Un score nul et vierge après un match médiocre dans le ventre mou du classement : a priori, sauf si cela ne fait pas rêver. Sauf si le match en question a lieu à Dresde… Reportage chez les supporters les plus excités d’Allemagne.
Les fans du Borussia Dortmund ont longtemps fait figure de référence absolue dans le football allemand. Et nous restons toujours une référence, avec notre capacité de mobilisation, la taille de notre mur jaune, le bruit après un goal… Mais d’un autre côté, le succès est aussi passé par là et il n’a pas eu que des conséquences positives dans l’ambiance de notre Westfalenstadion. Davantage d’attentes, un public plus blasé, des nouveaux fans qui ne partagent pas forcément les valeurs du club, nous nous sommes un peu embourgeoisés, les exigences sont montées et nous n’avons plus seulement des supporters qui viennent au stade juste pour l’amour du maillot et chanter quel que soit le résultat. Maintenant, il existe des ambiances plus déjantées, plus authentiques, plus fidèles, plus enthousiastes, plus ultras. Francfort, Magdeburg, 1860 München, Rostock, St. Pauli, Union Berlin… Et puis il y a Dresde, sans doute les fans les plus réputés d’Allemagne à l’heure actuelle : par leur folie, par leurs Choreos grandioses, par leurs délires pyrotechniques… Par leur excès aussi.
La messe du dimanche matin
Un match du BVB un lundi, ça a au moins un avantage : ça laisse un peu le temps de musarder le week-end précédent en Allemagne. A Dresde par exemple. Car si on doit attendre que le Dynamo retrouve la Bundesliga pour lui rendre une petite visite, ça risque de prendre un peu de temps. Le Dynamo n’était pas si loin d’une place de barragiste à la fin du premier tour. Mais un début de Rückrunde catastrophique, avec trois défaites, dont une à domicile contre Bielefeld (3-4, après avoir mené 3-1) et une à Hambourg (1-0, sur une erreur du gardien en fin de match malgré l’appui de 8’000 fans (!) un lundi soir), les ont ramené plus proche de la zone de relégation que de la promotion.
Six jours après ce fameux déplacement à Hambourg et le déluge pyrotechnique qui a fait le tour de l’Allemagne, les fans du Dynamo retrouvent leur Rudolf-Harbig-Stadion. Je n’étais pas revenu depuis sept ans mais c’est toujours la même folie. Le match est programmé le dimanche à 13h30 mais, dès 11h, les Biergarten sont bondés, la bière et le schnaps coulent à flot. La messe locale du dimanche matin. Ou plutôt le culte car la plus célèbre église de la ville, la Frauenkirche, est bien d’obédience luthérienne.
Un mauvais timing de visite m’a même amené à y assister à un culte (et à serrer la main du pasteur) mais c’était à autre moment du week-end.
A Dresde, le dimanche matin, on boit la bière et j’ai toujours pour habitude de sacrifier aux traditions locales. Le stade est situé à côté du jardin botanique et, même si la végétation est encore un peu décharnée en ce mois de février, les Biergarten sont cachés au milieu de la verdure, c’est vraiment un endroit sympathique.
Fankultur
Après cet apéro prolongé, je fais un saut auprès des ultras, histoire de cotiser pour un prochain Choreo, recevoir le fanzine très revendicatif en remerciements et ramener quelques stickers collectors.
Une nouvelle halte au bar et je prends place, sagement, en tribune latérale.
C’est très mal vu dans la Fankultur d’aller s’asseoir dans les virages de fans si tu ne maîtrises pas les chants : on s’énerve assez contre les troupeaux de touristes qui ne respectent pas ce principe essentiel au Westfalenstadion pour ne pas le mettre en œuvre quand on fait nous-mêmes du tourisme. Néanmoins, la vue est imprenable sur le mur jaune du Dynamo. L’avant-match commence par le visionnage sur l’écran géant des huit buts encaissés par le Dynamo à Köln. C’est un autre mantra de la Fankultur : si tu n’es pas capable d’assumer les heures moins glorieuses de ton club favori et de rester stoïque dans la défaite, même les plus humiliantes, tu n’as rien à faire là. Puis viennent une flopée de buts du Dynamo, histoire de montrer qu’il ne peut y avoir de grandes victoires sans grandes défaites. Une sorte d’anti-Bayern et son football sur papier glacé où il n’y a de la place que pour les trophées, la Ligue des Champions et le prestige. Inutile de préciser que je me sens nettement plus à l’aise dans cette ambiance-là qui sent la bière, la saucisse et la ferveur que dans le silence blasé des clients du supermarché l’Allianz-Arena. Malheureusement, si notre Westfalenstadion ressemblait jadis beaucoup au Rudolf-Harbig-Stadion, il a de plus en plus tendance à se bayerniser (j’exagère un peu, on en est encore loin mais la tendance ne va pas dans le bon sens).
Le néant au milieu du chaos
Plus de 25’000 fans ont répondu présents (le stade peut en contenir 30’000), dont 500 fans des Bavarois du Jahn Regensburg. Le chant du Dynamo, avec les écharpes qui se tendent, est repris avec une ferveur qui donne des frissons. Et cela fait plaisir de voir un virage entier qui reprend les chants et suit les chorégraphies, sans avoir la moitié des mecs immobiles qui prennent des selfies. Et de la ferveur, les fans du SG vont en avoir besoin pour supporter la prestation assez consternante de leur équipe. La qualité technique est inversement proportionnelle à l’ambiance, c’est-à-dire très médiocre. Le match tourne rapidement au festival de contrôles ratés, de passes manquées et de centres derrière le but. Situé à peine devant le Dynamo, Regensburg ne montrer à peu près rien. Le SSV Jahn a tiré une fois sur le poteau, en début de seconde mi-temps mais sinon ce fut le néant. Aligné à la pointe de l’attaque bavaroise, l’ancien buteur de nos U23 Hamadi Al Ghaddioui ne s’est distingué qu’une seule fois du match : en cherchant à gagner du temps lors de sa sortie du terrain à la dernière minute. A priori, ce 0-0 convenait parfaitement à Regensburg qui restait sur deux défaites sans marquer le moindre but.
Les sifflets du Rudolf-Harbig-Stadion
Après trois défaites et devant son public, Dresde se devait lui de se montrer plus entreprenant. Et il l’a été. Malgré leurs difficultés à aligner plus de trois passes consécutives, les Dresdner ont quand même eu les occasions pour l’emporter. Qu’ils ont gâchées avec une rare application : même quand la défense bavaroise leur a offert des boulevards, il a manqué la dernière passe ou le dernier geste. Et puis quand, enfin, le Dynamo est parvenu à se trouver en position de marquer, il s’est heurté à un super gardien dans les buts du Jahn, Philipp Pentke. A quatre reprises en première mi-temps, le portier vétéran de Regensburg a fait obstacle à Koné, Duljevic et deux fois Ebert, le capitaine, ancien enfant terrible du Hertha de Lucien Favre.
Déjà pas fameux en première mi-temps, le match va encore descendre d’un cran après la pause. Il y a beaucoup d’énervement et de frustration, des cris de dépit et de mécontentement commencent à s’élever des tribunes. Au milieu de tout cela, notre Dortmundois prêté au Dynamo Dzenis Burnic a au moins trouvé du temps de jeu en disputant la totalité du match mais il a été loin de crever l’écran. Après une dernière tête ratée du joker Atilgan à la dernière seconde, le match s’est donc terminé sur un pauvre 0-0. Et même à Dresde, il y a eu des sifflets pour accueillir ce résultat. Pourtant, les fans ne demandaient qu’à s’enflammer et à célébrer en grandes pompes une victoire arrachée sur un but tout moche. Mais ils reviendront au prochain match, n’en doutons point…
A recommander
Je ne le savais pas encore en quittant le stade mais ce n’était que mon premier 0-0 du week-end, avant Nürnberg – BVB. Néanmoins, je ne puis que recommander à tous les fans d’ambiances déjantées et de Fankultur le déplacement de Dresde.
C’est maintenant qu’il faut y aller. Le jour où ils auront du succès, cela deviendra impossible de trouver des billets puis, si le succès se prolonge, ils s’embourgeoiseront, comme nous. Mais en attendant, c’est vraiment une expérience à vivre une fois. Et puis la ville est magnifique, bien qu’entièrement bombardée à la fin de la deuxième guerre : tous les monuments ont été reconstruits, il y en a une telle profusion que cela donne le tournis, avec en vedette la Frauenkirche, le Zwinger, le Semperoper et le Residenzschloss. L’arrivée du printemps sur les bords de l’Elbe, avec l’ouverture des premiers Biergarten, la vie nocturne trépidante et plutôt alternative de la Neustadt, l’ambiance du Rudolf-Harbig-Stadion : Dresde, ce n’est que du bonheur. Même par un week-end de 0-0 pourris.
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