match, le Werder va peu à peu refaire surface mais devra attendre la fin de la 1ère mi-temps et une frappe de Hunt arrêtée par Weidenfeller pour se montrer dangereux. Après la pause, les visiteurs démontrent toutefois que, malgré leurs difficultés actuelles, ils conservent l’une des offensives les plus puissantes de la ligue et la pression brêmoise va faire connaître quelques frayeurs au peuple jaune et noir. Mais, même lorsqu’il connaît quelques temps faibles dans un match, Dortmund peut toujours s’appuyer sur une défense de fer autour d’un Mats Hummels une nouvelle fois impérial. A chaque boulette des van Buyten, Demichelis et autres Breno (donc souvent), Uli Hoeness doit maudire le jour où il a signé le contrat cédant au BVB pour une somme modique ce pur produit de la formation du Bayern, jugé pas assez bon pour avoir sa chance avec le Rekordmeister. Et puis le Borussia est actuellement touché par la grâce, on a l’impression qu’il ne peut rien lui arriver ; ainsi, l’arbitre ferme les yeux sur une intervention de Weidenfeller sur Pizarro qui n’était pas loin de valoir un penalty, alors que Pasanen démontre pourquoi il joue latéral et non centre-avant en ratant sa reprise après une première parade de Weidenfeller sur une tentative d’autogoal de Subotic.
Kagawa Shinji là-là-là-là
Alors que l’on s’apprêtait à vivre une fin de match tendue, le BVB va classer l’affaire sur un exploit personnel du joueur polonais de l’année 2010 Jakub Blaszczykowski sur la droite, un centre-tir renvoyé par Tim Wiese sur Shinji Kagawa qui concluait en force. On va attribuer ce but au petit Japonais même si le Polonais Robert Lewandowski, en position de hors-jeu a légèrement dévié le ballon. Disons que ça compensera le but parfaitement valable que ce même arbitre, M. Meyer, avait annulé au BVB lors de la seule défaite de la saison, lors de la 1ère journée contre Leverkusen. Mais on comprend que les fans du Werder n’aient pas été emballés par l’arbitrage, même si au final la victoire du Borussia ne se discute pas. Quant à Shinji Kagawa, il porte son total à 8 buts en 16 matchs (à titre de comparaison, il avait fallu 72 parties au dernier grand meneur de jeu du BVB, Tomas Rosicky, pour arriver à ce total). Enfin, on devrait plutôt dire Kagawa Shinji puisque c’est dans cet ordre que son nom et son prénom sont placés par le speaker Nobby Dickel et par les fans dans la chanson qui lui est consacrée. Il est donc fin prêt pour la Fête fédérale de lutte, quoiqu’avec son mètre 72 et ses soixante kilos, on préfère le voir continuer à enchanter le Westfalenstadion plutôt que d’aller concurrencer les Abderhalden et consorts dans la sciure.
Dans les annales
A 2-0, l’affaire était entendue et l’ambiance, déjà très festive au coup d’envoi entre marché du Noël, chants de Noël et Schal-la-la Tag, pouvait atteindre des nouveaux sommets. S’il y a bien un qualificatif qui ne s’applique pas au public dortmundois, c’est celui d’événementiel, lui qui est toujours venu à plus de 72’000 fans en moyenne par match pendant les cinq longues années où le club végétait dans le ventre mou du classement. Alors, lorsque cette patience et cette indulgence sont enfin récompensées, ça fait du bruit, beaucoup de bruit. C’est donc dans une totale communion que les supporters ont remercié, pour cette dernière sortie 2010 à domicile, leurs joueurs pour un premier tour qui, quoiqu’il advienne par la suite, restera dans les annales comme le meilleur de l’histoire du club. Et peut-être même le meilleur de toute l’Histoire de la Bundesliga si le BVB s’impose samedi prochain à Francfort…
Borussia Dortmund – Werder Brême 2-0 (1-0).
Signal Iduna Park, 80’720 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Meyer.
Buts : 9e Sahin (1-0), 70e Kagawa (2-0).
Dortmund: Weidenfeller; Piszczek, Subotic, Hummels, Schmelzer; Bender, Sahin (67e da Silva); Blaszczykowski, Kagawa, Götze (79e Grosskreutz); Barrios (60e Lewandowski). Entraîneur: Jürgen Klopp.
Werder: Wiese ; Schmidt, Mertesacker, Prödl, Pasanen ; Frings, Frtiz (79e Jensen); Bargfrede (69e Thy), Hunt, Marin; Pizarro (66e Wagner). Entraîneur: Thomas Schaaf.
Cartons jaunes: 12e Bargfrede, 31e Fritz, 39e Bender, 52e Pizarro, 83e Prödl, 91e Jensen, 92e Kagawa.
Notes: Dortmund sans Kehl, Kringe ni Owomoyela (blessés), Brême sans Almeida (suspendu), Naldo, Arnautovic, Wesley, Borowski, Vander ni Boenisch (blessés).
Classement (16 matchs): 1. BVB 43 2. Leverkusen 32 3. Hanovre 31 4. Mainz 30 5. Freiburg 27 6. Bayern 26 7. Hoffenheim 24 8. Francfort 23 9. Hambourg 21 10. Schalke 19 11. Nürnberg 19 12. Brême 19 13. Kaiserslautern 18 14. Wolfsburg 18 15. St. Pauli 17 16. Köln 15 17. Stuttgart 12 18. Mönchengladbach 10.
0 commentaire