Le 30 avril 2013, le BVB se qualifiait pour la deuxième finale de Königsklasse de on Histoire. Après avoir laissé passer l’orage madrilène dans le premier quart d’heure, le Borussia Dortmund semblait se diriger vers une qualification sans trop d’histoires pour la finale de la Ligue des Champions. Mais, fidèles à ce qu’ils offrent depuis trois saisons, les Pöhler ont mis un point d’honneur à procurer quelques frissons à leurs supporters. Lesquels ont pu ajouter de nouveaux instants magiques à une collection qui commence à devenir très longue. Et qui pourrait s’allonger le 25 mai à Wembley, seize ans après Munich.
Il y a quelques semaines, je suis fortuitement (enfin pas complètement) tombé sur une rediffusion de la demi-finale de la Ligue des Champions 1997 au cours de laquelle le Borussia Dortmund avait éliminé à Old Trafford le grand Manchester United de Cantona, Schmeichel, Beckham et consorts. A la fin du match, il y avait eu quelques gros plans sur les fans jaunes et noirs en transe ; je m’étais alors dit « moi aussi, quand je serai grand, je veux vivre ces moments avec mon club favori ». Finalement, je suis devenu grand (et sage) plus tôt que prévu puisque ces instants de grâce d’une qualification pour une finale européenne, j’ai pu les vivre mardi dans une autre enceinte mythique du foot européen. Les chants ininterrompus durant nonante minutes (et même un peu plus…), l’explosion de joie au coup de sifflet final, les longues minutes de communion avec les joueurs et le retour de Jürgen Klopp pour la ola une demi-heure après la fin du match dans un stade qui n’était plus rempli que des fans dortmundois, inutile de préciser que, mardi soir, on a de nouveau engrangé quelques souvenirs pour la vie, de ces moments qui justifient au centuple les quelques menus sacrifices qu’il faut consentir pour accompagner son équipe sur tous les terrains d’Allemagne et d’Europe.
Le grand frisson
Ces moments magiques, on a bien failli ne pas les vivre. Pourtant, à dix minutes de la fin, la qualification semblait une formalité. Le Real Madrid avait fait illusion dans le premier quart d’heure avec trois grosses occasions mais Roman Weidenfeller, dans la forme de sa vie, a sauvé devant Gonzalo Higuain et Cristiano Ronaldo, alors que Mesut Özil, seul devant Weidi, a tiré à côté. Bien fait pour lui, il n’avait qu’à pas naître à Gelsenkirchen. Mais, à part cette entame tonitruante qui aurait pu changer bien des choses si elle s’était soldée par un but, l’encéphalogramme des Merengue est longtemps resté plat avec une difficulté incroyable à s’approcher du but dortmundois et à inquiéter une défense dirigée par un Mats Hummels seigneurial. Santiago Bernabeu avait abdiqué depuis longtemps, si tant est qu’il y ait cru un moment, et l’on célébrait déjà la qualification.
Puis est venu l’accident, sous la forme d’un centre d’Özil repris par Karim Benzema pour une ouverture du score qui a changé l’âme du match. La défense jaune et noire a reculé et le Real est enfin parvenu à s’approcher du but adverse. Weidenfeller a sauvé sur une frappe de Benzema mais a dû s’incliner sur une reprise de Sergio Ramos après un long siège devant le but dortmundois. Il restait deux minutes à jouer plus des arrêts de jeu que l’on devinait exagérément longs puisque l’on sait depuis Suisse – Espagne qu’Howard Webb est toujours prompt à rajouter beaucoup de temps lorsque ses amis espagnols sont en difficulté. Et ça n’a pas raté avec six interminables minutes d’arrêts de jeu qui resteront parmi les six plus longues minutes de ma vie avec un assaut en règle du but dortmundois, quelques corners et une tête de Ramos juste à côté qui a sans doute raccourci mon existence de dix ans. Avant l’ultime coup de sifflet libérateur…
Frayeurs inutiles
Dans quelques années, lorsque l’on se remémorera avec émotion cette demi-finale retour, on rigolera de cette fin de match rocambolesque qui finalement ne fait qu’ajouter au caractère épique du périple dortmundois cette saison en C1. Mais, sur le moment, on se serait bien passé de ces frayeurs tardives que le BVB aurait pu et dû s’épargner. Car, si l’on excepte le premier quart d’heure et cette fin de partie, les Bubis ont largement maîtrisé ce match retour : mieux disposés sur le terrain, vainqueurs dans les duels, plus à l’aise techniquement, emmenés par un immense Marco Reus, les hommes de Jürgen Klopp ont fait tout juste. Sauf à la finition, avec un nombre incalculable d’occasions ratées d’assommer définitivement le Real. On pense à ce tir au-dessus de Lewandowski, au boulet de canon de ce même Lewandowski qui s’est écrasé sur la latte, à cette reprise de Gündogan qui trouve le moyen de viser Diego Lopez seul à quatre mètres du but ou encore à cette tête à côté ou cette frappe contrée de Lewandowski…
Cette domination dortmundoise était d’autant plus méritoire que le BVB a rapidement été privé de son joyau Mario Götze, sorti sur blessure. C’est l’un des enseignements de ces demi-finales : les deux clubs espagnols ont beaucoup larmoyé sur leurs blessés et les soucis physiques de leur superstar respective. A l’inverse, les Allemands ont encaissé sans broncher des défections de poids, Götze pour Dortmund, la charnière centrale type (Badstuber/Dante) en partie à l’aller et en totalité au retour, le meneur de jeu (Kroos) sur les deux manches et le meilleur buteur (Mandzukic) à l’aller pour le Bayern. Ou la différence entre deux clubs où prime le collectif et deux autres qui reposent essentiellement sur des individualités surpayées. Et la différence entre une mentalité où l’on va puiser dans l’adversité une motivation supplémentaire et une autre où l’on préfère se réfugier derrière les excuses bidon pour expliquer ses échecs. Il suffit de comparer l’attitude des deux formations mardi envers l’arbitre, impassible pour le BVB, toujours en train de pleurnicher pour le Real, le Prix Nobel Sergio Ramos en tête, pour s’en convaincre.
En territoire conquis
Pour être franc, on n’a pas fait preuve d’une humilité folle mardi soir à Madrid car on avait commencé à fêter la qualification bien avant le coup d’envoi après la démonstration du match aller. Dès notre arrivée dans la cité castillane, on dégotte un bar qui sert des délicieuses choppes à 1 euro, décidément j’adore l’Espagne. Le soleil faisant une timide apparition, on tente une sortie sur la Plaza Mayor. Faute de billets en suffisance, mon Fanclub suisse est réduit à trois membres mais mes amis Dominik et Matze font honneur à la patrie en lançant la plupart des chants qui résonnent sur la place. Le ton monte encore d’un cran sur une Puerta del Sol complètement investie par la marée jaune et noir, sous les yeux ébahis des Espagnols guère habitués à une telle ferveur. Cela virera carrément à l’émeute quelques minutes plus tard sur la Calle del Carmen avec des « Hinsetzen » et « Humba Humba Täterä » comme aux plus belles heures des Meisterfeier, les chants résonnent entre les immeubles, alors que, déjà, les slogans anti-Bayern Munich sont repris en cœur. Quelques touristes japonais vivent l’émotion de leur vie en se retrouvant entourés de plusieurs centaines d’excités, bières à la main, braillant des « Kagawa Shinji-la-la-la-la » à tue-tête. Même sans aller au stade, rien que cette bonne heure de pure hystérie collective aurait valu le déplacement.
Très cher Bernabeu !
Mais, après quelques nouvelles haltes dans des bars, on a fini par y aller au stade et, après avoir déjoué la vigilance des peu sympathiques policiers madrilènes, nous arrivons dans un Gästeblock en ébullition. En face, les adolescents du kop merengue ont dû obtenir la permission de minuit pour cette demi-finale, car ils sont bien 500 à être debout derrière le but contre 50 en match de poule. Cela reste trop peu face aux 8’000 fans venus de la Ruhr car le reste du stade, lui, en dehors d’un tifo, quelques « Madrid, Madrid » ici ou là et, bien sûr, des sifflets envers l’adversaire est resté bien calme. Sa remontada, le Real a dû la tenter sans appui de son public. D’ailleurs, en voyant le prix exorbitant indiqué sur les billets, pourtant situés en sixième anneau, cela confirme qu’en Espagne le football est une affaire de riches, surtout si je compare avec ce que je paie pour mes Dauerkarten à Dortmund. Sur l’ensemble des deux matchs, le public a peut-être aussi fait la différence.
Steuerzahler steh auf !
Et en finale, contre l’ogre Bayern Munich, le Borussia aura à nouveau besoin de ses fans. En ce sens, le duel entre les deux meilleures équipes du monde samedi au Westfalenstadion est moins anecdotique qu’il n’y paraît. Cette saison, les confrontations bavaro-dortmundoises ont globalement tourné en faveur du Rekordmeister (2-1 en Supercup, 1-0 en DFB-Pokal, 1-1 en Bundesliga). Mais c’était toujours à l’Allianz-Arena. Il ne fait guère de doute que, même si les deux clubs recevront le même nombre de billets et que Wembley ressemble plus à l’aseptisée Allianz-Arena qu’au chaudron du Westfalenstadion, le temple londonien sera acquis à la cause du BVB. Comme l’avait été l’Olympiastadion berlinois en mai dernier lors du triomphe du Borussia contre le Bayern (5-2) en finale de DFB-Pokal. Le Rekordmeister voudra donc prouver samedi qu’il peut aussi dompter son rival dans une ambiance hostile, alors que Dortmund aura à cœur de démontrer qu’il a réduit son retard sur le Bayern depuis le match de Coupe de février, outrageusement dominé par les Bavarois, malgré l’étroitesse du score. C’est donc un nouveau gros match que l’on s’apprête à vivre samedi ; en plus, Uli Hoeness ayant annoncé sa présence, ce sera l’occasion pour le Westfalenstadion d’étrenner le chant créé mardi dans les rues de Madrid « Steuerzahler steh auf ». Enorme. Elles vont paraître interminables les trois semaines avant cette finale.
Ligue des Champions 2012-2013, demi-finale retour:
Real Madrid – Borussia Dortmund 2-0 (0-0). Aller: 1-4.
Santiago Bernabeu, 79’429 spectateurs (guichets fermés).
Arbitre : M. Webb.
Buts : 82e Benzema (1-0), 88e Ramos (2-0).
Real: Lopez; Essien, Varane, Ramos, Coentrao (57e Kaka) ; Modric, Xabi Alonso (67e Khedira) ; di Maria, Özil, Ronaldo ; Higuain (57e Benzema). Entraîneur: José Mourinho.
Dortmund : Weidenfeller; Piszczek, Subotic, Hummels, Schmelzer; Gündogan, Bender (91e Santana); Blaszczykowski, Götze (14e Grosskreutz), Reus; Lewandowski (87e Kehl). Entraîneur: Jürgen Klopp.
Cartons jaunes: 26e Coentrao, 43e Higuain, 43e Gündogan, 45e + 2 Bender, 79e Ramos, 81e Khedira, 83e Weidenfeller.
Notes: Real sans Marcelo (blessé), Dortmund au complet.
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